M ATHÉMATIQUES ET SCIENCES HUMAINES
O LIVIER H UDRY
Tournois et analyse des préférences ordinales. Avant-propos
Mathématiques et sciences humaines, tome 133 (1996), p. 5-6
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TOURNOIS ET ANALYSE DES PRÉFÉRENCES ORDINALES
AVANT-PROPOS
Il est habituel que la revue
Mathématiques, Informatique
et Sciences humaines consacrecertains de ses numéros à des thèmes
particuliers,
avec commeobjectif
d’en proposer unesynthèse plus
ou moins exhaustive selon lesujet.
Leprésent
numérospécial
relève de cettedémarche. On y aborde certains aspects de
l’agrégation
despréférences
ordinalesimpliquant
cette structure
particulière qu’est
un « tournoi »(relation
binairecomplète antisymétrique).
C’estpar
exemple
le cas des méthodes decomparaisons
parpaires,
comme cellepréconisée,
voilàplus
de deux
siècles,
par lemarquis
deCondorcet ;
les tournois(pondérés)
se rencontrent aussi pour résumer un ensemble d’ordres totaux etquand
on souhaite déterminer l’ordre total(ou
tous lesordres
totaux)
réalisant la meilleureapproximation
de cet ensemble. De telsproblèmes
serencontrent en divers domaines : théorie du vote,
psychologie, sociologie, analyse
de donnéesordinales, statistique,
etc. ; unexemple typique
est celui de la théorie du vote : étant donné unensemble de
préférences
individuellesexprimées
sous forme d’ordres totaux définis sur unmême ensemble de
candidats,
comment déterminer le candidat élu ? ou encore, commentdéterminer un classement sur l’ensemble des candidats ? Toutes les facettes de ce riche domaine
ne sont pas traitées dans ce
numéro,
tant dans lechamp
desapplications
que dupoint
de vuethéorique (ainsi l’approche géométrique
ou encore lesdéveloppements statistiques
liés à cesthèmes).
Une tellesynthèse dépassait
l’ambition de notreprojet
et nous avons circonscrit notre propos à cequ’il
est convenud’appeler
des « solutions de tournois », c’est-à-dire certainsprocédés permettant
de déterminer unvainqueur
ou un classement des candidats àpartir
dutournoi résumant les
préférences
àagréger
ou àanalyser. Quand
il estpossible
de « résumer »l’ensemble des
préférences
individuelles à l’aide d’untournoi, répondre
auxquestions précédentes
et éventuellement àd’autres, analogues, peut
revenir à mettre en oeuvre une« solution de tournois ».
Ce numéro
spécial
contient quatre contributions.La
première («
Solutions de tournois : unspicilège »),
due à J.-F.Laslier,
dresse unpanorama des différentes solutions de tournois que l’on rencontre dans la littérature. L’auteur en
précise
lespropriétés axiomatiques
et les compare entre elles en mentionnant les éventuelles inclusions(ou
l’absenced’inclusion)
entre les ensembles devainqueurs
que ces méthodes exhibent. Certaines autrespropriétés
que vérifient ces solutions sont aussiévoquées
au passage.Le cadre dans
lequel
seplace
J.-F. Laslier concerne essentiellement les tournois nonpondérés,
même si certains résultats
peuvent
êtregénéralisés
aux tournoispondérés.
Le deuxième article
(«
Ordres médians et ordres de Slater destournois »),
écrit par I.Charon,
F.Woirgard
etmoi-même,
focalise l’attention sur deux solutions de tournoisparticulières,
trèsproches
dans leur modélisation mais différentes par leursorigines
et leursinterprétations.
Ils’agit
d’unepart
de la méthodeproposée
par J.G.Kemeny en
1959(et
étudiéepar de nombreux chercheurs
depuis ;
cette démarche estparfois
attribuée à Condorcetlui-même) qui
débouche sur leconcept
d’ordre médian(meilleure approximation
transitive dru tournoipondéré
parrapport
àl’éloignement
défini à l’aide de la distance de la différencesymétrique)
etd’autre
part
de lasolution étudiée
par P. Slater en 1961 pourl’ajustement
d’une relationcomplète antisymétrique (c’est-à-dire
untournoi)
en un ordre total. Nous tentons de recenser les résultatsalgorithmiques
et combinatoires concernant ces deux solutions de tournois.6
Dans l’article suivant
(« Vainqueurs
deKemeny
et tournoisdifficiles »),
A. Guénoche sepréoccupe
de lafaçon pratique grâce
àlaquelle
on vapouvoir
déterminer lesvainqueurs
deKemeny. Après
avoirrappelé
unalgorithme
arborescent permettant de construire un ordre médian du tournoi(éventuellement
tous les ordresmédians),
il propose diverses améliorationsréduisant, parfois
trèsconsidérablement,
letemps
de calcul et laplace
mémoire consommée par l’arborescence. Dans une secondepartie,
l’auteurs’interroge
sur cequ’il
convient de faire si letournoi, malgré
cesaméliorations,
restetrop
difficile à traiter pourqu’on puisse
en déterminerune solution exacte. Il
suggère
alors de ne considérerqu’une partie
du tournoi etprécise
deuxmanières d’éliminer des sommets, avec
l’espoir
que cette élimination neperturbe
pastrop
lesvainqueurs
du tournoi.Enfin,
la dernière contribution(« Jugements
de valeur etagrégation
despréférences :
larencontre insolite du colza et de la
littérature »)
constitue uneapplication
des ordres médians ensciences sociales. J. Vialle y propose une méthode pour
analyser l’opinion
de lecteursqui
doivent classer
quinze
extraits d’oeuvreslittéraires,
méthode fondée sur la recherche des ordres médians du tournoipondéré
associé à ces classements. Grâce à eux, il essaie dedégager
desgroupes de lecteurs dont les classements diffèrent notablement des ordres médians
(représentant
les classements
collectifs) puis
étudie lescaractéristiques sociologiques
de ces groupes. Lerecours aux tournois et à leurs ordres médians n’a donc pas ici pour but de déterminer les
oeuvres
qui plaisent majoritairement,
mais contribue àl’analyse sociologique
du lectorat endifférenciant des groupes aux réactions contrastées.
Pour
finir, je
souhaite remercier tous ceuxqui
m’ont aidé dans la confection de cenuméro
spécial,
notamment le comité de rédaction de la revuequi
m’a confié le soin de coordonner cenuméro,
les auteurs desarticles,
les rapporteurs anonymes, sans oublier Madame C.Carcassonne,
secrétaire derédaction,
dont lapatience
fut mise à rudeépreuve.
Olivier