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Ses cheveux, teints dans un orange fort peu discret, formaient une crête arrogante sur le sommet de son crâne. Sur son visage maquillé de blanc, des

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1.

Ses cheveux, teints dans un orange fort peu discret, formaient une crête arrogante sur le sommet de son crâne. Sur son visage maquillé de blanc, des touches de bleu et de pourpre soulignaient les yeux. Un énorme faux nez rouge et un immense sourire vermillon venaient compléter ce masque haut en couleur.

Le costume ample, parsemé de grosses pastilles multicolores, dissimulait la silhouette de ce curieux clown occupé à trier des papiers à l’entrée de la salle.

Pourquoi cette femme s’était‑elle déguisée de la sorte ? Blake Hamilton fixait l’étrange personnage d’un regard stupéfait. Tout à coup, il se rendit compte de son incorrection et reporta son attention sur le programme de la conférence intitulée : Gestion et créativité des années 80. Nul doute ! D’après les prospectus, le cours devait bien se tenir dans cet amphithéâtre !

Blake fronça les sourcils. Il n’était certes pas venu jusqu’à Orlando, en Floride, pour voir un spectacle de cirque !

De toute évidence, il s’agissait d’une erreur. Blake allait s’éloigner lorsqu’une main aux ongles vernis de rose nacré le retint par le bras.

— Puis‑je vous aider ?

La voix suave du clown surprit Blake. Celui‑ci ne s’attendait pas à trouver tant de grâce et de féminité chez un être aussi baroque !

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Pourtant, dès que son regard rencontra les beaux yeux bleus pétillant de malice, Blake tomba sous le charme de son interlocutrice. Néanmoins, il se ressaisit vite car il ne laissait jamais ses impulsions l’emporter sur la réflexion. Sa ligne de conduite était dictée par une logique rigoureuse. Parfois, même, cet homme jeune et dynamique avait une tendance excessive à analyser chaque parole, chaque événement. Désireux de se défaire de cette fâcheuse tournure d’esprit, il avait résolu de suivre la conférence sur la spontanéité.

— Je désire assister au colloque sur « La pensée périphérique ». Pourriez‑vous m’indiquer où se déroule la réunion ? demanda Blake.

Le visage du clown s’illumina d’un large sourire.

— Quelle chance, mon petit Blake ! Vous voici justement devant la bonne porte ! Entrez !

Surpris, Blake recula d’un pas. Connaissait‑il cette femme ? Non, il n’aurait pas pu oublier une voix aussi charmante. Alors, comment le clown savait‑il son nom ? Soudain, il se rappela qu’il portait un badge sur lequel figuraient son identité ainsi que celle de sa société.

Cependant, son interlocutrice poursuivait :

— Galaxy Computers se félicitera de vous avoir envoyé à ce séminaire, vous verrez !

— Oh ! j’en doute ! Le président de ma société est quelque peu rétrograde. Il se fie plus volontiers aux bonnes vieilles méthodes traditionnelles.

Blake réussit à grand‑peine à refouler un fou rire. Une lueur malicieuse dansait dans le gris de ses prunelles.

La jeune femme ignorait, en effet, qu’elle s’adressait au P.‑D. G. de Galaxy Computers en personne !

— Malgré tout, vous finirez par convaincre ce vieux retardataire. Grâce aux techniques que nous allons vous enseigner, vous deviendrez rapidement cadre supérieur !

L’humour de la repartie fit sourire Blake qui répondit :

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— En réalité, le vieux retardataire en question a encore plusieurs années devant lui ! Mais dites‑moi : de quels arguments useriez‑vous pour combattre son scepticisme ?

— Je lui expliquerais qu’il a tout intérêt à renoncer à ses préjugés s’il ne veut pas qu’un jeune loup de votre espèce lui subtilise son poste !

— En d’autres termes, vous le provoqueriez pour exciter son esprit de compétition !

A ces mots, une expression de tristesse feinte assom‑

brit le masque blanc.

— Je crains que mes propos ne vous aient choqué ! Mais j’exprime toujours mes opinions sans détour.

De nouveau, le visage du clown affichait une franche gaieté.

— En fait, je m’efforce d’attirer à cette conférence tous ceux qui s’aventurent dans ce couloir !

Quoiqu’un peu surpris, Blake devait reconnaître qu’il goûtait fort cette conversation. Il adorait se mesurer verbalement à un adversaire à sa mesure et, à n’en pas douter, cette jeune femme ne manquait pas d’esprit. De surcroît, elle possédait une voix enchanteresse !

Blake écarta de son front une boucle de cheveux noirs et réfléchit quelques instants. D’après le programme du colloque, ce cours était destiné à débarrasser les participants de leurs idées préconçues et à libérer leur créativité naturelle. Au vu de ces informations, Blake pensait assister à une séance de travail au cours de laquelle de petits groupes constitués de cinq à six per‑

sonnes s’intéresseraient en commun à un problème de gestion. Manifestement, il s’agissait d’un tout autre style de conférence ! La logique lui soufflait de tourner les talons tandis qu’un sentiment inexplicable le retenait là…

Blake jeta un coup d’œil circonspect à l’intérieur de la

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salle. Une demi‑douzaine de clowns s’affairaient parmi l’assistance composée en majorité d’hommes d’affaires.

« Voilà qui me rassure ! » songea Blake. Toutefois, le cours sur la communication au sein de l’entreprise se révélerait certainement plus utile !

La jeune femme sentit son hésitation et dit de sa belle voix douce :

— Ne partez pas !

— Alors, donnez‑moi une seule bonne raison de rester.

— Je croyais vous l’avoir déjà fournie !

— Je parle d’une raison valable, précisa Blake.

Sans aucune gêne, son interlocutrice l’examina de la tête aux pieds. Malgré son habituelle assurance, Blake rosit sous son hâle.

— Parfait ! Puisque vous me poussez dans mes derniers retranchements, tant pis pour vous ! s’exclama l’étrange personnage. Il vous faut assister à cette conférence, car nous manquons d’athlètes séduisants aux yeux gris !

Stupéfait, Blake haussa les sourcils. Cet ultime argument le prenait au dépourvu et le privait de son sens de la repartie.

La jeune femme profita de son avantage pour insister.

— Allons, venez essayer, au moins ! Vous ne regret‑

terez pas de m’avoir suivie !

— Et si tel n’était pas le cas ? A présent, Blake jouait le jeu.

La réplique fusa instantanément :

— Alors, personne ne pourra me blâmer d’avoir échoué car j’aurai usé de tous les moyens en mon pouvoir, même de la coquetterie !

Blake se demandait si la jeune femme montrait tant de persévérance à convaincre chaque client potentiel ou si elle lui réservait un traitement de faveur. L’attitude provocante de cette hôtesse insolite l’intriguait, le désarçonnait.

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Il résolut donc d’assister au cours. Pour justifier sa décision, il se répétait qu’après tout il en tirerait peut‑être un quelconque profit ! En réalité, seul le désir de découvrir le visage dissimulé derrière ce masque blanc l’incitait à rester.

En effet, Blake sentait percer sous l’ironie de la jeune femme une extrême sensibilité.

— Entendu ! s’exclama‑t‑il. Je me rends à vos argu‑

ments, à la condition expresse que vous ne me lanciez pas une tarte à la crème en pleine figure ou que vous ne me déversiez pas un seau d’eau sur la tête !

— Soyez sans crainte ! Nous ne recourons à ces procédés draconiens que pour intimider les récalcitrants.

Au clin d’œil de connivence que lui adressa le clown, Blake répondit par une grimace complice.

Diana Adams tourna vivement les talons et introduisit Blake Hamilton dans la salle.

« Heureusement que j’ai laissé mon badge sur mon tailleur ! songea‑t‑elle. Sous ce maquillage, personne ne peut me reconnaître ! »

Mais son soulagement se transforma bientôt en une sourde colère contre elle‑même.

Pourquoi s’était‑elle comportée de la sorte ? Certes, ses collègues l’avaient complimentée récemment pour ses qualités de bouffon. Toutefois, cela ne justifiait pas un tel numéro de charme !

A l’abri de son déguisement, elle se permettait certaines libertés qui frôlaient l’inconvenance. D’ailleurs, en la priant de participer à cette conférence, Jim Williams l’avait mise en garde contre cette tendance tout à fait normale lorsque l’on se travestit. Sur le moment, elle n’avait pas attaché d’importance à cet avertissement.

Hélas ! elle en évaluait maintenant le bien‑fondé et rougissait de son audace.

Blake Hamilton posa la main sur le bras de Diana.

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Surprise, la jeune femme sursauta. L’homme lui demanda à voix basse :

— Réagissez‑vous toujours ainsi ?

A quoi faisait‑il allusion ? A la nervosité du clown…

ou à son effronterie ?

Diana n’éprouvait aucun désir de le savoir ! Elle réprima son envie d’apprendre à ce client trop curieux que cette attitude ne ressemblait en rien à celle qu’elle adoptait d’ordinaire dans l’exercice de sa profession. Elle se contenta de répondre un bref : « Jamais. »

Elle ressentait une telle honte qu’elle n’avait pas le courage de regarder son interlocuteur en face. Les yeux baissés, elle reprit :

— Asseyez‑vous. La conférence va bientôt commencer.

Et, avant que Blake ne poursuive la conversation, Diana sortit en hâte dans le couloir, comme si elle cherchait à attirer d’autres clients.

Néanmoins, ses pensées tourbillonnaient si vite dans sa tête qu’elle n’accordait aucune attention aux personnes rassemblées autour de l’affiche indiquant le programme du cours.

Ce matin, son exposé — qui avait pour titre : « L’Image de la femme d’affaires » — lui avait rappelé les inégalités qui subsistent entre hommes et femmes dans le monde du travail. Au fil de son étude, Diana avait regretté que le sexe masculin considère invariablement les jolies filles comme des proies faciles, et non comme des collaboratrices tout aussi compétentes ! Quelqu’un dans l’amphithéâtre avait fait remarquer sur le ton de la plaisanterie que, si une femme abordait un homme, ce dernier saurait lui rendre le compliment à sa façon ! Diana avait mis à profit cette observation et orienté le débat sur ce sujet.

Puis, pendant le déjeuner, elle avait continué à discuter de cette question avec quelques femmes.

Lorsqu’elle leur avait confié que, pour le cours de Jim

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Williams, elle devait se déguiser en clown, ses compagnes avaient ri de bon cœur et l’avaient suppliée de profiter de l’occasion pour étudier de plus près les rapports entre les hommes et les femmes. Dans un premier temps, Diana avait refusé puis, peu à peu, l’idée avait fait son chemin.

Elle avait fini par accepter de tester l’effet produit par deux ou trois compliments sur les participants.

« J’aurais été plus avisée de m’abstenir ! » songeait la jeune femme.

Au départ, elle avait considéré son dialogue avec Blake Hamilton comme une expérience intéressante.

Cependant, il lui fallait admettre qu’elle avait rapidement donné à la conversation un tour plus personnel. Diana avait éprouvé une attirance instantanée pour cet homme au visage volontaire et au sourire si franc.

Impossible de rester insensible à cet athlète qu’elle imaginait plus volontiers sur un terrain de sport que dans une réunion de conseil d’administration !

Diana aurait voulu en savoir davantage sur lui, connaître l’endroit où il vivait, ses fonctions chez Galaxy Computers…

Tandis qu’elle se reprochait son intérêt pour un inconnu, Jim Williams entra dans l’amphithéâtre et prit place sur l’estrade. Après une brève présentation, il souhaita la bienvenue à son auditoire.

— Cette conférence figure parmi les dernières de la liste proposée par Management Innovations. C’est pourquoi je me réjouis tout particulièrement du nombre de minois souriants que j’aperçois.

Il marqua une pause et posa un regard appuyé sur les clowns qui l’encadraient. Sa boutade provoqua l’hilarité générale.

— En fait de cours, il s’agit plutôt d’une expérience.

Vous devez vous demander pourquoi mes assistants portent de tels déguisements !

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Un murmure d’approbation lui répondit, et des dizaines de paires d’yeux interrogateurs se tournèrent vers les six personnages.

Pour sa part, Blake observait plus spécialement le deuxième, à partir de la droite. Il avait fini par le consi‑

dérer comme son clown attitré. Mais la jeune femme dissimulée sous son maquillage criard ne semblait guère apprécier l’intérêt dont elle était l’objet car, lorsque son regard rencontra celui de Blake, elle baissa brusquement la tête et fixa le bout de ses énormes chaussures.

Pendant ce temps, l’orateur poursuivait :

— En dehors de mon désir de stimuler votre curio‑

sité, je voulais vous démontrer que nous nous cachons tous derrière des masques. Nous nous composons un personnage et essayons d’imposer à autrui une certaine image de nous‑mêmes. Cette démarche présente un aspect positif. En effet, en adoptant l’attitude type du cadre dynamique, nous parvenons à convaincre nos collègues de notre efficacité. Toutefois, ce comporte‑

ment peut parfois se révéler négatif car il étouffe notre personnalité et restreint le potentiel de notre intelligence.

Pour illustrer son discours, Williams demanda :

— Voit‑on souvent une secrétaire prendre la parole au cours d’une réunion pour émettre une proposition ?

Tandis qu’il parlait avec véhémence, les clowns mimaient chaque situation. Ils jouaient leur rôle avec une exagération qui provoquait le rire de l’assemblée.

— Et, continuait le conférencier, imagine‑t‑on aisé‑

ment un P.‑D. G. qui déciderait de déjeuner à la cantine de sa société afin de discuter avec ses employés ?

Williams donna plusieurs autres exemples pour appuyer sa thèse.

Malgré le caractère peu orthodoxe de cet exposé, Blake jugeait les propos de Williams tout à fait fondés.

En tant que président de Galaxy Computers, il agissait

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souvent lui‑même selon certaines idées préconçues. Il devait reconnaître que, quelquefois, une attitude moins soucieuse de la hiérarchie eût été plus bénéfique !

— Parfait ! conclut Williams. Maintenant, nous allons nous répartir en plusieurs groupes. Chaque équipe traitera un problème particulier et devra lui trouver des solutions. Dans une vingtaine de minutes, nous nous réunirons de nouveau pour faire le point.

Puis il attribua à chacun des participants un numéro de un à six. Blake fut affecté au troisième groupe. Cependant, il décida d’en changer lorsqu’il se rendit compte que son clown préféré devait s’occuper du sixième.

Diana disposait des chaises en cercle quand Blake la rejoignit. Elle lui jeta un regard étonné et s’exclama :

— Mais vous portez le numéro trois !

— Je l’avoue ! Toutefois, auriez‑vous déjà oublié votre promesse d’avant la conférence ?

La jeune femme sentit le rouge lui monter aux joues.

— Je m’efforçais simplement de vous convaincre d’assister au cours, balbutia‑t‑elle. Mes propos n’avaient rien de sérieux !

— Je regrette. Vous vous êtes personnellement engagée à veiller sur moi ! répliqua Blake d’un ton malicieux.

— Vous avez cru en la parole d’un clown ?

Pendant cet échange, les membres du groupe s’étaient approchés et semblaient prendre un vif intérêt à leur conversation. Il ne restait plus à Diana qu’à s’incliner.

D’ailleurs, Blake s’installait déjà.

Lorsque chacun fut assis, la jeune femme entreprit de donner quelques informations sur la marche à suivre.

A peine avait‑elle commencé que Blake leva la main.

— Oui ? demanda‑t‑elle.

— J’aimerais savoir par quel nom vous appeler.

De prime abord, la remarque paraissait anodine.

Toutefois, Diana ne s’y trompa point. M. Hamilton

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désirait connaître sa véritable identité. Or, elle n’avait pas la moindre intention de la lui révéler !

Elle cherchait comment se dérober quand Jim Williams, qui observait la scène depuis quelques minutes, vint à son secours.

— Vous comprendrez, cher monsieur, que nos clowns doivent rester anonymes !

Puis il se tourna vers Diana et proposa :

— Pourquoi ne pas vous surnommer Pêche, par exemple ?

Cette idée parut séduire tout le monde, à l’exception de Blake qui lança à la jeune femme un regard à la fois songeur et déterminé. Diana sut qu’il ne s’avouait pas encore battu et maudit intérieurement sa sottise.

Après cet intermède, elle reprit ses explications.

— Parlons maintenant du scénario. Nous appar‑

tenons au service marketing de Terrific Tuna, société dont la principale activité concerne le commerce du thon. Notre entreprise se voit offrir la possibilité de devenir commanditaire d’un pavillon à Disney World.

Nous ne disposons que de quinze minutes pour vendre nos suggestions au P.‑D.G. Aussi nous faut‑il trouver deux ou trois idées géniales. Surtout, n’ayez pas peur d’émettre vos propositions même si, au début, elles vous semblent absurdes. L’important, dans ce type d’exercice, c’est de participer !

— Il s’agit d’une plaisanterie ! grogna un petit homme chauve assis à côté de Blake.

Cependant, le reste du groupe accepta de se soumettre à l’expérience et se mit à lancer des hypothèses, d’abord timidement, puis avec un enthousiasme croissant.

Bientôt, Diana s’aperçut que Blake ne prenait aucune part à la conversation. Au lieu de réfléchir avec ses compagnons, il ne la quittait pas des yeux.

Durant un court instant, la jeune femme fut tentée

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d’ignorer son attitude. Néanmoins, en qualité d’assistante de conférence, il lui fallait s’intéresser à l’ensemble de ses élèves. Elle profita d’une seconde de silence pour faire remarquer :

— Nous n’avons encore entendu aucune de vos suggestions, monsieur Hamilton ?

Tous les regards se braquèrent sur Blake qui, loin de s’en émouvoir, adressa à la jeune femme un sourire moqueur. En raison des nombreuses assemblées qu’il présidait, il avait l’habitude d’être le point de mire. Il se cala confortablement sur sa chaise avant de répondre d’une voix assurée :

— A vrai dire, Pêche, je préfère considérer toutes les données du problème avant de prendre une décision.

Lorsqu’elle s’entendit appeler par ce surnom ridicule, Diana sentit son visage s’empourprer sous l’épaisse couche de maquillage blanc. Toutefois, elle résolut d’insister.

— Vous avez bien quelques idées préliminaires ? Elle avait adopté un ton froid, impersonnel. Malgré tout, elle ne put s’empêcher d’ajouter avec espièglerie :

— Prenez garde ! Vous pourriez subir le supplice du seau d’eau !

L’espace d’un instant, Blake fixa Diana d’un regard pénétrant. Puis une expression de franche gaieté se peignit sur ses traits.

— Pitié ! s’écria‑t‑il. Je vais tout vous avouer. Je songeais à un restaurant où nous accommoderions le thon à toutes les sauces. Ce système nous permettrait à la fois de faire de la publicité pour notre produit et de satisfaire le féroce appétit des touristes affamés !

Blake avait mûrement réfléchi à la question et en avait analysé tous les aspects avant de le résoudre.

« Manifestement, songea Diana, M. Hamilton préfère le raisonnement à la spontanéité ! »

Néanmoins, la jeune femme devait reconnaître que

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cette suggestion constituait de loin la meilleure idée.

D’autre part, cet homme s’exprimait avec un calme et une autorité qui laissaient deviner un grand sens des responsabilités et du commandement. Déjà, les autres participants adoptaient la solution à l’unanimité.

— La proposition de M. Hamilton me paraît bonne, déclara Diana. Cependant, elle manque un peu d’ori‑

ginalité. Tâchons d’y apporter quelques améliorations.

La jeune femme risqua un coup d’œil en direction de Blake. Elle s’attendait à ce qu’il réagisse à sa critique, mais il n’en fit rien.

Diana exposa certaines techniques de réflexion en commun qui permettaient de repousser les limites de l’imagination. Bientôt, de nouvelles propositions fusèrent dans un enthousiasme partagé. Blake, lui aussi, se laissait prendre au jeu. A la fin de l’exercice, le restaurant avait trouvé son décor !

Lorsque les membres de l’équipe de Diana se séparèrent pour rejoindre le reste de l’assistance, ils avaient compris en quoi consistait la méthode de la pensée périphérique.

Après que le porte‑parole de chaque groupe eut communiqué le résultat de ses recherches à un audi‑

toire attentif, les clowns présentèrent un mime plein de drôlerie et d’humour.

Blake participait à l’hilarité générale. Cependant, son intérêt se portait particulièrement sur le personnage surnommé Pêche. Il désirait réunir le plus possible de détails susceptibles de l’aider à découvrir la véritable identité de l’inconnue.

Il observa la façon dont elle s’asseyait, jambes jointes, et sa manière de pencher légèrement la tête de côté lorsqu’elle écoutait avec attention. Il avait déjà réussi à évaluer sa taille approximative et devinait, sous le déguisement ample, une silhouette svelte. Toutefois, les beaux yeux bleus de Pêche, ses longs doigts fins et sa

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voix mélodieuse constituaient des indices plus fiables grâce auxquels il ne doutait pas de reconnaître ce clown si séduisant quand celui‑ci aurait quitté ses oripeaux !

Blake avait projeté d’aborder la jeune femme à la fin de la conférence. Hélas ! Diana profita du discours de clôture pour se faufiler dans le fond de la salle.

Jim Williams félicitait l’auditoire.

— Vous avez tous accepté de vous prêter à cette expérience intéressante. Pour vous témoigner notre reconnaissance, nous tenons à vous inviter au cocktail organisé par Management Innovations. Il aura lieu au Pensacola Lounge, de 17 à 18 heures, ce qui vous permettra d’aller ensuite visiter Disney World. Je sais que bon nombre d’entre vous se sont inscrits pour participer à cette excursion. Avant de vous rendre votre liberté, je voudrais vous rappeler que, si vous avez apprécié l’utilité de notre séminaire et que vous désirez bénéficier de cours supplémentaires au sein de votre entreprise, vous pouvez prendre contact avec nous ici, durant toute cette semaine, ou à nos bureaux, à Tallahassee.

Blake attendait la fin de la séance avec une impatience grandissante. Aussi, dès que Jim Williams eut prononcé le dernier mot, se retourna‑t‑il d’un bloc. Hélas ! Les clowns avaient disparu !

Déçu, il jeta un coup d’œil à sa montre. Il disposait de deux heures avant la réception. Il décida de les mettre à profit pour relire ses notes de cours et regagner la propriété qu’il occupait dans Orlando. Cette maison appartenait en réalité à sa compagnie qui l’avait achetée à l’intention de ses employés. La confortable demeure offrant un pied‑à‑terre idéal à tous les amoureux de Disney World.

« Pourquoi ai‑je une telle envie de démasquer ce clown ? se demandait Blake. Cette jeune inconnue

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m’aurait‑elle autant intéressé si je l’avais rencontrée dans d’autres circonstances ? »

Perplexe, il ouvrit la porte de son logement. En toute honnêteté, il devait admettre qu’aucune femme, jusqu’alors, n’avait exercé un tel attrait sur lui.

Arrivé dans sa chambre, il ôta sa cravate et s’assit à son bureau. Cependant, malgré toute sa bonne volonté, il ne parvint pas à se concentrer sur les feuillets couverts d’annotations. Son esprit s’évadait sans cesse vers un visage blanc illuminé d’yeux bleus pétillants. Une voix douce résonnait à son oreille.

Blake n’avait pas vraiment vu la jeune femme. Cependant, il essayait d’analyser le peu d’indices recueillis.

Décidément, la jolie Pêche commençait à l’obséder ! En désespoir de cause, Blake repoussa ses notes et se mit à réfléchir au moyen d’identifier l’inconnue. Le cocktail de Management Innovations lui offrait une occasion inespérée !

Pendant ce temps, Diana Adams se préparait pour la réception dans sa chambre d’hôtel. Au bout d’une demi‑

heure d’un démaquillage acharné, elle avait réussi à ôter son masque de peinture blanche. Une douche prolongée avait effacé toute trace de teinture sur ses cheveux.

La jeune femme jeta un regard soulagé au miroir.

Elle avait enfin retrouvé figure humaine, et sa chevelure coiffée en queue‑de‑cheval mettait en valeur l’ovale parfait de son visage.

Elle enfila une robe chemisier dont la couleur rose saumon s’harmonisait parfaitement à la douceur de sa peau claire. Puis elle posa une touche d’ombre grise sur ses paupières et appliqua un rouge tendre sur ses lèvres.

Ce soir, elle avait projeté de visiter Disney World,

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aussi préféra‑t‑elle se chausser d’une confortable paire de sandales.

Avant de partir, Diana s’admira une dernière fois dans la glace.

« Quelle métamorphose ! se dit‑elle. Qui pourrait imaginer qu’il y a deux heures à peine je jouais le rôle d’un clown ? A présent, mieux vaut oublier cet épisode plutôt embarrassant ! »

Elle épingla le badge portant son nom et se jura bien de ne plus jamais tenter ce genre d’expérience !

Dix minutes plus tard, elle discutait avec un jeune homme blond. Celui‑ci ne cessait de lui poser les ques‑

tions d’usage dans une réception de séminaire. Diana commençait à se lasser de la banalité de la conversation lorsque son regard s’arrêta soudain sur un nouvel arri‑

vant. Blake Hamilton !

La jeune femme sentit les battements de son cœur s’accélérer. Elle dut se retenir pour ne pas courir au‑devant de Blake qui, avec son polo vert kaki et son pantalon en toile beige, semblait encore plus viril.

Diana se souvint alors dans quelles circonstances elle avait rencontré cet homme, et une subite honte empourpra ses joues.

« Après ta conduite de cet après‑midi, comment pourrais‑tu lui adresser la parole ? se dit la jeune femme.

Il a déjà, sans doute, une opinion fort peu flatteuse de toi ! Tu t’es comportée en sotte frivole. Maintenant, il faut en assumer la responsabilité ! »

De par sa profession, Diana connaissait l’importance des premières impressions. En abordant Blake une seconde fois, elle ne ferait qu’aggraver les choses !

Elle demeura donc immobile tandis que Blake scru‑

tait la salle, visiblement à la recherche de quelqu’un.

Pourtant, il ne semblait pas avoir de rendez‑vous. Tout à coup, Diana se raidit. Mais bien sûr ! Comment n’y

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avait‑elle pas pensé plus tôt ? Cet homme cherchait à découvrir qui se cachait derrière le surnom de Pêche !

A cet instant, son interlocuteur l’interrogea de nouveau.

Elle n’entendit pas sa phrase.

— Excusez‑moi, bredouilla‑t‑elle. Je viens d’aper‑

cevoir une personne que je désire éviter.

— Je vous demande pardon ?

— Ce n’est rien ! J’ai eu plaisir à bavarder avec vous, et j’espère que le reste des conférences vous plaira.

Il lui fallait absolument partir ! Blake commençait à inspecter la partie de la pièce où elle se trouvait ! Si elle ne bougeait pas, il aurait vite fait d’en arriver à elle !

La jeune femme s’obligea à marcher avec le plus de naturel possible vers l’immense table sur laquelle se dressait le buffet. L’angoisse lui ôtait toute envie de manger. Cependant, Diana feignit le plus grand intérêt pour les victuailles exposées devant elle.

Elle grignota quelques toasts du bout des lèvres tout en surveillant du coin de l’œil les allées et venues de Blake.

Celui‑ci avait rejoint un groupe d’invités et discutait avec deux jeunes femmes qu’il examinait à la dérobée.

Diana en conclut qu’il n’avait pas encore recueilli un nombre suffisant de preuves pour la reconnaître à coup sûr. Elle n’en resta pas moins sur ses gardes. Depuis cet après‑midi, elle savait qu’il valait mieux ne pas se fier à l’apparente décontraction de cet homme.

Pour chasser son inquiétude, elle se mit à converser avec ses voisins, mais elle ne parvenait pas à se concentrer sur la discussion. De temps à autre, elle risquait un regard inquiet en direction de Blake qui ne cessait d’observer les entrées et sorties des invités.

Diana se disait qu’en réalité elle avait trop présumé de son déguisement et que, pour chercher avec tant d’obstination, Blake avait dû repérer certaines de ses attitudes. Allait‑il la prendre au piège ?

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Absorbée par ses pensées, elle n’avait pas vu s’approcher le petit homme chauve qui faisait partie de son équipe pendant le cours de Jim Williams. Il la salua et, après avoir lu son badge, demanda :

— Ainsi, vous travaillez pour Management Innovations ?

— En effet, répondit Diana en penchant légèrement la tête de côté.

— Je tiens à vous féliciter pour la conférence sur la pensée périphérique. Je ne m’attendais pas à en tirer autant d’enseignements !

— Merci. Je transmettrai vos compliments à Jim Williams.

— Y participiez‑vous ? J’ai beaucoup apprécié la mise en scène.

— J’ai entendu parler de cette idée originale, fit Diana, prudente.

En son for intérieur, la jeune femme jubilait. Ainsi, cet homme ne l’avait pas reconnue ! Il restait donc un espoir !

Toutefois, mieux valait s’éclipser du cocktail afin de réduire les risques au maximum. Pour détourner l’atten‑

tion, Diana résolut de gagner tout d’abord le vestiaire.

Elle prit congé de son interlocuteur. Alors qu’elle se retournait, elle heurta un invité…

Blake Hamilton ! Il avait dû se poster derrière elle pour écouter la conversation !

Elle bredouilla une excuse et se précipita dans le vestiaire.

Lorsqu’elle ressortit, quelques minutes plus tard, Blake s’appuyait nonchalamment contre le mur opposé. Dès qu’il la vit, il se redressa, et l’expression de triomphe qu’elle lut dans ses yeux gris la remplit d’appréhension.

A cet instant, elle comprit qu’il l’avait démasquée…

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