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Peu de temps après son engagement, la jeune fille avait été choisie comme secrétaire par M. Antony, le directeur de la Compagnie, et cet honneur dont

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DU MÊME AUTEUR

LA PASSAGERE DU « CAPRICORNE ». (Editions A. B. C.)

LA CLE DE VOUTE. (Editions M. C. L.) LA CAGE DOREE. (Editions M. C. L.)

L'HOMME AUX NEUF DOIGTS (Roman policier).

(Editions Diderot.)

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CHAPITRE PREMIER

L'agent de police placé au milieu de la chaussée leva son bâton blanc ; les autos s'im- mobilisèrent et le flot des piétons massés sur le trottoir traversa la rue Saint-Lazare.

Parmi la foule, quelques silhouettes particu- lièrement gracieuses retenaient l'attention : un minois futé, un regard bleu, des boucles blondes.

L'heure était matinale, les employés se ren- daient au travail. Violette-Blanche Dampierre leva la tête ; l'agent de police et son bâton blanc lui importaient peu ; le ciel d'avril où couraient de légers nuages la fit sourire.

La jeune fille aspira l'air vif et poursuivit sa marche vers les bureaux de la Compagnie d'assurances « La Colombe », où elle était secrétaire.

Malgré son nom poétique, l'immeuble assez vétuste qui abritait la Compagnie était parti- culièrement morne, et la paix n'y régnait point.

Dactylos et secrétaires s'y mesuraient en une lutte perpétuelle ; la jalousie y faisait des ravages.

Violette-Blanche se savait enviée et même détestée par certaines de ses collègues.

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Peu de temps après son engagement, la jeune fille avait été choisie comme secrétaire par M. Antony, le directeur de la Compagnie, et cet honneur — dont elle se montrait digne par ses capacités — lui avait fait cent ennemies.

— Bonjour, Mademoiselle, dit cordialement le portier. Toujours exacte !

— Bonjour, Monsieur Plantin, répondit l'ar- rivante.

— Ma chère, comme vous êtes belle, ce matin ! dit une voix féminine.

— Un simple tailleur noir de l'année der- nière ; vous êtes plus élégante que moi, Made- moiselle Louise, répondit Violette-Blanche, sou- riante.

Mais Mlle Louise, verte d'envie, contemplait le joli visage et les yeux lumineux tournés vers elle.

Ensemble, les jeunes filles gagnèrent l'ascen- seur, puis au second étage se séparèrent.

Après avoir suivi un long couloir désert, Violette-Blanche poussa une double porte mate- lassée et fut dans le bureau directorial, son domaine, dont elle était la seule — avec M. Antony — à franchir délibérément le seuil.

Pour tous les employés de « La Colombe », ce bureau, assez médiocre d'ailleurs, était un lieu révéré, où il convenait de pénétrer les yeux baissés et le cœur battant, car M. Antony, per- sonnage nerveux et fantasque malgré la cin- quantaine, était prompt à la colère et vif en sa façon de la manifester. La secrétaire retira la veste de son tailleur, prit place sur sa chaise habituelle, auprès de la fenêtre, et ouvrit le dossier qui l'attendait.

Mais le soleil d'avril, en laissant glisser jus-

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qu'à elle l'un de ses rayons, l'arracha à sa besogne.

Violette-Blanche leva le nez, prise d'une frin- gale de verdure, d'un appétit de liberté. Elle évoqua son enfance insouciante, elle se revit fillette joyeuse, courant dans les prés. Les années avaient passé vite, transformant l'enfant en une ravissante jeune fille.

Un minuscule rectangle de ciel apparaissait entre de hauts murs gris. Par quel miracle le rayon doré parvenait-il à se glisser dans ce puits ?

Les coudes sur le bureau, Violette-Blanche rêva.

Rien de précis, d'ailleurs ; pas le moindre visage masculin, pas le moindre prénom ne han- taient la secrétaire arrivée de Blois trois mois plus tôt.

L'avenir restait pour elle un merveilleux futur. La jeune fille était exactement dans l'at- tente agréable qui est celle d'un spectateur con- fortablement installé dans un fauteuil d'or- chestre avant les trois coups annonçant le com- mencement du spectacle.

Triste ou gai, vaudeville, drame ou comédie, la secrétaire ne savait rien de la pièce. Der- rière le rideau baissé, les acteurs étaient encore sans voix et sans forme, le jeune premier était une énigme.

Brusquement, Violette-Blanche se retrouva dans l'étroit bureau où s'écoulaient tant d'heures de sa vie. Elle consulta sa montre : 9 h. 20.

Bientôt arriverait M. Antony. Comme chaque matin, il ouvrirait la double porte matelassée

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et dirait en franchissant le seuil : « Bonjour, Mademoiselle. »

Son sourire ferait luire sa canine d'or, et ses petits yeux, papillotant derrière d'épaisses lunettes, envelopperaient la jeune fille d'un regard scrutateur.

Comme chaque matin, la secrétaire répon- drait en levant à peine la tête, et ces rites jour- naliers accomplis, le travail reprendrait son rythme quotidien.

Un garçon de bureau apportant le courrier interrompit les méditations de Violette-Blanche.

— Belle journée aujourd'hui, Mademoiselle, dit le brave homme ; dommage de ne pas être à la campagne. Moi, voyez-vous, je rêve d'y finir mes jours. Un petit jardin et la pêche à la ligne, c'est mon idéal. Le vôtre est différent, sans doute, et ça se comprend. A votre âge, il faut un mari. Jolie comme vous l'êtes, vous le trouverez facilement. Peut-être souhaitez-vous un prince ou un millionnaire ? Le bonheur n'est pas là. Ce qu'il faut, c'est simplement un brave garçon qui vous aime. Croyez-en un père de famille, Mademoiselle Violette-Blanche.

Sur ces mots, le garçon de bureau disparut, et la secrétaire se mit à dépouiller le courrier qu'elle avait mission de classer.

Elle eut un sourire en songeant aux conseils qu'elle venait de recevoir.

Le dangereux rêve fait par trop de jeunes filles ne l'effleurait pas. Elle n'entendait point chercher dans le mariage l'oisiveté, le repos, la richesse ; elle ne vendrait pas sa beauté. Elle offrirait son cœur à celui qu'elle en jugerait digne.

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— Bonjour, Mademoiselle Violette-Blanche, dit à cet instant le directeur.

M. Antony avait toujours été coquet, mais cette matinée d'avril ensorceleuse poussait ce jour-là ce défaut à son paroxysme. Le direc- teur de « La Colombe » arborait un feutre clair et une cravate étincelante, mais il n'en était, hélas ! nullement rajeuni.

Les personnes malveillantes disaient que la principale occupation de M. le directeur consis- tait à fumer des cigarettes, et Violette-Blanche, en raison de son intimité obligatoire avec le

« patron », devait reconnaître que cette affir- mation n'était pas dénuée de logique.

— Voici le courrier, Monsieur, dit la jeune fille en déposant devant M. Antony quelques lettres urgentes.

— J'ai à vous parler, Mademoiselle.

— Je vous écoute, répliqua la secrétaire, qui s'avisait soudain d'un changement dans la voix de M. Antony.

Qu'avait-il ? Etait-il troublé ? Par quoi ? Par qui ?

— Vous m'écoutez, certes, reprit M. Antony ; vous êtes docile, zélée, un modèle de parfaite secrétaire, trop parfaite, peut-être... Vous êtes ravissante, Mademoiselle Violette-Blanche, ne le savez-vous pas ? Je ne suis certes point le premier à vous le dire. N'avez-vous pas compris que, depuis des semaines, je lutte contre moi- même ?

— Monsieur Antony !

Violette-Blanche eût voulu arrêter les mots sur les lèvres du directeur, mais celui-ci pour- suivit :

— J'ai cinquante ans, vous en avez vingt-

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quatre, je sais toutes les objections que cette différence implique, mais je suis veuf et vous êtes belle. Je puis vous assurer une existence heureuse, oisive, je puis vous faire connaître beaucoup de joies réservées à ceux qui ont le privilège de la fortune. Voulez-vous accepter de devenir ma femme ?

— Monsieur Antony, balbutia Violette- Blanche, j'ai pour vous de l'estime, du respect, de l'amitié, mais je ne vous aime pas.

— Je vous aime assez pour deux.

— Je suis touchée, flattée, reprit la jeune fille d'un ton ferme, je dois vous répondre : non... Je sais que votre tendresse et votre géné- rosité me rendraient l'existence agréable, mais une union sans amour est périlleuse. Un jour, je rencontrerai sans doute celui auquel je don- nerai mon cœur, et ce jour-là, je veux être libre.

Il y eut un silence qui parut très long à Vio- lette-Blanche, puis le directeur reprit d'une voix plus basse :

— Vous avez raison, vous pourriez être ma fille, j'avais fait un rêve merveilleux et je dois l'oublier... Seulement, comprenez-moi. Votre présence constante à mes côtés ne fera qu'exas- pérer mes sentiments.

Violette-Blanche frissonna, et M. Antony con- clut :

— A mon grand regret, je dois me séparer de vous. Vos capacités, votre intelligence m'étaient précieuses, vous êtes une collabora- trice remarquable ; vous trouverez sans peine un autre emploi, je n'en doute pas.

D'un regard rapide, la jeune fille enveloppa

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l'humble décor de sa vie besogneuse, les livres, les classeurs, les murs peints de beige.

— Bien, Monsieur, murmura-t-elle. Dois-je terminer le travail en cours ?

— Non, c'est inutile, vous serez libre à partir de demain. Demandez pour moi, je vous prie, Danton 15-23.

— Bien, Monsieur.

C'était fini. Elle était redevenue une simple secrétaire pour M. Antony, et même une secré- taire congédiée.

Elle allait rompre avec tout ce qui avait cons- titué son univers durant trois mois.

Violette-Blanche se laissa tomber sur un banc du parc Monceau. Une lassitude soudaine l'en- vahissait.

Après avoir déjeuné d'un sandwich, elle mar- chait un peu au hasard depuis plusieurs heures. Le soudain bouleversement de son existence la stupéfiait.

Autour de la jeune fille, les arbres s'envelop- paient d'une sorte de brouillard vert ; aux branches des marronniers, les bourgeons écla- taient, brillants et vernis de sève. Le clair soleil caressait et rajeunissait chaque chose.

Des enfants s'ébattaient avec des cris joyeux ; une marchande de ballons, chargée de sa grappe multicolore, attirait les bambins comme par magie.

Les oiseaux chantaient. Une joie, une efferves- cence à laquelle Violette-Blanche se sentait étrangère, animaient bêtes et gens.

« Le printemps », pensa la jeune fille.

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Mais son ivresse du matin l'avait abandonnée.

Les fleurs, les prés, l'enfance étaient de trop bucoliques sujets. Le présent seul comptait, et il était sombre.

En sa précoce expérience, Violette-Blanche comprenait que sa beauté représentait un dan- ger. Lui faudrait-il encore quêter un emploi, l'obtenir avec peine et l'abandonner quelques mois après pour une raison identique ?

D'un regard pensif, la secrétaire examina les mères assises, çà et là, auprès de leurs enfants.

Elle était désireuse d'avoir plus tard un bambin tapageur.

Deux années de travail accompli à Blois, chez un industriel, lui permettaient de prétendre au titre de secrétaire expérimentée. Hélas ! son cou- rage, son zèle, n'étaient pas des armes infail- libles ; d'autres facteurs jouaient dans l'exis- tence.

Avec crainte, elle envisagea la possibilité d'un retour à Blois, auprès de sa mère et de sa jeune sœur Christine.

En cette ville, un emploi de répétitrice lui avait été offert, allait-elle l'accepter ?

C'était un poste absorbant et mal rétribué. La jeune fille imagina une vie morne, monotone, grise, derrière de hauts murs et des fenêtres à barreaux.

« J'étoufferais là-bas, pensa-t-elle, et je gagne- rais si peu d'argent qu'il me serait impossible d'en donner à maman. »

Car, pour Violette-Blanche, le problème finan- cier se posait avec acuité.

Son père, mort subitement, était un homme d'affaires remarquable, mais parfois téméraire.

Sa veuve s'était trouvée dans une situation voi-

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sine de la gêne, et la présence de la petite Chris- tine augmentait encore les difficultés.

Mme Dampierre, élevée de façon très mon- daine, connaissait à merveille l'art de recevoir.

Ses « thés » étaient des plus réussis. Elle excel- lait également dans les « ouvrages de dames », mais les réalités de la vie lui échappaient.

Violette-Blanche, alors âgée de dix-huit ans et qui venait d'obtenir son deuxième « bachot », avait immédiatement compris que sa mère était incapable d'augmenter ses revenus.

Avec un esprit de décision remarquable, la jeune fille avait pris les dispositions qui s'impo- saient.

Les meubles superflus vendus et un apparte- ment plus modeste permettaient à la veuve d'équilibrer son budget. Quant à Christine, elle devait terminer ses études avant d'être orientée vers une carrière précise.

Mme Dampierre avait été fort jolie. Violette- Blanche tenait d'elle sa chevelure cuivrée, son visage à la carnation si claire. Mais alors que la veuve demeurait une poupée futile, sa fille aînée avait hérité de la vive intelligence pater- nelle.

Retourner dans sa famille n'était donc pas pour la jeune secrétaire une perspective récon- fortante. Ni sa mère, ni sa sœur ne seraient un appui.

Bien au contraire ; il lui faudrait entendre bon nombre de lamentations et de sornettes au sujet de l'injustice du sort, de l'ingratitude humaine et de la regrettable idée qu'avait eue M. Dam- pierre de mourir jeune sans avoir assuré d'une manière décente l'avenir de son épouse infor- tunée.

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Les cris d'un enfant attirèrent brusquement l'attention de Violette-Blanche. Le motif des cris était simple.

Un ballon rouge montait très vite vers le ciel, poussé par une brise légère. Le ballon dépassa les branches des plus hauts arbres, effleura la façade d'un immeuble, hésita à se glisser par une lucarne, puis, renonçant délibérément à la terre, il monta droit vers la nue, fugitif, fra- gile, échappé à une main débile, en route vers l'infini.

La jeune fille le suivit du regard jusqu'à la minute où l'éloignement le rendit invisible. « Je suis semblable à lui et comme lui lancée au gré du vent », pensa-t-elle.

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