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CHAPITRE 34 LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE (3). L'ESPACE (3) MATISSE ET PICASSO IV. APPENDICE : MATISSE ET PICASSO A. L'occupation du champ : première différence.

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CHAPITRE 34

LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE (3).

L'ESPACE (3) MATISSE ET PICASSO

IV. APPENDICE : MATISSE ET PICASSO

A. L'occupation du champ : première différence.

1. L'espace, chez Picasso, est centripète et centré. Il est centrifuge et excentré chez Matisse.

Il n’y a pas de centre chez Matisse et le regard est incapable de se poser. C’est une esthétique de la distraction.

Du coup, le tableau est envisagé comme une totalité et non comme un assemblage d’éléments. A la différence de la conception cubiste qui assemble, par exemple, une selle et un guidon de vélo donnant naissance à une tête de taureau. Ou un ensemble de facettes donnant forme à un Buste de Femme (1909).

Ce qui est encore plus évident dans la période cubiste synthétique où l’on pratique le collage.

2. Le champ all-over de Matisse.

Poisson rouge et palette de 1914 est construit par Matisse selon des principes spourtant cubistes (triangles a, b, c, d, e, f, g ; bandes 1, 2, 3). Il n'en reste pas moins que la composition demeure expansive. La palette se prolonge hors du cadre et renvoie au peintre hors champ qui la tient.

Alors que l'Arlequin de Picasso reste enfermé dans son cadre.

Même lorsqu'il emprunte à Matisse, Picasso referme l'espace. Dans L'Atelier de la Californie (1956), le regard ne se perd pas longtemps, focalisé par la toile blanche au "centre" de la toile.

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Chez Matisse, tout part toujours vers le dehors.

B. Objet ou métaphore ? Deuxième différence.

Matisse a besoin, pour peindre, de la présence matérielle des objets, d’un modèle.

Picasso peint ce qu’il voit, comme une autre chose.

Ce qui l’intéresse, c’est l’interprétation. Il voit le visage de Gertrude Stein comme un masque (sous l’emprise de la sculpture ibère qu’il vient de découvrir). Après un très grand nombre de séances de poses, il renonce au portrait et le reprend, plus tard, de retour de Gosol, sans le modèle. Il l’achève d’un coup.

Son problème, puisque la configuration générale du visage humain est réductible à un masque, c’est de savoir jusqu’à quel point on peut la modifier de façon qu’elle reste toujours lisible comme visage (Mademoiselle Léonie 1910). Au plus près de l'abstraction, Picasso demeure encore figuratif et lorsqu'il sent le danger de devier abstrait, il évolue vers le cubisme synthétique qui intègre du réel dans la toile.

Ce n’est pas que Matisse peigne ce qu’il voit, car l’important n’est pas la chose mais l’effet qu’elle produit. Son travail ne relève pas de la métaphore mais de la transposition. Entre le modèle et le tableau, il y a un rapport de rapports. Le rôle du bouquet dans La Desserte rouge (1908), par exemple n’est pas d’être un bouquet.

Comme les couleurs se rapportent les unes aux autres selon leurs tons et leurs contrastes dans la réalité du modèle, celles du tableau se rapportent les unes aux autres de la même manière encore qu'elles ne soient pas semblables prises une par une à celles du modèle. De même pour les formes. La structure du tableau et celle du modèle sont identiques. Mais le tableau d'un côté et le réel de

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l'autre ne remplissent pas cette structure de la même manière.

C. Le rapport figure / fond : troisième différence.

1. Matisse.

De même que l’absence de centrage empêche le regard de se poser en un point du tableau, le rapport de la figure et du fond,chez Matisse empêche que quelque soit la « massivité » de la figure et sa position centrale, elle n’accapare un regard sans cesse reconduit vers le décoratif du fond.Ainsi dans la Figure décorative sur fond ornemantal (1925-1926).

Le décoratif, chez Matisse, c’est exactement une diffusion des points focaux. Aucun élément en particulier ne doit retenir l’attention. Le décoratif programme l’inattention du spectateur de sorte que l’effet du motif soit suggéré, non exprimé.

En 1931 et 1932, Matisse illustre pour les éditions Skira, les Poésies de Mallarmé. A droite, le texte. A gauche, le dessin. Pour Matisse, l’unité visuelle est la double page. Le problème est donc: équilibrer les deux pages: la noire (écrite), la blanche (dessinée).

Il faut donc que la blanche reste blanche. Le dessin sera réduit au trait. Pas de marge non plus (de cadre) qui fermerait le dessin sur lui-même. La page, la double page est un champ all over. Le trait

n’est pas qu’un trait. Il est une arabesque, c’est-à- dire une forme ouverte

.

Le fond (blanc) fait partie du dessin au même titre que le trait (noir). Le trait, d’ailleurs, est fin et altère à peine la blancheur de la feuille. Ci-dessous La Chevelure (1931-1932). L'arabesque laisse ouvertes toutes les lignes.

Le sens des courbures est tellement varié qu’il est impossible de suivre tous les traits en même temps.

Et pourtant nous voyons une figure.

Tout se passe donc comme si il n’y avait plus d’opposition entre le fond et la figure. Tout se passe dans le plan.

L’expansivité du dessin exige donc qu’il n’y ait qu’un seul plan. Que tout se joue en surface. C’est cela le décoratif, chez Matisse. La progression de ce décoratif, on la voit à l’œuvre dans la mise au point laborieuse de La Danse commandée par Barnes pour sa Fondation.

Cette danse vient du Bonheur de Vivre (1905-1906) où elle se joue "en arrière plan". Si les études de 1931 (de petites dimensions : 33 x 87 cm)

conservent encore un modelé, il est abandonné sur le grand format (339,7 x 533,2 cm).

De la version I à la version II, de format plus réduit, la dispersion décorative du motif s’accentue. S’il y a encore du devant et du derrière dans l’architecture de la première, tout est parfaitement à plat dans la seconde. Ce que montrent les détails ci-dessous.

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Au bilan, chez Matisse, le fond et la figure ont une égale importance, qu’ils se distinguent (Figure décorative sur Fond ornemental) ou qu’ils se rapprochent (La Danse I) ou se confondent (La Danse II) ou jouent ensemble, simultanément (Illustrations des Poésies de Mallarmé).

2. Picasso.

a. Le cubisme analytique

Le tableau est centré. Le regard s’arrête sur le visage, n’est pas distrait par le fond. Pourtant, le fond et la figure sont faits de la même « matière ».

L’espace est homogène. Le cubisme analytique réside en cela: chaque parcelle de la surface fait effort pour figurer au premier plan. Comme si le fond anguleux passait à travers le visage ou était absorbé par lui. Les facettes de l’espace rivalisent pour venir au premier plan.

Au bilan, chez Picasso, comme chez Matisse, le fond et la figure ont une égale importance. Pourtant, la figure chez Picasso accapare le regard.

b. Le cubisme synthétique

Né du collage, le cubisme synthétique, crée de toutes pièces un espace plan y compris dans la sculpture! (Comme par exemple dans le Guitaron, voir chapitre précédent).

Encore une fois, les éléments se bousculent pour venir au premier plan. Mais, le collage implique que la rivalité des plans concerne des blocs plutôt que des facettes. La présentation se fait par blocs.

En cela réside le cubisme synthétique. La différence avec Matisse, ce n’est pas l’ imbrication

fond/figure, au contraire, mais la présentation par blocs d’un côté (Picasso), la fusion de l’autre (Matisse).

c. Au-delà du cubisme : la "vision totale".

La fusion (Matisse) ou l’imbrication (Picasso) de la figure et du fond change du tout au tout la

représentation. Le Guitaron est visible de toutes parts. Mais, Le Nu dans un Jardin (1934), bien après le cubisme, repose le problème de la vision totale: voir un corps comme on sculpte le Guitaron.

C’est sur cette question que se saisit la différence essentielle entre la peinture de Picasso et celle de Matisse. Matisse est le peintre de la réversibilité.

Picasso, le sculpteur maniériste de la torsion.

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Le Nu rose de 1935 de Matisse peut être retourné selon l'axe vertical (figure 1) ou selon l'axe horizontal (figure 2) sans que la composition générale en soit changée. Le corps peut être vu de toutes parts (grâce à ces renversements). Il faut à Picasso faire se contorsionner le corps pour qu'il puisse donner accès à une vision totale. Chez lui, l'espace se replie sur lui-même.

Il faut étudier le rôle du miroir dans l’œuvre de Matisse et le comparer à celui qu’il joue (ou ne joue pas) dans l’œuvre de Picasso pour avancer un peu plus dans l'étude des ressemblances et des différences entre les deux oeuvres.

(A suivre ...)

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