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Défendre la cause des femmes au ministère du Travail : l’expérience du Comité du travail féminin (1965-1981)

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(1)

En septembre 1965, alors qu’une réforme des régimes matrimoniaux vient de permettre aux femmes mariées l’exercice d’une profession sans l’autorisation de leur époux (1), le ministre du 7UDYDLO *LOEHUW *UDQGYDO VLJQH XQ DUUrWp FUpDQW au sein de son ministère un Comité d’étude et de liaison des problèmes du travail féminin, ayant pour mission de « procéder à l’examen des problèmes que pose aux femmes l’exercice d’un travail salarié et d’étudier les mesures de nature à faciliter l’activité et la promotion professionnelles de celles-ci » (2). Ce comité, qui regroupe des membres issus de la société civile (associations féminines et familiales, organisations syndicales et patronales, personnalités choisies sur la base de leur compétence), procède de 1966 à 1981 (3) à un ensemble de travaux sur divers aspects sociologiques et juridiques de l’acti-vité professionnelle des femmes (formation profes-sionnelle, conditions de travail, rémunération, chômage...), débouchant sur des recommandations aux gouvernements.

 ,63 ±&DFKDQ &156±eFROH QRUPDOH VXSpULHXUH GH &DFKDQ$GUHVVHHPDLODQQHUHYLOODUG#JDSHQVFDFKDQIU (1) Loi du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matri-moniaux.

  $UUrWp PLQLVWpULHO GX VHSWHPEUH  SRUWDQW FUpDWLRQ d’un Comité d’étude et de liaison des problèmes du travail féminin, article 1.

(3) Le Comité change d’appellation en 1971, pour prendre OH QRP GH &RPLWp GX WUDYDLO IpPLQLQ ,O HVW RI¿FLHOOHPHQW supprimé en 1984, mais cesse de fait ses activités en 1981. Sauf indication contraire, nous utiliserons l’appellation « Comité » ou « Comité du travail féminin » pour le désigner quelle que soit l’époque considérée (de 1965 à 1984).

En quoi ce Comité constitue-t-il une innovation LQVWLWXWLRQQHOOH"&HUWHVO¶LQWpUrWGXPLQLVWqUHSRXU le travail des femmes n’est pas nouveau ; il a connu sa première traduction institutionnelle pendant la Première Guerre mondiale (4), avec la création en VXUO¶LQLWLDWLYHG¶$OEHUW7KRPDVG¶XQ&RPLWp GXWUDYDLOIpPLQLQFKDUJpG¶HQTXrWHUVXUOHVVDODLUHV et les conditions de travail (BATTAGLIOLA, 2004, p. 53). Un bureau de la main-d’œuvre féminine, dédié au contrôle de l’application de la législation protectrice du travail, avait ensuite existé au minis-WqUH GHV $IIDLUHV VRFLDOHV MXVTX¶HQ  /ÉVY, 1988, p. 24 ; MAZUR, 1995, p. 45). Cependant, le Comité créé en 1965 se démarque par sa vocation H[SOLFLWH GH SURPRWLRQ GHV LQWpUrWV GHV IHPPHV HWDDLQVLpWpLGHQWL¿pFRPPHODSUHPLqUHLQVWDQFH IUDQoDLVHUHOHYDQWGX©IpPLQLVPHG¶eWDWª(5).

La question de la défense de la cause des femmes au ministère du Travail contient dans sa formulation PrPH XQH WHQVLRQ VRXVMDFHQWH HQWUH O¶HQJDJHPHQW qu’implique l’idée de cause des femmes, et le site

(4) C’est au cours de la Première Guerre mondiale qu’émer-gent plus généralement des distinctions entre différentes caté-gories de main-d’œuvre (militaire, civile, coloniale...), dont la main-d’œuvre féminine (VIET, 2004).

(5) Le féminisme d’État est entendu ici comme caractéri-VDQW O¶DFWLRQ GHV LQVWDQFHV JRXYHUQHPHQWDOHV RI¿FLHOOHPHQW chargées de promouvoir le statut et les droits des femmes (MC BRIDE STETSON et MAZUR, 6XUO¶LGHQWL¿FDWLRQ du Comité comme première instance relevant du féminisme G¶eWDWHQ)UDQFHYRLU /ÉVY 1988 ; MAZUR, 2000). Le caractère SLRQQLHUGX&RPLWpGHPDQGHUDLWWRXWHIRLVjrWUHFRQ¿UPpSDU GHVWUDYDX[SRUWDQWVSpFL¿TXHPHQWVXUOHVLQVWDQFHVTXLO¶RQW précédé.

Défendre la cause des femmes

au ministère du Travail

L’expérience du Comité du travail féminin

(1965-1981)

Anne Revillard (*)

L’article éclaire comment les institutions du travail ont accompagné l’entrée des femmes dans la

société salariale, à cette période charnière de leur histoire où elles sont entrées massivement sur

le marché du travail et où les questions d’articulation entre travail et famille se sont posées avec

une grande acuité. Il aide à comprendre comment les institutions ont traité et pris en compte cette

« révolution silencieuse » et comment le Comité du travail féminin s’est fait le porte-parole de cette

cause auprès du ministère du Travail. Il analyse les rapports entre militantisme et administration :

cette structure à caractère militant a-t-elle pu conquérir son indépendance d’action vis-à-vis de sa

tutelle et développer un rôle d’analyse critique de l’encadrement législatif et politique du travail des

femmes ? En étudiant les interactions entre les deux institutions, l’auteure montre comment le comité

a pu faire un usage stratégique de la tutelle du ministère du Travail et, a contrario, quelle place le

ministère du Travail lui a réservée.

(2)

où se déploie cet engagement, à caractère adminis-tratif. Cette tension entre une dynamique militante et un cadre gouvernemental a été soulignée par de QRPEUHX[WUDYDX[VXUOHIpPLQLVPHG¶eWDW )RANZWAY, COURT et alii, 1989 ; SAWER, 1990; SPANOU, 1991; EISENSTEIN, 1996 ; DAUPHIN, 2002 ; MALLOY, 2003). Les sources de tension sont accrues, dans le cas du Comité du travail féminin, par les ambivalences struc-turelles qui marquent les politiques publiques visant OHWUDYDLOGHVIHPPHVHQ)UDQFHWDQWHQWUHVHFWHXUV TX¶j O¶LQWpULHXU PrPH GHV GLIIpUHQWV GRPDLQHV GH politiques publiques (COMMAILLE, 2001). En effet, le droit du travail, tout en prenant pour acquis dès le début du XXesiècle l’activité professionnelle des mères (avec des mesures comme le congé maternité) (JENSON, 1989), réserve durablement aux femmes un statut de seconde zone, notamment en légitimant des discriminations salariales (6). À ce droit du travail tout GHPrPHJOREDOHPHQWRXYHUWDXWUDYDLOGHVIHPPHV s’oppose une politique familiale initialement insti-tuée autour d’une promotion de la division sexuelle du travail, encourageant le maintien des femmes au foyer (MARTIN /DPLVVLRQRI¿FLHOOHGH«

faci-liter l’activité et la promotion professionnelles [des

femmes] » qui est celle du Comité se heurte donc à un référentiel familialiste alors dominant dans les politiques familiales (COMMAILLE, STROBEL, et alii 2002 ; LENOIR, 2003 ; HEINEN $LQVLODGpIHQVH de la cause des femmes fondée sur la promotion de leur statut professionnel entre en tension non seule-ment avec une posture gouverneseule-mentale au regard de laquelle elle risque de paraître « militante », mais aussi avec un courant contradictoire, d’inspiration familialiste, qui marque fortement les politiques publiques en direction des femmes.

Dans quelle mesure ces tensions se traduisent-elles, et comment se résolvent-traduisent-elles, dans l’expé-rience du Comité du travail féminin ? Nous nous proposons de répondre à ces questions à partir d’une analyse des archives du Comité (qui contien-nent de nombreux documents internes, en plus des documents publiés), complétée par quelques entre-tiens (cf. encadré 1). Cette approche empirique nous permettra de saisir les modalités concrètes de cette institutionnalisation de la cause des femmes (BAUDINO, 2000) au sein du ministère du Travail : comment expliquer la création du Comité ? Quelle place lui est-elle faite au sein du ministère ? Par quels acteurs est-il investi ? Nous verrons que, devant son existence au lobbying tenace d’un

(6) Les conventions collectives de 1936 avaient légalisé l’écart des salaires entre les hommes et les femmes entre 20 et $OH[DQGUH3DURGLPLQLVWUHGX7UDYDLOD\DQWSDUDLOOHXUV proposé en 1945 de réduire l’écart à 10 %. Lors de la création du Comité en 1965, les discriminations fondées sur le sexe en matière de rémunération sont toutefois en principe prohibées par la loi, tant à travers la Constitution de 1946 qui garantit

« dans tous les domaines, à la femme des droits égaux à ceux de l’homme »  DUWLFOH TXHSDUXQDUUrWpGHMXLOOHWDEUR-geant tout abattement de salaire. (SCHWEITZER 2002, p. 55-56).

regroupement d’associations féminines, le Comité ne se voit jamais attribuer qu’une place marginale dans l’administration. Dans ce contexte, l’ampleur de ses réalisations ne peut se comprendre qu’en lien avec l’engagement intense de ses responsables. Nous reviendrons ensuite sur ses travaux, qui incar-nent le passage d’une logique de protection à une logique de promotion des femmes dans la sphère professionnelle. Promoteur de réformes égalitaires, OH&RPLWpGpYHORSSHD¿QGHFRQYDLQFUHOHVJRXYHU-QHPHQWV XQ UpSHUWRLUH G¶DFWLRQ VSpFL¿TXH DX VHLQ duquel les ressorts internationaux et le recours à l’expertise occupent une place de premier plan.

L

es modalités

d’institutionna-lisation de la cause des femmes

au ministère du Travail

L’existence d’un organisme dédié à la promotion du statut professionnel des femmes ne va pas de soi, dans le triple contexte d’un universalisme républicain peu ouvert aux revendications formulées au nom de SRSXODWLRQV VSpFL¿TXHV DXGHOj GH O¶DEVWUDFWLRQ GX ©FLWR\HQª )OUQUE, RACK, 1999 ; MAZUR, 2001), d’une VeRépublique marquée par un recul de la représentation politique des femmes, et d’un pouvoir gaulliste pour le moins conservateur dans sa vision du rôle des femmes dans la société (SINEAU, 2001). Dès ORUVFRPPHQWH[SOLTXHUODFUpDWLRQGX&RPLWp"$X delà des circonstances de sa création, quelle place lui HVWHOOHIDLWHDXVHLQGXPLQLVWqUHGX7UDYDLO"(Q¿Q par quels acteurs est-il investi ?

Encadré 1

Méthodologie

Ce travail (1) s’appuie principalement sur l’ana-lyse de contenu des archives du Comité du travail féminin, accessibles sous dérogation au Centre des archives contemporaines des Archives nationales (Fontainebleau), sous les numéros de versement 19860111, articles 1 à 15.

Nous avons travaillé plus précisément sur cinq principaux types de documents produits par le Comité : procès-verbaux des réunions plénières, bulletin mensuel publié à partir de 1971, rapports d’activité, rapports des groupes de travail, avis.

Six entretiens ont par ailleurs été réalisés avec d’anciennes permanentes et d’anciennes membres du Comité, afin d’éclairer certaines questions qui ne trouvaient pas de réponse satisfaisante à la seule lecture des archives (notamment quant au profil des actrices, aux relations avec le ministère...), et afin de comprendre le sens que les responsables du comité donnaient à leur travail.

(1) Cet article reprend quelques résultats d’une recherche menée sous la direction de Jaques Commaille, et financée par la DARES dans le cadre du centenaire du ministère du Travail : « La cause des femmes au ministère du Travail : le Comité du travail féminin

(3)

(1965-La création d’un Women’s Bureau français La création en 1965 du Comité d’étude et de liaison des problèmes du travail féminin résulte directement de la mobilisation d’un regroupement d’associations, le Comité international de liaison des DVVRFLDWLRQVIpPLQLQHV &,/$)  DAUPHIN, 2002, p.   /H &,/$) LQLWLDOHPHQW &/$)(7)) est lui- PrPHLVVXGHV©)UDQoDLVHVOLEUHVªpSKpPqUHJURX-pement politique gaulliste cofondé à Libération par Hélène de Suzannet, Marcelle Devaud et Irène de /LSNRZVNL &HAPERON, 2000, p. 92-93). En 1952, Marcelle Devaud, alors élue au Conseil de la République (cf. encadré 2), rencontre au cours d’un YR\DJHj:DVKLQJWRQOHVUHVSRQVDEOHVGXWomen’s

Bureau américain. À l’issue de cette visite, elle

décide de promouvoir la création d’un organisme VLPLODLUHHQ)UDQFHHQSUHQDQWDSSXLVXUOH&,/$) Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, elle insiste VXU OHV GLI¿FXOWpV UHQFRQWUpHV DX FRXUV GH FHWWH campagne. Pourquoi avoir obtenu gain de cause en 1965 ? Si le fait que Marcelle Devaud connaissait personnellement le ministre Grandval a joué en sa faveur (8), la création du Comité se situe aussi dans le contexte plus général d’une montée en puis-sance de la question des femmes, favorisée par des facteurs tant économiques que politiques.

Les années 1960 constituent d’abord une période clé du point de vue de l’évolution des comporte-ments d’activité des femmes, et en particulier des mères, dont le taux d’activité (pour les mères en couple d’un enfant) passe de 39,3 % en 1962 à 56 % en 1975 (cf. encadré 4). Cette évolution est favorisée par le contexte de croissance économique, qui amène le gouvernement à faire appel à la main-d’œuvre féminine, quoique dans une moindre mesure qu’à la main-d’œuvre immigrée (HOLCBLAT, 1996, p. 18). Cette dynamique se heurte toutefois à l’encoura-gement par la politique familiale telle qu’elle s’est Gp¿QLHGHSXLVO¶DSUqVJXHUUHG¶XQPRGqOHGHVWULFWH division sexuelle du travail, à l’aide de mesures telles TXHO¶DOORFDWLRQGHVDODLUHXQLTXH $68 OLpHjO¶LQDF-tivité professionnelle de la mère et d’un montant proportionnel au nombre d’enfants (MARTIN, 1998).

Dans ce contexte marqué par des « injonctions contradictoires » des politiques publiques en direc-tion des femmes (COMMAILLE, 2001), l’activité professionnelle des mères fait particulièrement débat, et c’est en 1965 que se dessine un clivage majeur sur cette question, parmi les intellectuelles, les associa-tions et les syndicats : alors que la CGT, soutenue par les mouvements familiaux, revendique le « temps de YLYUHªHWGHVPHVXUHVVSpFL¿TXHVSRXUOHVPqUHVXQ FDPS pJDOLWDULVWH UHJURXSDQW OD &)'7 HW SOXVLHXUV

(7) Comité de liaison des associations féminines.

(8) Entretien avec Marcelle Devaud, le 28 octobre 2004. Plus généralement, son double statut de militante associative et d’élue fournissait à Marcelle Devaud des ressources politiques conséquentes favorisant l’aboutissement de sa revendication.

DVVRFLDWLRQV IpPLQLQHV GRQW OH &,/$)  UHMHWWH OHV PHVXUHV VSpFL¿TXHV HW SURPHXW OH GpYHORSSHPHQW d’équipements collectifs pour les jeunes enfants. Ces deux pôles adressent en 1965 leurs revendications contradictoires au ministère du Travail (CHAPERON, 2000, p. 329). Bien qu’allant dans des directions opposées, ces interpellations ont attiré l’attention du ministère sur la question du travail des femmes.

5DSSHORQVHQ¿QTX¶HQOHVpOHFWLRQVSUpVLGHQ-tielles font apparaître une prise en considération de la question des femmes par les partis politiques, avec QRWDPPHQW O¶HQJDJHPHQW GH )UDQoRLV 0LWWHUUDQG en faveur d’une libéralisation de la contraception (JENSON, SINEAU, 1995 ; CHAPERON $LQVLVLOD création du Comité résulte directement de la mobili-sation d’associations féminines, elle s’inscrit dans un contexte où le travail des femmes, et notamment le travail des mères, fait particulièrement débat, et où la TXHVWLRQGHVIHPPHVGHIDoRQJpQpUDOHRFFXSHXQH place importante sur l’agenda politique.

Encadré 2

Marcelle Devaud : une double carrière politique et associative

Née en 1908 à Constantine (son père était magistrat), Marcelle Gougenheim, après des études de lettres à Grenoble, épouse Stanislas Devaud, qui est élu député de Constantine en 1936, et avec qui elle a six enfants. Marcelle Devaud commence sa carrière politique comme attachée parlementaire de son mari. Après avoir participé à la Résistance, elle fonde à la Libération à Paris avec Hélène de Suzannet et Irène de Lipkowski les « Françaises libres », brève expérience d’un parti gaulliste féminin qui tourne court avec la création d’un nouveau parti de droite, le Parti républicain de la liberté, dont Marcelle Devaud devient vice-présidente de 1946 à 1952. Elle crée alors avec Irène de Lipkowski et Georgette Barbizet le Comité de liaison des asso-ciations féminines (CLAF, qui deviendra CILAF).

En 1946, elle est élue par l’Assemblée natio-nale au Conseil de la République, où elle siège jusqu’en 1958 (et dont elle occupe une vice-prési-dence de 1948 à 1951). Elle est par ailleurs maire de Colombes de 1959 à 1965, et membre du Conseil économique et social de 1963 à 1979. En 1958, elle est élue (UNR) à l’Assemblée nationale, où elle siège jusqu’en 1962.

C’est en 1952 que Marcelle Devaud a ren-contré, au cours d’un voyage à Washington, les responsables du Women’s Bureau, visite à l’issue de laquelle elle milite, dans le cadre du CILAF, pour la création d’une instance similaire au sein du ministère du Travail.

Sources : (MAN 1997 ; CHAPERON 2000) ; entretien avec Marcelle

Devaud le 28 octobre 2004 ; biographie de Marcelle Devaud sur le site internet du Sénat :http//www.senat.fr/evenement/archives/ devaud.html

(4)

Quelle place pour la cause des femmes au ministère du Travail ?

Quelle forme prend cette institutionnalisation de la cause des femmes au ministère du Travail ? Quels moyens sont accordés au Comité, et quel est le degré de contrôle du ministère sur ses travaux ?

/HV GLI¿FXOWpV UHQFRQWUpHV SDU OHV IHPPHV GX &,/$) SRXU IDLUH DERXWLU OHXU UHYHQGLFDWLRQ GH création d’un Women’s Bureau attestent d’une FHUWDLQHPp¿DQFHGHVDFWHXUVGHO¶DGPLQLVWUDWLRQGX Travail, qui se retrouve dans l’absence de pouvoir décisionnel du Comité (il est doté, au mieux, d’un rôle consultatif), ainsi que dans les moyens de fonctionnement très limités qui lui sont concédés. Les locaux excentrés et exigus dont il dispose le situent d’emblée physiquement en marge du minis-tère : « Nous avons commencé, nous n’avions

prati-quement pas de moyens. On nous avait donné des bureaux au ministère, c’était épouvantable, c’était dans la partie du ministère du Travail qui est rue de Grenelle, nous étions dans une petite annexe avec des plafonds bas, à moitié dans un couloir où tout le monde passait... Vraiment, nous étions les pauvres de la maison » (entretien 5).

/H&RPLWpQHEpQp¿FLHSDUDLOOHXUVG¶DXFXQEXGJHW propre, et a un personnel permanent très restreint : outre la présidente, ce dernier ne compte initialement qu’une secrétaire générale assistée de deux secrétaires générales adjointes. Ce personnel s’étoffe quelque peu à partir de 1971 avec la mise en place d’un secrétariat permanent employant entre quatre et six personnes à temps plein, mais ces moyens humains restent très limités, notamment au regard du Women’s bureau américain qui dispose d’une administration de soutien de quatre-vingt personnes (MCBRIDE STETSON, 1995). &H SHUVRQQHO HQWLqUHPHQW IpPLQLQ HVW OXLPrPH victime des discriminations par ailleurs dénoncées par le Comité, d’après les témoignages que nous avons UHoXV«La secrétaire générale, à l’époque, n’était pas

payée grand-chose. Les gens étaient très peu payés, il y avait très peu de moyens » (entretien 2).

« Moi, je suis entrée au comité du travail féminin avec un contrat dit de troisième catégorie, c’est-à-dire de niveau bac [alors que j’avais fait des études supérieures]. On m’a dit : “C’est à prendre ou à laisser”. Et j’ai pris. Et pour me consoler, on m’a dit : “Si vous voulez aller dans tel autre service où on s’occupe d’autre chose, vous aurez un contrat de plus haute catégorie” » (entretien 3).

Le Comité se situe donc en marge du ministère, tant du point des moyens dont il dispose que du statut de son personnel. Quels sont par ailleurs le degré et les modalités du contrôle du ministère sur ses WUDYDX["-XULGLTXHPHQWODWXWHOOHHVWIDLEOHO¶DUUrWp de 1965 (9) ne prévoit pas de moyens de contrôle

  $UUrWpPLQLVWpULHOGXVHSWHPEUHSRUWDQWFUpDWLRQG¶XQ Comité d’étude et de liaison des problèmes du travail féminin.

contraignants, en dehors de la désignation du secré-taire général du Comité par le ministère du Travail. Par exemple, il n’est pas prévu que le Comité doive obtenir l’approbation du ministre dans le choix des WKpPDWLTXHV j WUDLWHU RX GDQV OD Gp¿QLWLRQ GH VHV modalités de fonctionnement, et il n’est pas non plus explicitement tenu de rendre des comptes au PLQLVWUH$XFXQ PpFDQLVPH GH VDLVLQH IRUPHOOH GX Comité par le ministre n’est mentionné. La réforme dont il fait l’objet en 1971 (10) induit toutefois un contrôle accru : le Comité est désormais vice-présidé par le directeur général du travail et de l’emploi, et doit transmettre un rapport annuel au ministre. Il SHXW SDU DLOOHXUV rWUH ©FRQVXOWpª SDU OH PLQLVWUH HW les différents services du ministère du Travail, ce qui introduit formellement la possibilité d’une saisine. Mais le plus fort contrôle exercé par le ministère sur le Comité est en réalité antérieur à 1971, et n’apparaît pas dans la lettre de la loi : il s’agit de l’interdiction qui est faite au Comité de diffuser le contenu de ses travaux, qui est justement levée en 1971.

&HSHQGDQW PrPH VL O¶RQ SUHQG HQ FRQVLGpUDWLRQ cette limite importante que constitue la restriction initialement posée à la diffusion de ses travaux, le Comité jouit dans l’ensemble d’une forte autonomie. Son agenda de travail résulte des discussions entre les membres bien plus que de commandes du ministère, et la liberté de parole y est, en interne, très grande. De surcroît, la démarche du Comité vis-à-vis de son ministère de tutelle ne consiste pas tant à cultiver son DXWRQRPLHTX¶jV¶HIIRUFHUGHVXVFLWHUXQLQWpUrWGHOD part du ministre vis-à-vis de ses travaux, notamment en « allant chercher des saisines » (11).

)LQDOHPHQW OD OLEHUWp GH SDUROH GRQW MRXLW OH Comité apparaît comme la contrepartie des faibles moyens mis à sa disposition ainsi que de sa place PDUJLQDOHDXVHLQGXPLQLVWqUH$LQVLVHORQO¶DQD-O\VHG¶XQHGHQRVLQWHUYLHZpHV« On était à la fois

libres et souffrant d’une forme d’indifférence. On avait ce genre de liberté qui est parfois le prix de la non prise en compte. Donc ce n’était pas une liberté très positive, venant d’eux. Maintenant, ce que nous, on a fait de cette liberté, c’est autre chose. Je pense qu’on a utilisé cette liberté d’une manière extrêmement riche. Donc c’était ce genre de situa-tion » (entretien 3).

En effet, l’ampleur des travaux réalisés par le Comité contraste avec la faiblesse des moyens dont il dispose. Entre 1966 et 1981, le Comité se réunit en moyenne neuf fois par an en séance plénière (sans compter les réunions de ses commissions thématiques), produit cinq rapports et trente-quatre avis, procède à une quarantaine d’auditions d’intervenants extérieurs, organise trois colloques, met sur pied un centre de documentation, et publie

  $UUrWp PLQLVWpULHO GX DYULO  UHODWLI DX &RPLWp GX travail féminin.

(5)

vingt-cinq numéros de son bulletin d’information. Les procès-verbaux de ses réunions plénières, ainsi que les entretiens que nous avons réalisés, attestent par ailleurs de l’effervescence entourant ses travaux. &HWWHDFWLYLWpVRXWHQXHGX&RPLWpGRLWrWUHPLVHHQ relation avec l’engagement tant de son personnel que de ses membres.

Un Comité au confluent des

engagements pour la cause des femmes $SSHOpGHOHXUVY°X[SDUGHVDVVRFLDWLRQVIpPL-nines, le Comité a été investi, dès ses débuts, par des militantes de la cause des femmes. Ce sont jusqu’en 1971 essentiellement ses membres qui font la force de l’organisme, à travers leur investissement dans les différentes commissions thématiques du Comité au sein desquelles ils préparent des rapports qui, une fois débattus et adoptés par la majorité du Comité en séance plénière, débouchent sur des recomman-dations transmises aux gouvernements. À partir de OHVPHPEUHVUHoRLYHQWXQVRXWLHQFRQVpTXHQW de la part des chargées de mission travaillant pour le secrétariat permanent du Comité.

Présidé pendant toute sa durée d’existence par Marcelle Devaud, le Comité est composé de cinq prin-cipales catégories de membres (12) : des représentants des organisations syndicales et patronales, des orga-nisations féminines et familiales, et des personnes désignées au titre de leur compétence. Les principales DVVRFLDWLRQV IpPLQLQHV UHSUpVHQWpHV VRQW OH &,/$) O¶8QLRQIpPLQLQHFLYLTXHHWVRFLDOH 8)&6 O¶8QLRQ GHVIHPPHVIUDQoDLVHV 8)) OH&RQVHLOQDWLRQDOGHV IHPPHVIUDQoDLVHV &1)) HWOHPRXYHPHQW-HXQHV )HPPHV,OV¶DJLWGRQFG¶DVVRFLDWLRQVGDWDQWVRLWGX GpEXW GX VLqFOH RX GH O¶HQWUHGHX[JXHUUHV &1)) 8)&6 VRLWGHO¶DSUqVJXHUUH &,/$)8))PRXYH-PHQW-HXQHV)HPPHV  .LEJMAN, ROCHEFORT, 1989 ; BARD, 1995 ; CHAPERON, 2000).

Mais la cause des femmes, au sein du Comité, n’est pas uniquement portée par les représentantes des associations féminines. Elle l’est aussi par les UHSUpVHQWDQWHVV\QGLFDOHVSDUPLOHVTXHOOHV¿JXUHQW des pionnières du militantisme féministe au sein des syndicats : Madeleine Colin puis Christiane Gilles SRXU OD &*7 3DXOHWWH +RIPDQ SRXU OD &*7)2 -HDQQHWWH/DRWSRXUOD&)'75D\PRQGH1RXVVEDXP HW 5HQpH 9LOOHEUXQ GX &13) VRQW pJDOHPHQW GHV PHPEUHV DFWLYHV (Q¿Q VRQW SUpVHQWHV DX WLWUH GH OHXUFRPSpWHQFHGHV¿JXUHVIpPLQLQHVLPSRUWDQWHV de l’époque, qui œuvrent chacune de leur manière en faveur de la cause des femmes dans divers PLOLHX[ DVVRFLDWLIV SURIHVVLRQQHOV HWRX JRXYHU-nementaux : citons par exemple Jeanne Chaton, Madeleine Guilbert, Marguerite Thibert, Simone Veil (cf. encadré 3).

  /H &RPLWp IDLW O¶REMHW GH KXLW DUUrWpV UHGp¿QLVVDQW VD FRPSRVLWLRQHWRXVDPLVVLRQHQ 1981, 1982 et 1984.

Encadré 3

Quelques « figures » du Comité du travail féminin

Jeanne Chaton (1899-1989)

Déportée aux travaux forcés en Allemagne pendant la Première Guerre mondiale, Jeanne Chaton devient après la guerre une militante pacifiste. Elle travaille bénévolement au BIT et à la SDN. Diplômée de science politique, de philosophie, et agrégée d’histoire, elle enseigne à Paris jusqu’en 1965. En 1965, elle est nommée représentante de la France à la commission du statut de la femme des Nations unies. Très active dans le milieu associatif féminin, elle est vice-prési-dente du CILAF, membre du CNFF et de l’AFFDU, où elle occupe divers postes de responsabilité.

Source : (GÉRARD 2006).

Madeleine Colin (1905-2001)

Madeleine Colin commence à travailler comme employée des PTT. Elle découvre le communisme à travers la Résistance, et adhère au PCF et à la CGT à la Libération. Elue secrétaire confédérale à la CGT en 1955, elle se voit confier la responsabilité des activités « en direction des femmes » (Christiane Gilles lui succède dans ces fonctions en 1969). Dans un contexte marqué par le développement de commissions féminines à divers niveaux de la confé-dération depuis l’après-guerre, elle crée en 1955 la revue Antoinette, qui connaît un grand succès (elle est publiée à 100 000 exemplaires dans les années 1970), et qu’elle dirige jusqu’en 1975. En 1956, elle est élue au Comité central du PCF, où elle fait partie de la commission des femmes.

Source : Maitron.

Madeleine Guilbert (1910-2006)

Madeleine Guilbert est une pionnière de la socio-logie du travail des femmes. Diplômée de philoso-phie, Résistante et communiste, elle est nommée à la Libération chargée de mission au centre d’études et de statistiques du ministère du Travail, où elle met en œuvre les premières enquêtes sur l’activité des femmes. Elle entre au CNRS en sociologie en 1950, au Centre d’études sociologiques dirigé par Georges Friedmann, où elle poursuit ses travaux sur l’activité des femmes qui la conduisent à publier ses deux thèses de doctorat sur « Les fonctions des femmes dans l’industrie » et « Les femmes et l’organisation syndicale avant 1914 » (GUILBERT 1966, 1966).

Source : (CHAPERON, 2001 ; MARUANI, 2001).

Marguerite Thibert (1886-1982)

Historienne, socialiste et féministe (elle adhère en 1922 à l’Union française pour le suffrage des femmes), Marguerite Thibert a soutenu en 1926 une thèse sur le féminisme et le socialisme français de 1830 à 1850 (THIBERT, 1926). Elle est ensuite partie travailler au Bureau international du travail (1926), où elle est nommée en 1928 par Albert Thomas responsable d’une unité chargée des questions fémi-nines. Elle travaille au BIT comme fonctionnaire, puis experte, jusqu’en 1965.

Sources : GAUDIER, 1996, Citoyennes à part entière, supplément au no28, « Marguerite Thibert », février 1984.

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Ces femmes « font » le Comité par le travail bénévole et les expertises variées qu’elles lui four-nissent. Le Comité sert aussi, inversement, comme un lieu de rencontre et de confrontations (13), entre des femmes qui, dans diverses sphères d’activité (associatives, syndicales, professionnelles, univer-sitaires, administratives), agissent pour la cause des femmes. Plusieurs d’entre elles ont pour particula-ULWp G¶rWUH IRUWHPHQW LPSOLTXpHV GDQV GHV UpVHDX[ européens ou internationaux (ONU, BIT). D’autres disposent de liens stratégiques avec le Plan, qui joue un rôle central dans l’orientation de la politique pFRQRPLTXHHWGHODSROLWLTXHGHO¶HPSORLHQ)UDQFH pendant ces années. Le Comité dispose donc, par l’intermédiaire de ses membres, de ressources poli-tiques et de ressources d’expertise conséquentes.

L’engagement des permanentes du Comité vient renforcer celui de ses membres. À la présidente Marcelle Devaud et la secrétaire générale (14) s’ajou-tent graduellement à partir de 1971 deux chargées de mission, une documentaliste et une chargée d’infor-PDWLRQ&HVIHPPHVRQWpWpUHFUXWpHVVSpFL¿TXHPHQW pour venir travailler au Comité, et ne relevaient pas initialement de l’administration du Travail. Toutes ont insisté, dans les entretiens qu’elles nous ont DFFRUGpVVXUOHXULQWpUrWSUpDODEOHSRXUODFDXVHGHV femmes, qu’il se soit exprimé dans le cadre de travaux universitaires, de leur activité professionnelle, ou de OD SDUWLFLSDWLRQ j GHV DVVRFLDWLRQV $))'8  YRLUH DX 0/) SRXU O¶XQH G¶HQWUH HOOHV &HWWH FRQYLFWLRQ préalable contribue à expliquer leur investissement considérable en temps et en énergie dans leur travail pour le Comité. Plusieurs ont ainsi évoqué un rapport « passionné » à leur travail :

« Tout le monde était passionné parce qu’il faisait. &¶pWDLWoDODPRWLYDWLRQª HQWUHWLHQ 

« [le Comité] était un lieu merveilleux, un lieu G¶XQH HI¿FDFLWp H[WUDRUGLQDLUH SDUFH TXH FKDFXQH était vraiment militante. On était complètement passionnées par le sujet. Je pense qu’à nous quatre, on arrivait vraiment à faire un boulot extraordinaire. Il y avait beaucoup d’échanges, c’était un lieu qui attirait énormément. [...] Je pense que c’est fantas-tique quand l’administration publique est capable G¶KpEHUJHUGHVOLHX[FRPPHoDª HQWUHWLHQ 

Les permanentes du Comité apparaissent par ailleurs très soudées : le « nous » les désignant est

(13) En effet, si nous insistons ici sur le dénominateur commun que constitue l’attachement des membres à la cause GHV IHPPHV OD Gp¿QLWLRQ PrPH GH FHWWH GHUQLqUH IDLW O¶REMHW de fréquentes confrontations, et les débats sont vifs lors des séances plénières. On retrouve notamment au sein du Comité le débat précédemment évoqué sur les orientations souhaitables pour ce qui a trait au travail des mères (ce point sera illustré ci-dessous avec l’exemple du rapport de Ménie Grégoire). (14) Sont successivement secrétaires générales du Comité Suzanne Grévisse (1966-1969), Colette Meme (1969-1971), Claude du Granrut (1971-1977) et Martine Lévy (à partir de 1977).

très souvent utilisé dans les entretiens, et leur soli-darité s’est notamment exprimée dans le contexte de leur lutte pour une revalorisation de leurs contrats de travail. En effet, lors de l’épisode précédemment évoqué où elles ont été placées individuellement face à la possibilité d’un travail mieux rémunéré dans un autre service du ministère, elles ont choisi de lutter collectivement pour une revalorisation de leur statut au sein du Comité :« Alors on a fait

une guerre. On a décidé qu’on restait au comité du travail féminin, et qu’on demandait la revalorisation de nos contrats à l’intérieur du comité du travail féminin. Et on s’est battues tout le temps qu’on était là pour obtenir cela. [...] On nous a proposé, quand on a demandé cette revalorisation, d’aller dans un autre service. Et on a refusé. On a refusé collective-ment, ce qui vous montre bien l’esprit qu’il y avait.

[...] On a refusé collectivement d’avoir

individuelle-ment un meilleur sort si on allait s’occuper d’autre chose ailleurs. Donc on s’était complètement appro-prié le combat pour une reconnaissance par notre ministère de tutelle, le ministère du Travail, de la valeur de notre travail. C’est-à-dire qu’on consi-dérait que travailler sur les femmes, ça ne devait pas être moins payé que travailler sur la Sécurité sociale, ou je ne sais quoi d’autre. [...] Mais on a perdu. Nous, on a perdu » (entretien 3).

/¶pFKHF GH FHWWH PRELOLVDWLRQ FRQ¿UPH OD SODFH marginale du Comité au sein du ministère. Mais c’est justement grâce à ces femmes qu’un comité, TXLDXUDLWSXUHVWHULQVLJQL¿DQWGXIDLWGHVPR\HQV dérisoire dont il disposait, a apporté une contribu-tion remarquable à l’évolucontribu-tion de la prise en charge juridique et politique de l’activité professionnelle des femmes, incarnant le passage d’une logique de protection à une logique de promotion.

D

e la protection

à la promotion des femmes :

le Comité du travail féminin,

aux origines du féminisme d’État

Investi par des personnes de conviction, le Comité est, dès ses débuts, porteur de demandes de réformes du droit, des politiques publiques et des institutions affectant le statut professionnel et social des femmes. Plus précisément, ses interven-tions sont orientées par une visée égalitaire. Quels moyens met-il en œuvre pour atteindre ce but, et avec quels résultats ?

L’égalité comme horizon

Jusqu’en 1965, la logique qui domine l’enca-drement juridique du travail des femmes, dont les fondements datent du tournant du XXesiècle, est une logique de protection qui, tout en permettant dans une certaine mesure le maintien des mères

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sur le marché du travail (15), ouvre la voie à des discriminations (16) (JENSON, 1989 ; COVA, 2000 ; BATTAGLIOLA, 2004, p. 45-49). Le Comité rompt avec cette logique en œuvrant, conformément à sa mission, à la « promotion » du statut professionnel GHVIHPPHV$XGHOjPrPHGHODG\QDPLTXHJRXYHU-nementale d’encouragement du recours à la main-d’œuvre féminine qui a pu favoriser sa création, le Comité est porteur d’une exigence d’égalité dans la sphère professionnelle (LÉVY, 1988).

Quel est plus précisément le contenu de cette aspiration égalitaire (17) ? L’égalité visée, tel que VRQFRQWHQXSHXWrWUHGpGXLWGHVDYLVGX&RPLWp cf. encadré 5), renvoie d’une part à un principe formel de non-discrimination dans le droit, et d’autre part à l’idéal d’un marché du travail non ségrégué selon OHVH[H±WRXWGXPRLQVSRXUFHTXLFRQFHUQHO¶DFFqV des femmes à des professions et postes de travail majoritairement occupés par des hommes (18). Il s’agit donc de lutter contre les discriminations tant directes qu’indirectes, dans un contexte marqué non seulement par une dynamique structurelle d’aug-mentation de l’activité des femmes (19), et notam-ment des mères, mais aussi par une élévation rapide du taux de chômage féminin (voir encadré 4).

(Q PDWLqUH G¶DI¿UPDWLRQ G¶XQ SULQFLSH GH QRQ discrimination directe dans le droit, le Comité a été particulièrement actif pour ce qui concerne l’éga-lité de rémunération ainsi que l’accès aux concours et aux emplois (dans les secteurs public et privé). L’égalité de rémunération pour un travail « égal ou de valeur égale » fait l’objet d’un avant-projet de loi envoyé au ministre Jeanneney dès 1967, suivi d’un rapport en 1968 sur « le problème des salaires », puis d’un autre en 1971 sur « les disparités des salaires masculins et féminins ». En matière d’accès à l’emploi, la question de la formulation des offres d’emplois, dans certains cas réservées à l’un ou l’autre sexe, est fréquemment soulevée au Comité. 'DQV OD PrPH RSWLTXH OHV GLVFULPLQDWLRQV SHUVLV-tantes dans les concours des grandes écoles et de la fonction publique font l’objet d’une analyse minu-tieuse et de revendications systématiques.

  &¶HVWOHFDVGXFRQJpPDWHUQLWpWHOTXHGp¿QLSDUODORL Strauss (1913).

(16) Citons par exemple la loi de 1892 sur le travail de nuit des femmes, qui a contribué à provoquer un « repli des femmes vers le travail à domicile » (SCHWEITZER, 2002, p. 37).

  0DUWLQH /pY\ GDQV VD WKqVH TXDOL¿H WUqV MXVWHPHQW l’égalité de « coquille à remplir ». (LÉVY, 1988). De fait, les travaux du Comité contiennent relativement peu de références explicites à l’égalité. Nous défendons cependant, à la suite de Martine Lévy, l’idée selon laquelle ses travaux sont guidés par un horizon égalitaire.

(18) La problématique réciproque de l’entrée des hommes dans des professions féminisées n’est pas envisagée.

(19) Entre 1962 et 1982, le nombre de femmes actives passe de 6.6 à 9.6 millions, soit une augmentation de près de la moitié (45 %). (MARCHAND,THÉLOT 1997, p. 239).

Mais le Comité lutte par ailleurs contre la ségré-gation sexuelle des emplois, source de discrimi-nations indirectes vis-à-vis des femmes. L’action en matière de formation professionnelle, qui est au cœur de nombreuses études et interventions du Comité, prend sens par rapport à cet objectif. ,OHQHVWGHPrPHGHVRQRSSRVLWLRQjGHVIRUPHV d’emploi atypiques telles que le travail intérimaire (1968) ou le travail à temps partiel (1969 et 1979), dans lesquelles les femmes sont surreprésentées.

Cette aspiration égalitaire sous-tend également les prises de position du Comité sur des questions ayant trait à l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle. En effet, ses recommandations dans ce domaine visent à faire en sorte de favoriser le maintien en emploi des mères et de limiter les discri-minations à leur égard. C’est ainsi qu’il promeut en 1973 la mise en place d’un service public de la petite enfance, et s’intéresse plus généralement aux « équi-pements sociaux » nécessaires pour les femmes actives (en matière de logement, de transports, de services de proximité). Ceci le conduit aussi, inversement, à s’opposer à des mesures dont il juge qu’elles favo-riseraient le retrait des mères du marché du travail : il se prononce ainsi en 1969 pour la suppression de l’allocation de salaire unique, et s’oppose en 1973 au projet de « statut social de la mère de famille » du Conseil consultatif de la famille. Par ailleurs, s’il avait milité pour une meilleure rémunération du congé maternité, il s’oppose en 1977 au projet de « congé GHPqUHª$LQVLGDQVOHGpEDWSUpFpGHPPHQWpYRTXp sur le travail des mères, le Comité se trouve parmi les tenants de la position égalitariste, ce qui s’explique aisément par le fait que ces derniers sont majoritaires en son sein.

À partir de la problématique du travail des femmes, le Comité se prononce aussi sur des sujets relevant plus strictement de la sphère familiale, notamment HQPDWLqUHGH¿VFDOLWpRXGHVpFXULWpVRFLDOH$LQVL en 1967, il recommande l’imposition séparée des conjoints. En 1973, Simone Veil, dans le cadre de la commission législation qu’elle préside, invite les membres du Comité à assurer une vigilance vis-à-vis du maintien de certaines références au « chef de famille » en droit social (20). Par contre, le Comité reste silencieux sur les enjeux ayant trait aux droits reproductifs (contraception, avortement), ce qui contribue à le distancier du mouvement féministe tel TX¶LOVHUHGp¿QLWjSDUWLUGXGpEXWGHVDQQpHV

$LQVL OH &RPLWp HVW SRUWHXU G¶XQH DVSLUDWLRQ j une transformation de la place des femmes dans la sphère professionnelle et dans la société dans son ensemble, dans un sens égalitaire, qui le conduit à revendiquer d’importantes réformes touchant au droit du travail, au droit de la fonction publique et au droit social.

(8)

L’expertise et l’international, deux ressources essentielles

Promoteur de réformes à partir de l’intérieur PrPHGHO¶DSSDUHLOG¶eWDWOH&RPLWpQHSHXWXWLOLVHU les moyens d’action traditionnels des mouvements réformateurs issus de la société civile (pétitions, manifestations, etc.). Son statut gouvernemental induit un répertoire d’action (21) VSpFL¿TXH TXL comporte l’envoi de rapports, d’avis, de lettres aux ministres, ou encore des échanges directs avec les ministres ou leurs représentants (notamment lors de réunions du Comité), mais aussi l’organisa-tion d’événements ponctuels (colloques, journées d’étude) visant à diffuser ses travaux et à échanger avec les acteurs de l’administration (22). Ce réper-toire d’action a deux caractéristiques essentielles : il est fortement internationalisé, et l’expertise y occupe une place de premier plan.

Les organismes internationaux créés au lende-main de la Première Guerre mondiale (BIT), puis de la Seconde (ONU), ainsi que la Communauté

euro-(21) Charles Tilly désigne par ce terme un ensemble de ©PR\HQV G¶DJLU HQ FRPPXQ VXU OD EDVH G¶LQWpUrWV SDUWDJpVª qui varie notamment en fonction du contexte de la mobilisation. (TILLY 1986, 541).   &LWRQVOHVMRXUQpHV©)HPPHWUDYDLOHWVRFLpWpªRUJDQL-VpHVHQRFWREUHTXLYLVDLHQWVSpFL¿TXHPHQWjLQVWDXUHUXQ ©GLDORJXHDYHFO¶DGPLQLVWUDWLRQª&$&DUWLFOH GRVVLHU©MRXUQpHVGX&RPLWpGXWUDYDLOIpPLQLQ)HPPHWUDYDLO et société» , 13-14 octobre 1976 ».

SpHQQH RQW MRXp XQ U{OH PRWHXU ±SDU UDSSRUW DX[ eWDWVQDWLRQV±HQ PDWLqUH GH SURPRWLRQ GHV GURLWV des femmes, tout particulièrement dans les domaines de l’emploi et de l’égalité salariale (LUBIN:INSLOW, 1990 ; HOSKYNS, 1996 ; BERKOVITCH, 1999). Leur production normative constitue pour le Comité une UHVVRXUFH HVVHQWLHOOH$LQVL OD UHYHQGLFDWLRQ G¶pJD-lité de rémunération formulée dès 1967 par le Comité reprend conjointement les deux formulations « à travail égal », de l’article 119 du traité de Rome, et « à travail de valeur égale », de la convention no100 du BIT. À partir de 1976, le Comité se bat pour l’ap-SOLFDWLRQHQ)UDQFHGHODGLUHFWLYHFRPPXQDXWDLUHGH 1976 sur l’égalité de traitement.

Mais le cadre normatif supranational ne constitue pas seulement une donnée pour le Comité, qui contribue aussi activement à sa production, par l’intermédiaire de l’implication de ses membres et de sa présidente dans des organismes internatio-naux et communautaires. Marguerite Thibert a ainsi été responsable d’une unité chargée des questions féminines au BIT ; Jeanne Chaton est représen-WDQWHGHOD)UDQFHjODFRPPLVVLRQGHODFRQGLWLRQ de la femme à l’ONU (cf. encadré 3). À la DGV de la Commission européenne, Marcelle Devaud a fait partie du groupe ad hoc qui a préparé, autour de Jacqueline Nonon, les premières versions de la GLUHFWLYHVXUO¶pJDOLWpGHWUDLWHPHQW JACQUOT  /H&RPLWpHVWSDUDLOOHXUVRI¿FLHOOHPHQW représenté (par Marcelle Devaud et Martine Lévy) lors de la conférence de Manchester sur l’égalité des femmes dans la CEE (28-30 mai 1980), dont découle notamment la création du Comité consul-tatif pour l’égalité des chances. Cet investissement des « piliers » du Comité dans la production du cadre normatif communautaire et international concernant le travail des femmes atteste bien du caractère stra-tégique de ce référent, dans l’optique de la promo-tion de réformes au niveau napromo-tional (23).

)RUWHPHQWLQWHUQDWLRQDOLVpFHUpSHUWRLUHG¶DFWLRQ DSRXU VHFRQGH FDUDFWpULVWLTXH G¶rWUH IRQGp VXU une démarche d’expertise, qui constitue le déno-minateur commun des différents moyens d’action précédemment évoqués (rapports, avis, colloques). L’expertise sur le travail des femmes constitue G¶DLOOHXUV OD YRFDWLRQ LQLWLDOH GX &RPLWp Gp¿QL HQ 1965 comme Comité « d’étude » et de liaison des problèmes du travail féminin. Cette vocation a été immédiatement embrassée par les membres et les permanentes du Comité, qui prennent à cœur leur mission de production et de diffusion de savoirs sur le travail des femmes, savoirs qui sont à la fois d’ordre économique, sociologique et juridique. Ceci

(23) La démarche des responsables du Comité s’apparente ici nettement à un « effet boomerang », concept développé par Keck et Sikkink pour rendre compte de l’utilisation, par les mouve-ments sociaux, de stratégies de pression sur les niveaux interna-tional ou supranainterna-tional comme ressources pour faire valoir des revendications à l’échelle nationale. (KECK, SIKKINK, 1998). Encadré 4

Activité et emploi des femmes de 1955 à 1985

Taux d’activité et d’emploi des hommes et des femmes (1955-1985)

Taux d’activité (1) Taux de chômage / population active (2) Hommes Femmes Hommes Femmes

1955 81,4 39,3 1,3 3 1962 82 39,8 0,8 2 1968 77,3 40 1,7 4,5 1974 82,1 48 1,8 5,1 1980 79,9 52,3 4,4 9,6 1985 79,2 57,2 8,8 13,2

(1) Population active rapportée à la population en âge de travailler. (2) Estimé selon les recommandations du BIT.

Source : MARCHAND, THÉLOT (1997), d’après recensements, (MARCHAND,

THÉLOT 1997, 77 et 222-223).

Taux d’activité des femmes en couple selon le nombre d’enfants (1954-1982)

Nombre d’enfants de 0 à 16 ans

Taux d’activité de la femme 1954 1962 1975 1982 Sans enfant 35,7 35,5 37,8 41,6

Un enfant 36,2 39,3 56 66,1

Deux enfants 24,7 25,6 41,2 57,7 Trois enfants ou plus 18,9 16,1 22,9 30,9 Source : COURSON,DESABOULIN (1985, p. 13).

(9)

apparaît bien, dans les rapports, par l’exposé systé-matique de données, l’attention portée aux sources, le souci de la nuance et de l’objectivité dans les propos. La minutie avec laquelle sont examinés en séances plénières les rapports préparés au sein des différentes commissions, préalablement à leur adoption, atteste du souci de rigueur des membres GX&RPLWp$LQVLLOQ¶HVWSDVUDUHTXHO¶pWXGHG¶XQ rapport se prolonge sur plusieurs réunions.

Mais si la production et la diffusion de savoirs sur le travail des femmes constituent la démarche fonda-mentale du Comité, elles sont toujours subordonnées à des perspectives de réformes. C’est en ce sens que nous parlons d’expertise, et du rôle de cette dernière dans un répertoire d’action, plutôt que simplement de production de savoirs. Nous en voulons pour preuve OHIDLWTXHODSXEOLFDWLRQG¶XQHUHFKHUFKHSXLVVHrWUH abandonnée au vu des conclusions auxquelles elle aboutit : c’est le cas des travaux de Ménie Grégoire entre 1966 et 1968 sur « les répercussions du travail féminin sur la femme et la famille ». En effet, dès l’annonce par Ménie Grégoire de son projet d’ana-lyser dans ce rapport des thèmes comme « l’inci-dence sur la santé » et la famille ou le « coût social » du travail féminin, plusieurs membres du Comité parmi lesquels Marguerite Thibert « émettent [...]

des réserves sur l’opportunité de traiter de telles questions qui n’apporteraient rien quant au but assigné au Comité : la promotion féminine » (24).

/HUDSSRUW¿QDOHPHQWSUpVHQWpSDU0pQLH*UpJRLUH en février 1968 conclut que la présence de la mère est indispensable auprès de l’enfant pendant les GHX[RXWURLVSUHPLqUHVDQQpHV±FHTXLOHFRQGXLWj recommander une amélioration des mesures réser-vées aux mères (allongement du congé maternité notamment). Plusieurs réticences s’expriment alors parmi les membres : par exemple Claude du Granrut souligne que le rapport n’évoque pas la question du partage de la responsabilité parentale entre hommes et femmes ; Marguerite Thibert et Raymonde Nousbaum s’inquiètent des conséquences possibles des recommandations du rapport sur les conditions d’emploi et de rémunération des femmes (25). À la suite de ces débats houleux, le rapport de Ménie Grégoire est resté interne au Comité (26). Cet exemple d’un rapport dont on limite la diffusion du fait de ses implications politiques montre bien que la production de savoirs est orientée en fonction d’une volonté de réforme, ce qui est bien le propre de l’ex-pertise. Il permet par ailleurs d’illustrer comment la tension entre féminisme et familialisme surgit au F°XUPrPHGHVGpEDWVLQWHUQHVGX&RPLWpELHQTXH ce dernier, dans ses prises de position publiques, DI¿FKHXQHRULHQWDWLRQFODLUHPHQWIpPLQLVWH

(24) Procès-verbal de la réunion du 17 juin 1966, p. 9. (25) Procès-verbal de la réunion du 28 février 1968.

  (Q HIIHW LO QH ¿JXUH SDV GDQV OD OLVWH GHV SXEOLFDWLRQV RI¿FLHOOHVGX&RPLWp

$LQVL OH UHFRXUV DX FDGUH QRUPDWLI VXSUDQD-tional et l’expertise sociologique, économique et juridique sur le travail des femmes constituent les deux ressources essentielles du Comité dans son travail en faveur de réformes (27). Quels ont été les résultats de cet effort de transformation dans un sens égalitaire de l’encadrement juridique du travail des femmes ?

Quels résultats ?

(QWHUPHVOpJLVODWLIVVLVRQLQÀXHQFHSURSUHHVW ELHQ HQWHQGX GLI¿FLOH j pWDEOLU HW YDULDEOH VHORQ les cas (28), le Comité a contribué à l’adoption de plusieurs textes importants en matière d’indem-nisation du congé de maternité (1970), d’égalité de rémunération (1972), d’égalité d’accès aux concours de la fonction publique (1975). Sa contri-bution la plus marquante de ce point de vue, et la plus fréquemment citée, est sans conteste son rôle dans la préparation de la loi du 22 décembre 1972 sur l’égalité de rémunération (MAZUR, 1995 ; LUROL, 1999, p. 180). Il a par ailleurs appelé de ses vœux et encouragé le développement des services de garde et équipements collectifs pour enfants qui a ef-IHFWLYHPHQW SULV SODFH HQ )UDQFH j SDUWLU GH  (JENSON, SINEAU ,OFRQYLHQWHQ¿QGHUDSSHOHU ODSDUWLFLSDWLRQGHVDFWULFHVGX&RPLWp±ELHQTXHFH dernier n’ait pas toujours été impliqué en son nom SURSUH±j O¶pYROXWLRQ GX FDGUH QRUPDWLI HW LQVWL-tutionnel communautaire en matière d’égalité des sexes (directive de 1976 sur l’égalité de traitement, création du Comité consultatif pour l’égalité des chances).

Quel bilan peut-on tirer de ces résultats, au vu de l’objectif de lutte contre les discriminations directes et indirectes qui était celui du Comité ? Le Comité a nettement contribué à faire évoluer le droit du travail et de la fonction publique dans un sens égalitaire pour ce qui est de la lutte contre les discriminations directes (dans l’accès aux emplois, dans les salaires). Pour ce qui concerne la lutte contre les discriminations indirectes et la ségréga-tion sexuée du marché du travail, le bilan est plus nuancé. Ses interventions en matière de formation professionnelle se sont heurtées aux résistances GX V\VWqPH IUDQoDLV GH UHODWLRQV SURIHVVLRQQHOOHV j O¶LQFOXVLRQ G¶XQH UHSUpVHQWDWLRQ GHV LQWpUrWV GHV femmes (MAZUR, 2001). Par ailleurs, il n’a pas pu HPSrFKHU PDOJUp VHV SURWHVWDWLRQV OH GpYHORSSH-ment d’orientations tendant à ses yeux à fragiliser la

(27) Le recours à l’expertise s’ajoute ici au recours au droit comme ressource pour compenser la faiblesse politique et administrative de l’organisme (PEDRIANA, STRYKER, 2004). (28) Tout au plus peut-on constater des corrélations ou des décalages entre les recommandations émises par le Comité GDQVVHVDYLVHWOHVUpIRUPHV¿QDOHPHQWDGRSWpHVF¶HVWHVVHQ-tiellement sur la base d’une telle comparaison entre recomman-dations du Comité et réformes effectives que nous proposons ce bilan.

(10)

situation d’emploi des femmes : développement du travail intérimaire (1968), du travail à temps partiel (1979), du congé postnatal de deux ans sans solde (congé parental d’éducation, créé en 1977). Il a tou-WHIRLVFRQWULEXpGDQVOHVDQQpHVjHPSrFKHUOD création d’un salaire social de la mère de famille, prônée par les milieux familialistes, et à laquelle il s’était opposé dans plusieurs avis (1973, 1975).

$XGHOj GH VHV FRQWULEXWLRQV j O¶pYROXWLRQ GX droit du travail, le Comité a participé, par son rôle de relais actif dans la circulation des savoirs sur le travail des femmes, au développement d’une communauté épistémique (HAAS 1992, p. 3) sur FHWWHTXHVWLRQFUpDQWGHVOLHQVHQWUHOHVUpÀH[LRQV sur le travail des femmes en cours de développe-ment dans différentes sphères : administrations, centres de recherche, organisations internationales, DVVRFLDWLRQVV\QGLFDWV3DUFHELDLVO¶LQÀXHQFHGX &RPLWpHVWWRXWjODIRLVSOXVGXUDEOHHWSOXVGLI¿FLOH à mesurer, en tant qu’elle passe par une sensibili-sation des milieux de décision quant à la question des discriminations dans la sphère professionnelle. À ce titre, le développement de l’expertise sur le travail des femmes, précédemment présenté comme un moyen de l’action du Comité, en est aussi un résultat à part entière, dont les retombées ne sont pas toujours immédiatement mesurables en termes de réformes, mais néanmoins conséquentes.

* * *

En 1981, le Comité du travail féminin est rattaché au ministère des droits de la femme, et cesse d’exister GH IDLW ELHQ TX¶LO QH VRLW RI¿FLHOOHPHQW VXSSULPp qu’en 1984 (29). Si cette suppression signale une rupture entre le Comité et l’instance la plus HPEOpPDWLTXH GX IpPLQLVPH G¶eWDW HQ )UDQFH OHV travaux du Comité n’en ont pas moins joué un rôle IRQGDWHXU GDQV OD UpÀH[LRQ VXU OHV GLVFULPLQDWLRQV directes et indirectes dans la sphère professionnelle, posant les bases de la doctrine développée par les instances suivantes. Le rôle de premier plan accordé à la formation professionnelle dans la lutte contre les discriminations se retrouve notamment dans l’action de ces dernières. Plus fondamentalement, l’expérience préalable du Comité contribue à expli-TXHUTXHODSROLWLTXHXOWpULHXUHPHQWPHQpHDLWGp¿QL l’égalité professionnelle comme la clé de l’éman-FLSDWLRQ GHV IHPPHV$LQVL ELHQ TXH PDUJLQDO DX sein du ministère du Travail, le Comité a contribué à Gp¿QLUOHVEDVHVGXIpPLQLVPHG¶eWDWHQ)UDQFH

  $UUrWp LQWHUPLQLVWpULHO GX IpYULHU  ±DEURJDWLRQ GH O¶DUUrWpGX VHSWHPEUH UHODWLIDX &RPLWpGX WUDYDLO féminin.

Encadré 5

Liste des principaux avis du Comité du travail féminin

Avis sur le projet de loi-cadre concernant la formation professionnelle (1966).

Avant-projet de loi relatif à l’égalité des salaires masculins et féminins (1967).

Proposition relative à la reconnaissance de la personna-lité fiscale de chacun des époux (1968).

Avis sur le travail temporaire (1968). Avis sur l’allocation de salaire unique (1969).

Avis sur le travail à temps partiel dans la fonction publique (1969).

Avis sur le décret d’application de la loi sur l’égalité de rémunération entre les hommes et femmes (1973). Avis sur le projet de loi sur l’amélioration des conditions de travail (titre 3) (1973).

Avis sur le projet d’orientation du commerce et de l’arti-sanat (articles concernant le préapprentissage) (1973). Avis sur le projet de « statut social de la mère de famille » du Comité consultatif de la famille (1973).

Avis sur le salaire social de la mère de famille (1975). Avis sur le projet de loi concernant la retraite des travailleurs manuels et des mères de famille (1975). Avis sur trois projets de loi (1975) :

– modifiant et complétant le Code du travail en ce qui concerne les règles particulières au travail des femmes ; – portant modification de l’article 36 du Code de la famille et de l’aide sociale ;

– portant modification de l’ordonnance no 59-244 du

4 février 1959 relative au statut général des fonction-naires.

Motion sur la situation des salariés de Rhône-Poulenc textiles (1976).

Proposition de loi sur l’extension au conjoint divorcé du droit à la pension de réversion (1976).

Avis sur le projet de loi instituant un congé de mère (1977).

Avis sur le rapport du groupe administratif « Les problèmes spécifiques du chômage féminin » (1978).

Avis sur le congé pour enfant malade (1978). Avis sur les problèmes d’absentéisme (1978).

Avis sur l’application des dispositions législatives relatives à la discrimination à l’embauche (1978).

Avis sur la loi no278 « tendant à assurer l’égalité des

époux dans les régimes matrimoniaux et dans la gestion des biens de leurs enfants » (1978).

Avis sur le Comité du travail féminin (son évolution, son avenir, ses propositions) (1979).

Avis sur le travail à temps partiel (1979). Avis sur le rapport maternité/travail (1979).

Avis sur l’avant-projet de loi relatif à l’égalité profession-nelle entre hommes et femmes (1980).

Avis sur le rapport Baudoin sur Les discriminations et les

disparités dans le travail féminin (1980).

Avis sur l’application de la directive 207/76 de la CEE rela-tive au principe d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes (1980).

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