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La procédure de la juridiction des prud'hommes vue par le Tribunal fédéral

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La procédure de la juridiction des prud'hommes vue par le Tribunal fédéral

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. La procédure de la juridiction des prud'hommes vue par le Tribunal fédéral.

In: La juridiction genevoise des prud'hommes : 1884-1984 . Genève : Département de justice et police, 1985. p. 41-46

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12289

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DE LA JURIDICTION DES PRUD'HOMMES VUE PAR LE TRIBUNAL FÉDÉRAL

par Gabriel Aubert

chef de travaux à la Faculté de droit I. INTRODUCTION

En 1982, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur dix arrêts de la Chambre d'appel des prud'hommes de Genève qui étaient attaqués devant lui par la voie du recours en réforme. Il en a annulé sept (partiellement ou totalement). Seuls trois d'entre eux ont trouvé grâce à ses yeux. Certes, l'année 1982 est singu- lièrement défavorable. Mais elle révèle une difficulté certaine dans le fonctionnement de la juridiction des prud'hommes.

L'analyse des décisions rendues ces cinq dernières années par le Tribunal fédéral sur recours contre les arrêts de la Chambre d'appel (et, parfois, du Tribunal) montre que les critiques de la plus haute instance du pays concernent non seulement l'inter- prétation du droit de fond, mais aussi (et peut-être surtout) la procédure. Les exigences du Tribunal fédéral, à cet égard, se sont faites plus précises et plus pressantes.

La procédure devant les prud'hommes se signale par son carac- tère laïque et informel. Les juges, pour la plupart collègues des parties, recherchent les solutions qui leur paraissent \es meil~

leures en se fondant plus sur l'usage et sur leur sentiment de l'équité que sur une argumentation juridique élaborée. On sait l'attachement centenaire du législateur aux avantages indénia- bles d'une telle procédure. Mais ces qualités, poussées à l'ex- trême, deviennent parfois des défauts, que le Tribunal fédéral n'a pas manqué de relever. Nous voudrions rapporter ici quel- ques espèces significatives.

rI. UNE INSTITUTION LAlQUE

Selon la conception du législateur genevois, la juridiction des prud'hommes excluait largement les juristes: point d'avocats, point de juges de carrière (sauf en appel et à la Cour mixte).

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Laissant entendre, en 1978, qu'il pourrait imposer le droit à l'assistance d'un avocat et le faisant effectivement en 1979 pour la procédure devant la Chambre d'appel, le Tribunal fédéral, guidant notre Grand Conseil, a profondément modifié la phy- sionomie de cette juridiction (SJ 1979, p. 413 ; 1980, p. 482).

Nous nous permettons ici de renvoyer à l'étude du professeur Alexandre Berenstein, dans cette brochure.

Que, parmi les cinq magistrats de la Chambre d'appel, il n'y ait qu'un seul juge de carrière, la chose a paru surprendre le Tribunal fédéral. Pour ce dernier, une telle organisation n'est pas

« pleinement satisfaisante» (SJ 1979, p. 412), s'agissant surtout des affaires dont la valeur litigieuse est relativement élevée. Mais, dès lors que plusieurs cantons n'exigent pas une formation spé- ciale pour leurs magistrats et que, du reste, le recours en réforme au Tribunal fédéral est ouvert pour les litiges les plus impor- tants, les juges de Mon-Repos ont estimé que les exigences minimums de l'article 4 Cst. féd. étaient satisfaites.

III. UNE PROŒDURE INFORMELLE

Le formalisme de la procédure civile n'a pas droit de cité chez les prud'hommes. Au contraire, l'instruction de la cause y est essentiellement orale. Les juges recherchent les preuves d'office.

A) L'oralité des débats

Malgré le caractère oral de la procédure, il arrive qu'une partie adresse à la juridiction des prud'hommes des mémoires et des pièces sans y être invitée et sans que l'autre partie en soit avisée. Parfois même, le dépôt des écritures intervient si tard que toute communication aux intéressés par le greffe est exclue.

Le Tribunal fédéral a rappelé que l'article 4 Cst. féd. garantit à tout le moins le droit d'être informé du dépôt d'écritures et de pièces par la partie adverse, de les consulter et de se déterminer à leur sujet. Si, pour constater des faits pertinents et contestés par une partie, les juges se fondent sur un mémoire et des pièces dont celle-ci n'a pas pu avoir connaissance, l'article 4 Cst. féd.

se trouve violé (SI 1982, p. 321).

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B) La recherche des preuves d'office 1. La maxime d'office

Les plaideurs reprochent souvent à la Chambre d'appel de n'avoir pas recherché d'office les moyens et les preuves. Or, selon le droit fédéral, le juge n'est tenu à une telle recherche que dans les affaires où la valeur litigieuse ne dépasse pas fr. 5000 (ATF 103 II 276). Quid si elle est supérieure à ce mon- tant? La loi genevoise sur la juridiction des prud'hommes ne prévoit pas expressément l'application de la maxime d'office.

Mais, à notre avis, celle-ci résulte de la coutume et de la nature même de cette juridiction.

D'ailleurs, comme l'a relevé le Tribunal fédéral, la recherche d'office des preuves et du droit applicable constitue la contre- partie normale de l'exclusion des avocats si l'on veut réellement garantir aux parties leur droit d'être entendues (SJ 1980, p. 482).

Ce principe vaut, à notre avis, non seulement devant le Tribunal, aussi devant la Chambre d'appel (où sont désormais admis les avocats). En effet, seuls les plaideurs privilégiés peuvent s'offrir l'aide d'un mandataire, l'allocation de dépens leur étant refusée même s'ils gagnent.

2. Exemples d'instruction insuffisante

Désireux de trancher rapidement et se fiant à leur sens de l'équité, les prud'hommes omettent parfois d'instruire à fond les causes qui leur sont déférées. Les exemples d'arrêts de la Chambre d'appel annulés en raison de l'insuffisance de l'instruc- tion sont relativement abondants. En voici quelques-uns.

a) Un salarié résilie son contrat de travail, qui renferme une clause d'interdiction de concurrence. Il prend un nouvel emploi dans une entreprise concurrente de celle de son précédent em- ployeur. Ce dernier agit contre lui en paiement d'une indemnité.

Le travailleur résiste à la demande: il soutient que la résiliation repose sur un motif justifié et que, par conséquent, l'interdiction de faire concurrence a pris fin (art. 340 c, al. 2 CO). Le Tribunal fédéral a annulé successivement deux arrêts de la Chambre d'appel dans cette affaire.

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Le premier arrêt de l'instance cantonale mentionne les allé- gations du salarié sur la justification de la résiliation. Il précise que les parties et des témoins ont été entendus. Sans exposer le résultat des enquêtes, il statue que le travailleur n'a pas rapporté la preuve de l'existence d'un motif justifié. Dans ces circons- tances, le Tribunal fédéral ne pouvait pas déterminer si les juges genevois avaient considéré que les faits allégués par le salarié n'étaient pas établis (problème de fait) ou si, ayant admis la réalité de ces faits, ils ont estimé que ceux-ci ne constituaient pas un motif justifié de résiliation imputable à l'employeur (pro- blème de droit). L'arrêt ne respectant pas les principes posés à l'article 51 OJF, le Tribunal fédéral se trouvait dans l'impossi- bilité de juger si l'autorité cantonale avait correctement appliqué le droit fédéral (TF, 31.10.1978, Wiedemeier contre Planzer Transports SA).

Dans son second arrêt, sur renvoi, la Chambre d'appel s'est bornée à répéter que le salarié n'avait pas apporté la preuve qui lui incombait. Elle n'a pas statué sur certains des moyens sou- levés par lui. Le Tribunal fédéral a dû rappeler que l'article 8 CC confère à la partie qui supporte le fardeau de la preuve un droit à l'administration des preuves régulièrement offertes au sujet des faits pertinents (A TF 105 II 45). Un complément d'instruc- tion s'imposait pour permettre à la juridiction cantonale de se prononcer sur la réalité des faits allégués. La cause lui fut dere- chef renvoyée (TF, 20.11.1979, Wiedemeier contre Planzer Transports SA).

b) Dans un procès portant sur un contrat de travail exécuté en Arabie Saoudite, la Chambre d'appel a condamné un em- ployeur au paiement de fr. 18.850 sans s'interroger de manière précise sur plusieurs éléments contestés, soit l'activité du salarié, la durée de cette dernière, le degré de subordination et la nature juridique de l'entreprise délenderesse. Le Tribunal fédéral lui a renvoyé la cause afin qu'elle statue expressément sur les faits, en mentionnant le résultat de l'admittistration des preuves (TF, 28.2.1982, Narbona contre Abuljadayel). Ayant recommencé l'instruction, la Chambre d'appel a libéré le défendeur des fins de l'action. Non sans humour (vu le lieu d'exécution du contrat), elle a déclaré avoir « probablement été la victime d'un mirage»

(Chambre d'appel, 2.9.1982, Narbona contre Abuljadayel).

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c) Un Iranien a conclu un contrat de travail, apparemment en Iran, avec une compagnie d'aviation de ce pays. Il a exercé une partie de son activité à Genève. L'employeur ordonne son transfert de cette ville à Téhéran. Surgit alors un litige, que la Chambre d'appel tranche sans dire quel est le droit applicable.

Ne sachant pas sur quelles dispositions légales l'autorité canto- nale a fondé sa solution (\e droit iranien ou le droit suisse comme tel ou à titre subsidiaire), le Tribunal fédéral n'a pas été en me- sure de rechercher si le droit applicable avait été correctement choisi et mis en œuvre. La cause a donc été renvoyée à l'instance cantonale pour qu'elle se détermine à cet égard (TF, 24.11.1981, Mirfassihi contre Iran Air).

d) Les insuffisances trop fréquentes de l'instruction des causes devant la juridiction cantonale ont conduit le Tribunal fédéral à formuler ses critiques d'une manière plus générale: «Le Tri- bunal fédéral a toutefois déjà dû constater à plusieurs reprises que des arrêts de la Chambre d'appel des prud'hommes ne répondaient pas aux exigences de l'article 51 OJF, au point d'im- poser le renvoi de la cause à l'autorité cantonale en vertu de l'article 52 ( ... ). Comme il n'apparaît pas équitable de faire sup- porter aux parties les frais d'une telle procédure, le Tribunal fédérai se réserve d'examiner à l'avenir s'il n'y a pas lieu de mettre les frais et les dépens à la charge du canton de Genève, dans des cas de ce genre» (TF, 16.2.1983, Faigaux contre Batch and Timesharing SA).

IV. CONCLUSION

La juridiction des prud'hommes est originale. Ses particula- rités créent parfois des difficultés au regard du droit fédéral.

Après avoir imposé le droit à l'assistance d'un avocat devant la Chambre d'appel, le Tribunal fédéral a souligné les inconvénients résultant d'une instruction parfois trop sommaire. Cela ne signifie pas que la juridiction comme telle soit mise en cause. nes me- sures doivent à tout le moins être prises pour améliorer son fonc- tionnement. Selon un projet du Conseil d'Etat, la présidence de la Chambre d'appel sera répartie entre davantage de juges à la

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Cour, de telle sorte que les magistrats de carrière pourront con·

sacrer plus de temps à chaque affaire. En outre, de nouveaux greffiers d'audience sont recrutés parmi les jeunes avocats et les assistants de la Faculté de droit. Comme toute institution, les tribunaux de prud'hommes se doivent d'évoluer. La célébration de leur centenaire donne l'occasion non seulement de mesurer le le chemin parcouru, mais aussi de préparer l'avenir.

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