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Richesse et diversité: à la découverte des archives des sciences humaines et sociales. Avant-propos
MÜLLER, Bertrand, WOLIKOW, Serge
Abstract
Les archives de la recherche des sciences sociales et humaines sont-elles des archives particulières? A priori non. Elles sont des archives scientifiques comme d'autres, qui ont fait l'objet de programmes spécifiques ces dernières décennies. On pense ici notamment au programme ARisc qui, après de longs efforts de sensibilisation et d'investigations, a abouti notamment à la publication d'un catalogue collectif des fonds
MÜLLER, Bertrand, WOLIKOW, Serge. Richesse et diversité: à la découverte des archives des sciences humaines et sociales. Avant-propos.
La Gazette des archives, 2008, no. 212, p. 5-8
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:25941
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N°212, année 20084
SOMMAIRE
RICHESSE ET DIVERSITÉ: À LA DÉCOUVERTE DES ARCHIVES DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
Bertrand MÜLLER et Serge WOLIKOW
Avant-propos 5
Une enquête pour un catalogue collectif des fonds
Agnès VlOLA
Une enquête sur les archives de la recherche en sciences humaines sociales: contribuer au signalement des fonds et à leur réexploitation
et
Il Marie-Françoise LIMON-BONNET et Fabien OPPERMANN
Collecter et mettre à disposition les archives des sciences humaines et sociales: la construction d'un réseau coopératif entre services producteurs
et services publics d'archives 25
La diversité des contenus
Bertrand MÜLLER
Archives, documents, données: problèmes et définitions 35 Jacqueline CHRISTOPHE
L'émergence de la notion traditions populaires
d'archives au Musée national des Arts et 45 Bernard PAILLARD
Une enquête pluridisciplinaire 1965) : son histoire, ses archives
en sciences humaines. Plozévet (1961
57
Goulven LE BRECH
Les archives des chercheurs en sciences humaines et sociales: l'exemple du
fonds Vidal-Naquet 69
Céline ALAZARD
Les archives privées d'un chercheur fond s André Varagnac
en sciences sociales: l'exemple du
79 Marion ABÉLÈS et Marie-Dominique MOUTON
Sauvegarder le terrain des ethnologues: un défi relevé en commun 89 Peter STOCKINGER
Les archives audiovisuelles de la recherche: un programme de production, traitement, conservation et diffusion en ligne de patrimoines numériques
audiovisuels en sciences humaines et sociales 101
La diversité des institutions
Elisabeth VERRY
Les archives des sciences humaines départementales de Maine-et-Loire
et sociales aux Archives
119 Marie-Annick MORISSON et Jacqueline MONFORT
Les archives à l'École des hautes études en sciences sociales 133 Elisabeth BELLON et Aurélie MONTAGNE-BÔRRAS
La gestion des archives scientifiques à la maison archéologie et ethnologie
René-Ginouvès,
143 Véronique GINOUVÈS
Écouter les archives orales de la recherche: l'expérience de phonothèque de la Maison méditerranéenne des sciences de l'homme
la
153 Martine AUBRY
De la conservation à l'eXploitation: les fonds spécifiques d'un laboratoire
de recherche 161
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Avant-propos
Bertrand MÜLLER Serge WOLIKOW
Les archives de la recherche des sciences sociales et humaines sont-elles des archives particulières? A priori non. Elles sont des archives scientifiques comme d'autres, qui ont fait l'objet de programmes spécifiques ces dernières décennies.
On pense ici notamment au programme ARiSe! qui, après de longs efforts de sensibilisation et d'investigations, a abouti notamment à la publication d'un catalogue collectif des fonds2 •
De ce point de vue, les archives des sciences humaines et sociales sont des archives ordinaires, simplement un peu plus longtemps négligées. Les versements demeurent, en effet, très aléatoires et dispersés dans les Archives nationales et départementales, dans les bibliothèques, voire aussi de manière plus précaire auprès des universités ou des centres de recherche. La situation de ces archives demeure cependant confuse et assez mal connue. Deux enquêtes anciennes, portant sur la conservation des données des enquêtes quantitatives, suivies d'une enquête sur les données qualitatives, ont révélé l'ampleur des problèmes, l'urgence mais aussi la complexité des solutions3.
1 Dans le cadre d'une convention de recherche pluriannuelle entre le CNRS et le ministère de la Culture (Mission de la Recherche et de la Technologie), le programme ARISC (ARchives Issues des Sciences Contemporaines) a entrepris entre 1993 et 2000 « d'étuclier les documents, matériaux et objets produits et utilisés dans la recherche à partir de 1950 » et « de mettre en place des solutions originales de conservation pour constituer une véritable mémoire du travail scientifique ».
2 CHA.RMASSON (Thérèse), MARION (Daniel), GAZIELLO (Catherine) et ROTA
TRÉGUIER (Carole), Les archives des scientifiques, XVl'-XX' .aède : guide des fonds consel7Jés en France, Paris, Ed. du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2008.
3 Cf. en 1999, SILBERMAN (Roxanne), Les sciences sociales et leurs données, pour le compte du Mnistère de l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie; et en 2003, CRIBIER
Bertrand lv/iil/er et Serge Woh'kol1J
Dresser une prenùère cartographie des fonds conservés nous a semblé une voie nécessaire et c'est la raison qui a conduit à l'élaboration d'une enquête menée conjointement par le Réseau des Maisons des Sciences de l'Homme et la Direction des archives de France1 dans le cadre du programme Archives de la recherche des Sciences htunaines et sociales (ARSHS). Pour autant nos efforts n'ont pas encore abouti et le catalogue des fonds que nous avons projeté est encore en chantier.
Les raisons ne sont pas seulement techniques mais aussi scientifiques et culturelles. Les sciences humaines et sociales ne sont pas, à l'instar des services de l'État, des activités formalisées par des règles et des pratiques adnùnistratives, stabilisées dans un statut et soumises à des normes juridiques. Leurs domaines ont fait l'objet de déftnitions diverses et variables dans le temps. Il en est de même des documents qu'elles ont produits et par conséquent des traces et des archives. Bien que publiques dès lors qu'elles sont la trace d'activités exercées par des enseignants, des chercheurs associés à des institutions de service public, ces archives ont cependant un statut flou et incertain: elles sont composées de documents publics, mais aussi personnels et privés; elles sont conservées dans les laboratoires, mais aussi au donùcile des personnes; elles concernent des activités individuelles, mais aussi collectives. Il n'est pas simple de les isoler des imprimés, de la littérature dite « grise », des livres surtout, sans lesquels la recherche n'a aucun avenir. Le livre d'ailleurs est souvent considéré comme le support de la communication et de la conservation de la recherche au détriment de la documentation accumulée par le chercheur. Multiples et variés, ces documents sont déposés dans des endroits divers et généralement sans dispositif de conservation aménagé.
Dès lors, l'identiftcation et la localisation des fonds s'avèrent des tâches malaisées et aléatoires. La diffusion unique d'un questionnaire doit être accompagnée d'opérations spécifiques en particulier du côté des laboratoires et des établissements d'enseignement et de recherche. Ceci explique aussi le décalage
(Françoise) et (FELLER) Élise, PTO/d de comcrvation des données qualitatives des sciences sociales, présenté en 2003 au Ministère délégué à la Recherche et aux nouvelles technologies.
1 Archives de la recherche en sciences humaines et sociales (ARSHS) est un programme initié et piloté par la Maison des sciences de l'homme de Dijon dans le cadre du réseau des Maisons des sciences de l'homme. 11 est réalisé en partenariat avec la Direction des archives de France, le CNRS, les ministères de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi que de la Culture, la Conférence des présidents des universités et la Direction des bibliothèques.
Adresse: Maison des Sciences de l'Homme de Dijon (UMS CNRS-uB 2739), Service documentation Pôle Économie et Gestion, BP 26611, 21066 DIJON Cedex. Email : arshs@u
bourgogne.fr ; site internet : http://arshs.u-bourgogne.fr 6
important des réponses entre les deux volets d'une enquête qui n'étaient pas de la même nature. Dans le cas de la Direction des archives de France, l'enquête relève d'une démarche administrative qui n'est pas concevable dans le cadre d'établissements dont la très grande majorité est dépourvue de centres de documentation et à plus forte raison de lieux de conservation d'archives vivantes ou intermédiaires. Nous aurons donc à réitérer l'enquête, à élargir encore la diffusion du questionnaire avant d'être en mesure de proposer le catalogue collectif des fonds des sciences humaines et sociales que nous souhaitons.
ARSHS est aussi un réseau qui se structure à un niveau national et qui réunit, de plus en plus nombreux, les chercheurs, les praticiens des sciences sociales et les
« professionnels» des archives et de la documentation. L'importance de ce réseau, de plus de 200 personnes à ce jour, atteste de l'intérêt pour les questions que nous soulevons et témoigne aussi d'une prise de conscience et de la mobilisation de personnes soucieuses de préserver un patrimoine scientifique précieux pour l'histoire des sciences humaines et sociales mais également pour la recherche. L'une de nos préoccupations premières et toujours prioritaires est de favoriser les réflexions collectives, les échanges d'expériences, de multiplier les propositions et les initiatives entre les membres du réseau, mais aussi, en prolongement, de nous en faire le porte parole auprès des autorités académiques, scientifiques et patrimoniales. L'un des instruments que nous avons mis en place avec un écho très positif est le séminaire ARSHS qui se réunit trois à quatre fois par an autour de thèmes et de problèmes spécifiques concernant les archives des sciences humaines et sociales.
Les contributions que nous présentons dans ce numéro, qui nous a été proposé par la rédaction de la Gazette des archives, sont issues pour la plupart de nos séminaires et de nos journées d'études. Nous les avons sélectionnées afin de montrer la vitalité des activités des personnes et des centres de documentation ou d'archives dans ce domaine. Ce numéro prolonge et complète ainsi le dossier que nous avons eu l'occasion de publier dans la revue Genèses. Sciences sociales et histoire en 20061•
Nous avons retenu ici des contributions reflétant la diversité de l'archive des sciences humaines et sociales, mais également son ambivalence entre privé et public, individuel et collectif, archives nouvelles et collections documentaires. Le Musée national des Arts et traditions populaires (aujourd'hui MUCEM) a longtemps illustré la nécessité d'associer aux collections d'objets à vocation muséographiques les instruments documentaires et en particulier les archives,
1 « Sciences sociales. Archives de la recherche », Genèses. Sciences sociales et bistoire, 2006, nO 63.
Bertrand Müller et Serge WolikOl/J
plaidant ainsi pour la mise en place d'archives intermédiaires conservées à proximité de la recherche elle-même. La présentation d'archives personnelles de chercheurs rappelle le caractère fluctuant des frontières qui sépare les activités publiques et personnelles, intimes ou personnelles et professionnelles, intellectuelles ou scientifiques et administratives. Les sciences humaines et sociales sont également productrices de données recueillies par des procédés divers dont les enquêtes. Celles-ci se sont développées dans les années 1970 dans le cadre de dispositifs complexes et ambitieux: ce fut le cas des enquêtes entreprises dans le cadre de la Recherche coopérative sur programme qui ont abouti à de vastes entreprises collectives déployées dans certaines régions, notamment en Bretagne, à Plozévet (retenue ici), mais aussi en Bourgogne dans le Châtillonais1, ou encore dans l'Aubrac ou en Corse. Les archives (mal) conservées de ces enquêtes posent des problèmes complexes pour lesquels le partage de compétences multiples et la mise en place de dispositifs
« collabora tifs » s'avèrent nécessaires.
Les carences d'une situation institutionnelle, encore médiocre, ne doivent toutefois pas oblitérer les expériences positives en cours et dont certaines font largement leurs preuves dans des institutions spécifiques qui sont maintenant connues. Il nous a paru utile également de rappeler ici les démarches les plus encourageantes. Elles sont hélas peu nombreuses encore mais elles constituent des modèles et plaident surtout pour la mise en place et le développement de solutions de conservation - intermédiaires ou définitives - à proximité des lieux de la recherche et de l'enseignement, solution qui seule permet d'engager un traitement et une valorisation associant les personnels de la documentation et des archives ainsi que les chercheurs eux-mêmes, et de maintenir étroitement les liens entre les opérations patrimoniales et la recherche scientifique.
Bertrand MÜLLER Chef de projet ARSHS Maison des Sciences de l'Homme de Dijon UMS 2739, Université de Bourgogne, CNRS Chargé de cours, universités de Genève et de Neuchâtel
Serge WOLIKOW Directeur du projet ARSHS Maison des Sciences de l'Homme de Dijon UMS 2739, Université de Bourgogne, CNRS Président du GIS Réseau national des Maisons des Sciences de l' Homme
1 LAFERTÉ (Gilles), « Des archives d'enquêtes ethnographiques pour quoi faire? Les conditions d'une revisite », Genèses, 2006, nO 63, p. 25-45.
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