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View of Véronique Jago-Antoine, Dire et (contre)faire. Jean de Boschère, imagier rebelle des années vingt

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Academic year: 2021

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IMAGE [&] NARRATIVE Vol. 19, No.1 (2018) 105

Véronique Jago-Antoine, Dire et (contre)

faire. Jean de Boschère, imagier rebelle des

années vingt

Review by Jan Baetens

Auteur d’une œuvre aussi multiforme que radicale, saluée et soutenue par des écrivains essentiels de l’époque comme Antonin Artaud ou Jean Paulhan, entre autres, toujours partagée entre des influences proprement belges comme la tradition de l’enluminure et une proximité immédiate avec les modernités successives à l’ère des avant-gardes historiques, Jean de Boschère (1878-1953) est une des grandes voix méconnues des lettres de Belgique. Même si l’œuvre est encore partiellement disponible aujourd’hui, elle reste victime d’un éclatement éditorial peu favorable à la relecture et surtout à la réactualisation d’un auteur que tout désigne pourtant comme un chaînon capital de notre modernité. Certes, la réputation sulfureuse de l’auteur, qu’à d’autres moments on eût qualifié de « maudit », puis ses périodes d’exil, enfin la diversité formelle et stylistique de son travail qui se transforme en écho à de multiples innovations internationales, sont aussi pour beaucoup dans l’oubli relatif de son œuvre. Mais l’absence d’une porte d’entrée minimalement commode, par exemple sous la forme d’une généreuse anthologie, n’est pas non plus un facteur négligeable.

Il faut donc souhaiter que le nouveau volume d’Archives du futur, collection dirigée par Marc Quaghebeur et publiée sous les égides des Archives et Musée de la Littérature, pourra jouer ce rôle. Signé Véronique Jago-Antoine et prolongeant avantageusement une exposition à la Bibliotheca Wittockiana (15 février-28 mai 2017) de Bruxelles, Dire et (contre)faire. Jean de Boschère, imagier rebelle des années vingt dispose en tout cas de plusieurs atouts pour que cette grande œuvre puisse trouver une place ferme et stable au sein des lettres belges et européennes.

Outre la richesse et l’originalité des informations historiques et littéraires qu’il contient, Dire et (contre)faire présente trois avantages décisifs. Pour commencer, il fait résolument le choix d’un aspect singulier de l’œuvre de Boschère. Tout en témoignant d’une connaissance parfaite de toute l’œuvre de l’auteur, Jago-Antoine se concentre sur les livres auto-illustrés, à la fois dans leur forme publiée et à travers une série de documents d’archives peu connus, comme les collages stupéfiants réalisés pour Job le Pauvre (1922), des créations sans égales qui devraient permettre de réécrire l’histoire du collage en Europe. Rendue possible par l’existence d’une excellente étude d’ensemble (Christian Berg Jean de Boschère ou le mouvement de l’attente : étude

biographique et critique, Bruxelles : Palais des académies, 1978), cette « restriction de champ » est salutaire,

Véronique Jago-Antoine

Dire et (contre)faire. Jean de Boschère, imagier rebelle des années vingt

Bruxelles : AML Éditions, collection Archives du Futur, 384 pages, ill. en quadrichromie

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IMAGE [&] NARRATIVE Vol. 19, No.1 (2018) 106

car elle permet d’éviter le traitement encyclopédique d’une œuvre qu’il serait difficile de traiter intégralement dans une seule étude. Elle est aussi judicieuse, dans la mesure où elle prolonge le travail de Jago-Antoine dans le domaine des rapports entre mots et images (notamment à l’époque de la célèbre exposition itinérante Les

Irréguliers du langage).

En second lieu, Dire et (contre)faire présente aussi une nouvelle approche de l’illustration qui aide à mieux comprendre les enjeux de l’écriture de Boschère –et inversement. Partant de l’observation que le travail de l’illustration, en l’occurrence de l’auto-illustration, continue à être reléguée au pur rang d’ornement (dans le meilleur des cas, car le rejet de l’illustration reste parfois violent), Jago-Antoine s’appuie sur l’exemple et la démarche de Boschère pour repositionner l’illustrateur comme « imagier », c’est-à-dire comme créateur refusant le clivage des mots et des images et explorant le choc du lisible et du visible pour s’arracher aux limites de chacun de ces modes de représentation. Cette vision de l’imagier, qui peut paraître très générale et relativement peu surprenante, est explorée tout au long de l’étude de Jago-Antoine par une critique très précise, page par page pour ainsi dire, du corpus boschérien, dont la densité, les constantes surprises, les pièges et les difficultés, font l’objet d’un commentaire patient et minutieux, mais toujours au service de l’objet analysé. Cette glose est communicative et contagieuse, car au bout d’un certain nombre de chapitres, le lecteur se surprend à vouloir faire l’analyse avec Jago-Antoine et de confronter ses propres hypothèses et interprétations à celles de l’auteure.

Enfin, troisièmement, comment ne pas remercier les AML d’offrir un livre aussi richement illustré, qui donne enfin une idée précise du travail du grand imagier qu’est Jean de Boschère ? Le volume combine les vertus d’un catalogue d’exposition (ce qu’il n’est pas du tout, même s’il accueille toutes les informations techniques qu’on attendrait d’un tel type de document) et monographie scientifique (et ce en dépit du lyrisme permanent des commentaires de Jago-Antoine, visiblement marquée par certaines audaces de son modèle).

Dire et (contre)faire se prête à une lecture feuilletée, étagée, à multiples entrées, la mise en page étant construite

en fonction d’une circulation complexe entre trois plages : celle de l’image, qui est elle-même une image souvent mixte, tressant éléments lisibles et éléments visibles au point de mettre en question leur séparation même ; celle du commentaire, qui prend presque la forme d’une glose linéaire et marginale, ce qui engendre de nouveaux va-et-vient entre textes et images ; enfin celle de l’appareil des notes, qui ouvrent la lecture de Boschère à toutes sortes de contextes, contemporains de l’auteur mais aussi contemporains de nous, ce qui constitue une autre forme encore d’aller-retour entre l’alchimie ou l’atelier de Boschère et l’histoire plus vaste qui à la fois façonne l’œuvre de l’imagier et se trouve éclairée par ses expériences.

Une bibliographie très riche (mais hélas pas d’index –travers encore trop habituel de tant de publications scientifiques en langue française !) et une construction claire et bien équilibrée de l’ensemble du livre aideront le lecteur intéressé, qu’il faut espérer nombreux, à se laisser contaminer par un auteur et une œuvre hors pair.

Jan Baetens est rédacteur en chef de Image (&) Narrative.

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