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[Compte rendu de :] Qu'est-ce qu'un grand home ? : Peste & Choléra / Patrick Deville. Paris : Seuil, 2012

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[Compte rendu de :] Qu'est-ce qu'un grand home ? : Peste & Choléra / Patrick Deville. Paris : Seuil, 2012

WENGER, Alexandre Charles

WENGER, Alexandre Charles. [Compte rendu de :] Qu'est-ce qu'un grand home ? : Peste &

Choléra / Patrick Deville. Paris : Seuil, 2012. Revue médicale suisse , 2012, vol. 8, p. 2304

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:85121

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2304 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 28 novembre 2012

Il y a des hommes dont la vie ne peut être consignée dans un CV. Alexandre Yersin (1863-1943) en fait partie. Tout au plus se souvient-on aujourd’hui qu’il est le découvreur du bacille de la peste qui désormais porte son nom (Yersi- nia pestis). Ce haut fait n’est pourtant que la pointe de l’iceberg, tant sa vie – ses vies, est-on tenté de dire – a été dense en re- cherches, en explorations et en inventions.

A l’instar de Céline, autre médecin bourlin- gueur, l’homme a une dimension romanes- que. C’est ce que suggère Patrick Deville qui, avec Peste & choléra, livre une vibrante biographie de Yersin, très documentée et pourtant présen tée comme un roman.

Yersin passe son enfance à Morges. Or- phelin de père, il est élevé par sa mère qui l’envoie faire sa médecine en Allemagne.

C’est alors l’époque des conquistadors de la microbiologie : à Paris, Pasteur réussit ses premières vaccinations antirabiques. Yersin se rend auprès du grand homme et devient préparateur du cours de «microbie». Il étudie aussi la tuberculose et la diphtérie, et publie quelques articles remarqués sur le bacille diphtérique. Mais la sédentarité lui pèse. Le désir de voyage est plus fort, ça le déman- ge : «Ce n’est pas une vie que de ne pas bouger», écrit-il dans une lettre à sa mère.

Il s’embarque pour Saigon. Engagé par les Messageries maritimes françaises, il devient médecin de bord sur un petit vapeur affec- té à la ligne Saigon-Manille. Les paysages vierges qu’il observe en cabotant l’attirent irrémédiablement. Il achète des élé phants et des chevaux, monte des expéditions et

part à l’aventure à l’intérieur des terres.

Yersin s’installe alors à Nha Trang, dans l’actuel Vietnam. Il rentrera régulièrement en France et acceptera des mandats de l’Institut Pasteur qui l’amèneront à voyager en Inde, en Chine, en Australie. Mais désormais son port d’attache, son éden, sera un petit vil- lage reculé d’Indochine. Jusqu’à la fin de sa vie, aiguillonné par la curiosité de connaître, de tout connaître à fond, mû par l’instinct du chercheur, il montera un laboratoire de mi- crobiologie, produira des vaccins pour les populations locales, construira un observa- toire astronomique, s’intéressera à la météo- rologie, développera une station agricole, introduira l’hévéa en Indochine dont il ven- dra le caoutchouc à Edouard Michelin, se fera livrer de la pellicule photographique par les frères Lumière, conduira des explora- tions et cartographiera des terres inconnues.

Peste & choléra : la peste, c’est la maladie pluriséculaire, effrayante, la force d’exter- mination presque mythique que vainc Yersin grâce à son sérum antipesteux. Le choléra, bien que cela ne soit pas explicitement dit dans le roman, ce sont les intérêts politiques qui gangrènent la recherche scientifique, les enjeux idéologiques et nationalistes qui motivent l’opposition entre les instituts Koch et Pasteur. C’est aussi le vingtième siècle et ses deux guerres mondiales.

Car la vie de Yersin est longue. Elle s’étend du second Empire à la Seconde Guerre mondiale. Et l’une des forces de l’écriture de Patrick Deville est de faire revi- vre une époque et une géographie. A travers le portrait d’un homme farouchement indé- pendant, fidèle en amitié, passionné par le progrès scientifique, mais aussi égoïstement jaloux de sa tranquillité, soucieux d’échap- per au bourbier politique et aux chambar- dements historiques, le roman nous en- traîne à la suite de Yersin, dans le monde des grands paquebots, de la conquête de la vitesse et du raccourcissement des dis- tances à l’échelle planétaire.

La médecine conserve la mémoire de ses grands hommes : Vésale, Harvey, Laennec ou Claude Bernard deviennent des figures exemplaires, porteuses de valeurs qui ser- vent de ciment à la profession. Aux étudiants et aux jeunes chercheurs qui se sentent ap- pelés par la vocation, elles offrent la possi- bilité de s’identifier à une lignée et de se

projeter dans une mission. Faire mémoire des grands hommes permet d’incarner la gloire scientifique et la conquête de la con- naissance. Mais au fond, qu’est-ce qu’un grand homme ? Alexandre Yersin n’est pas entré au panthéon médical, peut-être par surabondance de vie : parce qu’il a vécu plu- sieurs vies, parce qu’il n’a pas fait ou été une seule chose et qu’on ne peut le parquer dans une case de l’histoire de la médecine, comme cela a été le cas du découvreur de la circulation sanguine ou de l’inventeur du stéthoscope. Yersin peut difficilement être statufié. Sa figure est mobile et toute d’éner- gie. Pour le trouver, il faut suivre ses traces sur mer et sur terre. Il faut rappeler cette époque où l’on découvrait conjointement des vaccins capables de sauver des millions de vies et les carnages de masse de la guerre planétaire. Il faut voyager aussi dans les archives de l’Institut Pasteur et dans l’abondante correspondance laissée par Yersin. Cela méritait bien un roman.

Qu’est-ce qu’un grand homme ?

bouche à oreille

A. Wenger

Alexandre Wenger Faculté des sciences Département de médecine

Université de Fribourg, 1700 Fribourg alexandre.wenger@unifr.ch

et

Faculté de médecine

Sciences humaines en médecine Université de Genève, 1211 Genève 14 alexandre.wenger@unige.ch

Coordination rédactionnelle Micheline Louis-Courvoisier

Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 2304

Livre commenté :

Patrick Deville. Peste & choléra. Paris : Seuil, 2012.

56_36703.indd 1 22.11.12 09:54

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