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MOTIVATION INTRINSÈQUE ET PRÉSENTATION DE SOI À DIFFÉRENTES INSTANCES DANS UNE ORGANISATION

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MOTIVATION INTRINSÈQUE ET PRÉSENTATION DE SOI À DIFFÉRENTES INSTANCES DANS UNE ORGANISATION

Claude Louche, Cindy Bartolotti, Jacqueline Papet

Groupe d'études de psychologie | « Bulletin de psychologie » 2006/4 Numéro 484 | pages 351 à 357

ISSN 0007-4403

DOI 10.3917/bupsy.484.0351

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2006-4-page-351.htm ---

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Motivation intrinsèque et présentation de soi à différentes instances dans une organisation L

OUCHE

Claude

*

B

ARTOLOTTI

Cindy

*

P

APET

Jacqueline

*

Les recherches sur la motivation occupent une place centrale en psychologie. Landy et Conte (2004, p. 337) illustrent la place capitale occupée par ce thème en notant que, depuis 1950, le terme de « motivation » figure dans le titre de 40 000 publications, apparaissant plus de 12 000 fois au seul niveau des années quatre-vingt- dix. Les travaux publiés s’ordonnent autour de multiples modèles théoriques (Kanfer, 1990 ; Ambrose, Kulik, 1999) qui, en psychologie du travail, visent essentiellement à expliquer le niveau de performance des salariés, comme leurs positions vis-à-vis de l’organisation. Dans cette orientation, le modèle de la motivation intrinsèque (Deci, Ryan, 1985) a été développé dans les années quatre-vingt et suscite actuellement de nombreuses recherches dans plusieurs champs sociaux (Lepper, Corpus, Iyengar, 2005, dans l’éducation ; De Voe, Iyengar, 2004, dans le monde du travail, par exemple).

Toutefois, une nouvelle méthode d’étude de la motivation intrinsèque (MI) a été élaborée récem- ment (François, 2004). Elle s’inscrit dans le cadre d’une perspective sociocognitive (Dubois, 2003), considérant la motivation intrinsèque comme une norme sociale et non plus comme un déterminant des performances. Après avoir défini la MI, nous présenterons cette orientation de recherche, avant de rendre compte de résultats qui confortent cette perspective sociocognitive de la MI.

LES TYPES DE MOTIVATION DANS LA THÉORIE

DE L’AUTODÉTERMINATION

Deci et Ryan (1985) et Ryan et Deci (2000) distinguent, dans le cadre d’une théorie de l’auto- détermination, plusieurs types de motivation (intrinsèque, extrinsèque et amotivation).

La motivation intrinsèque (MI)

La motivation intrinsèque est en jeu lorsqu’une activité est réalisée pour le plaisir et la satisfaction qu’elle procure. Trois formes de MI sont actuelle- ment distinguées :

– Une motivation intrinsèque aux stimulations, dans laquelle le salarié est motivé grâce aux sensa- tions fortes qu’il éprouve dans ses activités profes- sionnelles (cascadeur, chirurgien...).

– Une motivation intrinsèque à la connaissance, dans laquelle l’individu effectue ses activités pour le plaisir d’apprendre de nouvelles choses (ensei- gnant-chercheur par exemple).

– Enfin, une MI à l’accomplissement, dans laquelle l’individu a le sentiment de relever des défis.

La motivation extrinsèque (ME)

La motivation extrinsèque intervient dans les situations où le comportement répond à des objec- tifs instrumentaux (obtenir une récompense ou éviter une sanction, par exemple). Il existe diffé- rentes formes de motivation extrinsèque :

– La régulation externe. Le comportement dépend de récompenses matérielles ou de sanctions placées sous le contrôle d’autrui. Exemple : un étudiant va en travaux dirigés, car l’enseignant fait systématique- ment l’appel. L’étudiant ne se perçoit pas comme le déterminant de son propre comportement.

– La régulation introjectée. L’individu intério- rise les contraintes qui étaient, à l’origine, externes.

On a, donc, un début d’internalisation des pressions externes, sans que l’on puisse parler d’autodéter- mination. Exemple : l’étudiant se sent coupable de ne pas assister à ses travaux dirigés.

– La régulation par identification. Dans cette situation, le comportement devient valorisé par l’individu et il le perçoit comme choisi.

* Laboratoire de psychologie sociale. Université Montpellier 3, Paul-Valéry, Route de Mende, 34199 Montpellier cedex 5. <claude.louche@free.fr>

Ces recherches ont été menées dans le cadre d’une action concertée incitative du réseau national des MSH 2004 financée par le fonds national de la science, minis- tère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement supé- rieur et de la recherche. Ce contrat, intitulé « Approches socio-normatives de la motivation intrinsèque. Implica- tions théoriques et enjeux sociaux. » et coordonné par le Laboratoire Saco, Poitiers (responsable du programme P-H François), associe différents MSH et laboratoires.

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L’amotivation

Enfin, Deci et Ryan (1985) considéreront les situations, dites d’amotivation, dans lesquelles l’individu n’établit aucune relation entre ses comportements et les résultats qu’il obtient. Il suppose, alors, que ses comportements résultent de facteurs indépendants de sa volonté. L’individu n’est pas motivé et se trouve dans un état de résigna- tion. Blais, Briere, Lachance, Riddle et Vallerand (1993) distinguent deux formes d’amotivation (amotivation interne et externe). On parlera d’amotivation externe si la cause de la résignation dépend d’un facteur extérieur à l’individu (attitude de la hiérarchie par exemple) et d’amotivation interne, si la source de résignation provient du soi.

L’amotivation ne sera pas retenue dans notre étude, puisqu’elle correspond à une absence de motivation.

Ces différents types de motivation se distinguent entre elles au niveau du degré d’autodétermination qui les accompagne. La motivation intrinsèque correspond à un degré élevé d’autodétermination, car elle fait appel à des comportements émis libre- ment et par plaisir. En revanche, l’autodétermina- tion est tout à fait réduite au niveau de la motiva- tion extrinsèque par régulation externe, puisque des pressions extérieures sont directement à la base des comportements. Des études ont permis de valider ce continuum motivationnel (Ryan, Connell, 1989).

Elles ont également contribué à repérer les facteurs susceptibles de susciter la motivation intrinsèque (Pelletier, Vallerand, 1993). Pour Deci et Ryan et la théorie de l’évaluation cognitive, la motivation repose sur deux besoins, le besoin de compétence et le besoin d’autodétermination. Tous les facteurs qui affectent ces sentiments de compétence et d’autodétermination, contribuent à la MI. Parmi ceux-ci, on citera les récompenses, comme les contraintes qui, en tant que pressions externes, réduisent la motivation intrinsèque. Ensuite, des recherches menées dans différents champs sociaux (sport, éducation, travail...), confirment que la motivation intrinsèque s’accompagne de meilleures performances (Ryan, Kuhl, Deci, 1997), d’une satisfaction au travail élevée, d’un fort attachement et d’un engagement au travail (Blais et coll., 1993).

Mais, au-delà de ces travaux, visant à prévoir les performances ou l’ajustement aux organisations, on s’est, tout récemment, employé à traiter de la moti- vation intrinsèque dans une tout autre perspective (François, 2004), en s’interrogeant sur son carac- tère normatif.

LA NORMATIVITÉ DE LA MI

On peut considérer qu’une norme traduit la valori- sation de comportements ou de jugements dans un collectif donné. Elle précise, en effet, ce qu’il est bon de faire ou de penser. Dubois (1994) relève

différents critères permettant de caractériser une norme : la norme relève du collectif, fait l’objet d’un apprentissage social, se traduit par une attribution de valeur et n’exerce pas une influence par l’intermé- diaire de contraintes institutionnalisées. Les travaux classiques de psychologie sociale se sont, en premier lieu, intéressés aux normes de comportements. Les normes de comportements ont été, notamment, mises en évidence dans des recherches effectuées dans des entreprises (Coch, French, 1968). Il a été établi que le niveau de production dans les groupes dépendait de règles partagées et non des capacités physiologiques des travailleurs. Beauvois et Dubois (1988) seront, dans le prolongement de Jellison et Green (1981), à l’origine de l’élaboration de recher- ches sur les normes de jugement, en mettant en avant l’existence d’une norme d’internalité qui porte sur les explications données dans la vie quotidienne.

Dans la vie de tous les jours, en effet, on peut expli- quer les comportements ou ce qui arrive par des causes internes ou des causes externes. Les recher- ches (Dubois, 1994, 2003) font apparaître qu’il existe une valorisation sociale des explications internes. Ce statut normatif de l’internalité sera, notamment, démontré dans deux paradigmes de recherche (Gilibert, Cambon, 2003) :

– Le paradigme d’autoprésentation. On propose aux sujets de choisir des explications (internes ou externes), afin de donner, soit une image positive, soit une image négative d’eux-mêmes. On constate que les réponses internes sont davantage choisies, lorsqu’il s’agit de se faire bien voir. Elles sont, donc, socialement valorisées.

– Le paradigme des juges. On demande à des évaluateurs (enseignants, recruteurs, travailleurs sociaux) de se prononcer sur un dossier fictif. La personne à évaluer est présentée, soit comme interne, soit comme externe. Il apparaît qu’une préférence se manifeste vis-à-vis des internes, qui font l’objet d’un jugement plus favorable (pour une synthèse, voir Pansu, Bressoux, Louche, 2003).

Pour la théorie de la norme d’internalité, cette valorisation des explications internes ne repose pas sur une base affective (Dubois, 2003). Elle s’explique par l’utilité sociale de l’internalité et sa place dans l’atteinte d’objectifs sociaux. Juger autrui implique que les comportements, mis en œuvre par cet autrui, traduisent ce qu’il est et lui soient attri- bués. Ce sont, en effet, les conduites d’évaluation, nécessaires au fonctionnement de l’organisation, qui conduisent à la valorisation des explications internes.

Les recherches sur les normes de jugement sont été ensuite élargies, dans la mesure où l’internalité n’est pas la seule norme qui traverse le fonctionnement social. Elles permettront de mettre en évidence l’existence et le fonctionnement d’autres normes (par exemple, la norme de consistance par Channouf, Mangard, 1997 et Louche, Pansu, Papet, 2001).

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François (2004) s’est, de la même manière, interrogé sur la normativité de la MI, en utilisant le paradigme d’autoprésentation. Il a demandé à des étudiants de remplir le questionnaire de motivation de Blais et coll. (1993), qui permet de repérer l’orientation moti- vationnelle (intrinsèque ou extrinsèque). Une double consigne a été proposée : le remplir pour se faire bien voir et le remplir pour se faire mal voir d’un employeur. On constate que les répondants se présentent comme motivés intrinsèquement pour se faire bien voir. Ils sont donc sensibles à la valorisa- tion de la MI. Mais il reste à apprécier si les évalua- teurs, de manière complémentaire, jugent plus favo- rablement les motivés intrinsèquement.

Cassignol-Bertrand, Baldet, Louche et Papet1l’ont vérifié dans deux études, conduites dans le champ organisationnel. La première a porté sur des recru- teurs qui devaient évaluer des candidats sur un emploi. Le candidat motivé intrinsèquement est privilégié. La seconde a porté sur des experts écono- miques, chargés d’évaluer des projets de création d’entreprise. Ces experts devaient se prononcer sur un dossier très moyen porté soit par un créateur motivé intrinsèquement soit par un créateur motivé extrinsèquement. Les jugements sont meilleurs, lorsque le dossier est présenté par un créateur motivé intrinsèquement. Ces différents résultats plaident pour la normativité de la motivation intrinsèque. Ce qui rend cette normativité pertinente à considérer, c’est le fait que le concept de « motivation » a un double statut. Il a, d’une part, une définition scienti- fique, avec une opérationnalisation dans de multiples modèles permettant la planification de la recherche.

Mais, d’autre part, il figure en bonne place dans le vocabulaire commun : un candidat à un emploi se déclarera motivé pour renforcer son dossier, et l’absence de motivation des salariés sera souvent avancée par les responsables, pour expliquer des difficultés. La motivation constitue, alors, un élément de jugement social. Pour compléter les résultats déjà obtenus et dans le but de renforcer la perspective sociocognitive de la MI, il nous a paru intéressant de travailler avec le paradigme d’autopré- sentation, mais en jouant sur l’instance évaluatrice, auprès de laquelle il faut se faire bien ou mal voir.

PROBLÉMATIQUE

Comme il a été indiqué précédemment, François (2004) a montré que les étudiants se présentent comme motivés intrinsèquement pour se faire bien voir. Bordel, Gaussot, Jouffre, Milland et Roques, travaillant également sur des étudiants, ont pu

établir que ce phénomène intervenait davantage, dans une relation institutionnalisée, à l’égard des enseignants, que dans une relation interpersonnelle, vis-à-vis d’amis2. Les professeurs étant les évalua- teurs des étudiants, on peut conclure que les étudiants sont sensibles à la valorisation de la MI chez les évaluateurs. Ces résultats ont été obtenus dans un cadre social, l’université, comportant une évaluation formelle. Et c’est par rapport aux profes- seurs, qui ont un rôle statutaire d’évaluation, que les étudiants devaient se présenter sous un jour positif ou négatif. Il est, alors, important de s’inter- roger sur le rôle exercé par le cadre formel d’évaluation dans le fonctionnement normatif. On peut, pour éclairer cette question, considérer les recherches sur la norme d’internalité. Dubois (1988) a constaté, au niveau de cette dernière norme, que les explications internes sont choisies à des fins d’autovalorisation et que l’instance évaluative potentielle exerce une influence à ce niveau : l’instance scolaire exerce, en effet, un rôle plus puissant que l’instance parentale. Ce constat renforce une interprétation sociocognitive, liant la préférence pour l’internalité aux nécessités de l’évaluation. Dans la même logique, on peut poser pour hypothèse que la propension à se présenter comme motivé intrinsèquement, pour se faire bien voir, sera plus forte vis-à-vis de responsables hiérarchiques que vis-à-vis de collègues, qui n’ont pas une évaluation formelle à porter. L’évaluation constituerait, alors, une condition accentuant la normativité de la motivation intrinsèque. Nous avons mené une étude auprès d’une population de salariés pour l’apprécier. Elle avait, pour objectif, de vérifier l’hypothèse selon laquelle la présenta- tion de soi sera plus fortement motivée intrinsèque- ment si elle concerne des responsables hiérarchi- ques, que si elle concerne des collègues. Elle nous donnera, de plus l’occasion, de généraliser les résultats de Bordel et coll. (voir note 1) à une autre population (des salariés et non plus des étudiants).

MÉTHODOLOGIE Population

L’étude a été conduite dans un établissement accueillant des personnes âgées et qui emploie 105 salariés en contrat à durée indéterminée. La recherche a été menée avec l’accord de la direction et celui des délégués du personnel, qui ont souhaité,

1. Cassignol-Bertrand (Florence), Baldet (Sophie), Louche (Claude), Papet (Jackie). – Norme de motivation intrinsèque et utilité sociale : recherches dans le champ organisationnel, (soumis 2005).

2. Bordel (Stéphanie), Gaussot (Luc), Jouffre (Stéphane), Milland (Laurent), Roques (Martine), Inter- nalité, motivation aux études, effet du type d’instance d’autoprésentation et lien entre expression et clair- voyance des deux contenus, Journées d’étude du réseau

« norme de motivation intrinsèque », Université de Poitiers, juin 2005 (document non publié).

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toutefois, une information sur les résultats. L’étude était présentée comme une recherche destinée à appréhender la manière, dont on se montre aux autres dans la vie quotidienne. Deux groupes de 30 salariés, rigoureusement équivalents, ont été constitués. Ils comportaient des aides-soignantes, des aides médicaux et des auxiliaires en gériatrie.

Procédure

L’étude a été réalisée avec le questionnaire IMTB (inventaire des motivations au travail) de Blais et coll. (1993), qui permet de repérer l’orien- tation motivationnelle (intrinsèque ou extrinsèque) des répondants. Cet outil a été retenu pour ses qualités métriques. Le premier groupe de salariés a rempli le questionnaire pour se faire, selon le cas, bien voir ou mal voir de la hiérarchie, le second groupe pour se faire bien ou mal voir de collègues.

Une présentation contrebalancée a permis de neutraliser les effets d’ordre.

Variable dépendante

Les salariés ont rempli un questionnaire constitué de 24 items de l’échelle de Blais. Six formes de motivation ont été appréhendées par cet outil (trois intrinsèques et trois extrinsèques). Chaque forme était repérée par quatre items. Compte tenu de la validité de l’instrument utilisé, un score global de MI et un score global de ME ont été calculés, en ajoutant les scores des différents items relevant de la même dimension. Dans un deuxième temps, et à titre exploratoire, les trois différentes compo- santes de la MI seront séparées, pour savoir si elles exercent le même rôle normatif.

RÉSULTATS

Il s’agissait, dans ce travail, de montrer que la normativité de la MI est plus affirmée lorsque l’autoprésentation est destinée à des responsables hiérarchiques, qui ont un rôle formel d’évaluation, plutôt qu’à des collègues.

Nous avons, d’abord, considéré les scores de motivation intrinsèque (voir tableau 1).

Bien voir Mal voir

Collègues 46,83 (18,45) 59,66 (17,03) Hiérarchie 63,16 (16,13) 23,50 (9,38)

Tableau 1. Scores moyens (E-t) de motivation intrin- sèque selon le caractère positif ou négatif de l’autopré- sentation et le destinataire de la présentation.

Une analyse de variance à mesures répétées a été appliquée aux données. On constate, tout d’abord,

que la motivation intrinsèque est plus fortement mise en avant pour se faire bien voir (F(1,58) = 15,86, p < .0001). Sa désirabilité sociale est, ainsi, affirmée. Il apparaît, ensuite, que la moti- vation intrinsèque est privilégiée pour se faire bien voir de la hiérarchie et est avancée pour se faire mal voir des collègues (F(1,58) = 60,72, p < .0000). Ce résultat (interaction significative) montre que la relation d’évaluation formelle, comme on peut le prévoir dans le cadre d’une pers- pective sociocognitive des normes (Dubois, 2003), renforce l’expression de la normativité de la moti- vation intrinsèque. Cette dernière est considérée comme désirable pour la hiérarchie, mais signifi- cativement moins désirable pour des pairs.

Nous avons, ensuite, pris en compte les scores de motivation extrinsèque (tableau 2).

Bien voir Mal voir

Collègues 39,70 (14,17) 62,90 (12,78) Hiérarchie 53,93 (18,23) 27,90 (10,17)

Tableau 2. Scores moyens (E-t) de motivation extrin- sèque selon le caractère positif ou négatif de l’autopré- sentation et selon son destinataire.

Il apparaît, en premier lieu, que les scores de motivation extrinsèque ne sont pas plus élevés, pour se faire bien voir (F(1,58) = 0,21, ns), que pour se faire mal voir. Nous avions, en revanche, constaté (voir tableau 1) que les scores de MI augmentaient significativement lorsqu’il s’agissait de se faire bien voir. Le rôle de la motivation intrin- sèque, comme élément spécifique de valorisation sociale, est donc mis en évidence. La présentation de soi, comme motivée extrinsèquement, est globa- lement plus prononcée pour les collègues que pour la hiérarchie (F(1,58) = 28,09, p < .0000). Mais la motivation extrinsèque sert à se faire bien voir de la hiérarchie et mal voir des collègues (F(1,58) = 63,72, p < .000). Ainsi, toute forme de motivation est utilisée pour se montrer sous un jour favorable aux yeux de la hiérarchie et sous un jour défavorable aux yeux des collègues de travail. Ce résultat pourrait nous placer devant une valorisa- tion sociale générale des individus motivés (quel que soit le type de motivation). Il serait de bon ton, pour les salariés, d’adopter cette norme, face à la hiérarchie et de s’en écarter face aux pairs. D’une part, un salarié non motivé ne peut pas, en effet, être valorisé par les responsables hiérarchiques : dans ces conditions, on se montre motivé pour se faire bien voir. D’autre part, la motivation au travail est une norme dominante des responsables ; les exécutants considèrent, alors, de manière

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complémentaire, que l’adopter conduit à se faire mal voir des collègues, car cette norme n’est pas constitutive de leur identité de groupe. Il serait, alors, intéressant de travailler dans un contexte d’organisation différent au point de vue des normes des salariés (par exemple, dans un « modèle entre- preneurial » de culture caractérisé, selon Francfort, Osty, Sainsaulieu et Uhalde (1995), par une forte mobilisation vers la réalisation des objectifs écono- miques et une communauté de norme entre les responsables et les salariés), pour vérifier la perti- nence de cette interprétation. Toutefois l’analyse des contrastes montre que les scores de MI sont significativement plus élevés que ceux de ME, lorsqu’il s’agit de se présenter sous un jour favo- rable (F(1,58) = 17,81, p < .000). Il y a donc bien une valorisation sociale particulière de la MI.

Les résultats présentés précédemment confir- ment la normativité de la motivation intrinsèque, déjà établie dans différentes études et, surtout, l’importance d’une relation formelle d’évaluation pour l’activer. Dans la mesure où il existe plusieurs formes de motivation intrinsèque (aux stimulations, à la connaissance, à l’accomplissement), il nous a paru intéressant de vérifier si cette normativité concernait toutes les dimensions de la MI. Pour cela, nous avons comparé les scores moyens des différentes formes de MI dans la situation d’auto- présentation positive ou négative, selon que cette autoprésentation concernait les collègues ou la hiérarchie.

On résume, dans le tableau 3, les scores moyens obtenus.

MI aux stimulations

Bien voir Mal voir

Collègues 13,13 (7,55) 21,6 (6,72)

Hiérarchie 19 (5,93) 8 (3,55)

MI à la connaissance

Bien voir Mal voir

Collègues 19,03 (7,85) 17,93 (7,08) Hiérarchie 23,36 (6,07) 8,10 (4,36)

MI à

l’accomplissement

Bien voir Mal voir

Collègues 14,66 (6.46) 20,30 (6,14) Hiérarchie 20,80 (5,79) 7,4 (3,87)

Tableau 3.Scores moyens (E-t) des différentes compo- santes de la MI en fonction du destinataire de la présen- tation et de son caractère positif ou négatif.

Nous retrouvons, sur les trois composantes de la motivation intrinsèque, la configuration de résul- tats obtenue au niveau du score global de motiva- tion intrinsèque. Les scores sont significativement plus élevés dans la situation d’autoprésentation positive que dans la situation négative. Nous rele- vons, pour chaque indice, une interaction signifi- cative (avec F(1,58) = 56,90, p < .0000, pour la MI aux stimulations, F(1,58) = 24, p < .0000, pour la MI à la connaissance et F(1,58) = 63,51, p < .0000, pour la MI à l’accomplissement), confirmant que les composantes de la MI ont un statut identique et sont utilisées pour se faire bien voir de la hiérarchie et mal voir des collègues. Ce résultat est tout à fait conforme à ceux qui ont été obtenus par Blais et coll. (1993) et qui montrent les étroites relations liant les composantes de la motivation intrinsèque.

Nous trouvons également confirmation de ces rela- tions dans une perspective normative de la MI.

DISCUSSION ET CONCLUSION

La motivation intrinsèque suscite actuellement de multiples recherches, destinées à comprendre les performances dans les domaines scolaire, profes- sionnel ou sportif. Un certain nombre de publica- tions récentes apporte un éclairage différent sur la motivation intrinsèque en s’interrogeant sur sa normativité. Pelletier et Vallerand (1996) avaient déjà montré que les performances des salariés motivés intrinsèquement sont surévaluées par rapport à celles réalisées par des salariés motivés extrinsèquement, alors qu’elles sont identiques. Il existe, donc, une valorisation de la motivation intrinsèque chez les responsables, qui affecte le contenu de l’évaluation des salariés. Ce caractère normatif de la MI a, ensuite, été démontré tout récemment, par des recherches inscrites dans les paradigmes classiquement, mis en œuvre pour traiter de la norme d’internalité (autoprésentation et paradigme des juges). Dans une logique socio- cognitive, liant les connaissances à des pratiques sociales « obligées » et nécessaires au fonctionne- ment social, il était important, en complément, d’étudier l’influence de l’évaluation formelle dans la manifestation de la norme de motivation intrin- sèque. Nous avons, en conséquence, demandé à des salariés de remplir un questionnaire de motivation, de manière à se présenter sous un jour favorable ou sous un jour défavorable, cette présentation étant destinée, soit à la hiérarchie, soit à des collè- gues. Il apparaît, conformément aux hypothèses, que les scores de MI sont plus élevés pour se faire bien voir de la hiérarchie que des collègues. Le contexte formel d’évaluation favorise, donc, le fonctionnement de la norme de MI, qui s’exerce tant dans le contexte scolaire que dans celui des entreprises. De plus, nous avons constaté que la

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motivation intrinsèque joue un rôle spécifique de valorisation sociale que la motivation extrinsèque n’exerce pas. Ce résultat concerne toutes les dimen- sions de la MI (MI aux stimulations, à la connais- sance, à l’accomplissement), qui ne se différencient pas entre elles sur le plan normatif. Les études sur la norme de motivation intrinsèque n’en sont qu’à leur point de départ. Il reste encore à justifier l’utilité sociale de cette norme. Peut-on, par exemple, considérer que les salariés motivés par le contenu du travail, et non par des raisons instru- mentales externes, soumises à des aléas, sont plus sûrs et plus prévisibles ? Il est également nécessaire d’articuler le fonctionnement de cette norme avec

les multiples facteurs organisationnels pesant sur l’évaluation et dont le rôle a été établi par la recherche (performances objectives, apparence physique...). De nouvelles recherches sont encore nécessaires pour cerner la valeur sociale et la dési- rabilité de la motivation intrinsèque. Même si nous avons démontré la spécificité de la désirabilité atta- chée à la motivation intrinsèque, nous avons constaté, dans ce travail, que la motivation extrin- sèque constitue également une source de valorisa- tion. La question de l’existence d’une norme géné- rale de motivation est alors posée. C’est par rapport à elle qu’il faudra appréhender maintenant la normativité de la motivation intrinsèque.

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