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Vers une civilisation onirique ?

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552 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 7 mars 2012

Il est vrai que dans les évaluations que nous effectuons de temps à autre, à propos surtout du niveau éthique atteint par une civilisation donnée, nous avons tendance à nous référer comme terme de comparai­

son à un modèle quelque peu idéalisé.

Néanmoins, nous devons chaque fois nous résigner à un constat décevant : ce niveau éthique de référence se montre plutôt dou­

teux, parfois même en soi contradictoire.

A cet égard, il n’y a pas seulement l’inca­

pacité foncière, qui s’affiche partout dans le monde et partout dans l’histoire, de con­

tenir la violence dans des proportions rai­

sonnables, ou l’inégalité socio­économique dans des limites favorisant

de bons rapports entre les classes sociales, mais il y a en particulier l’échec répété des bonnes intentions, du renou­

veau des lois, de nouvelles formes de dis­

tribution des pouvoirs publics. La décep­

tion aussi représentée par les résultats de différentes révolutions, des subversions d’un ordre établi, des changements d’orien­

tation politique.

Si l’on recherche en profondeur les cau ses possibles de cet état de choses, on remar que que tout semble centré essentiellement sur une sorte d’asymétrie, de porte­à­faux, de déséquilibre des forces en jeu. D’un côté domine, souveraine, la notion de réalité, et de l’autre côté s’impose sans discussion l’homme à l’état de veille, bien que, à pro­

pos de la notion de réalité, les bases de ce concept soient loin d’être claires et indé­

niables.

Les physiciens nucléaires nous informent sans cesse des aspects relatifs et indétermi­

nés de cette réalité profonde qui est celle des particules et du monde subatomique.

Il en résulte que la plus grande partie de cette réalité est fondée sur la notion de ma­

tière, et celle­ci est noyée à son tour dans l’omnipotence sous­jacente d’une matière qualifiée de «noire» ou, pire encore, dans l’énergie qualifiée alors d’obscure. Si d’ail­

leurs nous changeons de cap et nous nous tournons vers l’astrophysique, cela ne va pas mieux : les galaxies s’éloignent – pour aller où ? Les extraterrestres s’éloignent aussi avec elles, nous laissant dans notre solitude cosmique, qui se révèle être sur­

tout une «solitude informative».

En regardant, en somme, les choses en face, il ne nous resterait, pour obtenir un

peu plus d’efficience, que de réviser l’équi­

libre – ou plutôt le déséquilibre de notre prise de position fondamentale devenue inébranlable. Tout nous montre en effet que la notion de réalité doit être complétée par celle d’imaginaire ou, si l’on préfère, d’une sorte de méta­réalité impliquant une éman­

cipation de ce que nous appelons naïve­

ment du concret, du pratique, de l’évident en soi.

L’imaginaire se situe bien davantage du côté de l’indéfini, du virtuel, du sans cesse créatif, que de celui de l’indiscutable, du précis, du structurellement correct. D’autre part, ce même imaginaire ne peut pas ne

pas se superposer tant aux rêves qu’aux rêvasseries. Se superposer davantage aux désirs qu’à leur effective réalisation, davan­

tage à des attentes confondues hors d’un temps précis entre celles qui étaient celles des enfants que nous avons été, et celles des vieux que nous sommes en train de devenir. Aux attentes de ceux qui ne pos­

sèdent pas un savoir incontestable, de ceux qui misent beaucoup plus sur des critères de choix basés sur leurs goûts individuels, que sur des modes ou des modèles collec­

tifs. Sur une causalité circulaire plutôt que linéaire.

Ici s’impose d’emblée l’autre moitié de nous­mêmes, coincée le plus souvent dans le rôle de Cendrillon, c’est­à­dire le con traire de l’homme éveillé, en fait repu de réalité et d’action programmée. En d’autres termes, il faut se convaincre que l’homme dormant, l’homme justement de la nuit et des rêves, doit être sans relâche consulté, nous pré­

parant à partager charges et pouvoir avec lui. Assumer donc cette moitié de nous­

mêmes dont nous sommes faits, dont nous nous sommes tant méfiés jusqu’à friser l’onirophobie. Rediscuter avec cette partie nocturne nos conceptions de la vie, de la société, de l’éthique, du passé et de l’ave­

nir. Croire autant en la réalité qu’en l’ima­

ginaire, croire autant en un aspect fonc­

tionnel des rêves qu’en l’efficacité de la pleine conscience diurne. Puisque nous nous autopercevons non seulement pen­

dant le jour, quand nous sommes en plein éveil, mais également – et peut­être même

davantage – lorsque nous dormons. Sans que nous soyons sûrs que nos rêves puis­

sent être influencés par ce que nous avons vécu et ressenti en état de veille, alors que désormais peut se dessiner la perspective que pendant notre état de veille nous soyons guidés par nos ressentis hypniques et sur­

tout par nos rêves. Rêves dont nous pou­

vons nous souvenir le matin, mais rêves aussi complètement oubliés. Rêves agréa­

bles et rêves moins agréables, voire des cauchemars. Rêves répétitifs et rêves tout nouveaux, rêves ordinaires et rêves extra­

ordinaires.

Si, en tout cas, nous regardons d’encore plus près nos rêves, nous pouvons nous apercevoir qu’ils représentent un magni­

fique mélange entre l’esprit et le corps : il y a en effet en eux des sensations corporelles multiples comme il y a des représentations mentales variées. Il y a en outre beaucoup de sensorialité, c’est­à­dire qu’à côté des images il peut y avoir des sons, des bruits, des perceptions tactiles, comme parfois des odeurs. Tout cela quelque peu hors d’un espace bien reconnaissable et bien délimité, hors aussi d’un temps précis, d’une époque donnée. Les émotions s’y retrouvent abon­

dantes, tantôt d’une manière imposante, tantôt d’une manière plus discrète.

Toujours est­il que les différentes formes de conflit finissent par trouver dans les rêves des solutions ou des compromis bien plus facilement gérables que ce que permet l’état de veille. On sort des rêves, le matin, quelquefois plein de courage, d’élan vital retrouvé, et quelquefois inquiet, assombri, mais jamais indifférent. Cependant, cette inquiétude post­onirique nous a branchés, si nous regardons bien, sur des conflits peut­

être trop négligés ou trop vite relativisés.

Finalement, on devrait souhaiter que les personnes ayant un pouvoir dans le monde, comme nous tous d’ailleurs, se décident à prendre leurs rêves vraiment au sérieux.

Pr Georges Abraham 13 avenue Krieg 1208 Genève

Vers une civilisation onirique ?

… l’homme dormant, l’homme de la nuit et des rêves, doit être sans relâche consulté …

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