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Les jurisprudences récentes en droit des marchés publics

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Les jurisprudences récentes en droit des marchés publics

BELLANGER, François

BELLANGER, François. Les jurisprudences récentes en droit des marchés publics. In: Zufferey, Jean-Baptiste. Aktuelles Vergaberecht 2010 = Marchés publics 2010 . Zürich :

Schulthess, 2010. p. 403-420

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41253

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Les jurisprudences récentes en droit des marchés publics

François Bellanger, Professeur à l'Université de Genève, avocat

Aperçu

I. Introduction

II. Le champ d'application du droit des marchés publics

·A Les adjudicateurs au sens de la LMP B La notion de marche public

C La définition restrictive des services selon la LMP D L'évaluation du marché

E Les exceptions

III. La procédure d'adjudication A Le depot des offres

B Les sous-critères C La clause de minimis D L'exclusion d'une offre

E Les offres anormalement basses F L'interruption de la procédure G La conclusion du contrat

rv.

La procédure de recours A L'accès au recours

B La question de principe C La qualité pour recourir

1. Une extension de la qualité pour recourir 2. Les consortiums

V. Conclusions

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François Bellanger

1. Introduction

Les deux dernières années ont donné lieu à une assez abondante jurisprudence du Tribunal fédéral et du Tribunal administratif fédéral réunie par un dénomi- nateur commun: des précisions plutôt qu'une révolution. Près de quinze ans après l'entrée en vigueur du droit des marchés publics et de nombreux arrêts de principe les premières années, ce domaine est désormais relativement bien balisé. Il reste toutefois des volets de la matière dans lesquels une évolution de la jurisprudence était nécessaire, comme par exemple le domaine des conces- sions, ou des précisions requises. Nous allons consacrer cet article à mettre en évidence les principaux arrêts.

2 Nous avons fait le choix de nous concentrer sur la jurisprudence publiée ou non des deux juridictions fédérales. Compte tenu de l'espace disponible, il ne nous était malheureusement pas possible d'aborder également la jurispru- dence cantonale. Nous ne traiterons pas plus des questions relatives à l'effet suspensif et au droit de la concurrence qui font l'objet d'études approfondies dans cet ouvrage. Nous présenterons successivern"ent les arrêts concernant le champ d'application du droit des marchés publics (II.), la procédure de passa- tion des marchés (III.) et des recours (IV) en distinguant dans chacune de ces catégories les thèmes pertinents.

Il. Le champ d'application du droit des marchés publics

A Les adjudicateurs au sens de la LMP

3 L'Assurance Vieillesse et Survivants (AVS) et !'Assurance invalidité (AI) ont lancé le 15 septembre 2008 un appel d'offre.pour l'achat de prothèses auditi- ves. L'offre s'adressait aux fabricants de prothèses disposés à respecter les prix maximaux par catégories de prothèses fixés par l'Office fédéral des assurances sociales. La première étape du marché visait à sélectionner des fabricants in- téressés à participer à ces conditions. La seconde étape du marché devait per- mettre le choix d'un nombre réduit de participants avec lesquels un contrat serait conclu. Ce marché a posé des questions intéressantes au regard de l'ap- plicabilité du droit des marchés publics et de la qualité pour recourir1.

4 La Loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics2 ne s'applique qu'aux adjudicateurs soumis à celle-ci selon son article 2. Cette disposition, telle que complétée par l'article 2 OMP, comprend au moins toutes les unités

Voir, infra, IV. C. 1.

RS 172.056.l;«LMP».

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de l'administration fédérale qui sont visées à l'annexe 1 de !'Appendice de l' AMP3 , sans que cette liste ne soit limitative. La notion d' «administration générale de la Confédération», contenue à l'article 2, alinéa 1, litt. a, LMP, n'inclut en principe pas les entités décentralisées ayant la personnalité juri- dique; l'existence de la personnalité juridique constitue ainsi un indice de la non-appartenance d'une entité à cette administration générale4 ; de plus, il faut procéder à une analyse détaillée de l'ensemble des caractéristiques de l'entité en cause et du marché qu'elle entend passer.

Dans le cas particulier, le Tribunal administratif fédéral a procédé à cette ana- 5 lyse pour l' AVS et l' AI. Il a d'abord constaté que ces deux entités n'ont pas de personnalité juridique, voire n'ont qu'une personnalité juridique partielle.

Sans pour autant définir ce que signifierait cette notion de personnalité ju- ridique partielle, le Tribunal administratif fédéral conclut qu'elle ne suffirait en toute hypothèse pas pour exclure l'AVS et l'AI du champ des pouvoirs adjudicateurs au sens de la LMP5. Mais cette conclusion ne signifie pas pour autant que ces entités soient des adjudicateurs du fait de leur organisation très particulière, comprenant des unités tant au plan fédéral que cantonal. Le Tri- bunal administratif fédéral déclare laisser cette question ouverte dans l'arrêt, mais en réalité il tranche ce point en affirmant finalement que l'AVS et l'AI n'ont pas la personnalité juridique et que l'OFAS est donc seul compétent pour procéder à des achats pour leur compte6.

Le Tribunal administratif procède ensuite à une analyse détaillée de la ques- 6 tion de l'intervention d'un adjudicateur soumis à la LMP pour ses propres marchés lorsqu'il effectue des achats pour des tiers. Il admet dans le cas d'es- pèce que l'OFAS puisse conclure des marchés pour le compte de l'AVS et de l'AI dès lors que ces entités n'ont pas la personnalité juridique, que l'OFAS est la seule autorité pouvant intervenir pour leur compte et que l'annexe 1 de

!'Appendice I de l'AMP ne permet pas d'arriver à une solution contraire7 .

B La notion de marche public

Confronté une nouvelle fois, dix ans après l'arrêt Decaux8, à la question 7 de l'applicabilité du droit des marchés publics à la mise au concours d'une concession d'affichage sur le domaine public genevois, le Tribunal fédéral a

4

ATAF 2008/61 consid. 3.2 (25.11.2008).

ATAF 2008/61 consid. 3.3 et 3.4 (25.11.2008).

ATAF 2008/61 consid. 3.5.1 (25.11.2008).

ATAF 2008/61consid.3.7.3 (25.11.2008).

Ibid.

ATF 125 I 209.

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François Bellanger

saisi l'occasion de préciser sa jurisprudence s'agissant de la notion de «marché publie»9.

8 La Ville de Genève a mis en soumission le renouvellement de la concession d'affichage papier sur son domaine public pour la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012. Le marché devait être attribué selon une procé- dure sélective. La société X. SA a déposé un dossier de candidature tout en contestant les conditions du marché par un recours au Tribunal administratif genevois. Par arrêt du 19 décembre 2006, cette juridiction a déclaré le recours irrecevable, faute de décision attaquable, considérant notamment au vu de l'ATF 125 I 209 que les voies de droit prévues en matière de marchés publics n'étaient pas applicables en cas d'octroi d'une concession. Dans l'intervalle, la société X. SA a été admise au second tour et a pris connaissance du dossier de procédure et du cahier des charges. Ce dernier imposait à son chiffre 19 au concessionnaire d'assurer la mise en place et la gestion d'un système dit de vélos en libre service impliquant des obligations importantes en faveur de la Ville de Genève avec la remise en prêt de 500 vélos, la remise en propriété de 40 stations automatisées où seraient stationnés les vélos destinés aux usagers, l'entretien, la réparation et le remplacement des vélos ainsi que la prise en charge des frais d'exploitation comprenant notamment les charges salariales. Les vélos devaient pouvoir être pris et rendus dans chacune des stations, dont le fonctionnement serait automatisé ou assuré par du personnel. Le conces- sionnaire avait en outre l'obligation d'assurer que les vélos soient «accessibles à la plus large part de la population, tant du point de vue financier que des facilités d'usage et aspects pratiques». Il lui appartenait égale~ent de veiller à ce que les vélos soient toujours correctement répartis entre les différentes stations, afin d'assurer en permanence leur disponibilité pour les usagers sur l'ensemble de la Ville. Ce rééquilibrage devait se faire au moyen de véhicules

«peu ou pas polluants». Enfin, le concessionnaire était tenu d'encaisser auprès des usagers une contribution fixée par la Ville, qui devait lui être rétrocédée

«en intégralité».

9 La société X. a saisi immédiatement le Tribunal administratif genevois d'un nouveau recours affirmant que vu la nature et l'ampleur de cette prestation, la procédure avait désormais toutes les caractéristiques d'un marché public dont les conditions pouvaient être contestées en justice lors de l'appel d'offres déjà.

Par arrêt du 20. mai 2008, le Tribunal administratif a déclaré le recours irre- cevable, en reprenant la motivation développée dans sa précédente décision.

La Société X. SA a formé un recours en matière de droit public contre cet arrêt10.

9 10

ATF 135 II 49.

Ce recours a été jugé recevable, car le Tribunal fédéral a admis l'existence d'une question de principe (voir infra, IVB.).

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Les jurisprudences récentes en droit des marchés publics

Après avoir laissé ouverte la question de l'application éventuelle de l'article 2, alinéa 7, de la Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur11- 12 et procédé à une analyse très détaillée de la doctrine, le Tribunal fédéral a admis que de nombreuses questions demeurent controversées sur les liens entre les notions de marchés publics et de concessions, ce qui rendait nécessaire une précision de la jurisprudence, afin d'éviter que des biens et des services qui, au vu de leur nature, ne devraient normalement être acquis par les collectivi- tés publiques que dans le respect des règles sur les marchés publics, n' échap- pent aux garanties procédurales propres à cette matière. Le Tribunal fédéral entendait ainsi éviter qu'une collectivité publique puisse, par le biais de l' oc- troi d'une concession, détourner l'application des règles sur les marchés pu- blics. Tel serait le cas, selon le Tribunal fédéral, si une collectivité subordonnait l'octroi d'une concession à des contre-prestations d'une certaine importance entrant clairement dans la notion de marché public et étant dissociables de la concession. Il se justifierait alors de soumettre l'acquisition de telles presta- tions aux garanties procédurales propres au droit des marchés publics13 .

Appliquant ce principe au marché litigieux, le Tribunal fédéral a commencé par juger que, prises isolément, les seules prestations liées à l'affichage public ne relèvent pas du droit des marchés publics, car la Ville de Genève n'acquiert ni à titre onéreux des moyens utiles à l'accomplissement de ses tâches publi- ques ni ne vise véritablement la poursuite d'un intérêt public; son activité se limite à la concession d'un monopole d'utilisation du domaine public en échange d'une redevance et de certaines prestations annexes que le conces- sionnaire s'engage à lui fournir. En conséquence, selon l'ATF 125 I 209 qui est confirmé sur ce point, l'octroi de ladite concession, en tant qu'elle porte sur l'affichage public, échappe aux exigences issues des marchés publics, sous réserve des conséquences à tirer de l'éventuelle application de l'art. 2 al. 7 LMI. Ce premier volet de l'analyse confirme la notion de marché public telle qu'elle existe depuis l'ATF 125 I 209: il n'existe un marché que si un pouvoir adjudicateur acquiert des fournitures ou des prestations à titre onéreux dans l'intérêt public, notamment pour l'accomplissement d'une tâche publique14.

Le second volet du raisonnement portait sur le cas d'espèce et précisait la ju- risprudence en admettant un paiement de l'adjudicateur autre qu'en espèces et en imposant la dissociation du marché des vélos de la concession, vu ses caractéristiques.

11 12 13 14

RS 943.02; «LM!».

ATF 135 II 49, consid. 4.1.

ATF 135 II 49, consid. 4.3.

ATF 135 II 49, consid. 4.4.

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François Bellanger

13 Compte tenu de l'étendue des obligations liées à la gestion des vélos en libre service, le Tribunal fédéral a considéré qu'il s'agissait d'un moyen de réali- ser une tâche publique, notamment en assurant la promotion de la mobilité douce en ville. Certes, la Ville de Genève ne versait aucune rémunération directe pour ces prestations; toutefois, le Tribunal fédéral a jugé qu'il faut tenir compte de toutes les formes de rémunération. Dans le cas d'espèce, le montant de la redevance que les soumissionnaires étaient prêts à payer pour l'acquisition du monopole d'affichage dépendaient directement des investis- sements qu'ils devaient consentir pour respecter les obligations annexes à la concession; partant, leurs offres seraient d'autant plus basses que les presta- tions annexes qu'ils devraient fournir seront d'un coût élevé. Cette baisse de la redevance qui serait ordinairement versée correspondait au prix des servi- ces rendus pour la gestion du service de vélos. Il y avait donc dans un tel cas bien un «marché» au sens du droit des marchés publics quand bien même ce marché ne répondrait pas à la définition littérale de l'ATF 125 I 20915.

14 En outre, ce système de vélos en libre service est dissociable de la concession d'affichage. Le seul lien est l'élément financier qui n'est pas suffisant. De plus, les prestations liées aux vélos ne correspondent pas aux caractéristiques d'une activité qu'un concessionnaire exercerait à ses risques et profits. Enfin, comme ce système ne peut, vu sa nature et son importance, être assimilé à une simple prestation accessoire à la concession, sa mise en place et son exploitation sont soumis au droit des marchés publics pour autant que les autres conditions lé- gales soient remplies.

C La définition restrictive des services selon la LMP

15 Confronté à un marché de services de surveillance lancé par l'Institut Paul Scherrer, le Tribunal administratif fédéral a confirmé la jurisprudence anté- rieure de la Commission fédérale de recours selon laquelle les marchés de services au sens de l'article 5, alinéa 1, litt. b LMP ne peuvent concerner que les services visés à l'appendice 1, annexe 4 de l'AMP16 ; cette annexe contient une liste exhaustive des services visés par la LMP, les autres services étant ex- clus du champ d'application de la loi. Dans la mesure où une part largement prépondérante du marché portait sur des services ne figurant pas sur la liste de l'appendice 1, annexe

4,

de l'AMP, il ne s'agissait pas d'un marché de· ser- vices au sens de l'article 5, alinéa 1, litt. b, LMP, mais d'un autre marché selon l'article 1, litt. b OMP17.

15 16

17

ATF 135 II 49, consid. 5.

JAAC 69.32, Décision de la Commission fédérale de recours du 30 novembre 2004, consid. le.

ATAF 2008/48 consid. 2.3 (25.09.2008).

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Les jurisprudences récentes en droit des marchés publics

D L'évaluation du marché

Pour les marchés publics soumis à la LMP, le Tribunal administratif fédéral a 16

confirmé la portée de l'article 6 de cette loi qui prévoit des seuils au-delà des- quels la loi est applicable en fonction de la valeur estimée du marché public à adjuger. Pour le Tribunal administratif fédéral seule est pertinente la valeur du marché estimée par l'adjudicateur avant sa mise en soumission; la valeur du marché qui ressort de la décision d'adjudication n'est pas déterminante18.

Cette approche crée un risque de sous-estimation du marché par le pouvoir adjudicateur pour échapper à l'application des règles de la LMP, ce qui im- pose de placer certaines barrières à son pouvoir d'appréciation.

Le premier garde-fou posé par le Tribunal administratif fédéral est le rappel 17

de l'interdiction de subdiviser un marché afin d'éluder les dispositions de la LMP, conformément à l'article 7, alinéa 1, LMP19.

De plus, cette juridiction a confirmé que la procédure applicable est détermi- 18 née par la valeur totale d'un ouvrage même si le pouvoir adjudicateur adjuge plusieurs marchés de construction pour la réalisation de cet ouvrage en ap- plication de l'article 7, alinéa 2, 1 ère phrase LMP20 . Dans le cas particulier, le montant total des travaux était de douze millions de francs pour la première étape de l'assainissement de la Place d'armes de Drognens. Ces travaux étaient répartis en dix lots et seul était litigieux le lot N° 12 pour l'installation de chauffage et de récupération de chaleur. Son montant était bien inférieur à la valeur seuil prévue par la loi, le montant des offres oscillant entre 355 191 francs et 514 832 francs. Toutefois,le Tribunal administratiffédéral a considéré que le marché était formé de l'ensemble des lots et a jugé qu'il était soumis aux règles concernant la procédure ouverte21.

La troisième limite découle de l'obligation de prudence et de bonne foi de 19 l'adjudicateur. Dans une décision incidente du 6 août 2009, le Tribunal admi- nistratif fédéral a souligné que le montant estimé par le pouvoir adjudicateur est déterminant pour apprécier si les seuils prévus par la loi sont atteints et que ce dernier a donc la responsabilité de déterminer. si le marché est soumis à la LMP Il doit donc agir avec sérieux et prudence. Le pouvoir adjudicateur a le droit de se tromper uniquement s'il est de bonne foi. Cette condition ne sera pas remplie si l'adjudicateur sait à l'avance que la prestation adjugée ne suffira pas pour réaliser le projet escompté, mais qu'il utilise son évaluation inférieure afin de rester en dessous des seuils. De plus, même s'il est de bonne foi, le pouvoir adjudicateur est incité à se référer à la marge supérieure de

18 19 20 21

ATAF 2009/18 consid. 2.4 (20.05.2009).

ATAF 2009/18 consid. 2.4 (20.05.2009).

Ibid.

ATAF 2009/18 consid. 2.4.2 (20.05.2009).

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François Bellanger

son estimation pour éviter de retenir une valeur trop basse et de choisir une procédure inappropriée par rapport à la valeur réelle du marché. Dans le cas d'espèce, l'autorité avait commencé par engager une procédure sur invitation dans laquelle l'offre de certaines des recourantes, portant uniquement sur un des lots, dépassait déjà de plus de 1,4 millions de francs le montant estimé pour l'ensemble des travaux alors que l'offre d'une autre recourante, portant sur deux des lots, était supérieure au triple du montant estimé. L'adjudicateur a ensuite interrompu cette procédure pour passer un marché de gré à gré avec un montant de travaux deux fois et demi plus élevé que le montant qu'il avait estimé. Dans de telles circonstances, il est légitime que le bien-fondé de l'estimation puisse être soumis au contrôle du juge. Or, en l'espèce, il parais- sait établi, dans le cadre d'un examen prima facie, que le montant estimé est très éloigné de la réalité et que le Tribunal administratif fédéral pouvait s'en écarter22.

E Les exceptions

20 Dans la même décision incidente, qui concernait l'interruption d'une pro- cédure d'adjudication sur invitation menée par !'Office fédéral des routes (OFROU) pour la réalisation de travaux de réfection de joints de ponts sur la N9 Vennes-Villeneuve, suivie par une procédure de gré à gré pour les mêmes travaux, le Tribunal administratif fédéral a donné une interprétation détaillée de la portée de l'exception à l'application de la LMP prévue à l'article 3, ali- néa 2, litt. b de cette loi. Selon cette disposition, l'adjudicateur n'est pas tenu d'adjuger un marché selon les dispositions de la présente loi lorsque la protec- tion de la santé et de la vie de personnes l'exige.

21 Pour le Tribunal administratif fédéral, les exceptions prévues à l'article 3 LMP doivent être limitées aux mesures nécessaires, soit celles devant être prises lorsqu'il n'existe aucune autre mesure moins restrictive apte à atteindre le but visé. De plus, l'adjudicateur doit se fonder sur des éléments concrets démon- trant que la protection des bonnes mœurs, de l'ordre public, de la sécurité publique, de la santé et de la vie de personnes ou encore d'animaux ou de plantes ne peut pas être assurée autrement23. Dans le cas d'espèce, l'OFROU avait considéré qu'il ne pouvait pas assurer, dans les délais requis, autrement que par la mise en œuvre d'une procédure non assujettie à la loi, la protec- tion de la santé et de la vie des usagers de la N9, compte tenu notamment du temps de préparation et de réalisation nécessité par une procédure prévue par la LMP Un examen prima Jacie des faits a révélé que le pouvoir adjudicateur avait commencé par lancer une procédure sur invitation, qui a duré cinquante

22 23

TAF B-4657 /2009 et B-4658/2009, consid. 4.6.4. (Décision incidente du 6 août 2009).

TAF B-4657 /2009 et B-4658/2009, consid. 4.5.2 (Décision incidente du 6 août 2009).

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Les jurisprudences récentes en droit des marchés publics

et un jours entre l'invitation à soumissionner et le dépôt des offres. A ce mo- ment, le pouvoir adjudicateur disposait d'un dossier d'appel d'offres complet, comprenant notamment tous les éléments nécessaires à la pondération des offres. Sur cette base, le Tribunal administratif fédéral a considéré, prima facie, qu'une adjudication du marché selon les règles d'une procédure soumise à la loi était possible et que l'interruption de la procédure au motif de l'exception prévue à l'article 3, alinéa 2, litt. b LMP n'était pas nécessaire24. De plus, le Tribunal administratif a souligné que plutôt que d'invoquer l'application de cette exception, l'adjudicateur aurait pu envisager un marché de gré à gré se- lon l'article 13, alinéa 1, litt. d de !'Ordonnance du 11 décembre 1995 sur les marchés publics25, qui autorise la conclusion d'un marché sans concurrence lorsqu'en raison d'événements imprévisibles, l'urgence du marché est telle qu'il soit impossible de suivre une procédure ouverte ou sélective26.

III. La procédure d'adjudication

A Le depot des offres

Le respect du délai de dépôt des offres est une exigence formelle essentielle 22 dans le cadre de la procédure d'appel d'offre. Son non-respect doit normale- ment conduire à une exclusion des offres déposées hors délai27.

B Les sous-critères

Le Tribunal fédéral a confirmé dans l' Arrêt 2D _22/2008 sa jurisprudence se- 23 lon laquelle le principe de la transparence n'exige pas, en principe, la commu- nication préalable de sous-critères ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rappor- tent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et sous-critères utilisés (telles une échelle de notes, une ma- trice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la

24 25 26 27

TAF B-4657 /2009 et B-4658/2009, consid. 4.5.3 (Décision incidente du 6 août 2009).

RS 172.056.11;«0MP».

TAF B-465712009 et B-4658/2009, consid. 4.5.3 (Décision incidente du 6 août 2009).

TF 2D_50/2009 consid. 2.4. (25.02.2010)

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François Bellanger

connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d' appréciation28 .

24 Les documents de l'appel d'offres qui contiennent les conditions fixées par l'adjudicateur pour la qualification des candidats font partie intégrante de l'appel d'offres. Le principe de la bonne foi impose de contester les éventuels vices les affectant, sous peine de forclusion, dans le délai de dix jours dès leur remise, à l'instar de ce qui est prévu pour recourir contre l'appel d'offres lui- même29. La forclusion ne concerne que les irrégularités qui sont particuliè- rement évidentes ou manifestes, car on ne peut exiger des soumissionnaires qu'ils procèdent à un examen juridique approfondi de l'appel d'offres et des documents de l'appel d'offres, vu leurs connaissances généralement limitées.

en la matière et le délai relativement court qui leur est imparti pour déposer leurs offres30. Dans l' ATF 2C_10712007, le règlement de procédure remis aux candidats pour préparer les soumissions énonçait clairement les critères d'ap- titude et d'adjudication ainsi que leur pondération; le Tribunal fédéral a jugé qu'il n'y avait aucun doute possible sur le fait que les critères d'aptitude ser- vaient seulement à vérifier que les candidats avaient les qualifications néces- saires pour prendre part au marché, mais ne seraient pas pris en considération pour noter les soumissions au stade de l'adjudication proprement dite, seuls les critères d'adjudication intervenant dans le résultat final31 . Une telle situation se distinguait selon le Tribunal fédéral des circonstances de l'ATF 130 I 241, dans lequel le Tribunal fédéral avait estimé qu'un diagramme d'évaluation re- mis par l'adjudicateur avec les documents d'appel d'offres devait encore pou- voir être contesté après l'adjudication, car sa complexité et sa spécificité ne permettaient pas d'emblée d'en discerner la portée. En conséquence, il n'était pas arbitraire de considérer que l'absence de contestation de ces documents dans un délai de dix jours interdisait par la suite de contester les documents d'appel d'offres litigieux au sujet de la non-prise en considération des critères d'aptitude dans le résultat final3 2.

C La clause de minimis

25 L'article 14 OMP, intitulé« clause de minimis »,prévoit que chaque lot ou mar- ché de construction, dont la valeur est inférieure à deux millions de francs, peut être adjugé en dehors du cadre de la loi, pour autant que la valeur de tous les lots ou marchés dont l'adjudication n'est pas soumise à la loi ne dépasse

28

29 30 31 32

TF 2D_22/2008 consid. 2.1 (23.05.2008); cf.ATF 130 I 241, consid. 5.1;ATF 125 II 86 consid. 7 c et les références citées.

ATF 130 I 241 consid. 4.2 ;ATF 125 I 203 consid. 3a.

ATF 130 I 241 consid. 4.3.

TF 2C_10712007 consid. 2.1 (22.01.2008).

TF 2C_10712007 consid. 2.1 in fine (22.01.2008).

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Les jurisprudences récentes en droit des marchés publics

pas 20% de la valeur totale de l'ouvrage. L'adjudicateur possède une certaine liberté pour décider quels marchés parmi ceux inférieurs au montant de deux millions de francs il entend soustraire aux procédures de marché public. Il doit toutefois clairement indiquer s'il entend soustraire un lot ou marché à la procédure de soumission, lorsque ce dernier intègre un ouvrage qui est, dans son ensemble, soumis à la loi. La Conunission de recours avait déjà considéré qu'un adjudicateur exprimait son intention de soumettre l'adjudication d'un tel lot ou marché à la LMP, dès lors qu'il avait indiqué des voies de droit dans l'appel d'offres et dans la décision d'adjudication33 . Le TAF a confirmé cette jurisprudence en prenant en considération, d'une part, le fait que le pouvoir adjudicateur a manifesté sa volonté de soumettre l'adjudication du lot liti- gieux à la LMP, dans la mesure où il n'a pas exclu la possibilité de recourir contre sa mise en soumission et contre son adjudication et, d'autre part, qu'il n'a fait valoir à aucun stade de la présente procédure de recours que l'adjudi- cation du lot litigieux n'était pas soumise à la LMP en application de la clause de minimis. Pour le TAF, l'adjudication de ce lot tombait par conséquent sous le champ d'application de la LMP34_

D L'exclusion d'une offre

Par avis publié au Bulletin officiel du canton du Valais du 28 août 2008, le 26 Département des transports, de l'équipement et de l'environnement du can- ton du Valais a mis en soumission, par voie de procédure ouverte, les travaux de remplacement des portes extérieures en métal du Centre d'entretien de l'autoroute, à Sierre. Le 10 décembre 2008, le Conseil d'Etat du canton du Valais a décidé d'écarter quatre des huit offres présentées, dont celle de X. SA pour non-conformité aux conditions techniques de l'appel d'offres, en appli- cation de l'article 23, alinéa 1, litt. c de !'Ordonnance valaisanne du 11 juin 2003 sur les marchés publics35. Le Tribunal fédéral, saisi d'un recours consti- tutionnel subsidiaire de X. SA, relève qu'il est établi que la soumission de la recourante était incomplète dans la mesure où une des rubriques importantes relative à un supplément pour profùés à rupture thermique n'avait pas été remplie. Certes, X. SA affirme que cette rubrique n'était pas claire avec pour conséquence que quatre soumissionnaires sur huit ont été exclus. Toutefois, pour le Tribunal fédéral, si le soumissionnaire avait des doutes sur la possibilité technique de répondre au pouvoir adjudicateur, il devait demander des infor- mations complémentaires à l'adjudicateur plutôt que de s'abstenir de remplir la rubrique correspondante. Il n'était donc pas arbitraire de l' exclure36.

33 34 35 36

Décision de la CRM 2003-023 du 21 novembre 2003, consid. la.

ATAF 2009/18 consid. 2.4.2 (20 .05.2009). RS/VS 726.100; «OcMP».

TF 2D_34/2009, consid. 4.2.3 (10.08.2009).

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François Bellanger

E Les offres anormalement basses

27 Par avis publié au Bulletin officiel du canton du Valais du 17 octobre 2008,

!'Association de la station d'épuration (STEP) d'Evionnaz et environs a mis en soumission, par voie de procédure ouverte, les travaux d'adaptation des installations électriques de la STEP, marché non soumis à l' AMP37 . Les cri- tères d'adjudication retenus et leur pondération faisaient état du prix (60%), de la qualité et de la bienfacture (30%) et des délais d'exécution (10%).

Parmi les huit offres déposées, celles de Y SA (212 553.25 francs) et de X. SA (252 583. 70 francs) étaient les plus basses. Le 9 décembre 2008, le mandataire de l' Association a demandé à Y SA de justifier son offre, particulièrement en ce qui concernait le coût des câbles. Y SA a répondu, le 11 décembre 2008, que son offre couvrait ses prix de revient, que le coût des câbles était fondé sur une offre de son fournisseur et que les temps de tirage avaient été estimés en fonction de sa large expérience dans ce domaine. L' Association lui a adjugé le marché et X. SA a recouru contre cette décision. Elle soutenait que l'offre de Y SA était anormalement basse car elle ne permettait pas la couverture du prix de revient, qui devait être calculée sur la base de la Convention collective de travail des installateurs-électriciens et des monteurs de lignes du canton du Valais du 19 novembre 2007 et sur le catalogue des articles normalisés de l'Union suisse des installateurs électriciens («CAN»).

28 Le Tribunal fédéral a examiné la question de la sous-ef!chère alléguée unique- ment sous l'angle de l'arbitraire, dès lors qu'il s'agissait d'un recours constitu- tionnel subsidiaire38. Il a jugé que le CAN, qui est destiné à faciliter l'établis- sement de devis, fournit des données standardisées et moyennes dépourvues de caractère obligatoire, chaque entreprise restant libre d'adapter ces données à sa situation particulière.Y SA avait démontré qu'elle avait élaboré sa propre base de données, incluant les prestations répertoriées par le CAN, lui permet- tant de soumettre chaque prestation à son facteur de calcul de prix spécifique tenant compte de sa propre estimation du temps d'installation et de la marge bénéficiaire qu'elle entendait appliquer au coût des fournitures. Certaines de ses prestations étaient plus chères et d'autres meilleur marché que celles de X.

SA. Dans la mesure où X. SA avait démontré que son offre couvrait son prix de revient et lui permettait de dégager une marge bénéficiaire, elle ne consti- tuait pas une offre anormalement basse39 . Ce faisant, le Tribunal fédéral a ex- clu que l'adjudicateur se fonde sur des tarifs professionnels pour apprécier des offres si le soumissionnaire n'utilisant pas un tel tarif démontre les éléments sur lesquels il se fonde pour construire ses propres prix.

37 38 39

RS 0.632.231.422 ;Accord international sur les marchés publics du 15 avril 1994.

TF 2D_ 44/2009 consid. 3 (30.11.2009). TF 2D_ 44/2009 consid. 3.2.1 et 4 (30.11.2009).

(14)

Les jurisprudences récentes en droit des marchés publics

Le Tribunal fédéral a profité de ce cas pour rappeler sa jurisprudence an- 29 térieure selon laquelle une offre particulièrement favorable, le cas échéant, même inférieure au prix de revient, n'est pas impérativement à exclure si les renseignements fournis par le soumissionnaire permettent de conclure qu'il est capable d'exécuter à satisfaction les travaux mis en soumission40 .

F L'interruption de la procédure

Un adjudicateur peut interrompre une procédure d'adjudication fédérale, dé- 30 finitivement ou en vue de la présentation d'un nouveau projet, et révoquer une adjudication déjà effectuée, pour autant qu'une telle mesure soit justifiée par des motifs objectifs et ne vise pas à discriminer délibérément les soumis- sionnaires. La question de savoir si les motifs objectifs justifiant l'interruption étaient prévisibles pour l'adjudicateur et si sa responsabilité peut être enga- gée de ce fait, a éventuellement une incidence sur la question ultérieure des dommages-intérêts, mais est sans pertinence pour juger de l'admissibilité de l'interruption41.

G La conclusion du contrat

Le Tribunal fédéral a confirmé dans l'ATF 134 II 297 que la décision d'adju- 31 dication n'entraîne pas la conclusion automatique d'un contrat avec le sou- missionnaire; elle se limite à désigner la personne ou l'entreprise avec la- quelle le pouvoir adjudicateur pourra conclure un contrat pour la fourniture des biens ou des services faisant l'objet de l'appel d'offre. La conclusion du contrat constitue une étape ultérieure. Ce contrat sera normalement soumis au droit privé dès lors que le pouvoir adjudicateur agit comme une personne privée dans le cadre du processus contractuel. Il peut toutefois s'agir d'un contrat de droit administratif s'il a pour objet direct l'exécution d'une tâche publique ou si son objet est réglementé par le droit public, par exemple pour une subvention ou en cas d'expropriation.

Le contrat ne doit être conclu qu'après l'entrée en force de la décision d'ad- 32 judication ou, en cas de recours, en l'absence de demande ou d'octroi d'effet

suspensif. Si le pouvoir adjudicateur ne respecte pas cette obligation, il viole le droit mais cela ne rend pas le contrat nul, la sanction de la violation du droit étant uniquement la constatation du caractère illicite de la décision concer- née42.

40 41 42

TF 2P.70/2006 et 2P.71/2006 consid. 4.3 (23.02.2007).

SJ 2009 I 198 (ATF 134 II 192).

ATF 2D_34/2009 consid. 4.3.3 (10.08.2009).Voir également sur ce point l'ATAF 2009/19 (02.07 .2009).

(15)

François Bellanger

33 De la même manière, si le contrat est conclu entre le dépôt d'un recours concluant à l'annulation de la décision d'adjudication attaquée et le jugement, les conclusions en annulation sont automatiquement transformées en conclu- sions constatatoires sur l'illicéité de la décision attaquée de nature à ouvrir le droit à des dommages et intérêts et à fonder l'existence d'un intérêt juridique actuel et pratique suffisant au sens de l'art. 115 let. b LTF43.

IV. La procédure de recours

A L'accès au recours

34 Un recours n'est ouvert au Tribunal administratif fédéral conformément à l'article 27 LMP que dans le cadre de décisions au sens de l'article 29 LMP, prises par un adjudicateur soumis à la loi selon les articles 2, alinéas 1 et 2 LMP, et pour des marchés répondant à la définition de l'article 5 LMP44. En présence d'un autre marché selon l'article 1, litt. b OMP, un recours au Tribu- nal administratif fédéral est exclu par la LMP45 . L'article 29a de la Constitu- tion fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 199946 , qui garantit l'ac- cès au juge, ne permet pas de créer une compétence autonome du Tribunal administratif fédéral, car les tribunaux fédéraux sont liés par l'article 27 LMP en raison de l'article 190 Cst.47. De la même manière, l'article 6, par. 1, de la Convention du 4 novembre 1959 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 48 ne confère pas de droit d'accès au juge administratif au-delà de ce qui est prévu par la LMP, même s'il s'agit d'une contestation à caractère civil49 . Enfin, la liberté économique garantie par l'article 27 Cst. ne confère pas un droit individuel à une application de la LMP exempte d'er- reurs juridiques et, donc, à un contrôle judiciaire allant au-delà de ce qui est prévu par l'article 27 LMPso.

B La question de principe

35 Dans l'arrêt 135 II 49 relatif à la concession d'affichage de la Ville de Ge- nève51, compte tenu, d'une part, des critiques d'une large partie de la doctrine

43 44 45 46 47 48 49 50 51

TF 2D _22/2008 consid. 1.1 (23.05.2008) ;TF 2C_10712007 consid. 1.2 (22.0J .2008).

ATAF 2008/48 consid. 2.1 (25.09.2008). ATAF 2008/48 consid. 4.9 (25.09.2008).

RS 101; "Cst.».

ATAF 2008/48 consid. 5.3 (25.09.2008).

RS 0.101; «CEDH».

ATAF 2008/48 consid. 5.4 (25.09.2008).

ATAF 2008/48 consid. 5.4, in.fine (25.09.2008). Voir, supra, !LB.

(16)

Les jurisprudences récentes en droit des marchés publics

suite à l'ATF 125 I 209, dans lequel le Tribunal fédéral avait jugé qu'une procédure tendant à l'octroi d'une concession portant sur un monopole d'af- fichage ne présentait pas les éléments caractéristiques d'un marché public, et,

d'autre part, de l'existence de prestations importantes requises en annexe de

la concession d'affichage, le Tribunal fédéral a considéré que la question de savoir si le droit des marchés publics s'appliquait ou non dans le cas d'espèce revêtait une portée de principe au sens de l'article 83, litt. f, ch. 2, LTF, ce qui ouvrait dans le cas particulier le recours en matière de droit public52.

Le Tribunal fédéral a en revanche refusé l'existence d'une question de prin- 36 cipe s'agissant de l'application du principe d'égalité de traitement entre concurrents directs en matière de marchés publics53.

Dans un recours formé contre une décision incidente ne soulevant pas elle- 37 même une question juridique de principe en matière de marchés publics, la condition de l'existence d'une question de principe est applicable. Pour dé- terminer si une telle question existe, il faut prendre en considération la portée des questions juridiques que l'autorité précédente devra trancher dans la dé- cision finale et sur lesquelles le Tribunal fédéral sera, lui aussi, éventuellement appelé à se prononcer en cas de recours54.

Le Tribunal fédéral a aussi refusé d'admettre une question de principe dans 38 l'arrêt 2C_144/2009 dès lors que le problème posé était uniquement l'ap- plication des principes déjà dégagés par le Tribunal fédéral s'agissant du rap- port entre les listes permanentes et les principes cl' égalité de traitement entre concurrents et de concurrence efficace, domaine où la jurisprudence rendue sur le sujet était claire et constante et ne suscitait pas d'importantes critiques dans la doctrine55.

Il a adopté la même position s'agissant des principes de l'égalité de traitement 39 entre concurrents, de la transparence de la procédure, de l'intangibilité des of- fres et de la portée du droit d'être entendu en matière de marchés publics qui ont déjà fait l'objet d'une abondante jurisprudence56 . Dans ce cas, il a indiqué que seuls des motifs sérieux et objectifs de nature à entraîner une modifi- cation de la jurisprudence pourraient justifier le réexamen de ces principes, comme une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, un changement important des circonstances extérieures déterminantes ou l' évo- lution générale des conceptions juridiques ou des mœurs.

52 53 54 55 56

ATF 135 II 49 consid. 1.3 non publié.

TF 2C_225/2009 consid. 1.2 et 1.3.

SJ 2009 I 198 (ATF 134 II 192).

TF 2C_ 44/2009 consid. 1.3 et les références citées (15.06.2009).

TF 2C_10712007 consid. 1.1 etles références citées (22.01.2008).

(17)

François Bellanger

40 L'existence d'une question de principe ne peut enfin pas être admise lorsque les recourants ne démontrent pas l'existence d'une telle question, voire ne la mentionnent même pas dans leur mémoire57. En effet, conformément à l'article 42, alinéa 2, LTF, il incombe au recourant de démontrer la réalisation de cette condition dans un cas particulier, sous peine d'irrecevabilité de son recours58 .

C La qualité pour recourir

1.

Une extension de la qualité pour recourir

41 L'appel d'offre du 15 septembre 2008 de l'AVS et de l'AI pour l'achat de prothèses auditives59 a provoqué une série de recours de différents acteurs de la branche, notamment des associations professionnelles, des fabricants et des acousticiens. Cet afflux de recours provenant de personnes ou entreprises qui n'étaient pas des soumissionnaires ou qui n'auraient pas pu l'être a amené le Tribunal administratif fédéral à faire évoluer les exigences concernant la qualité pour recourir en matière de marchés publics. Après avoir rappelé le principe en vigueur jusqu'alors selon lequel la qualité pour recourir n'était donnée qu'aux soumissionnaires évincés d'un marché ou privés de manière illicite de la possibilité d'y participer, par exemple en raison de l'utilisation de critères discriminatoires, le Tribunal administratif fédéral a précisé que le Tribunal fédéral avait d'ores et déjà envisagé une extension de la qualité pour recourir dans un arrêt non publié du 8 septembre 200160 dans un cas concernant un recours contre un marché auquel la recourante n'avait pas participé. Toutefois, à notre avis, ce cas n'était pas différent de ceux visés par la règle générale relative à la limitation illicite de l'accès à un marché autorisant un non-soumissionnaire exclu indûment à recourir. Le Tribunal administratif fédéral est d'ailleurs allé bien au-delà de l'hypothèse esquissée dans cet arrêt.

42 Le Tribunal administratif fédéral a étendu aux marchés publics le principe posé par le Tribunal fédéral dans l'ATF 127 II 264 selon lequel un intérêt digne de protection peut être reconnu aux concurrents de la même branche économique qui, en raison de réglementations de politique économique ou d'autres règles spéciales, se trouvent entre eux dans une relation particulière- ment étroite61. La qualité pour recourir dans le cadre d'un marché public doit être admise de la même manière lorsque, d'une part, la procédure d'adjudica- tion place les acteurs du marché face à une règlementation de droit adminis-

57 58 59 60 61

TF 2C_890/2008 consid. 4 (22.04.2009). TF 2C_107/2007 consid.1.1 (22.01.2008).

Voir, supra, II.A.

TF 2P.157 /2001 consid. lb (08.09.2001).

ATF 127 II 264 consid. 2.

(18)

Les jurisprudences récentes en droit des marchés publics

tratif économique et que, d'autre part, le pouvoir adjudicateur a un pouvoir d'achat important sur le marché en question62.

Après avoir posé ce principe, le Tribunal administratif fédéral a examiné la si- 43 tuation respective des différents acteurs du marché, notamment des fabricants de prothèses, des entreprises engagées dans le commerce de telles prothèses, et de celles qui réparent les prothèses. Il a constaté que l'organisation du marché projetée par l'appel d'offres aura pour conséquence de priver les acousticiens de l'activité de commerce des prothèses auditives. Partant, les entreprises en- gagées dans le commerce de prothèses ont un intérêt digne de protection à contester un appel d'offres qui les prive d'un accès essentiel au marché dès lors que la plus grande partie des appareils auditifs vendus en Suisse sont fi- nancés par l' AVS et l' AI63.

Examinant ensuite le fond du litige, le Tribunal administratif fédéral a jugé 44 que les articles 21 et 27 de la Loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-in- validité64 règlent de manière exhaustive le système de fourniture des moyens auxiliaires dans le cadre de l'assurance AI et ne permettent pas la mise en place d'un système d'acquisition d'appareils acoustiques au moyen d'un appel d'offres et d'une adjudication à un nombre limité de fabricants65.

2. Les consortiums

Le Tribunal administratif fédéral a changé sa jurisprudence sur la qualité pour 45 recourir des membres des consortiums afin de l'aligner sur celle du Tribunal fédéral66 pour deux motifs: d'une part, il s'agit de notions juridiques commu- nes au droit fédéral et en particulier au droit des marchés publics, avec pour conséquence que la sécurité juridique exige une application uniforme du droit; d'autre part, dans le domaine des marchés publics, la procédure doit être accélérée et les décisions prises rapidement, en dérogation à l'article 52, alinéa 2, PA67 . Partant, tant au plan fédéral que cantonal, désormais, aussi longtemps que le contrat entre le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire n'est pas conclu, les membres d'un consortium sont tenus d'agir de manière conjointe contre une décision d'adjudication qui leur est défavorable, car ils ne peuvent faire valoir qu'un droit indivisible de la société, soit celui d'obtenir l'attribution du marché. Cette jurisprudence a été confirmée dans un arrêt du 20 juillet 200968 .

62 63 64 65 66 67 68

ATAF 2009/17 consid. 3.3 (13.02.2009).

ATAF 2009/17 consid. 4 (13.02.2009).

RS 831.20; «LAI».

ATAF 2009/17 consid. 7 (13.02.2009). ATF 131 I 153 consid. 5.4.

ATAF 2008/7 consid. 2.2.2 (06.12.2007).

ATAF B-2561/2009 consid. 3.3 et 3.4 (20.07.2009).

(19)

François Bellanger

V. Conclusions

46 La réforme de la juridiction fédérale en 2007 a eu un impact certain sur le nombre et le contenu des arrêts du Tribunal fédéral. Dans la mesure où le re- cours en matière de droit public n'est ouvert que pour des marchés dépassant les valeurs-seuils et pour lesquels se pose une question de principe, le nombre d'arrêts rendus par le Tribunal fédéral suite à un tel recours est très limité, même si ces derniers sont importants pour la clarification du droit, comme l'arrêt sur le marché public de l'affichage69. La plupart des arrêts du Tribunal fédéral sont le résultat d'un recours constitutionnel subsidiaire. Dans ce cas, la limitation du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral à l'arbitraire a une in- fluence très marquée sur l'issue de la procédure, les griefs des recourants étant généralement écartés en l'absence d'arbitraire.

47 Par ailleurs, il est intéressant de relever que la grande majorité des arrêts pu- bliés ou non du Tribunal fédéral pour les années 2008 et 2009 concernent des marchés publics romands. Les soumissionnaires évincés des cantons latins ont manifestement moins hésité à recourir jusqu'au Tribunal fédéral que ceux des autres cantons.

48 Le Tribunal administratif fédéral a continué, quant à lui, sur la lancée de la Commission de recours, assurant des jugements de qualité, permettant de cla- rifier et préciser sur de nombreux points le contenu de la LMP et de l'OMP.

69 ATF 135 II 49.

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