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Libertés fondamentales : la Suisse hors de la CEDH?

BERNARD, Frédéric

BERNARD, Frédéric. Libertés fondamentales : la Suisse hors de la CEDH? In: Regards de marathoniens sur le droit suisse : mélanges publiés à l'occasion du 20e "Marathon du droit". - Genève : Slatkine, 2015. - P. 299-307. 2015.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:108889

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(2)

LIBERTÉS FONDAMENTALES

frédéric Bernard

Anticipation

La sUisse hors de La Cedh?

INTRODUCTION

A.

novembre 2025. Le marathon du droit organisé par l’ordre des avocats fête son vingtième anniversaire. Le sujet n° 21 du marathon, consacré aux libertés fondamentales, a subi quelques années auparavant un véri- table tremblement de terre. en effet, au printemps 2018, le peuple et les cantons suisses ont accepté l’initiative populaire fédérale «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l’autodétermination)»1. Cette initiative a notamment modifié l’art. 5 al. 4 Cst. féd. dans le sens suivant: «La Confédération et les cantons respectent le droit internatio- nal. La Constitution fédérale est placée au-dessus du droit international et prime sur celui-ci, sous réserve des règles impératives du droit inter- national.» elle a également introduit dans notre texte suprême un nouvel article 56a intitulé «Obligations de droit international», dont le libellé est le suivant:

ff 2015 1831.

1

(3)

«1La Confédération et les cantons ne contractent aucune obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution fédérale.

2En cas de conflit d’obligations, ils veillent à ce que les obligations de droit international soient adaptées aux dispositions constitutionnelles, au besoin en dénonçant les traités internationaux concernés.

3Les règles impératives du droit international sont réservées.»

tirant les conclusions qui s’imposaient de la volonté du constituant, le Conseil fédéral a dénoncé la Convention européenne des droits de l’homme, au motif de l’incompatibilité avec ces traités de certaines dispositions constitutionnelles (en particulier, l’art. 72 al. 3 Cst. féd.

prohibant la construction de minarets). en conséquence, la suisse a été contrainte de quitter l’organisation du Conseil de l’europe, l’apparte- nance à cette dernière étant conditionnée à la ratification de la Cedh2. sur le plan interne, l’adoption du nouvel article constitutionnel a eu pour effet de mettre un terme au contrôle dit de conventionnalité, qui avait conduit notre haute Cour à refuser la mise en œuvre de lois fédé- rales lorsque celles-ci étaient contraires à la Cedh3(l’art. 122 Ltf, qui ouvrait la voie de la révision des arrêts du tribunal fédéral en cas de constatation subséquente, par la Couredh, d’une violation de la Cedh, a logiquement été abrogé). L’art. 190 Cst. féd. (dont la teneur a aussi été modifiée par l’initiative et prévoit désormais que «Le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et les traités internationaux dont l’arrêté d’approbation a été sujet ou soumis au référendum») a ainsi retrouvé sa portée antérieure: en effet, si le tribunal fédéral se reconnaît toujours la compétence d’examiner la constitutionnalité des lois fédérales, il considère être tenu de les appli- quer (principe dit de l’Anwendungsgebot4). Ce faisant, la suisse est redevenue l’un des rares états contemporains dans lesquels les droits

si, à l’origine, la qualité de membre du Conseil de l’europe n’entraînait pas auto-

2

matiquement l’obligation de ratifier la Cedh, la pratique des états membres a ensuite évolué dans ce sens. Voir la déclaration de Vienne du 9 octobre 1993 et rené-Jean dUpUY, manuel sur les organisations internationales, 2eéd, La haye 1998, p. 284.

Voir, par exemple, atf 125 ii 417 = sJ 2000 i 202 c.4.d (entrée en matière sur un

3

recours dirigé contre une décision du Conseil fédéral, sur la base de l’art. 6 § 1 Cedh, malgré le texte clair de l’ancienne loi fédérale sur l’organisation judiciaire du 16 décembre 1943).

Voir, par exemple, atf 117 ib 107 = Jt 1993 i 273 c.2.f. Consulter également

4

andreasaUer/GiorGiomaLinVerni/miCheLhotteLier, droit constitutionnel suisse, vol. i: L’état, 3eéd., Berne 2013, n 1937 et ss.

300 LiBertés fondamentaLes

(4)

individuels ne lient pas le parlement5, dérogeant ainsi au principe de la pyramide des normes rendu célèbre par hans Kelsen6.

LES MOTIFS DE LA RÉSILIATION

B.

fondamentalement, la dénonciation de la Cedh repose sur trois argu- ments distincts.

Le premier se fonde sur la conviction que le constituant helvétique est parfaitement à même de protéger les droits individuels des citoyens et n’a donc pas besoin d’appui extérieur7. La coexistence d’un traité inter- national aux côtés de la Constitution fédérale ne représente ainsi qu’une redondance – ou, pire, une nuisance – qu’il convient de supprimer.

Le deuxième motif, plus subtil, dénonce non le texte conventionnel en tant que tel, mais l’interprétation dynamique qui en est faite par la Cour euro- péenne des droits de l’homme, l’organe chargé d’en contrôler le respect8. sa cible favorite est le prétendu activisme des juges européens, auxquels elle fait grief d’avoir étendu la portée de la Convention d’une manière imprévisible pour les états membres au moment de sa ratification9. de manière mêlée à ces deux premiers arguments, les initiants dénon- cent encore (ou surtout) l’intervention de juges étrangers venant imposer leurs vues au souverain suisse10.

daVidszYmCzaK, droits de l’homme et droit national, in miCheLhotteLier/

5

maYahertiGrandaLL(éd.), introduction aux droits de l’homme, Genève 2014, p. 124- 138, p. 127.

hansKeLsen, théorie pure du droit, 2eéd., paris 1962, p. 299-300.

6

ChristophBLoCher, Les manigances des juges pour mettre la suisse sous le joug,

7

Le Temps, 22 mars 2013.

art. 19 Cedh. sur la notion d’«interprétation évolutive», voir Couredh, affaire

8

tyrer c. royaume-Uni, req. no 5856/72, 25 avril 1978, § 31 (peine corporelle infligée à un mineur); Couredh (sp), affaire marckx c. Belgique, req. no 6833/74, 13 juin 1979,

§ 41 (mode d’établissement de la filiation maternelle «naturelle»). Consulter également edBates, the evolution of the european Convention on human rights, oxford 2010 (en particulier chapitre 9).

Voir, dans le même sens, le discours prononcé par Lord hoffmann, the

9

Universality of human rights, Judicial studies Board annual Lecture, 19 mars 2009:

«Let me be clear about what the problem is. First, as I said earlier, I have no difficulty about the text of the European Convention (…) The problem is the Court.»

YVespetiGnat, L’initiative de l’UdC n’est «pas contre les droits de l’homme,

10

mais pour la suisse», Le Temps, 10 mars 2015.

(5)

pourtant, si la campagne ne s’était pas déroulée quasi exclusivement sur le terrain des émotions, l’observateur neutre aurait pu – et même dû – constater que, pour la plupart, les apports de la Cedh à l’ordre juridique suisse sont depuis longtemps parfaitement assimilés, que la question de leur compatibilité avec l’ordre juridique suisse ne se pose pas (ou plus)11 et que personne ne songerait aujourd’hui à les remettre en question.

EXEMPLES DEFFET DE LACEDH SUR LE DROIT SUISSE

C.

Le présent chapitre n’est bien évidemment pas le lieu de dresser une liste détaillée des effets de la Cedh sur le droit suisse12. toutefois, le fait que de nombreux apports européens aient aujourd’hui acquis, en suisse, un caractère incontournable peut être illustré au moyen des quelques exemples suivants:

1. selon l’art. 29a Cst. féd., entré en vigueur le 1erjanvier 2007, «toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judi- ciaire».

pendant longtemps, une telle garantie d’accès au juge n’a, cependant, pas été la règle13. La suisse s’est ainsi heurtée, par exemple, à des critiques de la Cour en matière de contrôle judiciaire des sanctions disciplinaires infligées aux soldats, la législation helvétique alors en vigueur conférant à l’accusation la compétence de statuer en dernier ressort14. de même, dans l’arrêt Belilos (1988), la suisse a été condam- née par la Cour pour violation de l’art. 6 § 1 Cedh, la requérante

a.W.B. simpson, the european Convention on human rights: taking stock after

11

half a Century, fulton Lectures, University of Chicago 2004, p. 11.

pour une présentation exhaustive de la problématique, consulter l’ouvrage de

12

miCheLhotteLier/hanspetermoCK/miCheLpUéChaVY, La suisse devant la Cour euro- péenne des droits de l’homme, 2eéd., Genève 2011.

en ce qui concerne le droit administratif, voir pierre LoUis manfrini, Le

13

tribunal administratif fédéral, in françoisBeLLanGer/thierrYtanQUereL(éd.), Les nouveaux recours fédéraux en droit public, Genève 2006, p. 25-42, p. 25-26.

Voir la décision de l’ancienne Commission européenne des droits de l’homme –

14

organe supprimé par le protocole additionnel no 11 à la Cedh adopté en 1994 – dans l’affaire herbert eggs c. suisse, req. no 7341/76, 11 décembre 1976, et les principes retenus dans des circonstances similaires par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire engel et autres c. pays-Bas, req. no 5100/71, 8 juin 1976. Consulter à ce sujet GiorGiomaLinVerni, La suisse et les droits de l’homme, in annuaire suisse de droit international, 1989 volume anniversaire, p. 181-182.

302 LiBertés fondamentaLes

(6)

ayant été condamnée à une amende de 120 francs par la commission de police de la municipalité de Lausanne – c’est-à-dire par un fonc- tionnaire de police –, sans avoir disposé de voies de recours suscep- tibles de porter l’affaire devant une instance judiciaire dotée d’une plénitude de juridiction15.

il est intéressant, pour le surplus, de relever que, dans son message relatif à une nouvelle constitution fédérale, le Conseil fédéral a souligné qu’«[u]ne protection juridique assurée par une autorité publique ne disposant pas de l’indépendance d’un tribunal n’est donc pas suffisante. L’accès au juge doit être ouvert»16, montrant ainsi que le principe contenu à l’art. 6 § 1 Cedh avait été, dans l’in- tervalle, pleinement admis. à cette occasion, le Conseil fédéral est même allé plus loin, puisqu’il a proposé d’étendre le champ d’appli- cation de cette disposition (limité aux domaines pénal et civil) en offrant une «protection judiciaire générale»17.

2. en application de l’art. 84 al. 4 Cp18, «les relations [du détenu] avec les défenseurs doivent être autorisées. Les visites des défenseurs peuvent être surveillées, mais l’écoute des conversations est interdite.

L’examen du contenu de la correspondance et des écrits de l’avocat n’est pas permis. En cas d’abus, l’autorité compétente peut interdire les relations avec un avocat.»

Le droit de l’avocat de s’entretenir librement avec le prévenu – sous réserve de cas d’abus – constitue aujourd’hui l’une de ses principales prérogatives19. toutefois, l’arrêt s. (1991) montre qu’il n’en a pas toujours été ainsi. dans cette affaire, les rencontres entre le prévenu et son avocat avaient eu lieu en présence d’un policier – lequel prenait même des notes! – et leur correspondance avait été systéma- tiquement interceptée par les autorités de poursuite pénale. La Cour

Couredh (sp), affaire Belilos c. suisse, req. no 10328/83, 29 avril 1988, §§ 63

15

et ss.

Conseil fédéral, message relatif à une nouvelle constitution fédérale du

16

20 novembre 1996, ff 1997 i 1, p. 511.

Ibid., p. 511-512.

17

Voir également les articles 159 al. 2 et 235 al. 4 Cpp.

18

françois Bohnet/VinCentmartenet, droit de la profession d’avocat, Berne

19

2009, p. 1287-1288.

(7)

estima que la suisse avait, ce faisant, violé l’art. 6 § 3 let. c Cedh, affirmant à cette occasion que «le droit, pour l’accusé, de communi- quer avec son avocat hors de portée d’ouïe d’un tiers figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démo- cratique. Si un avocat ne pouvait s’entretenir avec son client sans une telle surveillance et en recevoir des instructions confidentielles, son assistance perdrait beaucoup de son utilité.»20

Comme pour l’accès au juge, il est intéressant de relever que l’adop- tion de l’art. 84 al. 4 Cp s’est fondée sur la pleine acceptation des principes évoqués par la Cour dans l’arrêt s., au point que certains passages du message semblent en être directement inspirés: «Pour préparer sa défense, le détenu doit pouvoir communiquer par écrit ou de vive voix avec son défenseur, sans entraves et dans une mesure suffisante. Le 4e alinéa garantit que le contenu des conversations et de la correspondance postale ne sera soumis à aucun contrôle.»21 3. en vertu de l’art. 17 al. 3 Cst. féd., concrétisé en procédure pénale par

l’art. 172 al. 1 Cpp, «le secret de rédaction est garanti».

La progressive reconnaissance du secret rédactionnel dans le droit suisse montre bien le rôle joué par la Cedh. en effet, le tribunal fédéral s’est pendant longtemps refusé à reconnaître aux journa- listes un droit de refuser de témoigner et de protéger l’anonymat de leurs sources : «Le principe de la liberté de la presse ne confère pas sans autre au journaliste le droit de refuser de divulguer des infor- mations écrites qu’il a reçues ou la source par laquelle celles-ci lui sont parvenues. […] Le contenu et l’étendue de la liberté de la presse sont au contraire déterminés et délimités par la législation fédérale existante»22.

Ce n’est qu’après l’arrêt Goodwin c. royaume-Uni (1996) que les choses ont commencé à changer. dans cette affaire, concernant un journaliste ayant fait l’objet d’ordonnances judiciaires de divulgation de l’identité de son informateur, la Cour considéra, en effet, que les

Couredh, affaire s. c. suisse, req. no 12629/87, 28 novembre 1991, § 48.

20

Conseil fédéral, message concernant la modification du Code pénal suisse du

21

21 septembre 1998, ff 1999 ii 1786, p. 1925.

atf 107 iV 208 c. 2.a.

22

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(8)

intérêts poursuivis par ces ordonnances n’étaient pas «suffisants, même cumulés, pour l’emporter sur l’intérêt public capital que constitue la protection de la source du journaliste requérant» et que les restrictions qui en découlaient ne pouvaient donc pas «passer pour nécessaires dans une société démocratique»23.

suite à cet arrêt, la suisse a non seulement adopté un article 27bisaCp (aujourd’hui 28a Cp), relatif à la protection des sources, mais a volontairement choisi d’ériger le secret rédactionnel en droit fonda- mental garanti à l’art. 17 al. 3 de la nouvelle Constitution fédérale, comme l’explique le message du Conseil fédéral: «Cette jurispru- dence [l’arrêt Goodwin précité], même si elle n’oblige aucunement le constituant suisse à garantir explicitement le secret de rédaction, rend cependant bien compte de ce qui prévaut actuellement en matière de protection des sources»24. aujourd’hui, l’assimilation du secret rédactionnel est telle qu’il est considéré comme un véritable élément constitutif de la liberté des médias25.

COMMENTAIRE

D.

Comme l’illustre la section précédente, les effets de la Cedh se sont, pour la plupart, fondus dans l’ordre juridique suisse, à tel point que l’on aurait presque oublié aujourd’hui leur origine. Ce n’est, en réalité, qu’en flattant un certain sentiment d’orgueil national que les initiants ont pu convaincre leurs concitoyens du prétendu danger strasbourgeois, faisant de la sorte écho aux voix qui raillaient, à la fin des années 1960, les parti- sans d’une ratification de la Cedh par la suisse26.

Couredh (GC), affaire Goodwin c. royaume-Uni, req. no 17488/90, 27 mars

23

1996, §§ 45-46.

Conseil fédéral, message relatif à une nouvelle constitution fédérale du

24

20 novembre 1996, ff 1997 i 1, p. 162.

pasCaLmahon, art. 17, in pasCaLmahon/Jean-françoisaUBert(éd.), petit

25

commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, zurich 2003, p. 162 et ss.

Voir l’extrait d’une chronique de Jean-françoisCaVinpubliée en 1968 et repro-

26

duit dans Chroniques patronales, Lausanne 2007, p. 37: «Nos libertés, évidemment, dépendent de cette charte [la CEDH]. Sitôt la signature helvétique apposée, les Uranais et les Vaudois se sentiront plus à l’aise soudain, délivrés en quelque sorte de toute oppression, de toute iniquité. Si seulement la Convention avait existé plus tôt: ni Guillaume Tell, son fils et sa pomme, ni le major Davel n’auraient souffert ce qu’ils ont souffert: ils auraient recouru à Strasbourg».

(9)

de manière plus spécifique, les trois arguments principaux des initiants appellent les remarques suivantes.

premièrement, il n’est nullement certain que les autorités helvétiques soient les mieux placées pour protéger les droits individuels en suisse.

Les quelques exemples évoqués dans la section précédente tendent à montrer, au contraire, que l’apport d’un regard extérieur sur les pratiques d’un état n’est nullement redondant et qu’il permet d’identifier des failles dans la protection nationale des droits individuels, failles qu’une certaine force de l’habitude avait eu pour effet de dissimuler27.

deuxièmement, en ce qui concerne l’attitude de la Cour critiquée par les initiants, il convient de relever que certains des effets les plus importants de la Convention sur l’ordre juridique suisse découlent précisément de l’interprétation dite «évolutive» du texte conventionnel. ainsi, le droit du prévenu de communiquer sans entrave avec son défenseur ne figure pas expressément à l’art. 6 Cedh, mais y a été intégré par la Cour au fil de sa jurisprudence28. il en va de même de la protection du secret rédac- tionnel, progressivement reconnue par la Cour dans le cadre de l’ar- ticle 10 Cedh29.

troisièmement, s’agissant de l’argument relatif aux «juges étrangers», la Convention prévoit que le juge national est membre de droit des deux formations appelées à trancher au fond des affaires d’importance rela- tives à «son» état (c’est-à-dire la chambre, composée de sept juges, et la grande chambre, qui en compte dix-sept)30. au surplus, les études empi- riques menées à ce sujet montrent que, dans les affaires qui concernent son état, le juge national vote avec la majorité de la Cour dans 88.3%

des cas (que celles-ci aboutissent à un constat de violation ou de non- violation de la Convention)31. en d’autres termes, si le juge élu au titre

Jean-paULCosta, La Cour européenne des droits de l’homme: des juges pour la

27

liberté, paris 2013, p. 256.

harris, o’BoYLe& WarBriCK, Law of the european Convention on human

28

rights, 2eéd., oxford 2009, p. 319-322.

patriCK WaChsmann, La liberté d’expression, in hotteLier/hertiG randaLL

29

(éd.), supranote 5, p. 753-769, p. 756.

art. 26 § 4 Cedh.

30

martinKUiJer, Voting Behaviour and national Bias in the european Court of

31

human rights and the international Court of Justice, Leiden Journal of international Law, mars 1997, p. 49-67, p. 58.

306 LiBertés fondamentaLes

(10)

de la suisse était appelé à voter seul sur le respect de la Cedh par cette dernière, il parviendrait à un résultat identique à celui de sa formation dans une écrasante majorité de cas.

CONCLUSION E.

finalement, il n’est peut-être pas inutile de rappeler qu’en dénonçant la Convention, la suisse s’est non seulement soustraite au contrôle de la Cour et à son rôle dans le développement des droits individuels en europe, mais elle s’est également privée d’un organe dont la fonction première consiste à constater et/ou empêcher la violation des droits des individus dans des cas concrets32.

L’arrêt Locher (2013) permet d’illustrer ce point. dans cette affaire, relative à la construction d’une route, les requérants se plaignaient du fait que les autorités compétentes ne leur avaient jamais communiqué, au cours de la procédure, un écrit des instances communales et qu’en conséquence, ils avaient été privés de la possibilité de s’exprimer à son sujet. La Cour a jugé que la suisse avait violé l’art. 6 § 1 Cedh, au motif que ses autorités avaient fait fi du principe d’égalité des armes33. Cette irrégularité flagrante n’avait pourtant pas empêché l’ensemble des juridictions nationales successivement saisies, en dernier lieu le tribunal fédéral, de confirmer le caractère équitable de la procédure.

heureusement…

au jour où le marathon du droit de l’ordre des avocats souffle ses dix premières bougies, ce qui précède n’est qu’un mauvais rêve. à chacun de faire en sorte que cela le demeure!

frédériCsUdre, droit européen et international des droits de l’homme, 11eéd.,

32

paris 2012, p. 733.

Couredh, affaire Locher et autres c. suisse, requête no 7539/06, 30 juillet

33

2013, § 33.

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