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Philosophie Théosophie Histoire Spiritualité Franc-maçonnerie Martinisme

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Academic year: 2022

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Revue en ligne L’Initiation Traditionnelle n° 1 de 2015 Janvier, février & mars 2015

Revue éditée par le GERME (Groupe d’Études et de Réflexion sur les Mysticismes Européens) et fidèle à l'esprit de la revue L'Initiation fondée en 1888 par Papus et réveillée en 1953 par Philippe Encausse

Philosophie • Théosophie • Histoire

Spiritualité • Franc-maçonnerie • Martinisme

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Sommaire du numéro 1 de 2015

Les liens du sommaire ci-dessous sont cliquables

Editorial, par Yves-Fred Boisset 1

Confucius, l’homme et les relations humaines, une sagesse qui se développe dans l’éthique sociale,

par Didier Lafargue 4

La vie, la pensée et l’œuvre synarchique et archéométrique de Saint-Yves d’Alveydre,

par Yves-Fred Boisset 14

. Première partie : l’archéomètre philosophique 22

. L’archéomètre opératif 29

La bible et la voie des maîtres,

par Patrick Négrier 53

Introduction de l’ouvrage « Les Mystères de la ville d’Is, l’héritage spirituel des légendes celtiques »,

par Pascal Bancourt 62

Les livres 71

L’Initiation

Traditionnelle

7/2 résidence Marceau-Normandie 43, avenue Marceau

92400 Courbevoie

Téléphone (entre 9h et 18h) : 01 47 81 84 79

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la Revue L’Initiation Traditionnelle) ISSN : 2267-4136

Directeur : Michel Léger Rédacteur en chef : Yves-Fred Boisset

Rédacteurs en chef adjoints : Christine Tournier, Bruno Le Chaux

& Nicolas Smeets Rédactrice adjointe : Marielle-Frédérique Turpaud

Les opinions émises dans les articles que publie L’Initiation Traditionnelle doivent être considérées comme propres à leurs auteurs et n’engagent que leur responsabilité.

L’Initiation Traditionnelle ne

répond pas des manuscrits communiqués. Les manuscrits non utilisés ne sont pas rendus.

Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays.

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Éditorial

1

Les premiers jours de cette nouvelle année ont été endeuillés par une série d’assassinats qui ont visé presque simultanément à Paris les journalistes-caricaturistes d’un hebdomadaire et des clients d’une épicerie casher.

Même s’il n’existe à première vue aucune relation directe entre ces deux faits tragiques, nous assistons à un nouveau déferlement de la barbarie soi-disant justifiée par une croyance religieuse et toujours au nom de Dieu.

Dans la lâche tuerie de « Charlie-Hebdo », le motif avoué était de punir des auteurs d’écrits et de dessins blasphématoires (?), dans celle, non moins lâche, de la Porte de Vincennes, il s’agissait de tuer des juifs dont la seule faute était, selon leurs assassins ou leurs commanditaires, d’être… juifs.

Et c’est là qu’il ne faut pas se mentir et faire montre de naïveté, notre civilisation est cernée par la barbarie et menacée de toutes parts. Allons- nous vers la Troisième Guerre mondiale. Je ne sais pas et je ne peux que le craindre car un grand nombre d’éléments précurseurs peuvent désormais le laisser penser.

L’Europe occidentale serait-elle le dernier bastion d’une civilisation en voie de dissolution, la France serait-elle le dernier drapeau de l’humanisme brandi jadis sur tous les continents, les ordres initiatiques sérieux tels le martinisme et la franc-maçonnerie seraient-ils les derniers gardiens d’un patrimoine multiséculaire qui s’est bâti pierre à pierre sur la mémoire des grandes traditions de l’Antiquité. Notre berceau est en Mésopotamie (actuel Irak que nous avons livré aux islamistes et voué au saccage), notre école philosophique est en Grèce (que les folies de l’ultralibéralisme condamnent à la pauvreté), notre culture est dans une riche activité artistique et littéraire (que l’anglo-saxonisme triomphant parvient à étouffer en nous imposant une langue-sabir sans âme qui ne concerne que les « boutiquiers », comme disait Napoléon 1er en parlant du peuple anglais). Le français n’est pas une langue morte ; nous savons que le mauvais anglais des aéroports et des ordinateurs tentent de le grignoter jour après jour.

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Mais comment se défendre ? Comment résister ? J’ai écrit en plusieurs 2

occasions que, s’il ne faut pas hurler avec les loups, il ne faut pas davantage pleurer avec les agneaux. Résistons en maintenant notre langue, notre culture, notre patrimoine. Ne nous conduisons jamais en vassaux de qui que ce soit, de quelque état que ce soit, même s’il est bien plus riche et bien plus puissant que nous. Gardons la tête haute. Le temps n’est plus à l’humilité, ni à la modestie vraie ou fausse.

Cultivons notre histoire ; n’en négligeons jamais l’enseignement. Il est indispensable à notre survie. Un peuple sans mémoire est un peuple colonisable.

Exigeons de nos élus qu’ils se comportent dignement et ne cèdent jamais ni à la facilité ni la manipulation.

Exigeons de nous tous une vigilance de tous les instants. Nous autres, francs-maçons et martinistes, qui avons eu le bonheur de percevoir quelques rais de la Vraie Lumière, nous voulons conserver nos libertés fondamentales : liberté de penser, liberté de nous exprimer, liberté de croyance. Aucun de nos Maîtres Passés ne nous a demandés de faire abstraction de notre libre arbitre, de notre possibilité d’analyse, de renoncer à cultiver nos propres convictions.

Nous sommes de véritables patriotes car les ordres initiatiques sérieux n’ont jamais cherché à éloigner leurs disciples de la citoyenneté et des devoirs que celle-ci draine et qui, depuis trois siècles pour la maçonnerie et un peu plus de cent vingt ans pour le martinisme, prônent la paix républicaine, le progrès social, la justice pour tous et notamment pour les plus faibles d’entre nous.

Que ce soit sous le couvert d’une foi incertaine que des groupes de fanatiques sèment la terreur et la mort dans le monde nous projette violemment en arrière de plusieurs siècles et nous ramène au triste temps des guerres de religion quand notre continent était la proie d’autres fanatiques. Mais, comment avons-nous pu croire que ces fanatismes aient été relégués dans les greniers de l’histoire ?

Cependant, nous ne sommes pas innocents et nous avons bien compris que ce fanatisme religieux n’existe que pour servir de couverture à d’autres ambitions qui, elles, n’ont rien à voir avec la religion. Dans un monde qui s’est livré pieds et poings liés au capitalisme sauvage et aux appétits féroces de la finance transnationale, il faut détruire les derniers

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refuges de la vraie culture, là où l’on pense et l’on juge, là où l’on voit 3

plus loin que le bout son porte-monnaie.

Asservir les derniers résistants en répandant la terreur (par fanatiques interposés), voilà le maudit mais réel jeu des nouveaux maîtres du monde.

Yves-Fred Boisset, rédacteur en chef.

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Confucius, l’homme et les relations humaines,

4

une sagesse qui se développe dans l’éthique sociale

par Didier Lafargue La loi a toujours eu pour vocation d’empêcher le développement de la liberté humaine. Dans le rapport avec l’autre, l’humanisme de Confucius nous enseigne à exprimer celle-ci pour le plus grand bien de notre épanouissement personnel.

Confucius passe pour avoir vécu en Chine au VIe siècle avant Jésus- Christ. A cette époque, l’empire du Milieu connaissait le désordre. Le pouvoir de la dynastie des Tchéous, laquelle avait gouverné le pays pendant près de huit-cents ans, tirait à sa fin. L’Etat était alors en proie à la division et aux chaos. De grandes principautés s’opposaient les unes aux autres, luttaient chacune pour imposer son hégémonie. A la cour des princes ne régnaient qu’intrigues, complots et fourberie. Quant au peuple, il était livré à l’égoïsme des grands. L’instabilité était générale ; partout ne régnait que le souci de l’intérêt personnel. C’est dans un tel contexte que le philosophe chinois élabora sa pensée. Lors d’une période de sa vie, il avait compilé les annales du pays de Lou, acquérant ainsi la connaissance de tous ses évènements passés. L’Histoire étant un éternel recommencement, son expérience lui permit d’édifier une sagesse susceptible de combattre les excès de son temps.

C’est ainsi qu’un principe fondamental de sa philosophie est celui du Jen (ou Ren). Qu’est-ce que le Jen ? Le terme désigne l’humanité de l’homme, la vertu suprême témoignée par l’être véritablement accompli, et sa réalisation n’est possible que dans le rapport avec ses semblables.

L’intérêt dégagé par le Jen s’observe dans l’idéogramme servant à l’exprimer. Celui-ci est en effet composé de deux entités : « l’homme » et « deux ». Jouant sur cette particularité, Confucius disait : « Ce qui est Jen (le premier), c’est Jen (le second) l’homme »1

1Li-ki , « Livre des Rites », VII-27 et TY-20.

. Il évoquait ainsi la dualité de l’être humain, celle qui existe en lui entre deux extrêmes, lesquelles ne peuvent s’accorder que dans la relation humaine. Pour le maître chinois, l’homme ne peut trouver sa dignité qu’en cessant d’être

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seul. « Quand je suis avec mon ami, je ne suis pas seul et nous ne 5

sommes pas deux » disait Pythagore. Plus tard, Carl Gustav Jung, l’un des fondateurs de la psychanalyse, dira : « Il est du suprême intérêt de la société libre qu’elle se soucie, grâce à une compréhension profonde de la situation psychologique, de la question des relations humaines. C’est de la relation d’homme à homme que dépendent sa cohésion et par conséquent aussi sa force. Là où cesse l'amour, commence la puissance, l'emprise violente et la terreur »2.

On le voit, les nobles principes que le philosophe aurait voulu inculquer aux gouvernants de son temps étaient loin de correspondre au cynisme de Machiavel. On pourrait les juger comme des idées naïves et utopiques et Confucius, du reste, ne se leurrait point. « Que seulement paraisse un souverain digne de ce nom, trente ans plus tard règnera la vertu de Jen »3, disait-il. De fait, les rapports qu’il eut à entretenir avec les grands de ce monde furent pour le moins houleux. Il se heurta partout à l’indifférence et fut déçu dans l’exercice de ses charges. Il n’en demeure pas moins que si sa philosophie n’eut de son temps que peu d’écho dans le domaine politique, pour le simple particulier, son intérêt est incontestable.

L’homme opposé à la loi.

La philosophie de Confucius est basée sur l’homme et les relations humaines. À l’instar de Socrate, le maître chinois puise sa sagesse dans ses rapports avec ses semblables. Elle s’oppose alors à l’autre école de pensée lui disputant la prééminence en Chine, celle des légistes.

Ces derniers estimaient que la loi seule était apte à mettre fin aux désordres sévissant en Chine et pouvait permettre de fonder un État central rationnellement administré, appuyé sur une solide bureaucratie.

Bien au contraire, à l’inverse des légistes et de nos juristes actuels, Confucius pensait que l'ordre social ne devait pas s’appuyer sur les lois mais sur les hommes, des hommes consciemment éduqués de telle sorte qu’ils soient exclusivement animés par la vertu. Ainsi perçoit-on tout ce qui différencie l’homme selon Confucius et la loi dans son caractère froid, abstrait et impersonnel. « Gouvernez à force de lois, maintenez l’ordre à coups de châtiments, le peuple se contentera d’obtempérer, sans éprouver

2 C.G.Jung, Présent et avenir, p 177

3 Confucius, Entretiens, XIII-12.

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la moindre honte. Gouvernez par la Vertu, harmonisez par les rites, le 6

peuple non seulement connaîtra la honte, mais de lui-même tendra vers le Bien »4. Il a toujours été dans la nature des lois de freiner l’exercice de la liberté et l’individu ne peut pleinement s’exprimer qu’en prenant graduellement ses distances envers elles.

Le philosophe chinois était attaché à ce qui était pour lui l’homme concret, indépendant des contraintes juridiques imposées par l’État. À son époque, et bien que dans le désordre ambiant elle se soit quelque peu vidée de sa substance, c’est la notion d’honneur qui guidait les rapports sociaux. La principale définition que l’on peut donner à celui-ci est précisément la relation qui lie chaque être humain à la collectivité dont il est membre et qui forme son identité. Celui qui manque à l’honneur envers ses semblables est susceptible, face à ces derniers, de ressentir la honte.

Ce thème de la honte a fourni à notre philosophe la base de sa réflexion sur les relations entre les hommes.

Confucius n’avait pas d’explication concernant l’origine du mal (seul le christianisme en a une : l’homme est libre, il a fait le mal). Mais un point capital de sa philosophie, résolument optimiste, est que le Ciel a mis la bonté en l’homme, une pousse qu’il faut développer. De ceci découle le rôle capital accordé par notre sage à l’éducation. À l’appui de sa thèse, le philosophe cite l’anecdote de l’homme gras qui rentrait chez lui. Un homme, ayant une femme et une concubine, allait souvent en ville pour, prétendait-il, se rendre à des soirées chez des gens distingués. Mais les deux femmes s’étonnaient qu’il ne rende pas ses invitations. L’épouse suivit alors son mari et vit qu’il allait en fait se nourrir en pillard des offrandes données aux dieux ! Rentré chez lui, l’homme dut supporter les cris des deux dames et eut honte du mal qu’il avait fait. Telle est la force détenue par la honte dans la vie en société. Aujourd’hui, dans notre monde moderne, son importance est beaucoup moins grande du fait de l’accent mis par les esprits sur le respect de notre nature profonde, de notre part animale. Pourtant, un tel sentiment, suscité par le regard d’autrui, ne peut que conduire à une expérience de soi-même et, comme telle, être une lumière nous faisant prendre conscience de nos manquements envers l’autre. Sous le regard de celui-ci, nous nous reconstruisons alors et travaillons à notre amélioration personnelle.

Très justement, Confucius pense que l’homme est perfectible. Pour lui, la relation avec l’autre doit commencer par soi. Chacun doit, par sa propre

4Entretiens, II-3.

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volonté, obtenir la vertu de façon à être un exemple pour son entourage. Il 7

doit acquérir le Jen. « L’homme qui possède le Jen est celui qui, en désirant s’affermir lui-même, affermit les autres, et qui, en désirant se développer lui-même, développe les autres »5. Rayonnant par sa sagesse autour de lui, son exemple incitera ses semblables à le suivre et à se transformer à leur tour. De même qu’il faut être un athlète pour sauver un homme de la noyade, chacun doit acquérir sa propre stature pour mieux aider ses semblables. « L’homme de bien exige tout de lui-même, l’homme de peu attend tout des autres »6. Ainsi apparait l’humanisme de Confucius dans sa différence à l’égard de la loi qui, elle, n’agit que de l’extérieur. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » disait Jésus.

Pour gérer au mieux ce rôle détenu par la honte, les rites détiennent une importance capitale. Confucius leur accordait une valeur extrême et en faisait le pilier de l’ordre social. Les rites en effet extériorisent la conduite de chacun aux yeux de tous, sont la manifestation tangible et visuelle du comportement de l’individu vis-à-vis de ses semblables, à tous les degrés de la vie sociale, que ce soit dans les rapports familiaux ou les relations entre les sujets et le prince. Aussi, celui qui ne les respecte pas encourt nécessairement la réprobation d’autrui. Des conventions sociales, il en est comme des rites religieux, lesquels ont pour vocation de réactiver la vie divine dans l’âme du fidèle. Ainsi sont les rites sociaux. Les Chinois pensaient qu’il ne pouvait exister de séparation entre ceux-ci et la conduite à laquelle ils s’appliquaient. Ainsi qu’il en était dans la vie religieuse, leur vocation était en quelque sorte d’introduire en l’autre notre interlocuteur de telle sorte que l’harmonie s’établisse entre les hommes.

Les règles de politesse, non simple mécanique, devait être source d’ouverture, de disponibilité envers autrui, pouvaient aussi varier selon la personne à qui on s’adresse. « L’action du rite dans la formation de l’homme est secrète ; elle prévient le mal avant qu’il n’apparaisse ; elle rapproche du bien et éloigne du mal d’une manière insensible, sans qu’on s’en aperçoive »7. Simplement, chaque rite devait correspondre exactement à la conduite humaine appropriée. Confucius recommandait d’éviter l’ostentation, car alors la relation avec l’autre est dévalorisée au profit d’une surestimation de soi.

5Entretiens, VI-28.

6Entretiens, XV-20.

7 Li Ki, Chap. King kiai.

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Relations humaines et hiérarchie. 8

Ce sens aigu du bien public doit être, dans la pensée du philosophe, sous-tendu par un respect très fort de la hiérarchie. L’idée peut sembler paradoxale si l’on estime que des rapports inégalitaires peuvent nuire à cet humanisme prôné par Confucius. En fait, elle est compensée par une volonté très forte de réciprocité.

Le Maître concevait en effet l’ordre social sur le modèle de la famille. Le fils était soumis au père, la femme à son époux, le cadet à l’aîné, le sujet au prince… Il fallait que chaque personne se conforme à toutes les obligations qui lui incombaient dans la place définie qu’il occupait au sein de la communauté. Dans cet ordre, les rites étaient bien sûr fort utiles afin qu’entre les partenaires s’établisse toute la distance nécessaire. Pour autant, cette dernière ne devait pas nuire, dans l’esprit de Confucius, à une volonté d’altruisme envers autrui. Face à la notion de droit, si en honneur dans nos sociétés actuelles, le Maître tentait de valoriser la notion de devoir, celui que chacun devait remplir envers l’autre. Le prince devait se montrer bienveillant envers ses sujets, à l’exemple d’un père envers ses enfants. Au respect filial devait répondre les devoirs des parents envers leur progéniture. Il faut considérer l’autre comme soi-même, lui témoigner compassion, tolérance, bienveillance. La vie humaine est un échange perpétuel et chaque individu doit manifester une ouverture cordiale aux autres, laquelle ne saurait rester béante. Rien n’illustre aussi bien cet altruisme défendu par Confucius que les rapports qu’il entretenait avec ses disciples. A l’inverse du professeur actuel qui n’accorde un rendez-vous que pour donner un sujet de thèse, Confucius se préoccupait des goûts et des qualités de ses élèves. Si on compare la sagesse qu’il veut promouvoir aux idéaux chrétiens, on relève cependant une limite, car s’il faut aimer les hommes, il ne faut pas pour autant se laisser duper. « Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien »8. À ce sujet, Confucius a dit que le saint, d’une bonté innée, était supérieur au sage. Mais il ajoutait que si un seul saint se manifestait le monde serait sauvé. Aussi, cet idéal n’était pour lui qu’un rêve. Le Maître voulait développer un idéal humain, non divin. En digne représentant de l’humanisme, on sent chez lui une tendance à vouloir maintenir la divinité à distance, sans pour autant la nier. Nous y reviendrons.

Toute la grandeur d’âme du philosophe l’amenait tout naturellement à se méfier de l’individualisme. Celui-ci, tant défendu dans le monde

8Entretiens, XIV-36.

(11)

occidental par les écoles libérales, pouvait générer un égoïsme 9

préjudiciable à la collectivité dans la mesure où le bien particulier primait sur l’intérêt général. « Qui se laisse guider par son seul profit s’attire haine et rancune »9. Dans notre volonté de liberté effrénée et d’égalitarisme poussé, on a tendance, dans le monde actuel, à faire du terme « servir » une injure. Il n’en a pas toujours été ainsi et longtemps la notion de service assurait la bonne marche de la société. Chacun d’entre nous est appelé à servir, que ce soit un métier, une famille, un idéal. Même les rois autrefois servaient le royaume dont Dieu les avait faits dépositaires. C’est un usage que l’on respecte de moins en moins dans notre monde moderne. À propos de celui-ci, Konrad Lorentz, fondateur de l’éthologie, parlait d’ « une tiédeur mortelle »10, celle caractérisant une époque où sous l’effet d’un confort excessif, le sentiment humain s’est émoussé chez l’individu, lequel se refuse à aider autrui si cela représente un effort trop grand.

Afin de donner la meilleure base à cet amour désintéressé, il fallait que chaque individu tienne solidement sa place, autrement dit, fasse en sorte que son devoir colle exactement au titre lui correspondant. C’est ce que Confucius appelait la « rectification des noms ».

« Les mots sont les forteresses de la pensée » disait un philosophe.

Effectivement, nécessaire au bon fonctionnement de notre raison, ils correspondent à des réalités précises et détiennent un pouvoir que l’on ne saurait sous-estimer. Tout dictateur sait qu’avec des mots on parvient à manipuler les foules. Dans le respect des rites sociaux, les mots ont un rôle à jouer. Les condoléances seront ainsi différemment exprimées selon que l’on s’adresse à un ami cher ou à une simple connaissance. Pour les Chinois, il n’existait pas de différence entre le mot et la réalité qu’il désignait. Une phrase célèbre de Confucius est celle-ci : « Que le souverain soit souverain, le ministre, ministre, le père, père et le fils, fils »11. Si chacun se conforme exactement au rôle auquel un nom précis est appliqué, il ne pourra qu’en résulter les plus grands bienfaits pour la communauté. « Si les noms ne sont pas corrigés, les paroles ne correspondent pas à la réalité ; si les paroles ne correspondent pas à la réalité, les entreprises ne peuvent être menées à terme »12

9Entretiens, IV-12.

. Il importe donc que le mot soit juste, car s’il est mal choisi, le malentendu s’installe entre soi-même et l’autre, notre action envers lui s’en ressent. « Qui ne connaît

10 Konrad Lorentz, Les huit péchés capitaux de notre civilisation. Paris : Flammarion, 1973, p. 59.

11Entretiens, XII-11.

12Entretiens, XIII-3

(12)

la valeur des mots ne saurait connaître les hommes »13. Dans ce contexte, 10

la sincérité est capitale, et Confucius, considérant que le mensonge corrompait tout, était très attaché à ce qu’il appelait « l’authenticité de la parole ».

À notre époque où sous l’influence de bon nombre de psychologues, on donne en Occident une importance accrue à notre nature profonde, aux forces latentes présentes en notre inconscient, on pourrait observer un certain scepticisme envers cette pensée du philosophe pour qui remplir au mieux une fonction dans toutes les différences de situation pourrait paraître oppressant. L’homme se réduit-il uniquement à son rôle ? Celui-ci ne risque-t-il pas de concentrer en lui seul la substance de sa personnalité ? Pourtant, celui qui colle étroitement à la place qu’il occupe en ce monde prouve qu’il veut tendre vers un certain idéal, expression de la haute idée qu’il a de lui-même. En l’occurrence, il tente d’adapter la nature sauvage héritée de ses ancêtres primitifs aux nécessités de la vie sociale.

De fait, la mystique de Confucius rétablit la grandeur du rôle en le faisant correspondre à une certaine unité.

Une mystique de l’existence.

On a coutume d’opposer, généralement, le taoïsme, philosophie mystique orientant ses préoccupations sur l’homme en tant qu’individu seul, et le confucianisme, philosophie tournée vers les relations humaines, uniquement soucieuse de la vie sur terre. Effectivement, dans ces conditions, on chercherait en vain une mystique dans la pensée de Confucius et une parole du sage pourrait corroborer cette hypothèse :

« Vous n

»14. Il n’en demeure pas moins qu’en Orient la philosophie est difficilement séparable de la religion, et l’on peut trouver l’influence de celle-ci dans l’humanisme de notre philosophe.

Ainsi Confucius était non seulement croyant mais aussi pratiquant.

Sans vouloir passer pour un prophète, il se disait mandaté par le Ciel pour conseiller ses pareils. Ainsi, le philosophe Confucius croyait à un Dieu unique qu’il appelait le Ciel. Cette notion de mandat est chez notre

13Entretiens, XX-3.

14Entretiens, XI-11.

(13)

sage capitale, car elle montre que pour celui-ci l’homme se définit par 11

rapport à un principe absolu, plus grand que lui et ordonnateur du monde. De celui-ci découle la spécificité de chaque être et l’harmonie générale, cette dernière reflet de l’harmonie cosmique.

Dès lors, le maître était attaché à l’idée d’unité fondamentale par laquelle se définit l’univers. « Si vous me prenez pour un homme ayant appris beaucoup de choses, vous vous trompez. Par le Un, j’enfile tout »15. Or, à ce principe unique se rattache la substance de tous les individus et en s’efforçant d’aimer les hommes, conformément aux préceptes de notre sage, chacun ne fait qu’obéir à cette loi qui émane du Ciel. La multiplicité des relations avec nos semblables trouve ainsi sa résolution dans l’Un. « Les 10000 êtres sont présents, complets en moi […] S’efforcer de traiter les autres comme soi-même, il n’y a rien de plus près de ce jen que l’homme cherche »16, disait Mencius, disciple de Confucius. Ainsi est gérée au mieux toute la diversité des situations humaines. L’unité profonde de l’univers est saisie à travers la multiplicité des âmes. Celui qui a su parvenir à cette souplesse d’esprit qui lui a permis d’adapter sa conduite à n’importe quelle personnalité est celui qui s’est suffisamment intériorisé pour développer en lui l’humilité nécessaire. Le philosophe chinois n’avait sur ce point aucun préjugé et c’est à juste titre qu’on l’a qualifié d’antiraciste. « Entre les quatre mers, tous les hommes sont frères »17. À l’image des stoïciens de l’antiquité gréco-latine qui croyaient en la toute-puissance de la volonté humaine, l’homme de bien que prône Confucius a su dégager en lui toute l’énergie nécessaire pour exprimer cette abnégation. « On peut enlever un général à son armée, mais non à un homme sa volonté »18.

Pour parvenir à cette conscience, l’individu doit trouver la voie par lui- même, soit le Tao. Sans pour autant détenir la valeur mystique que lui a conférée le Taoïsme, celui-ci demeure pour le sage confucéen une valeur primordiale. Chaque homme doit chercher sa voie, de telle sorte que s’harmonisent les contraires, entre les excès, au-delà de tous les partis pris, ce qui nécessite de sa part volonté continue et engagement personnel.

« L’homme de bien est pur mais pas prude ; droit, mais pas rigide »19

15Entretiens, XV-2

Alors, l’homme rencontre l’homme, la dialectique s’installe. Par la force . d’âme qu’elle suppose, la sagesse de Confucius peut s’apparenter à une

16Mencius, VII a-4

17Entretiens, XII-5.

18Entretiens, IX-24.

19Entretiens, XV-36.

(14)

mystique. Au plus profond de lui-même, l’homme communie avec le Ciel, 12

lequel manifeste en sa personne tout son mystère.

Celui qui a su respecter en lui ce désir d’absolu n’a pas besoin d’agir pour que son influence opère. Par son exemple seul, tous ses proches s’amélioreront d’eux-mêmes, édifiés par sa conduite. On a coutume là encore de faire du « non-agir » (Wou Wei), si en honneur dans la culture chinoise un principe taoïste. Tout aussi bien, il est également présent dans le confucianisme. En effet, le sage est devenu si vertueux, est parvenu à dominer si bien ses passions qu’il n’a pas besoin de faire d’efforts. Il est devenu comme une montagne, immobile dans sa toute puissante sérénité, à l’image de Dieu comparé à un rocher dans les psaumes bibliques. « Qui gouverne par la Vertu est comparable à l’étoile polaire, immuable sur son axe, mais centre d’attraction de toute planète »20.

Confucius a ainsi favorisé un humanisme qui a cherché à moraliser une société vouée au désordre. Avec le temps cependant, sa philosophie en est venue à justifier un ordre hiérarchique au caractère rigide et étouffant pour la personne humaine. Les principes de mansuétude et de réciprocité que voulait inculquer le Maître à ses contemporains ont fini par évoluer vers un respect obséquieux envers les autorités sociales et un formalisme étroit. Dans ce contexte, l’individu avait peu de liberté et n’avait de choix qu’entre la soumission ou l’exclusion. À ce travers, le taoïsme a tenté de donner une compensation en s’efforçant de faire retrouver à l’individu sa simplicité naturelle.

Malgré tout, Confucius et sa pensée ont apporté à l’âme de la Chine une marque indélébile. Les principes d’altruisme et leur condensation au sein d’une même unité mystique ont été les vecteurs de la pérennité de la civilisation chinoise. En une vaste synthèse elle a réussi à intégrer les nombreuses minorités ethniques de l’empire du Milieu et à rayonner dans tout le Sud-est asiatique. Par le souci d’intériorisation qui était celui du Maître, par la volonté de celui-ci de développer une mystique de l’existence, elle a pu atteindre à cette universalité.

20Entretiens, II-1.

(15)

Bibliographie : 13

• Pierre Do-Dinh, Confucius et l’humanisme chinois. Paris : Seuil, 1956. Collection Maîtres spirituels.

• Marie-Madeleine Davy, Encyclopédie des mystiques. Paris : Seghers et édition Jupiter, 1978. Tome 4.

• Confucius, Entretiens. Traduit par Anne Cheng. Paris : Seuil, 1981, Collection Points sagesse.

• Etiemble, Confucius. Paris : Gallimard, Collection Folio, 1986.

• Michèle Moioli, Apprendre à philosopher avec Confucius. Paris : Ellipses, 2011.

(16)

La vie, la pensée et l’œuvre synarchique et

14

archéométrique de Saint-Yves d’Alveydre

1

Par Yves-Fred Boisset

Alexandre Saint-Yves est né le 26 mars 1842, à Paris, sous le signe du Bélier, ascendant Lion, soit double signe de feu.

Il mourra le 6 février 1909, à Pau (dans les Pyrénées-Atlantiques).

Même si l’on peut avoir quelques doutes sur le caractère totalement objectif de son autobiographie, on doit admettre que la principale source de sa biographie se trouve dans le « Pro Domo » qui constitue la première partie de son ouvrage « La France Vraie » paru en 1887. On trouve dans ce texte écrit à la manière d’un plaidoyer tant Saint-Yves d'Alveydre faisait l’objet de critiques et d’attaques multiples quelques informations essentielles, étant bien entendu que nous n’avons pas à nous étendre sur les méandres de sa vie privée.

Son père était aliéniste (on dirait maintenant psychiatre) et tenait à ce que son fils reçût une bonne éducation.

Très vite, le jeune Saint-Yves se montra à la fois intelligent et apte à l’étude mais rebelle. Il avouera avoir mal accepté les contraintes d’un enseignement qui ne laissait que peu de place à l’épanouissement des enfants. Il s’agit là du vieux combat entre les

« têtes bien pleines » et les « têtes bien faites ».

Ses études se passaient donc assez mal jusqu’à ce qu’il rencontre un certain monsieur de Metz qui dirigeait un établissement où, justement, on privilégiait les « têtes bien faites ».

1 Cet article a été présenté sous forme de conférence en 2008 devant une assemblée madrilène composée de francs-maçons, de martinistes et d’universitaires qui, tous, mais pour diverses raisons, l’avaient accueilli favorablement. Mon propos était traduit simultanément par deux interprètes franco- hispanophones.

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Après son baccalauréat, il entra à l’école de médecine navale de 15

Brest. Il y passa trois ans et n’en retira visiblement qu’un seul profit : l’étude approfondie des propriétés et vertus des algues marines sur lesquelles il écrira un ouvrage : « De l’utilité des algues marines ».

Saint-Yves d'Alveydre était donc venu au monde dans les dernières années de la Restauration, sous le règne libéral de Louis- Philippe 1er, roi des Français (et non pas de France). Ce dernier roi appartenait à la branche des Orléans et était le descendant du fameux Philippe-Égalité qui avait envoyé son cousin Louis XVI à la guillotine puisqu’on sait que celui-ci n’a été condamné à cette peine que par une voix de majorité et que, justement, son cousin avait voté sa condamnation à mort.

Saint-Yves d'Alveydre a six ans quand éclate la Révolution de 1848, la chute de la royauté, la proclamation de la IInd République et l’élection du prince Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier et petit-fils de Joséphine de Beauharnais, la première épouse de l’empereur. Trois ans plus tard, en 1851, le prince-président réussira un coup d’état qui le fait à son tour empereur sous le nom de Napoléon III.

On sait que, à la suite de ce coup d’état, de nombreux intellectuels français prirent le chemin de l’exil tant était grande leur désapprobation ; Victor Hugo est la figure la plus représentative de ces émigrés volontaires. Il se réfugia dans les îles anglo-normandes sans que rien ne diminuât son prestige, bien au contraire.

En 1862, Saint-Yves d'Alveydre a vingt ans. Il abandonne ses études à l’école de médecine navale et se met en tête de rencontrer Victor Hugo. Il s’embarque pour Guernesey mais rien n’atteste qu’il ait pu rencontrer le grand homme. En revanche, il rencontra une autre exilée, madame Pelleport, qui lui fit découvrir un écrivain décédé en 1825 : le romantique Fabre d’Olivet. Traducteur des

« Vers dorés de Pythagore », auteur, entre autres, de « la langue hébraïque restituée », Fabre d’Olivet avait également commis un ouvrage monumental, une énorme fresque à caractère historique : l’ « Histoire philosophique du genre humain ». Cette rencontre et la lecture de cet ouvrage furent pour Saint-Yves une véritable illumination, et pourquoi pas une véritable initiation. Il deviendra

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dès lors et pour un temps un disciple de Fabre d’Olivet dont il 16

s’éloignera par la suite, lui reprochant de « voir la société humaine comme une matière première sans vie et sans loi propre ».

Puis, il séjourna quelques temps à Londres où il fréquenta les bibliothèques. Quand, en 1870, la première guerre franco- allemande éclata, Saint-Yves d'Alveydre revint en France pour combattre. On sait que cette guerre tourna court avec la défaite de Sedan qui eut pour effet de précipiter la chute de Napoléon III et la proclamation de la IIIe République.

Nous sommes en 1871. Saint-Yves d'Alveydre a vingt-neuf ans et il trouve un emploi assez modeste au ministère de l’Intérieur où il avoue s’ennuyer profondément. Alors peu fortuné, il fallait bien qu’il subvienne à ses besoins.

En 1873, arrive à Paris une comtesse russe, épouse morganatique d’un conseiller du tsar dont elle venait de divorcer. La comtesse Keller dispose de rentes confortables qui lui assurent le bien-être.

Elle achète un hôtel particulier rue Horace Vernet (rue parallèle aux Champs-Elysées, entre l’avenue George V et la rue de Presbourg) et s’y installe. À l’époque, Saint-Yves habitait aux Champs-Elysées et, la providence aidant, notre héros et la comtesse esseulée se rencontrèrent. Quatre ans plus tard, c'est-à-dire en 1877, ils se marieront malgré la différence d’âge car la comtesse Keller accusait quinze ans de plus que Saint-Yves.

C’est alors que Saint-Yves quitte son emploi au ministère pour, désormais, se consacrer entièrement à son œuvre littéraire. Il avait déjà présenté quelques œuvres : traités, poèmes, livrets d’opéras.

Mais, c’est véritablement en 1877 que débute sa carrière littéraire avec un ouvrage passé d’abord inaperçu puis réédité en 1910 : Les clefs de l’Orient. Dans cet ouvrage, Saint-Yves d'Alveydre se réfère à des traditions hindoues et à leur vision de la naissance, de l’amour et de la mort.

Hormis ces ouvrages, on peut distinguer deux grandes périodes dans l’œuvre de Saint-Yves d'Alveydre : une période que nous appellerons historique et sociologique et une période que nous qualifierons de spiritualiste et initiatique.

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À la première période correspondent les cinq « Missions » publiées 17

entre 1882 et 1887 et qui sont une vaste fresque historique déclinée d’abord en trois ouvrages qui sont : La Mission des Juifs, La Mission des Souverains et La Mission des Français, cette dernière ayant pour sous-titre : La France Vraie. Dans le premier de ces trois ouvrages, Saint-Yves d'Alveydre nous conte les origines de notre civilisation indo-européenne depuis la légendaire épopée de Ram (fondateur, selon Saint-Yves, de notre civilisation, il y a quelques 15.000 ans) jusqu’à la naissance du Christ. Dans le deuxième ouvrage, il nous détaille l’histoire de la Papauté depuis le Concile de Nicée en 325 de notre ère qui vit l’église prendre, sous l’impulsion de l’empereur Constantin, les rênes du pouvoir en Europe après avoir réduit au silence, pour de nombreux siècles, ceux qu’elle qualifiait d’hérétiques : gnostiques, ariens, etc. Enfin, dans le troisième ouvrage, il dépeint l’histoire de la France depuis la convocation des États Généraux par le roi Philippe le Bel, en 1304.

Dans chacun de ces ouvrages, Saint-Yves d'Alveydre veut démontrer que ni les juifs, ni les papes, ni les rois de France qui avaient successivement reçu la mission de restaurer la

« synarchie » n’y sont parvenus. Leur échec, toujours selon Saint- Yves, résulte de la méconnaissance des grands principes spirituels qui régissent le monde. Aussi, après ce constat d’échec qui fait l’objet de ces trois ouvrages, il se tourne à la fois vers l’Inde traditionnelle qui conserve ses grands secrets dans la mystérieuse

« Agarttha » et vers les « ouvriers » dans lesquels il veut voir une nouvelle force. Bien sûr, par « ouvriers » il faut entendre tous les citoyens productifs indépendamment de leur rang social. C’est ce que nous appelons aujourd'hui les « forces vives de la nation » La « Mission de l’Inde en Europe et d’Europe en Asie » et la

« Mission des Ouvriers » compléteront les trois « Missions » déjà évoquées.

Il faut se souvenir qu’à l’époque où Saint-Yves d'Alveydre écrivit ces ouvrages, l’Inde faisait partie de l’Empire britannique (la reine Victoria portait le titre d’impératrice des Indes) et que, mis à part quelques individus éclairés, tel Rudyard Kipling, peu d’Anglais s’intéressaient à la civilisation hindoue et ne voyaient en l’occupation de ce vaste pays au passé si riche que le fournisseur

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de thé et de quelques autres babioles. Saint-Yves souhaitait qu’un 18

véritable dialogue interculturel s’instaurât entre les deux civilisations, ce qui n’était pas le cas comme on le sait.

Par ailleurs, ces années de la fin du XIXe siècle voyaient la montée d’une nouvelle classe sociale qui, à côté d’une aristocratie en période de déclin, d’un clergé contesté à cause de ses choix politiques et d’une bourgeoisie en plein essor (c’était le temps de la révolution industrielle et de la création des grandes entreprises capitalistes), voulait trouver sa place dans la société et faire entendre sa voix. C’est à ces forces vives de la nation que Saint- Yves s’adresse en leur proposant une alternative spiritualiste aux tentations marxistes.

Au cœur de ces cinq « Missions, se trouve la grande idée de la

« Synarchie », terme que l’on pourrait traduire littéralement par

« gouvernement avec principes » (par opposition à « l’anarchie » qui définit un « gouvernement sans principes »).

En fait, on peut affirmer que la « synarchie » s’inscrit dans le cadre très large de « l’Utopie » dont les auteurs anglais étaient fort friands. Citons Thomas More et son Royaume d’Utopie, Francis Bacon et sa Nouvelle Atlantide, sans oublier l’illustre Espagnol Miguel de Cervantès et son Don Quijote de la Mancha, le Français Rabelais et son Abbaye de Thélème et on pourrait en citer bien d’autres. Souvenons-nous que Saint-Yves d'Alveydre avait longtemps séjourné en Angleterre et s’était familiarisé avec justement cette littérature utopiste.

Gardons présent à l’esprit que « utopie » et « chimère » ne sont pas synonymes : la seconde se rapporte à des rêves illusoires, la première, à la vision d’une société idéale et parfaite où régneraient définitivement la justice, l’égalité et la fraternité. Vous allez me dire que j’ai oublié la « liberté » mais la liberté peut-elle exister justement sans justice, égalité et fraternité ?

Utopistes étaient également les Rose+Croix du Cercle de Tübingen qui, au début du XVIIe siècle, au milieu des guerres de religion qui opposaient durement les catholiques et les réformés, présentèrent le projet d’une société pacifique et généreuse. N’oublions pas que les fondateurs anglais de la franc-maçonnerie étaient des disciples

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de ces Rose+Croix et, plus particulièrement, de Jacob Boehme 19

(comme l’a si bien démontré l’écrivain Serge Hutin). La franc- maçonnerie qui prône la justice et la fraternité n’est-elle pas aussi une sorte d’utopie en exposant en miniature la société telle qu’elle devrait être ?

Tout cela, Saint-Yves d'Alveydre ne pouvait l’ignorer, même s’il est vrai qu’il n’appartînt à aucune des organisations initiatiques : franc- maçonnerie, martinisme, société théosophique…

Saint-Yves d'Alveydre eut l’occasion de donner de nombreuses conférences en France, en Belgique et en Angleterre. Quand une loi promulguée sous l’impulsion du ministre Waldeck-Rousseau et du député Le Chapelier autorisa en France l’exercice syndical, Saint- Yves fonda le « syndicat de la presse professionnelle » dont il assura les fonctions d’archiviste.

On sait par ailleurs que René Guénon s’inspira largement de sa pensée comme en témoignent de nombreux passages de sa propre œuvre.

Le titre de marquis d’Alveydre lui fut maintes fois contesté. Selon lui-même, ce titre lui serait venu de l’achat d’un domaine en Italie du Nord. À ce domaine qui appartenait au Saint-siège, était attaché un titre nobiliaire. J’ai jadis interrogé à ce sujet les archivistes du Vatican ; je n’ai obtenu aucune réponse satisfaisante aussi bien en confirmation qu’en infirmation de ce point.

Il va de soi que l’édition d’ouvrages de ce genre ne conduit pas à l’enrichissement matériel. Et, comme la fortune de son épouse commençait à se réduire dans de fâcheuses proportions, ils durent, en 1893, quitter l’hôtel particulier de la rue Horace Vernet pour s’installer à Versailles, rue Colbert, tout près du célèbre château.

En 1895, c’est le drame : son épouse, Marie-Victoire, décède.

Il se retrouve seul et seulement entouré de quelques amis fidèles : Papus, Barlet, Victor-Émile Michelet qui resteront proches de lui jusqu’à sa mort qui surviendra, comme nous l’avons déjà écrit, le 6 janvier 1909 à Pau. Sa dépouille sera ramenée à Versailles où il repose dans une chapelle qu’il avait fait construire dans l’ancien

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cimetière après le décès de son épouse. Cette chapelle est toujours 20

visible. Presque tombée en ruines, elle fut restaurée, il y a quelques années, grâce à l’effort conjugué de fidèles à sa pensée et de la municipalité de Versailles. On ne peut, hélas, entrer dans la chapelle qui est une propriété privée. Il semblerait qu’il y ait encore des descendants de la comtesse Keller qui, en tout cas, ne se sont pas manifestés quand la mairie de Versailles leur a écrit pour les informer du triste état dans lequel était tombée la chapelle qui abritait la dépouille de leur aïeule. La comtesse avait, de son premier mariage, deux enfants qui sont également enterrés au cimetière de Versailles, juste en face de la chapelle.

Après sa mort, Papus réunit six de ses amis et fonda avec eux l’association des « Amis de Saint-Yves ». C’est cette association qui se chargea de l’édition de quelques ouvrages de Saint-Yves.

D’abord, une réédition des « Clefs de l’Orient » (première édition en 1873), ensuite « La Mission de l’Inde », ouvrage écrit en 1886 mais non publié à cette époque selon la volonté de son auteur, et, enfin, « l’Archéomètre » qui, à la mort de Saint-Yves, était inachevé. Papus et ses amis collectèrent les textes, épures, dessins et schémas qu’ils trouvèrent à Versailles dans ses archives et en assurèrent la mise en page et la diffusion. Ce fut fait en 1912 et l’ouvrage paru aux éditions Dorbon-Aîné.

Mais quelle est l’origine de l’Archéomètre ?

En 1896, pour le premier anniversaire du décès de son épouse, Saint-Yves d'Alveydre fait célébrer une messe en son domicile par un prêtre de la paroisse de Versailles. C’est au cours de cette messe qu’il a dit avoir eu, en un éclair, la vision de l’Archéomètre. Cela est, bien sûr, une question de foi et je me garderai bien d’ouvrir un débat à ce sujet. Toujours est-il qu’il consacra les treize années qu’il lui restait à vivre pour construire cet « Archéomètre » qu’il définissait comme étant la « clef de toutes les religions et de toutes les sciences de l’Antiquité ».

Les rééditions ont été peu nombreuses. En dehors de quelques tentatives sans lendemain, on peut en citer trois qui sont considérées comme sérieuses : celle des « Éditions rosicruciennes », en 1977, de « Gutenberg Reprints », en 1979 et celle des « Éditions Trédaniel », en 1999. Il faut dire que rééditer

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un ouvrage de ce genre constitue une véritable aventure que peu 21

d’éditeurs ont les moyens de tenter.

En effet, l’ouvrage se présente sous la forme d’un volume de 570 pages en format 24x30 et richement illustré qui ne peut se concevoir qu’en édition de luxe ce qui le porte à un prix nécessairement élevé. Par ailleurs, il faut reconnaître que peu d’auteurs se sont montrés soucieux d’en publier des commentaires, hormis Papus et René Guénon. En ce qui me concerne, mon seul mérite a été d’en publier, une première fois en 1977 et une seconde fois en 1997, une exégèse fidèle qui puisse mettre la pensée de Saint-Yves d'Alveydre à la portée du plus grand nombre de cherchants. Cette seconde publication a fait l’objet d’une traduction en portugais et d’une édition au Brésil.

Mais il nous faut à présent pénétrer les arcanes de cet

« Archéomètre », puisque c’est pour l’essentiel le but de cet article.

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L’ARCHÈOMÉTRE 22

PREMIÈRE PARTIE

L’ARCHÉOMÈTRE PHILOSOPHIQUE

La première partie a pour titre générique : « La sagesse de l’homme et le paganisme », et se répartit en trois chapitres.

La régression mentale Dans ce premier chapitre, Saint-Yves d'Alveydre, après avoir défini le paganisme, nous entraîne, à sa suite, de la Synthèse verbale Universelle à la philosophie individuelle2. Il nous fait sentir comment sous la pression des lettrés, l’instruction a remplacé l’Éducation, comment Sophie a dominé Sophia, comment les corps religieux ont abdiqué, comment la volonté humaine, mère de l’Anarchie, s’est érigée en Principe, comment, enfin, l’Avoir a supplanté l’Être. Puis, prenant en exemple un enfant de son époque, il nous décrit le processus qui le conduit de la famille à l’Université sans âme, en passant par une éducation religieuse incomplète. L’Entrée du Royaume du Ciel lui est dissimulée par le désordre du néo-paganisme, issu de la Renaissance, et qui enserre dans ses griffes l’Université comme le Temple. Sous le règne de ce paganisme anarchique, l’Intelligence capitule, l’Esprit se ferme, la Lumière s’occulte.

L’erreur triomphante Dans ce deuxième chapitre, Saint-Yves d'Alveydre nous révèle la véritable physionomie de Pythagore ainsi que la portée de son œuvre.

Pythagore, ayant reçu toutes les initiations, se consacra à en tirer la synthèse unitaire et l’étiquette de philosophe qu’on accole à son nom semble, aux yeux de Saint-Yves, à la fois, beaucoup et pas assez.

Pythagore, continuateur d’Orphée, dont il a reconstitué le message grâce à la documentation des Temples, adopte ici une figure de patriarche que ses commentateurs semblent avoir, volontairement ou non, délaissée.

Parmi ceux-ci, Hiéraclès, Dacier et Fabre d’Olivet ont trahi sa pensée sous un flot de considérations personnelles débouchant sur des conclusions fort éloignées et souvent opposées à la pensée pythagoricienne. Cette accumulation d’erreurs, ces déformations

2 Saint-Yves tient toujours à bien insister sur l’opposition qu’il y a entre ce qui est synthétique et universel, c'est-à-dire d’essence spirituelle, et ce qui est philosophique et individuel, c'est-à-dire fait de substance matérielle.

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grossières, le souci exclusif de la lettre au détriment de l’Esprit, ont 23

engendré le néo-paganisme de la Renaissance qui triomphe, comme nous l’allons voir, dans le troisième chapitre.

La mort spirituelle Dans ce troisième chapitre, Saint-Yves d'Alveydre nous retrace l’évolution du néo-paganisme de la Renaissance qui, depuis maintenant plus de cinq siècles, s’est imposé, par le truchement de l’humanisme moderne, aux Universités aussi bien qu’à un pontificat décadent et complice. Il nous démontre comment, sous le couvert de ce même humanisme, le néo-paganisme a démembré l’État social pour ériger sur ses ruines l’État politique. La destruction des trois ordres sociaux : Économique, Juridique, Enseignant, et des trois degrés d’enseignement : catéchisation, initiation, prêtrise, a achevé la déchristianisation de l’Europe. C’est, après la régression mentale et l’erreur triomphante, la mort spirituelle qui est leur aboutissement inéluctable.

 

Sur un des deux plateaux de la balance, Saint-Yves d'Alveydre a placé le paganisme dont il a montré le cheminement, les complicités et le triomphe actuel. Sur le plateau adverse, il va maintenant déposer le christianisme. De quel côté le fléau penchera-t-il ?

 

Cette seconde partie de l'Archéomètre philosophique a pour titre générique : « La sagesse de Dieu et le christianisme ». Comme la première partie, elle se répartit en trois chapitres.

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La Voie 24

Dans ce premier chapitre, Saint-Yves d'Alveydre, s’appuyant sur la mathèse chrétienne, sur les guides qui jalonnent le chemin de l’Initié, s’attache à démontrer que le christianisme est la seule religion. Pour cela, il recherche l’origine commune des Livres sacrés et l’unité des Universités antiques. Puis il détermine les trois critères qui se partagent l’esprit humain classés selon l’ordre de leurs influences. Il approfondit tour à tour ces trois critères dans leurs trois degrés ascendants : positif, comparatif et superlatif. De cette étude, il déduit que la science n’est pas un produit de l’esprit humain, que la pensée humaine est la réflexion de l’incidence universelle, que la loi d’attraction universelle est le fait cosmique suprême, que l’Harmonie témoigne d’une suprême Raison, que le corps n’implique pas l’état matériel, que l’homme ne crée pas les Nombres. Et il conclut en écrivant : « La Science est la Vérité constitutive de l’univers visible, son fait légiféré ; la Vie est la Vérité constituante des deux Univers, visible et invisible, leur Principe légiférant Verbal ».

La Vérité Dans ce chapitre, Saint-Yves d'Alveydre pénètre plus avant dans le domaine des choses saintes et cachées, dans les secrets tapis derrière les récits et les préceptes des Livres Sacrés. Nous verrons plus loin toute l’importance ésotérique des langues antiques que l’instruction païenne appelle mortes. Avec force, Saint-Yves affirme l’existence d’une Religion unique, le christianisme, vers lequel, dès le commencement, confluèrent toutes les mysticités.

La Vie Dans ce dernier chapitre, Saint-Yves d'Alveydre, après avoir montré l’origine de la Tradition et la Voie de l’Initiation, nous révèle la clef de la Révélation des Mystères qui conduisent ceux qui en sont dignes à l’État social chrétien. La vie divine nous est exposée, ici, dans toute sa richesse et dans toute sa chaleur face au paganisme glacial qui porte la mort en lui et qui se dévore.

 

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Le cheminement initiatique 25

(commentaire général) Je me garderai bien de prétendre avoir donné dans les pages qui précèdent un compte-rendu exhaustif de la partie philosophique de l'Archéomètre de Saint-Yves d'Alveydre. J’ai seulement voulu évoquer les grandes périodes de la dialectique archéométrique, ne pouvant entrer dans l’analyse détaillée de chacune d’entre elles. Et ceci, pour deux raisons, la première résidant dans l’impossibilité matérielle d’une étude approfondie dans le cadre de cet article, la seconde ressortissant au choix que j’ai fait de privilégier la présentation du planisphère archéométrique et les adaptations qui sont les siennes. De toute manière, j’aurai, tout au long de cette présentation, à revenir fréquemment sur les précieuses données philosophiques contenues dans cette première partie.

Pour l’heure, je voudrais attirer l’attention du lecteur sur le plan suivi par Saint-Yves d'Alveydre dans la composition de ce Livre I. Si nous reprenons les titres des six chapitres et si nous les inscrivons dans un tableau comparatif (nous retrouvons ici les deux plateaux de la balance), nous obtenons ceci :

1re PARTIE 2nd

La Sagesse de l’Homme La Sagesse de Dieu PARTIE et le paganisme et le christianisme

Chapitre 1 La régression mentale La VOIE Chapitre 2 L’erreur triomphante La VÉRITÉ Chapitre 3 La mort spirituelle LA VIE

En regardant ce tableau, ne voyons-nous pas se profiler un schéma bien connu des divers courants de la pensée gnostique, à savoir les trois étapes de la Chute suivies des trois étapes de la Réintégration ?

Or, si nous savons que Saint-Yves d'Alveydre n’appartint à aucune des sociétés initiatiques de son temps, nous n’ignorons pas, en échange, qu’il avait étudié avec attention les enseignements diffusés par ces différentes sociétés. Par la construction de ce Livre I de l'Archéomètre, Saint-Yves se rattache aux courants martinézien et saint-martinien (dont son ami

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Papus était, alors, le fidèle restaurateur) et, par delà ces courants nés 26

vers la fin du XVIIIe siècle, au grand ensemble gnostique comme en témoigne une analyse de cette œuvre.

Employons-nous donc à retrouver le schéma gnostique dans les deux parties et les six chapitres de l'Archéomètre philosophique.

PREMIÈRE PARTIE : LA CHUTE

Chapitre 1 : La régression mentale

L’Homme Universel, AD-AM, créé à l’image de Dieu et placé au centre de l’univers pour L’y représenter, muni de la Parole toute-puissante, prévariqua 3 à son tour comme l’avait fait antérieurement l’ange rebelle, Lucifer, le porteur de la Lumière qui avait mobilisé le Feu Fixe. AD-AM avait été placé en aspect de Dieu 4 comme sur l’arbre séphirotique Malkuth (le Royaume) est placé en aspect de Kéther (la Couronne). En prévariquant, AD-AM s’est déplacé jusqu’à ne plus être en aspect de Dieu, en conséquence de quoi il a perdu la faculté de prononcer la Parole toute-puissante, il s’est englué dans les Ténèbres et son esprit, à l’origine omniscient, s’est enfoncé dans le doute et l’ignorance. C’est le premier pas vers la CHUTE.

Chapitre 2 : l’erreur triomphante

Pour pallier la perte de la Parole toute-puissante, l’Homme a inventé une parole substituée qui, étant sans écho dans le plan divin, l’a conduit de la Sagesse vraie et éternelle de Dieu vers une science parcellaire et temporelle que ses yeux devenus imparfaits prennent pour la Vérité. C’est le deuxième pas vers la CHUTE.

3 Prévariquer est un verbe très souvent employé par Martinès de Pasqually. Nous ne saurions en trouver de plus juste. Ce verbe qui vient du verbe latin præ varicari (marcher de travers) signifie de manière générale : manquer aux devoirs de sa charge. Il y a bien, en effet, dans la Chute, les deux idées contenues dans ce verbe puisque AD-AM manqua aux devoirs de sa charge qui était de représenter Dieu dans l’univers créé, et, en marchant de travers, il finit par ne plus être en aspect du Créateur, ce qui a entraîné sa perdition.

4 Aspect vient également du latin et, plus précisément, du verbe aspicere qui veut dire : jeter les yeux sur un objet. AD-AM fut donc en aspect de Dieu aussi longtemps qu’il put le regarder en face comme cela lui était permis pour l’accomplissement de sa mission. Ce terme est couramment employé en astrologie quand on veut parler de deux astres qui se trouvent en conjonction, en opposition, en trine, en quadrille ou en sextile.

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Chapitre 3 : la mort spirituelle 27

S’enfonçant de plus en plus dans les Ténèbres, poussant de plus en plus loin son erreur, prenant toujours davantage la parole substituée pour la Parole toute-puissante et la science temporelle pour la Sagesse éternelle, l’homme a consommé son retrait du plan divin, ne conservant en lui qu’une faible lueur (une Shékina) cachée par les écorces de son mental.

C’est le troisième et dernier pas (le tré-pas) vers la CHUTE.

Mais Dieu n’abandonne pas ses créatures. Il est venu lui-même nous le rappeler en s’incarnant parmi nous. Il nous offre toujours la possibilité de revenir dans le droit chemin, de nous extirper des Ténèbres.

SECONDE PARTIE : LA RÉINTÉGRATION Chapitre 1 : la Voie

C’est l’Initiation, faite d’humilité et de confiance. C’est le premier acte volontaire pour re-naître. C’est le désir. C’est le premier pas vers la RÉINTÉGRATION.

Chapitre 2 : la Vérité

C’est l’adeptat, fait de recherche laborieuse et de réflexion.

C’est la volonté d’acquérir par le travail et les épreuves la connaissance des Sciences et des Arts, des Lois et des Principes qui régissent l’Homme et l’Univers. C’est le deuxième pas vers la RÉINTÉGRATION.

Chapitre 3 : la Vie

C’est la maîtrise de ses passions, le renoncement aux fausses lumières. C’est la Communion avec l’Archétype qui est Dieu. C’est la transmutation mystique de notre corps et de notre sang avec l’aide du Corps et du Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ. C’est la véritable re-naissance, celle des Dwijas (deux fois nés, c'est-à-dire nés sur deux plans...). C’est le troisième pas vers la RÉINTÉGRATION. Et c’est aussi un trépas (tré-pas) puisqu’il s’agit cette fois de mourir à la vie matérielle (de dépouiller le vieil homme), c'est-à-dire d’échapper à la mort.

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« Je suis la régression, l’erreur et la mort », dit le paganisme. 28

« Je suis la Voie, la Vérité et la Vie », proclame le christianisme.

Ce chapitre peut-il aider l’Homme de Désir5 à trouver la Voie, à contempler la Vérité, à revenir à la Vie ? Est-il la géométrie de la parole toute-puissante que Dieu avait confiée à AD-AM ?

La Parole est-elle un mot, maintenant imprononçable6 ? Est-elle une Note qu’aucun musicien, même Mozart, n’a pu tirer de son instrument ? Est-elle une Couleur qu’aucun peintre, même Léonard de Vinci, n’a pu fixer sur sa toile ? Est-elle un Nombre qu’aucun mathématicien, même Pythagore, n’a pu isoler des combinaisons arithmétiques ? Est-elle une Forme qu’aucun géomètre n’a pu tracer sur la terre ou dans le ciel ?

L’étude des différentes composantes de l'Archéomètre devrait nous aider à répondre, au moins partiellement, à ces questions, à retrouver peut-être la Parole perdue, le Mot sacré et imprononçable, but suprême de tout cursus initiatique.

5 Expression empruntée à la terminologie saint-martinienne. L’homme de Désir est celui qui, ayant pu s’échapper du torrent (terminologie martinézienne) emploie son passage terrestre à retrouver l’état primordial par la conjugaison de la prière et de la connaissance qui, toutes deux, convergent vers l’Amour.

6 Toutes les sociétés initiatiques ont fait et font encore un grand usage du mot que l’on ne peut retrouver qu’après maintes épreuves et que l’on ne peut prononcer que dans des circonstances et des conditions bien définies. On peut également noter que les Anglais traduisent le Verbe par Mot : « In the beginning was the Word » (Au commencement était le verbe).

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