Éditorial
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4 mai 2016
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Médecine tropicale
et des voyages : au service des voyageurs de – et vers –
l’Europe
Prs FRANÇOIS CHAPPUIS, BLAISE GENTON et Dr SERGE DE VALLIÈRE L’actualité épidémiologique et géopolitique a
eu un impact important sur les activités des médecins spécialistes en médecine tropicale et des voyages ces dernières années. Les épidémies successives d’Ebola en Afrique de l’Ouest et de Zika en Amérique latine ont né
cessité une préparation optimale afin, d’une part de prévenir (messages ciblés pendant la consultation prévoyage) et détecter – ou ex
clure – (au retour de voyage) l’infection chez les voyageurs, et d’autre part de répondre aux angoisses générées par ces épi
démies. Comment en effet rester insensible aux images abondam
ment relayées par les médias de patients mourant sur le bitume devant un centre de traitement Ebola saturé à Monrovia ou d’en
fants microcéphales dans les salles d’attente d’un pédiatre à Sao Paulo…
D’autres images fortes nous heurtent – ou devraient nous heurter – quotidiennement, celles des centaines de milliers de migrants fuyant la guerre, les politiques ultrarépres
sives ou l’extrême pauvreté, brutalement frei
nés ou stoppés par des barrières électrifiées, une mer hostile et des décisions politiques lâches. Les situations sanitaire et politique dans le pays de provenance et les conditions parfois très rudes du parcours migratoire ex
posent les migrants à de multiples problèmes médicaux : maladies chroniques décompen
sées, troubles de la santé mentale, séquelles physiques de violence et maladies infectieu
ses cosmopolites (par exemple, tuberculose,
gale) ou tropicales. Parmi ces dernières, la malaria à Plasmodium vivax, la maladie de Chagas, la schistosomiase intestinale ou uri
naire, et la leishmaniose viscérale doivent être dépistées et traitées sans tarder, afin de pré
venir des complications aiguës ou chroni ques, parfois mortelles.
Dans toutes les situations décrites cidessus, nous (les spécialistes en médecine tropicale et des voyages) avons collaboré de manière soutenue avec virologues, obsté
triciens, pédiatres, urgentistes, médecins de premier recours, spécialistes des migrants, autori
tés sanitaires, etc. dans la prise en charge des malades bien sûr, mais également dans la forma
tion postgraduée et continue, la recherche et la formulation de guidelines. Ce soutien que nous apportons avec enthousiasme ré
vèle également les manques de la formation prégraduée. Dans les facultés de médecine en Suisse, l’enseignement des pathologies tropi
cales et des voyages est, à l’exception d’une poignée d’heures, cantonnée à des cours op
tions auxquels participe une minorité (1020 % à l’UNIGE et UNIL) des étudiants ! Cette si
tuation est anachronique, alors que les mou
vements internationaux de personnes (tou
ristes, migrants, expatriés) ont atteint des niveaux sans précédent, et que la majorité des médecins en Suisse sont confrontés – à une fréquence variable il est vrai – à des pa
tients porteurs de pathologies «exotiques»
qui n’ont de facto d’«exotique» que leur nom…
Articles publiés sous la direction des professeurs
FRANÇOIS CHAPPUIS Service de médecine
tropicale et humanitaire Département de
médecine communautaire, de premier recours et des urgences HUG, Genève
BLAISE GENTON Policlinique médicale
universitaire Service des maladies
infectieuses, Département de médecine CHUV, Lausanne
et du docteur
SERGE DE VALLIÈRE Policlinique médicale universitaire Service des maladies
infectieuses, Département de médecine CHUV, Lausanne
DES mILLIERS DE mIGRANTS BRUTALEmENT
FREINéS OU STOPPéS PAR DES
DéCISIONS POLITIqUES
LâCHES
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