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Les effets de la libéralisation du marché de l'électricité sur les relations juridiques des entreprises

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Les effets de la libéralisation du marché de l'électricité sur les relations juridiques des entreprises

BELLANGER, François

BELLANGER, François. Les effets de la libéralisation du marché de l'électricité sur les relations juridiques des entreprises. In: Lachal, Bernard ; Romerio, Franco. L'énergie, controverses et perspectives. Genève : CUEPE, 2003. p. 249-258

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41433

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L'énergie, controverses el perspectives

Les effets de la libéralisation du marché de l'électricité sur les relations juridiques des entreprises

François BELLANGER

Faculté de droit - Université de Genève

l!_ ___ Jntroduction

La libéralisation du marché de l'électricité devrait de l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur le mar- ché de l'électricité1 dans la seconde partie de l'année 2002 si le peuple suisse l'accepte à la suite du référendum ayant abouti en avril 2001-

La LME est issue d'un long processus initié au début des années 902.

En juin 1995, !'Office fédéral de l'énergie a publié un premier rapport sur l'ouverture du marché de l'électricité suisse, connu comme le «Rapport Cattin»3. Ce rapport proposait plusieurs mesures desti- nées à déréglementer le secteur de l'énergie afin de réduire les coûts et donc le prix de l'électricité. Il a été suivi en 1997 d'un second documen~ connu cette fois comme le «Rapport Kiener», qui précisait les conclusions du rapport Cattin et proposait des mesures additionnelles comme l'institution d'une société suisse d'exploitation du réseau haute tension4.

A la suite de ces deux rapports, le Conseil fédéral a mis en consultation un avant-projet de loi cadre sur le marché de l'électricité en février 1998, prévoyant une libéralisation complète du marché en neuf ans.

L'accueil de ce projet par les partis politiques et les différentes organisations concernées a été mitigé.

La plupart des entités consultées ont accepté, voire soutenu, le principe de la libéralisation du marché.

En revanche, elles ont critiqué le calendrier de la réforme, ainsi que les moyens retenus pour la déré- gulation, notamment la création d'une société nationale de transport5.

En dépit de ces oppositions, le Conseil fédéral a publié le 7 juillet 1999 un projet de loi sur le marché de l'électricité prévoyant une libéralisation du marché selon un calendrier accéléré par rapport au pre- mier projet : la période transitoire a été réduite de 9 à 6 ans6. Ce 1ythme soutenu a été accepté par le Parlement.

Finalement, comme la loi adoptée le 15 décembre 2000 a fait l'objet d'un référendum, le Conseil fédé- ral a décidé de reporter le vote jusqu'à l'analyse des résultats de la consultation relative au projet d'or- donnance d'exécution de la loi7.

1 Loi fédérale du 15 décembre 2000 sur marché de l'électricité, FF 2000 5761 (ci-après «LME» )_

2 Pour un rappel du contexte historique, voir E VOUIIlOZ, Droit énergétique - Evolutions récentes, in: R\'j 1997, pp. 369 ss, not. 402 ss. Voir également Georg MÜLLER, Peter HOSU & François VOUl!.I.OZ, Introduction au droit énergétique suisse, Zurich 1997.

3 Office fédéral de l'énergie, Ouverture du marché de l'électricité, Berne, juin 1995.

4 Office fédéral de l'énergie, Ouverture du marché dans le domaine de l'électricité, Berne, janvier 1997.

5 Message du Conseil fédéral du 7 juin 1999 concernant la loi sur le marché de l'électricité (Lr..IE), FF 1999, pp. 6646/6700 SS.

6 Message (note 6) .

7 (',e projet a été mis en consultation en octobre 2001 et est disponible sur le site Internet de !'Office fédéral de l'énergie à l'adresse «http:I /www.suisse-energie.ch/bfe/fr/energiemaerkte/encrgiemaerkte/emg/index.html,,.

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Les effets de la libémlisalion du marché de l'électricité sur les relations juridiques des entrepriws

Dans le cadre de cet article, nous examinerons trois questions particulières qui ont une grande impor- tance (pour les relations juridiques des entreprises d'approvisionnement) pour les entreprises d'approvisionnement en raison de l'influence sur leurs relations juridiques avec leurs partenaires : l'ouverture du marché (II.), l'obligation d'acheminement (III.) et la création d'une société nationa- le de transport (IV.).

2. .. L'ouverti,J_reJQtale <!!!JI~rché sur ~~ans

!:article 27 de la loi prévoit une libéralisation complète du marché par paliers pendant une période transitoire de six ans. Une première étape interviendra lors de l'entrée en vigueur de loi, suivie par une deuxième phase de libéralisation accrue trois ans après, pour s'achever avec une ouverture totale du marché au bout de six ans. La ThŒ distingue les mesures de libéralisation du marché concernant les consommateurs finaux (A.) de celles impliquant les entreprises d'approvisionnement (B.).

A. Les cons_'.)!Jllllateurs finaux

Selon l'article 27, alinéa 1, litt. a, L\1E, dès l'entrée en vigueur de la loi, tous les consommateurs finaux dont la demande annuelle par site de consommation dépasse 20 GWh, production propre com- prise, auront le droit d'acheminer sur le réseau d'un exploitant de l'électricité qu'ils auront acquise d'un producteur ou d'un autre exploitant. Ces consommateurs sont qualifiés d' «éligibles»8.

Au bout d'un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi, le seuil pour les consom- mateurs finaux est abaissé à 10 GWh. Finalement, après six ans, l'accès au marché est libre pour tous les consommateurs9.

En conséquence, durant la période transitoire, les notions de «consommateur final» et de «site de consommation» seront importantes pour apprécier l'impact de la réforme.

Le consommateur final est une personne physique ou morale acquérant du courant pour ses propres besoins. Il s'agit donc d'une entreprise ayant ses structures propres sur le plan juridique.

Plusieurs entreprises ne pourraient pas s'associer uniquement pour acheter ensemble leur électricité.

Le site de consommation doit former une unité géographique : les bâtiments et installations qui constituent Je site doivent être matériellement proches les uns des autres. Selon le message du Conseil fédéral, ce critères' applique à des ensembles industriels répartis sur une grande surface, mais pas aux filiales d'un grand distributeur réparties sur le territoire d'une commune ou d'une ville10. Bénéficient d'une exception les CFF, les chemins de fer privés et les autres entreprises de transport dont le réseau électrique n'est pas limité dans l'espace. Si ces entreprises veulent acquérir du courant, leur consom- mation annuelle se mesure sur tout leur réseau.

En fonction de ces deux paramètres, selon le mes.sage du Conseil fédéral, 110 entreprises seraient concernées par l'ouverture du marché lors de l'entrée en vigueur de la loi Il.

8 Message (note 6), pp. 6720-6721.

9 Sur la question de l'ouverture par étapes du marché, voir notamment Allen FUCHS, ùffnung des

Strommarktes - Einige juristische Überlegungen, in: Privatisierung und Marktüffnung, RSDA 1999, pp. 52158-60.

10 Message (note 6), p. 6721

11 Message (note 6), p. 6720.

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L ënergie. co12tro11erses el perspectives

B. ~ ~treprises d'_approvisionnement en électricité

L'Entreprise d'approvisionnement en électricité est une entreprise électrique de droit privé ou public qui ne travaille pas exclusivement dans les secteurs de la production ou du transport de courant.

Selon l'article 27, alinéa 1, litt. b, LME, ces entreprises auraient le droit d'acheminer sur un réseau ne leur appartenant pas, non seulement l'électricité qu'elles vendent à des clients éligibles mais aussi une quantité d'électricité correspondant à 20% de Jeurs ventes annuelles à des clients captifs, soit des consommateurs finaux qui ne peuvent pas choisir librement leur foumis.seur. Le projet du Conseil fédéral prévoyait un seuil de 10%, le Parlement l'a augmenté à 20% pour accélérer la libéralisation.

A l'échéance du premier délai de trois ans, la proportion des ventes annuelles passe à 40% (27 alinéa 2, litt. b, IME). A nouveau, le Parlement a doublé ce seuil par rapport au projet du Conseil fédéral.

Au bout de six ans, l'accès au marché est libre.

Il est important de relever que ce droit d'acheminement concernant les clients captifs est lié à une obligation de diminuer le coût de l'électricité fournie à ces mêmes consommateur. L'article 32, alinéa 1, de la loi impose aux entreprises d'approvisionnement de faire bénéficier leur clients captifs sur leur aire de desserte des réductions de prix obtenues en vertu du droit à l'acheminent12

C. Le s9û_4_es contrats,_!,le distribution_C..Q.l)clus avant la libé!:';!)i~lltion

Pour tenir compte de ces modifications importantes dans la distribution, l'article 32 LME prévoit lors de l'entrée en vigueur de chaque étape de la réfonne la modification éventuelle des contrats de distri- bution qui lient une entreprise d'approvisionnement et ses fournisseurs B_

Comme les entreprises d'approvisionnement en électricité peuvent faire appel à un fournisseur quel- conque à hauteur des acquisitions qu'elles placent chez des clients éligibles, l'article 33, alinéa 1, LME prévoit que ces entreprises sont en droit de se libérer de leurs obligations d'achat à hauteur des acqui- sitions qu'elles placent chez des clients éligibles dans leur aire de desserte ainsi qu'à hauteur de leur propre droit à l'acheminement, soit le pourcentage de leurs ventes à des clients captifs.

Ce droit est indépendant du maintien de la relation contractuelle entre Je client éligible et l'exploitant.

La possibilité de se départir du contrat avec un fournisseur subsiste même si ces clients délaissent l'en- treprise en cause. Cette faculté doit donc être appréciée en fonction de l'aire de desserte d'une entre- prise et de ses ventes annuelles, indépendamment des liens avec les clients éligibles ou de l'utilisation de tout ou partie du droit à l'acheminement.

Pour éviter qu'un intermédiaire ne se retrouve dans une situation délicate, en raison de l'exercice de son droit par une entreprise d'approvisionnement, alors que ses propres obligations subsistent vis à vis de ses fournisseurs, l'article 33, alinéa 2, LME autorise les intermédiaires à faire valoir vis-à-vis de leurs propres fournisseurs les adaptations qu'ils subissent. Cette disposition tient compte de l'imbrica- tion d€S liens juridiques entre les entreprises d'approvisionnement.

Toutefois, le texte légal ne contient aucune indication complémentaire sur la manière de mettre en œuvre ce droit de libération sur le plan contractuel. Deux problèmes importants risquent donc de se poser.

12 Sur la question du coût d'acheminement au consommateur final, voir Offiœ fédéral de l'énergie,

«Service Public im liberalisierten Strommatkt», Berne, novembre 1999.

Il Message (note 7), p. 6724.

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les çtfelS de fa libéralisation du marcbi de J'éfeclricité sur les relations juridiques des entreprises

En premier lieu, ils' agira de détenniner dans chaque zone de distribution l'importance de la consom- mation des clients éligibles et donc l'étendue du droit d'une entreprise de se départir de tout ou partie d'un contrat de distribution pour ce motif. Cette évaluation peut naturellement générer un litige entre l'entreprise qui souhaite se libérer d'un contrat et son fourni5.5eur. Le projet de loi n'est d'aucune aide dans ce cas. Le litige sera réglé selon le mode choisi par les parties dans le contrat litigieux. Il ~or­

tira donc en principe aux tribunaux civils, qui ne sont guère familiers des règles de droit administratif.

En second lieu, selon les circonstances, l'équilibre du contrat entre l'entreprise et son fourni5.5eur peut être rompu si la résiliation partielle du contrat porte sur une partie importante des livraisons. Dans ce cas, la loi ne contient aucune mention du sort de la partie non résiliée du contrat. Pour résoudre ce problème, il serait envisageable d'appliquer les règles de droit privé relatives à la nullité partielle des contrats. Conformément à l'article 20, alinéa 2, du Code des obligations14, le contrat devrait en prin- cipe être intégralement résilié s'il n'aurait pas été conclu entre les parties sans le volet des prestations ayant justifié une résiliation partielle.

Mais, dans cette hypothèse, si l'une des parties est un intermédiaire, elle risque de se retrouver dans une situation délicate. En effet, si les relations contractuelles d'un intennédiaire avec l'un de ses clients cessent intégralement du fait de l'application combinée de l'article 33 LME et de l'article 20 CO, cet intennédiaire devrait pouvoir reporter la fin de ce contrat sur son propre fournisseur. Or, l'article 33, alinéa 2, LME n'autorise ce report que pour la part concernant l'application du projet. En conséquence, si l'équilibre global du contrat entre cet intermédiaire et son propre fournis.5eur n'est pas rompu, l'intermédiaire ne pourrait se prévaloir de la perte intégrale du contrat avec son client.

Pour éviter ce type de situation, en raison de la réaction en chaîne potentielle prévue par l'article 33 LME, l'effet de cette disposition devrait être strictement limité aux portions de contrat touchées par la libéralisation, et exclure qu'une partie tente de se prévaloir de l'effet de la résiliation partielle d'un contrat due à la libéralisation pour se départir de la totalité du contrat.

.3-. L'Obligation d'acbeminement

A. Principe

L'obligation d'acheminement est prévue à l'article 5 LME et forme le pivot de la réforme, dans la mesure où, sans libre acheminement de l'électricité d'un fournisseur à un client, il ne peut y avoir de libéralisation. La contrepartie de cette obligation est le droit des tiers d'accéder au réseau sur une base contractuelle ( «Regulated Third Party Access») ts. L'article 2 du projet d'ordonnance a précisé la portée de ce droit en stipulant que : «L'obligation d'acheminer l'électricité de manière non discri- minatoire (art. 5, al. 1, LME) vaut aussi bien pour ta conclusion d'un contrat d'acheminement que pour le contenu de celui-ci». Cette norme établit ainsi le droit des clients éligibles à la conclu- sion d'un contrat d'acheminement de droit privé non discriminatoire, tant au niveau de son contenu que de ses modalités de conclusion.

En conséquence, les exploitants de réseaux de transport et de distribution d'électricité devront accep- ter, dans certaines conditions, le pas.5age, par leur réseau, de courant appartenant à des tiers éligibles, soit un consommateur final ou une entreprise d'approvisionnement en électricité.

H RS 220 ; ci-après «CO».

1> Message (note 7), pp. 67o6-6708.

.~

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l'énngie, controverses el jJerspecti11es

En outre, des tiers, par exemple des négociants, devraient avoir la po&5ibilité de conclure des contrats d'acheminement à la demande de leurs clients, afin d'être en mesure de fournir un service complet comprenant aussi bien la fourniture d'électricité que sur son acheminement.

Face à une telle obligation d'acheminement, il convient de détel1tliner tout d'abord quel sera le champ des clients éligibles bénéficiant d'un droit d'accès au réseau, puis de définir les modalités d'exercice du droit, ensuite de préciser la rémunération du transporteur et finalement d'examiner la situation juridique en cas de litige.

B. Le chanm des cUents éUgibles

L'article 1, litt. c du projet d'ordonnance définit les «clients éligibles» comme «les consommateurs finaux, les producteurs d'électricité, les entreprises, d'appmvisionnement en électricité et les entreprises faisant le commerce d'électricité qui ont droit à l'acheminement non discrimina- toire d'électricité». Il s'agit donc de personnes ou entreprises bénéficiant de la libéralisation dans les limites de son étendue à chaque palier16.

C. Les modalités d'accès au réseau

Il est évident que pour l'exploitant d'un réseau de transport, l'obligation d'acheminer l'électricité d'un producteur ou d'une entreprise d'approvisionnement peut imposer des contraintes difficilement sup- portables. En conséquence, l'article 5 LME prévoit deux exceptions à l'obligation qui concernent, d'une part, le réseau de transport (al. 2) et, d'autre part, le réseau de distribution (al. 3).

1. Le réseau de transport

Le réseau de transport est le réseau à haute tension pour Je transport de courant sur de grandes dis- tance. L'accès à ce réseau peut être refusé uniquement lorsqu'il mettrait en danger l'exploitation du réseau et la sécurité d'approvisionnement du pays.

Cette exception a été conçue principalement dans la perspective du transport de frontière à frontière, notamment en ce qui concerne le transit d'électricité vers l'Italie, pays largement importateur d'élec- tricité. Elle a été précisée à l'article 4 du projet d'ordonnance en tenant compte de deux facteurs.

En premier lieu, lors de l'attribution de capacité, la priorité est donnée au transport de l'électricité uti- lisée pour le bon fonctionnement des centrales indigènes, pour les importations servant à alimenter les consommateurs finaux dans le pays et pour la fourniture d'énergie de réglage et d'énergie d'ajus- tement à la consommation.

En se,cond lieu, en raison de l'importance du réseau suisse pour le transport international d'électri- cité, l'article 4, alinéa 2, du projet d'ordonnance autorise la future Société suisse pour l'exploitation du réseau 17, à attribuer toute la capacité disponible pour les importations, les transits et les exporta- tions par le biais d'une adjudication concurrentielle, en particu.lier par une vente aux enchères.

Cette disposition ne déploiera toutefois pleinement ses effets qu'après la création de cette Société et surtout après un délai transitoire de dix ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi et de l'ordon-

nance, pendant lequel la priorité devra être accordée aux contrats de fourniture de longue durée entre entreprises d'approvisionnement suisses et étrangères qui ont été conclus avant la création du marché intérieur de l'électricité.

!6 Voir, supra, le point Il.

17 Voir, infra, le point IV.

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/,es effets de la libéralisa/ion du marché de /'é/ectricilé suries relations juridiques des en/reprises

En toute hypothèse, en cas de refus de transport, la charge de la preuve incombe à l'exploitant du

r~seau, qui doit faire valoir par écrit dans un délai de dix jours les raisons qui s'opposent à l'achemi- nement. Les motifs avancés doivent être fondés et reposer exclusivement sur l'absence réelle de capacité néc~aires. En particulier, des besoins fictifs ne sauraient justifier le refus de transporter le courant d'un concurrent.

2. Le réseau de distrllmllon

Le réseau de distribution est le réseau à moyenne et basse tension pour l'approvisionnement du consommateur final ou de l'entreprise d'approvisionnement. Dans ce cas, l'acheminement n'est imposé que s'il reste des capacités disponibles sur ce réseau une fois desservie la clientèle propre de l'exploitant.

Dans le réseau de distribution, la capacité disponible va ainsi être calculée à partir de la capacité

d'acherninemen~ déduction faite de la capacité servant à approvisionner les clients propre.s de l'ex- ploitant et de la capacité requise pour d'autres contrats. L'exploitant d'un réseau a le droit de répon- dre à ses propres engagements avant de devoir ouvrir son réseau à des tiers.

L'article 3 du projet d'ordonnance clarifie les modalités de mise en œuvre de cette obligation en posant deux principes.

D'une part, il appartient aux exploitants de réseaux de détenniner la capacité disponible, du fait qu'ils sont chargés d'assurer la gestion du réseau (art. 10, al. 1, LME) en optimisant celle-ci, par exemple en prenant des mesures de gestion de la demande, comme le blocage horaire et les livraisons inter- ruptibles. En effet, certains groupes de consommateurs ou entreprises industrielles peuvent être coupés du réseau au moyen d'un réglage à distance et de délestages de charge, ce qui permet de décharger le réseau lors des pointes de consommation.

D'autre part, les clients ne sont pas censés modifier pas leur utilisation du réseau en changeant de fournisseur. Toutefois, si le changement impliquait également une modification du type de consom- mation avec le remplacement d'une alimentation avec réglage à distance ou délestages de charge, par une fourniture en continue, la politique d'optimisation du réseau pourrait être remise en cause. Dans cette hypothèse, pour éviter à la fois une baisse de rentabilité du réseau et une éventuelle entrave à la concurrence en raison d'un refus d'acheminement, le projet d'ordonnance précise que si la demande de transport excède la capacité disponible, l'attribution se fait dans l'ordre chronologique des requêtes.

Le commentaire du projet d'ordonnance mentionne cependant que les cas de manque de capacité devraient être rares. C'est pour ce motif, le Conseil fédéral a opté pour le système de la liste d'attente qu'il juge simple et rapide plutôt que pour un système de mise aux enchères de la capacité disponi- ble, comme c'est le cas pour le réseau haute-tension.

A nouveau, en cas de refus de transport, la charge de la preuve incombe à l'exploitant du réseau, qui doit faire valoir par écrit dans un délai de dix jours les raisons qui s'opposent à l'acheminement.

Enfin, on pourrait imaginer qu'une ou plusieurs entreprises tentent de limiter artificiellement la capacité de transport disponible en demandant une capacité de transport supérieure à celle réellement néce.5.saire pour la fourniture de l'électricité requise par leurs clients éligibles. L'article 3, alinéas 4 à

6

du projet d'ordonnance vise à empêcher de telles stratégies de blocage en autorisant un exploitant de réseau à dénoncer un contrat d'acheminement à concurrence de la capacité non utilisée par un

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L'é11ergie, controverses et perspectives

Dans le même sens, les clients éligibles ont l'obligation de signaler immédiatement à l'exploitant du réseau les capacités d'acheminement, sous peine de devoir indemniser ce dernier pour les coûts éven- tuels liés au blocage inutile des capacités.

D. La rémunératioJ! .de l'açheminement

Si l'acheminement doit être libre, il n'est pas gratuit. Les principes généraux de la rémunération de l'acheminement sont fixés à l'article 6 de la loi afin d'éviter une éventuelle discrimination ou abus de position de monopole.

La rétribution doit se baser sur les coûts effectivement imputables à la prise en charge d'électricité, en fonction des quantités d'énergie acheminée.

Pour calculer ces coüts, il faudra notamment tenir compte de la gestion du réseau, de la constitution de réserves, de l'entretien, de la rénovation et du développement du réseau, des intérêts et de l'amor- tissement du capital investi, ainsi que des redevances prescrites par le législateur cantonal ou com- munal tels que les taxes de concession pour l'utilisation du domaine public, les contributions à un fonds cantonal de compensation ou encore des redevances destinées au financement de mesures poli- tiques telles que les conseils énergétiques18. En toute hypothèse, seules seront prises en considération les dépenses véritablement nécessaires à une bonne exploitation du réseau.

Un contrôle efficace sur le calcul des coûts est prévu par l'article 7 LME, qui introduit des exigences comptables : les entreprises opérant dans la production, le transport ou la distribution d'électricité devront tenir des comptabilités séparées pour les opérations Liées au réseau ( «Unbundling compta- ble»).

De plus, pour garantir une égalité de traitement entre toutes les entreprises et pour répartir les coûts d'un réseau sur le plus grand nombre possible de consommateurs finaux, l'article 6, alinéa 3, LME impose que l'acheminement d'électricité au même niveau de tension sur un réseau donné soit factu- ré au même prix, indépendamment de la distance.

E. Le contentieux

En vue d'organiser un contrôle efficace de l'application des règles sur l'acheminement, la loi propose d'instituer une commission d'arbitrage, compétente pour connaître des litiges relatifs à l'accès au réseau et à la rémunération de l'acheminement.

Cette commission devrait avoir un rôle similaire à celui de la commis.sion d'arbitrage instituée le 20 mars 1998 par l'article 40a de la Loi sur les chemins de fer pour statuer sur les litiges concernant l'accè.s au réseau et le calcul de la redevance d'utilisation de l'infrastructure19. Elle interviendra sur plainte d'une entreprise ou d'un consommateur et procèdera à une enquête.

Si elle constate que l'exploitant d'un réseau de transport a refusé à tort la prise en charge d'élec- tricité ou imposé des coOts supérieurs à ce qu'autorise la loi, elle prendra une décision relative à la plainte en imposant l'accès au réseau ou en octroyant un dédommagement à la partie lésée. Elle disposera également de la capacité de prendre des mesures provisionnelles. Elle pourra ainsi fixer à titre provisoire le droit d'accès et le montant de la rémunération due en contrepartie.8

18 Message (note 6). p. 6708.

19 RS 742.101.

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foç effets de la libéralisation du marché de l 'électricilé sur les relations juridiques des tmlrejfrises

La composition et l'organisation de la Commission d'arbitrage seront régies par les articles 71a à 71d de la Loi fédérale sur la procédure administralive20 ainsi que par !'Ordonnance concernant l'organi- sation et la procédure des commissions fédérales de recours et d'arbitrage21.

'.i,

La cré~tiol! d'une ~QCiété sfilsse d'exploitatlQP du réseau

de transpQrt natio!Jal

Le régime de l'obligation d'acheminement n'est pas définitif. Il devrait évoluer avec la création de la société suisse d'exploitation prévue à l'article 8 LME. Selon le Conseil fédéral, cette création est néces- saire pour assurer l'existence d'un véritable marché de l'électricité. Elle éviterait l'avantage concur- rentiel dont bénéficient les exploitants des réseaux de transport en raison de la priorité d'accès à leur réseau pour l'alimentation de leur clientèle22.

Cette société aurait pour fonction d'exploiter le réseau de transport à l'échelon suisse. Sont visés par cette nonne les réseaux des six grandes compagnies nationales. En contrepartie, elle ne pourrait avoir aucune activité se rattachant à la production ou à la distribution de courant ni posséder des parts dans des entreprises actives dans ce secteur.

Pour assurer la mise en place de la société nationale, l'article 30 LME impose aux exploitants des réseaux de transport de créer, dans les trois ans qui suivront l'entrée en vigueur de la loi, une société de droit privé chargée de l'exploitation d'un réseau suisse de transport23. L'article 31 LME prévoit dans ce cas des facilités pour le transfert éventuel d'immeubles à cette nouvelle société, qui devra couvrir tout le pays et avoir une politique d'exploitation indépendante24.

En revanche, la loi est muette sur la compensation due en raison de ce transfert ni sur les modalités de mise en place de la société nationale pour conserver son indépendance. Il s'agit d'une lacune que l'on ne peut que regretter. Ce d'autant plus que si les exploitants ne remplissent pas leur obligation dans le délai de trois ans, le Conseil fédéral devrait procéder lui-même à la mise en place de la socié- té nationale, par exemple au moyen d'un appel d'offre public. I:on pouvait espérer que le projet d'or- donnance pallierait cette lacune. Tel n'est pas le cas.

Dans son commentaire, le Conseil fédéral relève le silence de la loi et constate que les questions stratégiques liées à la création de la société seront seulement tranchées dans les statuts de la future société qui devront être soumis à son approbation. Il s'agit d'un exemple intéressant de régulation libéralisée: I.e législateur prévoit une fonne d'étatisation de la structure de transport mais en lais.5e l'organisation à l'économie privée.

5,

Conclusio11

La libéralisation du marché de l'électricité ne va pas se dérouler sans heurts. Les trois points de la réfonne que nous venons d'exposer en donnent un exemple.

Il est difficile auïourd'hui d'appréhender l'étendue exacte des conséquences de la réfonne sur les relations juridiques des entreprises. En particulier, le sort des contrats de distribution, qui pourraient

20 RS 172.021.

21 RS 173.31.

21 Message (note 6), p. 671 !.

2i Message (note 6), p. 6722.

24 Message (note 6), pp. 6722-6723.

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l'éner,~ie, w11/roverses et perspeciil!es

être partiellement ou totalement remis en cause en relation avec les livraisons de courant à des clients éligibles, soulèvera des problèmes juridiques difficiles.

Il en ira sans doute de même des litiges relatifs à l'obligation de transport. L' «unbundling compta- ble» prévu par le projet ne permettra pas de résoudre toutes les questions liées au calcul du coût et donc à la rémunération du transporteur. La commission d'arbitrage risque d'être souvent sollicitée.

Enfin, la création d'une société nationale forcera les grandes sociétés de distribution à modifier profondément leurs structures. Le délai de trois ans prévu par le projet apparaît insuffisant pour attein- dre l'objectif fixé.

Tel qu'il est formulé, le projet de loi créé aujourd'hui plus d'incertitudes que de certitudes. Cette situa- tion explique en partie les vives discussions dont il a fait l'objet lors des premiers débats au parlement.

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