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(1)

78e ANNEE - No 4387 ,

HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE

ÉDITEURS:

6 JANVIER 1963

, LIRE DANS CE NUMERO :

~ _iè. ~

.. __ a\ __ ' .. droit: Le recours entre membres du personnel

e ntême entreprise en cas d'accident causé sur le minlctu travail.

Edmond Picard 1882 - 1899 Léon Hennebicq

1900 - 1940

MAISON FERD. LARCIER, S. A.

39, rue des Minimes BRUXELLES

~

ue judiciaire : Cours et Conférences : Les navu_· es

'f:· - ulsion nucléaire et le droit. - La robe prétexte : ',· e ne Barreau et le Marché commun. - Correspon-

~· ance:',,Les problèmes de: la contraception. -Notes de législation. ~ Coups· de règle. - Il y a 75 ans : Extra- dition entre la Belgique et la }Prance. - Bibliographie : De burgerlijke aansprakelijkheid bij arbeidso.ngevallen.

-Echos.

Le droit aux loisirs dans le travailleur. t:,t cette fois, ce n'est plus simplement <<le repos nécessaire au

travail~);

c'est le «repos nécessaire à l'homme» :

il

faut que le travailleur ·«dispose des loisirs néceSISaires pour jouir dans des circonstances normales, de la vie de famille et des déclasse- ments offerts aux autres citoyens » (7). L'in- terruption du travail est considérée non plus comme une préparation au travail mais comme une nécessité attachée à la qualité d'homme, de père de famille, de citoyen.

«On en vient enfin à respecter en lui (le travailleur) la dignité humaine» (8).

Dans un article consacré à la charte sociale européenne, nous avons regretté que cette dernière ne dise mot du droit aux loisirs. En songeant à la paresse, à l'oisiveté, on nous a demandé si le droit aux loisirs était un nou- veau « droit social

>>

et si, paradoxalement, il allait prendre place dans le droit du tra- vail.

* * *

Le droit aux loisirs_ n'est pas un paradoxe.

Il bénéficie d'une consécration solennelle dans la déclaration universelle des droits de l'homme: «Toute personne a droit au repos et aux loisirs ...

»

(art. 24). L'assemblée con- sultative du conseil de l'Europe considère les loisirs comme un des graves problèmes; elle en a confié l'étude à une commission spéciale en déclarant : «son importance le mérite bien ... )) (1). A l'époque dite de la « semaine des trois huit» (huit heures de travail, huit heures de repos,. huit he1-1res de loisirs) on avait créé, en France, un «sous-secrétariat aux loisirs». Dix ans plus tard, la Constitu,..

tion française du 27 octobre 1946 proclame en termes

généraux~

dans son préambule, que la nation française garantit à tous les loisirs.

Le dictionnaire de droit social (Dalloz, 1961) y consacre tout un verbum. Enfin, la der-, nière encyclique papale, Mater et Magistra, range parmi les droits personnels, le droit à un repos convenable ... , à la récréation ( 2).

Qu'est-ce que le loisir? Dumazedier lui a

consa.~ré

un ouvrage dont la lecture offre des perspectives intéressantes sur l'organisation future de la société. Le titre de cet ouvrage est déjà _tout un programme : « Vers une civilisation du loiJSir ». L'auteur y définit le loisir sous trois aspects (3). Le loisir est d'abord un délassement; il peut être un diver- tissement; il est parfois un développement.

La première fonction du loisir est de délasser c'est-à-dire de délivrer de la. fatigue résultant du travail quotidien; c'est une fonction de récupération. La deuxièmè fonction du loisir est de faire disparaître l'ennui résultant de la monotonie du travail quotidien. Enfin, sa troisième fonction est de déveiopper la per-

(1) Compte rendu officiel de l'assemblée con- sultative du Conseil de l'Europe du 19 janvier 1960, pp. 625, 629 et 664.

(2) Mater et Magistra, Ed. La pensée catholique, Brux., 1961, n° 61.

(3) Dumazedier

J.,

'Vers une civilisation du loisir, Ed. du Seuil, Paris, 1962, pp. 27 et sq.

sonnalité en donnant à l'individu l'occasion d'acquérir un rStyle de vie personnel et social.

Nous voici dès lors très éloignés de la paresse et de l'oisiveté auxquelles songeait notre in- terlocuteur.

*

* *

Demandons-nous à présent si le loisir est un nouveau droit social ?

Le législateur du XIXe siècle ne s'y est guère intéressé. Les longues journées

d~­

vaient, croyait-on, assurer une production à la mesure du développement industriel de l'époque. Le loisir que .l'on confondait avec l'oisiveté, était considéré comme la cause de toutes les miséres. Certains esprits particu- lièrement prévoyants protestaient; mais le lé- gislateur refusait d'intervenir à prétexte ... de ne pas vinculer la liberté du travailleur.

Le loisir, en tant que délassement, entre dans la législation sociale en 1905, exactement le 17 juillet, par la promulgation de la loi sur le repos du dimanche dailJS les entreprises industrielles et commerciales. Interdiction est faite désormais d'occuper au travail, le di- manche, des personnes autres que les mem- bres de la famille de l'employeur assujetti. Le droit au repos du dimanche est considéré comme

« sacré >>;

le mot est employé par le rapporteur de la commission sénatoriale ( 4).

Quelques années plus tard, en 1921, le législateur fait la loi des huit heures .. D'au- cuns justifient la nécessité d'un équilibre entre le travail et le repos par le souci de ne pas enlever «avant le temps à la production les ouvriers affaiblis par des journées de tra- vail excessives » (5). Ce souci, même s'il doit bénéficier aux ouvriers, reste étranger à la personne même du travailleur; c'est la pro- duction qui compte. Comme les machines, il a- besoin de repos.

Mais il serait faux de croire que cette seule considération ait inspiré les auteurs de la loi.

L'exposé des motifs dit textuellement que

«le travail n'est pas une marchandise>> et que le travailleur « ne saurait être asssimilé à une machine dont il importe de tirer le maximum de rendement» (6). Voici donc qu'apparaît le désir de coilJSidérer l'homme

(4) L. 17 juill. 1905, rapp. au Sénat, Pasin., 1905, pp. 281-282.

(5) L. 14 juin 1921, Exposé des motifs, Pasin., 1921, p. 293·

(6) L. 14 juin 1921, ib. loc., op. cit.

Par ailleurs, la nécessité d'accorder au tra- vailleur des interruptions de travail est encore justifiée, dans les travaux préparatoires de la loi de 1921, par l'opportunité de généraliser l'enseignement professionnel (9). Ici encore, c'est l'homme qui est en cause et non plus le rendement du travailleur.

On peut ainsi constater que le droit aux loisirs, sous son triple éllspect de délassement, de divertissement et de développement se trouvait déjà inscrit en filigrane dans la législation sociale belge de 1921.

Les choses en sont demeurées là jusqu'en 1936. A la suite des grèves survenus durant cette année, l'obligation des vacances annuel- les fut établie. Le progrès est notoire. Il ne s'agit plus de limiter la journée de travail, ni d'assurer au travailleur un repos hebdo- madaire mais de lui accorder des

«vacances~>.

Le mot implique l'idée· d'une plus longue période de repos et aussi d'une « distrac- tion », d'une occasion pour lui de se dégager de ses préoccupations quotidiennes.

C'est de cette époque que date l'office na- tional des loisù·s des travailleurs.· Nous en avons trouvé la mention dans les Pandectes Belges (v

0

Vacances, n° 5) sans pouvoir toute- fois en retrouver la trace dans la législation.

En revanche, l'arrêté royal du 7 mai 1937 crée un office national des vacances ouvrières (1 0). Son objet est de « promouvoir tout ce qui est de nature à procurer, aux bénéficiaires de la loi du 6 juillet 1936 et à leur famille, des vacances saines, récréatives et éduca- tives)). La triple fonction du loisir (délasse- ment, divertissement, développement) se re- trouve dans cet objet. De plus, il vise non seulement le travailleur mais également sa famille.

(7) L. 14 juin 1921, Exposé des motifs, Pasin., 1921, p. 293·

(8) Ibid., p. 296.

(9) Ibid., p. 295.

(10) A. R. 7 mai 1937, Pasin., 1937, p. 104.

1

(2)

La mission de l'office est «de déterminer les conditions et les méthodes de l'interven- tion de l'Etat en vue de créer des centres de vacances, des homes de vacances, des auberges de jeunesse, des zones de camping ... en vue de créer des moyens de logement ... Il suscite ou encourage les projets et les réalisations des organismes privés, syndicaux, touristiques, sportifs, hôteliers, culturels et généralement quelconques

s'intéres~ant

aux vacances popu- laires... Il publie éventuellement un bulletin périodique d'information... touristique, hô- telière, culturelle... Il organise la propagande en vue des vacances ouvrières... Les attribu- tions ci-dessUJS sont explicatives mais non limi- tatives ... » C'est, à n'en plus douter, la con- sécration officielle du droit aux loisirs du travailleur puisqu'aussi bien l'Etat lui-même entend intervenir pour réaliser les meilleures conditions possibles pour la jouissance de ce droit.

Il y a plus. Les vacances .annuelles sont des « congés payés» ce qui signifie que le salarié, naguère payé en contrepartie et à la·

mesure de son travail, est dorénavant payé pour ne pas travailler.

On ira plus loin encore. Le législàteur obli- gera l'employeur à payer à l'employé le double pécule de vacances. Dans la perspec- tive du droit aux loisirs, cette obligation lé- gale avait une signification particulière. Pen- dant cette période de repos annuel, le tra- vailleur bénéficie, bien qu'il ne travaille pas, d'une rémunération supérieure à celle qu'il touche en contrepartie de son travail. C'était marquer d'une manière expressive l'intérêt que le législateur portait aux loisirs du tra- vailleur. Il admettait en effet qu'à l'occasion de ses vacances, le travailleur· était amené, pour assurer une utilisation complète de ses loisirs, à faire plus de dépenses qu'en période de travail. Il entendait lui permettre de le faire, sans déséquilibrer son budget ordinaire.

En 1947, un arrêté-loi institue le paiement du salaire normal pour les jours fériés. A la base de cette loi se trouve cette considération que, pour des motifs religieux, familiaux ou sociaux, il est d'usage de ne pas travailler ces jours-là. Le salarié doit pouvoir respecter œt usage sans être pénalisé, c'est-à-dire sans perdre son salaire. Ce n'est donc plus une nécessité que l'on retient, mais un usage, une convenance.

Ces convenances sont également traduites

dans la réglementation récente des « petits chômages». Ainsi, les évenements de la vie de famille du travailleur l'autorisent à s'ab- senter

« avec maintien de son salaire nor-

mal». Ces convenances sont largement com- prises : décès, mariage, ordination, commu- nion solennelle, a,ccouchement de l' époUJSe et même participation d'un enfant à une fête de jeunesse.

On parle dans certains milieux de « congés- éducation» ou «congés culturels>> destinés aux travailleurs qui veulent acquérir une for- mation complémentaire.

* * *

A côté de la législation sociale proprement dite, on peut encore rappeler la réglementa- tion relative à l'allocation de subventions en vue de promouvoir les: vacances ouvrières et le tourisme populaire (A.R., 23 janv. 1951 et 2 mars 1956), la loi du 2 mars 1954 et les arrêtés royaux relatifs au camping.

·Le ministère de la prévoyance sociale (caisse nationale des vacances annuelles) et le com- mis1sariat général au tourisme éditent, cha- que année, une brochure intitulée : Vacances pour tous. Elle signale la liste des associa- tions de tourisme reconnues qui bénéficient des subventions de l'Etat. L'adhésion à ces associations reconnues procure divers avan- tages aux adhérents : réduction pour les voyages en chemin de fer, réduction de prix dans de nombreuses entreprises touristiques.

On sait aUJSsi le succès des associations dites de tourisme social instituées notamment par la F.G.T.B. : «Vacances de santé» et par le M.O.C. : «Loisirs et vacances>>.

* *

*

Nous pouvons présentement conclure. Le droit aux loisirs est illiScrit dans la législation sociale belge et il ne s'y trouve pas d'hier.

Ce droit se manifeste sur le plan de la réalité sociale notamment par la participation mas- sive de la population aux activités dites de loisir. Septante mille personnes assistaient au match Real de Madrid-Anderlecht! Nos que- relles linguistiques, cependant si dangereuses et si décevantes, n'ont pas mobilisé tant de citoyens. Mais . avec cette observation, noUJS quittons le terrain du droit. La parole doit être cédée aux sociologues.

1

Marcel

TAQUET.

LA VIE DU DROIT

(?

·Le recours

entre membres du personnel d'une même entreprise en cas d'accident causé sur le chemin du travail

INTRODUCTION.

L'article 19, alinéa 3, des lois sur la répa- ration des dommages résultant des accidents du travail, coordonnées par l'arrêté royal du 28 septembre 1931, déclare : « Indépendam- ment de l'action résultant de la présente loi, la victime et les ayants droit conservent~ con- tre · les personnes . responsables de l'accident mitres qzie le chef d' enireprise ou ses ouvriers

et préposés, le droit de réclamer la réparation du p~réjudice causé, conformément aux règles du droit commun )).

L'alinéa 8 du même article ajou te toute- fois : «Les dommages et intérêts ne seront en aucun cas cumulés avec ces réparations ».

La question se pose si l'immunité civile dont jouissent les membres du personnel d'une même entreprise en cas d'accident du travail

'---- et décrétée par l'alinéa 3 de l'article 19 - est._ applicable en · cas d'accident survenu sur le chemin du travail.

* * *

A.

ETUDE DES DOCUMENTS LEGISLATIFS.

l. -

La

naissance de l'arrêté-loi du 24 dé- cembre 1941.

Lè rapport précédant la discussion de ·la loi sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail et rédigé par M. Van Cleemputte au nom de la section centrale (Doc. parl., Ch. 1901-1902, p. 89) contient le passage suivant : « L'accident survenu à l'ou- vrier, lorsque celui-ci a quitté son foyer et, se rend au travail, lorsqu'il a quitté le travail et rentre chez lui, n'est pas survenu dans le cours de l'exécution du contrat; dons ce cas, l'ouvrier n'est plus que « l'homme privé >>,

exposé aux accidents qui menacent chacun; il est ju.ridiquement indépendant et ne peut, par conséquent, se prévaloir du contrat à fégard du patron)). (p. 109, XXX).

Aux termes de ce rapport l'è:mwier se trou- vant sur le trajet qui relie le lieu de sa rési- dence à celui du travail, ne peut se prévaloir du contrat de travail à l'égard de son chef d'entreprise. La loi de 1903, édictJant des obli- gations consécutives à l'exécution du contrat de travail ( 1) est donc inapplicable lorsque l'ouvrier, victime de l'accident, se trouve hors du cours de cette exécution, comme par exem- ple sur le trajet qu'il parcourt ·pour aller vers son travail ou en revenir.

Vint la seconde guerre, et, corrélativement, l'aggravation des risques courus par l'ouvrier sur le trajet précité. Cette aggravation de ris- 9:ue ayant de graves conséquences pour les travailleurs, le législateur décida d'instaurer des mesures - temporaires - de protection en faveur de ces travailleurs qui se trouvaient dans la nécessité de parcourir un trajet dan- gereux.

Ainsi naquit l'arrêté-loi du 24 décembre

· 1941 (2) sur la ,réparati~n des dommages ré- sultant des accidents survenus sur le chemin du travail.

2. - Application mais non extension de la loi sur les accidents du travail.

Par l'arrêté-loi du 24 décembre 1941, le législateuT rend la législation sur la répara- tion des dommages résultant des accidents du travail applicable aux accidents survenus sur le « chemin du travail».

. Mais, comme le ·font remarquer les consi- dérations générales précédant l'arrêté, « Il importe toutefois de noter que l'arrêté ne mo- difie pas la législation de base des accidents du travail et n'en constitue pas une extension.

Il applique, par similitude de situations, les principes de cette législation aux· risques d'accidents nés de la guerre et des dangers accrus des déplacements des travailleurs>>.

La législation sur les accidents survenus sur le chemin du travail n'est donc pas la prolongation de celle sur les ac-cidents du travail; il n'y a pas d'assimilation entre le régime de la réparation des deux catégo,ries

d'accidents. ,

Les considérations générales précisent :

« En ce qui concerne les modalités de répara- tion, il est paru opportun de s'inspirer de la législation sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail». _ '

(1) Rapport Van Cleemputte, p. II8 : cc Le. légis- lateur, en vérité, se borne à décréter l'application loyale, logique, de la règle déposée dans l'art. II35 du Code civil : cc les conventions obligent· non seule-

» ment à ce qui y èst exprimé, mais encore à toutes

»les suites que l'é11uité, l'usage ou la loi donnent à

»l'obligation d'après sa nature». Notre projet de loi ne fait que développer les suites du contrat de travat1, d'après la règle d'éternelle raison exprimée par- l'art.

1135 du Code civil».

(2) Moniteur du 8 janvier 1942.

(3)

4~

En conclusion, la législation sur les acci- dent!!- survenus sur le chemin du travail est une législation indépendante, dont les moda- lités de réparation sont pareilles à celles pré- vues pour les accidents du travail. Le légis- lateur ayant estimé celles-ci adéquates, il les déclara applicables aux « accidents survenus sur le chemin du travail », mais il jugea su- perflu de reproduire textuellement tous les articles réglant ladite réparation. Il renvoya simplement aux dispositions de la loi sur les accidents du travail.

L'arrêté-loi réglant la réparation des acci- dents survenus sur le chemin du travail est une législcition existant par elle-même, indé- pendante, et faisant partie d'un ensemble lé- -P:islatif où est comprise, au même titre, la loi réglant la réparation des accidents surve- nus au cours de l'exécution du contrat de travail.

3. - La réparation forfaitaire est légale et non contractu~IIe. ·

L'arrêté-loi du 24 décembre 1941 impose au chef . d'entreprise la charge des indemni- tés forfaitaires légales à titre de réparation des dommages causés par les « risques inhé- rents au chemin du travail ».

Cette réparation forfaitaire n'est .pas con- tractuelle : elle est légale; elle ne découle pas du contrat. de travail, mais de la loi, de la volonté du législateur - comme c'est d'ail- leurs le cas pour la loi de 1903. C'est le lé- gislateur qui constata les conséquences de }!exécution du contrat de travail, et les fixa dans la loi de 1903. C'est lui aussi qui décida de protéger les travailleurs sur le « chemin du travail », ceux-ci étant hors de l'exécution du contrat et ne pouvant invoquer la loi sur les accidents du travail.

,·4. ?t-

Base de la réparation. - Solidarité so-

l..--' .ciale et non industrielle.

...

\.

Si. le législateur a tenu à mettre l'accent sur le fait que l'arrêté-loi de 1941 ne constitue pas une extension de la loi sur les accidents du travail, la raison en est que la base de la réparation forfaitaire légale imposée au.

chef d'entreprise en cas d'accident survenu sur le chemin du travail est différente de celle imposée eil cas d'accidents survenu au cours et par le fait du travail.

Le rapport au Régent précédant l'arrêté- loi du 13 décembre 1945 (3) déclare à ce sujet : «Il faut remarquer d'autre part que les chefs d'entreprise sont chargés de la ré- paration prévue en vertu d'une notion de solidarité sociale et non en raison d'une res- ponsabilité quelconque qui ne peut leur être imputée puisque les travailleurs ne sont plus

· sous leur surveillance ».

Il ne peut, en effet, plus être question de mettre l'indemnité forfaîtaire à charge du chef d'entreprise en vertu de sa responsabi- lité personnelle ou industrielle. Si, dans le domaine des accidents survenus au cours de l'exécution du contrat de travail et par le fait de ce contrat, il peut encore subsister quelques. liens, - si larges soient-ils - entre les causes d'accidents et la responsabilité per- sonnelle ou industrielle du chef d'entreprise,

· tel n'est plus le cas dans le domaine des acci- denL<> survenus sur le chemin du travail, où l'autorité patronale ne s'exerce plus.

Le législateur impose la réparation forfai- taire au chef d'entreprise en vertu de la « so- lidarité sociale», c'est-à-dire en vertu de la solidarité unissant le chef d'entreprise à ses travailleurs qui se trouvent dans la nécessité de parcourir un trajet semé de risques (4) afin de pouvoir venir exécuter leur contrat de ,, travail.

Il est fort important de remarquer que (3) L'arrêté-loi du 13 décembre 1945 prolonge le temps d'application de l'arrêté du 24 décembre 1941 (Moniteur du 16 février 1946). .

(4) Initialement : risques de circulation accrus par la guerre; ènsuite, risques de circulation par temps normal.

c~~Udarité est un

Ji

en entre le chef d'en-

!!:_epri,se et ses travailleu-rs-;--et -~~-ll::·nrr·lien des JrayJ!!lleurs entre emt..!d_g!!.Lc'est le cas au .

cours de l'exécution é)u contra.t _.de travail.

Cette solidarité qui unit les travailleurs au cours du travail dans la même entreprise, sous l'autorité patronale et pour le compte d'un même chef d'entreprise, n~ .. ~ur le chemin du travail; dans ce dernier cas, les travailleurs ont recouvré leur liberté indi- viduelle; l'esprit d'équipe et de solidarité in- dustrielle qui les unissait est remplacé par un esprit de liberté et d'individualité, chacun ayant terminé le travail et rentrant chez soi (ou venant de chez soi et allant vers le lieu du travail). Au cas où un tr~leur suit le

l!l-.ê

e chemin-u-- mpagnon e__t;Dlvail, le lien qui les unit est la raternité, et non IaSôTiâante mdustri~- le~-que deux compagnons de travail suivent le même chemin est en effet une circonstance de hasard, et IWn~~liridique telle que l'exécutiOn du contrat de travail.

5. -

Pas sous l'autorité patronale.

Au C(}urs de l'exécution du contrat de tra- vail, le travailleur se trouve toujours sous l'autorité patronale, c'est-à-dire sous l'auto ...

rité, la direction et la surveillance du chef d'entreprise (5) : toujours de droit, et sou- vent de fait. ·

En .effet, le rapport Van Cleemputte dé- clare ( 6) : « L'exécution du contrat de tra- vail est en cours, au sens du texte, dès que commence et aussi longtemps que perdure le pouvoir patronal de direction et de surveil- lance que suppose la convention d'après la loi précitée » (loi du 10 mars 1900 sur le contrat de travail).

L'ouvrier sur le chemin du travail n'étant pas dans le cours de l'exécution de ses fonc- tions (7), n'est jamais sous l'auto14ité patro- nale de son chef d'entreprise. Lorsque ce dernier lui demande d'exécuter un travail au . cours du trajet, l'ouvrier ne se trouve à ce moment plUJs sur le « chemin du travail », mai!' (( au cours de l'exécution de son contrat de travail» et donc de jure sous l'autorité patronale de son employeur.

Sur le chemin du travail, l'ouvrier est en

3

ainsi qu'il faut entendre, en droit, l'autorité patronale dont parle l'article 1er (8).

» Les termes employés dans la loi signi- fient que l'ouvrier reste, en fait, sous la surveillance du patron, sous son autorité effective, telle qu'elle résulte du contrat, cet ouvrier doit se soumettre aux ordres et in- structions du patron. Toutes les autres actions de l'ouvrier, posées en dehors de cette sur- veillance ou de cette direction, ne regardem en rien le patron. En dehors des limites de ce que comporte le contrat (9), il n'y a point d'obligations juridiques entre parties (10) » En deho·rs de l'exécution du contrat, l'ou- vrier n'a donc aucun droit et aucune obliga- tion juridique à l'égard de son chef d'entre- prise, et vice versa. Ainsi, lorsqu'u;n travail- leur se rend coupable d'actes d'improbité ou d'injures graves à l'égard de son employeur, en dehors de l'exécution de son contrat, ce dernier ne peut le congédier sans préavis (Il) . 7 . - Le chef d'entreprise n'est pas civile-

ment responsable.

Le lien de subordination est inexistant en- tre l'ouvrier sur le chemin du travail et son employeur, ce dernier n'exerçant pas son autorité patronale. Ce chef d'entreprise ne peut donc être déclaré civilement responsa- ble des actes commis par son ouvrier ou pré- posé au cours du chemin du travail, comme en tout autre endroit où ces derniers se trou- vent hors de l'exécution de leur contraL

En effet, les chefs d'entreprisè ne sont civile- ment responsables - en vertu 'de l'article 1384 du Code civil - , que « du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonc- tions auxquelles ils les ont employés » (12).

Dans un arrêt du 24 décembre 1951 (Pas., 1952, I, 213), la Cour de cassation exprime clai- rement le rapport existant entre l'autorité pa- tronale, le lien de subordination et l'article 1384 dù Code civil : « pour l'existence du rap- port de dépendance ou de subordination qne suppose la responsabilité prévue par l'article 1384 dn Code civil, il suffit que la personne déclarée civilement responsable ait, en fait, le pouvoir de donner des ordres ou instructions à l'auteur du dommage >>.

effet libre même , de . ,·ure ' de toute autorité

'

8 . - L'ouvrier sur le chemin du traTail

' . . .

,..

direction et surveillance de son chef d'entre- n est m un « ouvner », m un. «pre- prise; il est libre de suivre le parcours qu'il posé ».

désire, de faire tous les détours et toutes les Il n'existe aucun lien de subordination entre haltes voulues; il est libre de remplir ou non le travailleur sur le chemin du travail et le chef les conditions imposées pour l'application de d'entreprise avec lequel il a conclu le contrat;

l'arrêté-l.oi de 194!; s?.n chef d'ent~eprise ne

cet ouvri~r n'a donc pas l!' ,qualité juridiq~ ~ peut exiger de lm qu Il se rende directement « prépose » au sens donne a ce terme par l artr.- au travail, ni qu'il s'en retourne directement cle 1384 du Code civil, c'est-à-dire « la person- chez lui, une fois celui-ci terminé. ne unie au chef d'entreprise par un lien de

C'est pour la raison d'absence d'autorité préposition en tant qu'elle engage par son fait, patronale que le législateur impose à la vic- la respons;bilité du maître ou commettant », time qui invoque ·l'arrêté de. 1941, le fardeau << la personne du fait de qui elles (les règles du complet de la preuve, c'est-à-dire du «che- droit civil) rendent responsables à l'égard

de

min normal» et du «risque inhérent» à ce qui existe le lien de subordination» (13).

chemin. Or, le sens du terme «préposé>> de l'article

6. - Pas de lien de subordination.

Etant en dehors de la sphère de l'autorité patronale, il n'existe aucun lien de subordi- nation entre l'ouvrier sur le chemin du tra- . vail et son employeur.

Les travaux préparatoires de la loi du 10 mars 1900 sur le contrat de travail disent explicitement·· : « Il faut noter, à l'article 8, Ja disposition qui. fait à l'ouvrier le devoir d'agir conformément aux ordres et instruc- tions qui lui sont données par le chef d'en- treprise ou ses préposés, en vue de l'exécution du contrat. Ces derniers mots ont leur impor·

tance : ils marquent que la subordination de l'ouvrier, vis-à-vis du chef d'entreprise, est contenue tout entière, au point de vue juridi- que, dans les bornes du contrat même. C'est

(5) Art. 1er de la loi du 10 mars 1900 sur le con- trat de travail.

(6) Rapport précité, p. 107, XXVII.

(7) Voir Rapport Van Cleemputte, passage précité extrait de la page 109.

19, alinéa 3, de la loi. sur les accidents du tra- vail est le même que celui du terme du Çode civil (14).

En ce qui concerne les « ouvriers », ces

rr-

gles sont également applicables; les travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1903 sur (8) «Exposé des motifs», Doc. par/., Ch., ;1896- 1897, p. 82: M. Nyssens.

(9) c:est-à-dire les stipulations de la loi sur le con- trat de travail, celles du contrat conclu entre les par- ties, et les usages.

(10) Surmont .de Volberghe, Ann. pari., Sénat, 1899-1900, p. 225.

(11) Déclaré explicitement par M. Tournay, Atm.

pari., Sénat, 1899-1900, p. 244·

(12) Voir à ce sujet les arrêts de la Cour de cassa- tic;m des 4 janvier 1954 (Pas., I, 375) et 16 janvier 1956 (Pas., I, 467).

(13) Cour de cassation, arrêt du 4 janvier 1954, Pas., I, 375·

(14) Dixit la Cour de cassation dans les arrêts des 22 novembre 1915 (Pas., 1915-1916, I, 431), 4 jan- i vier 1954 (Pas., I, 375) et I I mai 1959 (Pas., I, ~16).

(4)

les accidents du travail déclarent : « Est-ce que l'ouvrier se trouve sous l'autorité, sous là di- rection et sous la surveillance du patron ? Si oui, c'est un ouvrier~.. Lorsque le travaüleur ne 3e trouve pas .sous l'autorité, sous la direc- .,ion ou sous la surveillance du patron, il n'est plus ouvrier au sens spécial de la loi de 1900 » .••

« Or, c'est dans cette dernière loi qu'il faut reehercher la· signification du mot « ouvrier » (15).

Ces dispositions valent également en ce qui eoncerne le chef d'entreprise; le rapport fait au nom de la section centrale par M. Hoyois dé- clare (16) : « ... l'obligation du patron persiste néanmoins, aussi longtemps qu'il est, comme

tel~ en présence de l'autre partie du contrat».

Certains auteurs estiment cependant que la qualité de chef d'entreprise, d'ouvrier ou de préposé subsiste durant le parcours du chemin du travail.

Cette doctrine invoque à cet effet les argu- ments suivants : M. Horion (17) différencie la portée des termes « ouvrier » et « préposé »;

l'auteur déclare : la qualité d'ouvrièr est « in- délébile et lui est attribuée à tout moment et

sans

interruption tant que dure le contrat >>;

l'employé conserve sa. qualité << tant que dure son contrat d'emploi, même aux moments où il n'est pas dans le cours de l'exécution du contrat d'emploi» (p. 248); la qualité de loca- teur de services subsiste « tant que dure son contrat de travail, même en dehors des pério- des consacrées à l'exécution des obligations qui résultent de ce contrat>>.

S. David (18) déclare ne pouvoir se rallier sans réserve à la thèse de M. Horion (p. 217) et identifie les termes « ouvrier >> et « préposé >>

utilisés par l'artiéle 19, alinéa 3 (p. 218). Ra- menant la portée de ces termes à ses limites (l'exécution des fonctions), l'auteur estime que l'immunité civile du personnel d'une entreprise en cas d'accident de trajet, n'est possible qu'en appréciant la qualité d'ouvrier et de « prépo- sé >> par référence à celle qui existe au cours du travail (p. 220-221).

S. Rouffy (19) déclare que ce n'est pas la qualité de préposé suivant le droit civil qui est applicable puisque le travailleur n'est plus sous la subordination du patron, mais une notion spéciale, fictive, propre à l'accident. « La qua- lité de chef d'entreprise, de préposé ou d'ou- vrier n'existe plus sur le chemin du travail; elle n'existe que par référence au lien qui existe pendant le travail ».

G.

Wets (20) déclare que le personnel d'une entreprise conserve sa qualité de préposé en vue de l'application de la législation· sur le che- min du travail. Il existe un lien de préposition entre le patron et l'ouvrier, mais sans exercice, à ce moment, de l'autorité patronale.

Nous estimons cependant que les thèses déve- loppées ci-dessus - en faveur de la qualité de

« chef d'entreprise, d' ouVI'ier ou. de préposé » aux membres d'une entreprise qui parcourent le

c chemin du travail» - , sont la conséquence d'un apriorisme : notamment l'application de l'immunité civile prévue par l'article 19, alinéa 3, de la loi sur les accidents du travail, en cas d'accident de trajet.

La doctrine en faveur de cette immunité paraît chercher à interpréter les termes lé- gaux - chef d'entreprise, ouvrier pré- posé - dans le sens qu'elle s'est choisi, opérant une différenciation entre les termes « ouvrier » et « préposé "• et élargissant la portée de ceux- ci.

Nous croyons pouvoir au contraire affirmer"\, qu'il y a lieu d'identifier les mots

«

ouvrier»

(15) Ann. parl., Sénat, 1903-1904, p. 88. Ministre Francotte.

(16) Doc. parl., Ch., 1897-1898, p. 210. . (17) R. C.

J.

B., 1954, pp. 235 et s.; 1955; p. 374, n° 129, in fine.

(18) «Responsabilité civile et risque profession- nel» (Larcier, 1958, pp. 215 et s.).

(19) R. G. A. R., 1953, 5200 et 1955, 56oo.

(2o) B. A., 1951, 354·

et « préposé )), en ce qui concerne leur champ d'application, et ce dans le sens donné à ce der- nier terme par l'article 1384 du Code civil.

Tel est aussi l'avis de S. David (21) : c De lege lata, il est certain que le terme « préposé»

a le même sens que dans l'article 1384 du Code civil; il en résulte que l'immunité du préposé se limite aux fautes commises par lui dans l'exercice de ses fonctions. Si le terme

« ouvrier >) devait avoir une acception plus lar- ge et servir à qualifier toute personne liée par un contrat de travail, sans souci de savoir si l'activité fautive de cette dernière se situe au cours de l'exécution de son contrat, nous pen- sons qu'il faudrait conclure à une inadvertance de style de la part du législateur et ramener l'immunité des locateurs de service aux fonc- tions de . la préposition ».

9. -

Indépendance juridique.

L'ouvrier sur le chemin du travail n'a pas la qualité d'« ouvrier )) ou de « préposé »; il n'est pas encore, ou n'est plus préposé, et donc « ju- ridiquement indépendant » - comme le déclara le rapport Van Cleemputte (22).

M. Tournay dit à ce sujet (23) : « Une fois l'ouvrier hors de l'établissement auquel il est attaché, il reprend sa liberté pleine et entière, et les stipulations de la loi ne peuvent plus l'atteindre •.. Une fois que l'ouvrier a quitté l'atelier, il a le droit de faire ce qu'il veut».

Et parlant des obligations du patron, et plus précisément de celle contenue dans l'article 12.

alinéa 3, de la loi du 10 mars 1900, le rappor- teur, M. Hoyois déclare (24) : «Or celle-ci est · générale et s'impose à lui partout et à tout mo- ment où il se trouve engagé

dans

les liens du contrat de travaü ».

En dehors de ces liens, les parties contrac- tantes sont juridiquement indépendantes l'une à l'égard de l'autre : « en dehors des limites de ce que comporte le contrat, il n'y a point d'obligations juridiques entre parties ~ (25).

10.-

L'ouvrier est responsable des actes commis; par lui sur le ch'emin du tra- vail.

Sur le chemin du travail, l'ouvrier retrouve donc son entière liberté juridique; durant le parcours de ce trajet ainsi qu'à tout autre en- droit où il n'agit· pas en sa qualité de « pré- posé » ou d'« ouvrier », le travailleur est per- sonnellement responsable des actes qu'il com- met ..

11.- L'immunité civile décrétée par l'ar- ticle 19, alinéa 3, de la loi sur les ac- cidents du travail n'est pas applicable.

Le travaille~ étant titulaire de son entière capacité juridique est responsable des actes commis par lui sur le êhemin du travail.

La limitation de ses droits en cas d'accident involontaire causé par son chef d'entreprise ou les préposés de celui-ci au cours de l'exécution du contrat de travail, et décrétée par l'alinéa 3 de l'article 19 de la loi sur les accidents du tra- vail, n'est pas applicable en cas d'accident sur- venu au cours du parcours du « chemin du tra- vail».

L'immunité civile dont jouit le personnel d'une entreprise au cours du travail disparaît en effet lorsque l'auteur du dommage n'agit plus en tant que chef d'entreprise, d'ouvrier ou de préposé.

La victime, membre de la même entreprise que l'auteur de l'accident, possède· donc un re- cours en droit civil contre l'auteur du dom- mage, en vertu de l'article 1382 du Code civil.

, Protégée par l'arrêté-loi du 24 décembre ·1941, ë1le dispose du recours contre le chef d'entre- prise pour le paiement des indemnités forfaitai-

(21) Op. cit., p. 220, fi0 179·

(22) Texte précité du Rapport Van Cleemputte.

extrait de la p. 109.

(23) Ann. par!., Sénat, 1899-1900, p. 224.

(24) Doc. parl., Ch., 1897-i898, p.· 210.

(25) Note sub (1o).

res légales, et, en plus, du recours en droit civil contre l'auteur de l'accident, avec, toutefois, interdiction de cumuler les deux indemnités (art. 19, alinéa 8, de la loi sur les accidents du travail).

B. EXAMEN DE LA DOCTRINE.

Dans son ensemble, la doctrine adopte la position selon laquelle l'immunité civile de l'ar- ticle 19, alinéa 3, est applicable en cas d'acci- dent causé sur le chemin du travail par un membre de la même entreprise que .la victime.

Les arguments invoqués à cet effet sont les suivants :

O. Malter : Toute la législation sur les acci- dents du travail est applicable, et non pas saule- ment tel ou tel article (26).

G. Wets : Par terme «préposé», il faut com- prendre non pas la préposition au moment même de l'accident (préposition qui n'existe pas en droit civil), mais l'existenc d'un contrat de préposition qui, à l'égard du « chemin du travail », produit ses effets (27).

La question se pose si, dans l'intention du législateur, la substitution de base modifie l'édi·

fiee, qu'il a fait glisser d'une assise sur . une autre. Le législateur transposa l'ensemble de 1~ loi (sauf la présomption légale) à la matière des accidents régis par un principe antre que

· celui de la ·responsabilité : celui de la solidarité industrielle. « Toutes les règles acquièrent, sans changer, un autre fondement» (28).

Le travailleur sur le chemin du travail fait partie du groupe solidaire ~ le personnel de l'entreprise - ; « il a conservé, en vue de l'application de la législation sur le chemin du travail, sa qualité de préposé». ,Il existe un lien de préposition entre le patron et l' ou\'Tier, mais sans exercice, à ce moment, de l'autorité patronale (29) .

S.

Rouffy : L'ouvrier sur le chemin du tra- vail est-il un préposé ou un tiers? Il n'est pas un tiers car il est lié contractuellement · au chef d'entreprise. Pour l'application de l'arrêté-loi, il faut se référer au lien contractuel qui existe pendant le travail. L'expression « chemin du travail» n'existe qu'en fonction et par réfé- rence. à ce lien de préposition (30). ·

Ce n'est pas la notion de préposé suivant le droit civil qui est applicable aux accidents sur- venus sur le chemin du travail puisque le · tra- vailleur n'est plus sous la subordination du pa- tron, mais une notion spéciale, fictive, pr.opre à l'accident (31).

R. O. Dalcq rejette les motifs de l'arrêt de la Cour de cassation du 15 février 1954 (voir in- /ra), et est tenté d'adopter l'interprétation en- visagée par M. Horion (supra). Remarquant toutefois que cette interprétation . ne peut être appliquée en c.as d'accident du travail, l'auteur préconise une modification du texte de l' art;i- cle 19, alinéa 3 : et notamment. dans ce sens : seront considérés comme tiers en matière· d'~c­

cidents survenus sur le chemin du travail, « tou- tes personnes autres que le chef d'entreprise, ses ouvriers ou employés » (32) ..

·S. David exprime toutefois certains doutes quant à la volonté du législateur d'accorder l'immunité civile en cas d'accident survenu sur le chemin du travaü. Faisant remarquer que ce dernier ne s'aperçut vraisemblablement pas des

<c anomalies juridiques » qui découleraient de la transposition législative, systématique, l'au- teur tend à adopter la notion de « préposition

(26) Note sous cassation du I 1 juillet 1949, B. A., 1950, 188.

(27) Note sous Brux., 21· juin 1949, B.

A.,

1951.

354·

(28) Note sous Gand, 18 janv. 1952, B. A., zo8;

- note sous Brux., 21 mars 195:2, B. A., 388; - note sous Huy, 4 avril 1953, B. A., 539.

(29) Note sous Liège, 17 mars 1955, B. A., 236.

(3o) R. G. A. R., 5200, 5381 et 5461.

(31) R. G. A. R., 56oo.

(32) «L'interprétation de l'article 19, § 3> des lois coordonnées sur les accidents du· travail»

0.

T., 1956, 401, 6°).

(5)

1

par référence »; estimant cependant que même cette qualification est difficilement acceptable en cas d'accident de trajet, et qu'une révision des textes serait souhaitable, l'auteur exprime le regret de l'intégration des accidents de trajet dans le mécanisme du forfait légal (33).

C.

EXAMEN DE LA JURISPRUDENCE.

1 . -Cour de cassation.

La Cour de cassation a adopté la position se- lon laquelle l'immunité civile décrétée par l'ar- ticle 19, alinéa 3, de la loi sur les accidents du travail est applicable en cas d'accident survenu sur le chemin du travail.

Les arguments invoqués à· cet effet diffèrent cependant d'arrêt à arrêt, et la Cour paraît en un eertain sens incertaine quant au fondement de la position adoptée par elle. Certains arrêts sont en contradiction avec d'autres, et même parfois avec les textes légaux.

Un rapide examen de la jurisprudence de la Cour en la matière, démontre cette incertitude et ces ·contradictions :

Arrêt du I l juillet 1949 (Pas., I, 541) : l'ar- ticle 19 des lois coordonnées exclut le recours Je droit civil contre le chef d'entreprise; ses ouvriers et préposés en cas de faute involon- taire.

Arrêt du 3 novembre 1952 (Pas., 1953, I, 118) : l'article 1er de l'arrêté-loi de 1945 est ex- primé en termes formels, précis et généraux;

l'article 19, alinéa 3, est donc applicable.

Arrêt du 5 octobre 1953 (Pas., 1954, 1, 70) : l'article }er de l'arrêté-loi déclare que les dispo- sitions des accidents du travail sont applicables aux accidents survenus sur le chemin du travail.

Arrêt du 15 février 1954 (Pas., I, 525) : au sens de l'arrêté-loi de 1945, le chemin du tra- vail « est considéré comme faisant partie inté- grante de l'exécution même du contrat de tra- t•ail ».

Arrêt du 5 décembre 1955 (Pas., 1956, 319) : l'arrêté-loi « a pour objet d'organiser la répa- ration des accidents survenus à un moment et dans des circonstances où l'ouvrier ou l' em- ployé

ne

se trouve plus dans le cours de l' exé- cution des fonctions auxquelles son employeur l'occupait».

Arrêt du 21 octobre 1958 (Pas., 1959, I, 205) : l'arrêté-loi a, pour objet de régler l'indemnisa- tion des accidents qui sont survenus à un mo- ment auquel et dans des circonstances dans les- quelles il était engagé par son patron >>.

Arrêt du 9 novembre 1959 (Pas., 1960, I, 280) : l'arrêté-loi n'a étendu la portée de dis- positions de la loi sur les accidents du travail que dans la mesure où la nécessité pour le tra- vailleur de se déplacer... a conduit à assimiler fictivement le parcours du chemin normal ... à l'exécution du contrat de travail >>. En dehors de l' ~xécution du contrat, l'ouvrier en ce qui concerne l'application de l'article 19, alinéa 3, . « ne doit être considéré comme ouvrier ou pré-

posé que pour autant qu'il parcourt le chemin du travail».

Les arguments invoqués par la Cour de· cas- sation sont différents à chaque arrêt; il y a contradiction entre l'arrêt du 5 décembre 1955, et ceu~ des 15 février 1954, 27 octobre 1958 et 9 novembre 1959. De plus, la thèse défendue dans ces arrêts est en contradiction avec les tex- tes législatifs. Les considérations générales pré- cédant l'arrêté-loi de 1941 déclarent : << les lois coordonnées sur les accidents du travail n' assu- rent ·la réparation des accidents survenus sur le chemin du travail que dans des cas exception- nels ... Il en est de même lorsque le trajet peut être considéré comme faisant partie intégrante de l'exécution même du contrat de travail ou

d'emplo~ >>.

De ce texte il résulte que la loi sur les acci- dents du travail est applicable, comme telle et non en tant que référence, lorsque l'accident a lieu sur un trajet faisant partie de l'exécution du contrat de travail. Le travailleur qui accom- plit. un tel trajet. ne se trouve en effet pas sur

(33) Op. cit., p. 218, D09 178 et I79·

le « chemin du travail», mais « au cours de l'exécution de ses fonctions».

Il serait dès lors difficile de déclarer qu'un accident survenu sur un « trajet faisant partie intégrante de l'exécution même du contrat de travail », et tombant donc. sous le régime de la législation des accidents du travail, est un. acci- dent de « chemin du travail », et tombe donc sous l'application de l'ai-rêté-loi de 1945.

De plus, « assimiler fictivement le parcours du chemin normal à « l'exécution du contrat de

>> travail >> aurait comme conséquence de ren- dre la législation sur les accidents de chemin du travail inutile : l'accident de trajet tombe- rait sous le régime de la loi sur les accidents du travail, en tant que survenu « au cours de l' exé- cution du contrat de travail »; la notion de

« chemin du travail )) serait vidée de son sens et la législation des arrêtés-lois 1941-1945 sans objet, le tout étant compris dans la notion et la législation des « accidents du travail», sans égard à la différence de fondations sur lesquel- les les deux notions et législations sont basées.

En ce qui concerne la déclaration que, sur le chemin du travail, l'ouvrier est « engagé par son patron», nous renvoyons à la partie consa- crée à la question : « l'ouvrier sm· le chemin du travail n'est ni un ouvrier, ni un prép'osé » (voir supra, sub littera A, n° 8°).

2.--:

Cours d'appel.

Nos cours d'appel n'ont pas adopté une posi- tion aussi strictement inébranlable que la Cour de cassation.

Les arrêts acceptent tantôt l'une, tantôt l'au- tre thèse; cette incertitude quant à une prise de position prouve la souplesse de cette juris- prudence, ainsi que sa perméabilité aux com- plexités du problème.

a) Jurisprudence en faveur de l'immunité ci- vile sur le chemin du travail.

- Cour d'appel de Bruxelles, 21 mars 1952 (B.

A.,

387) comme Bruxelles, 27 novembre 1951 (id. 385) : la portée de l'àrrêté-loi, est d'appliquer le régime du forfait à une hypo- thèse où les intéressés n'exercent plus leurs fonctions de chef d'entreprise, ouvrier ou pré- posé.

- Cour d'appel de Liège, 18 juin 1958 (B.

A.,

1959, 357) : pas de recours de droit commun contre le compagnon de travail (conf.

aussi 3 juin 1959, !ur. L., 1958-1959, 89, confir- mant Corr. Marche, 21 mai 1958, ]ur. L., 1958- 1959, 71).

b) Jurisprudence en faveur du recours de droit civil :

- Cour d'appel de Bruxelles, 19 février 1949 (cassé par cassation, 11 juillet 1949) : la responsabilité personnelle de l'auteur de l' acci- dent est retenue en tant qu'il a commis un dé- lit après son travail, sur le chemin du travail.

- Cour d'appel de Gand, 18 janvier 1952 (B.

A.,

208), confirme Gand, 19 mai 1951

(B.A:,

651) : l'auteur de l'accident n'a pas agi en qualité d'employeur, d'ouvrier ou de préposé, mais en qualité de transporteur bénévole, agis- sant hors du contrat de travail.

- Cour d'appel de Liège, 17 mars 1955 (B.

A.,

228), réforme

J. P.

Huy, 25 novembre 1954, (id., 218); cassé par cassation, 5 décem- bre 1955 : le fait dommageable n'a pas été ac·

compli par le préposé dans les fonctions aux- quelles il était employé; il accepta un risque personnel étranger· à l'exercice de ses fonctions:

à cet égard, il n'est pas protégé par la loi sur les accidents du travail.

3. - Tribunaux.

Ici aussi, nous retro\lvons ces contradictions . et cette incertitude qui divise les différents tri- bunaux entre eux :

a)

1

urisprudence en faveur de l'immunité ci-

vile : ·

- Corr. Bruxelles, 14 juillet 1950

(B.

A., 586) : application de

r

article 19; réparation forfaitaire.

5

- Bruxelles, 27 novembre 1951 (B. A., 1952, 387) : article 19, applicable.

- Liège, 20 mai 1953 (B. A., 363), réforme Hollogne-aux-Pierres, 24 mars 1953 (id., 242);

l)Ourvoi en cassation rejeté par l'.arrêt du 15 fé- vrier 1954; le législateur assimila les accidents de chemin du travail aux accidents du travail;

pas de recours de droit civil.

- Corr. Huy, 25 novembre 1954

(B. A.,

1955, 218) : réformé par Cour d'appel de Liège, 17 mars 1955; le chemin du travail est consi- déré comme faisant partie intégrante de l'exé- cution du contrat.

- Pol. Seraing, 7 janvier 1955 (B.

A.,

352) : le texte de l'arrêté-loi est clair et formel;

pas

de recours de droit civil.

- Arlon, 12 décembre 1956 (B.

A.,

1957, 518) : réforme Messancy, 18 mai 1956; J'exo- nération des ouvriers et préposés est un avan, tage accordé aux travailleurs, et ceux-ci nè peu- vent perdre le bénéfice de cette situation favo- rable; l'exonération et la réparation forfaitaire se complètent.

- Corr. Liege, 8 janvier 1958 (B.

A.,

147) : l'arrêté-loi du 13 décembre 1945 a pour objet d'organiser la réparation d'accidents survenus à un moment et dans des circonstances où l'ouvrier ou l'employé ne se trouve plus dans le cours de l'exécution des fonctions auxquelles son employeur l'occupait.

b) Jurisprudence en faveur du recours de droit civil.

- Gand, 19 mai 1951 (B.

A.,

651) : confirmé par Cour d'appel de Gand, 18 janvier 1952 : voir cet arrêt.

- Bruxelles, 21 juin 1949 (B. A, 1951, 350) : à défaut de texte formel, l'auteur de l'accident reste un tiers vis-à-vis de la victime, même si celle-ci se trouvait elle aussi sur le chemin du travail pour se rendre chez le même patron.

- Huy, 4 avril 1953 (B.

A.,

538), confirme ]. P. Huy, 11 décembre 1952 (B. A., id., 49);

cassé par cassation du 5 octobre 1953; ].

P.

Huy, Il décembre 1952 : la ratio legis des ar- rêtés-lois 1941-1945 repose sur la notion de soli- darité industrielle. Celle-ci est relative à l'em- ployeur vis-à-vis de son ouvrier, et réciproque- ment. Elle n:e s'étend à coup sûr pas aux corn- . pa gnons de travail qui, sur le chemin du re-\

tour de ce travail, peuvent s'occasionner un ac- , cident en tant que simples usagers de la route, prenant des risques variables (moto-auto) pour lesquels ils sont d'aille-urs généralement assurés.

A défaut de texte formel, l'auteur de l'accident reste tiers responsable vis-à-vis de la victime, même si celle-ci se trouvait elle aussi sur

le

chemin du travail chez le même patron.

Huy, 4 avril 1953 : la situation est différente au cours du travail et sur le chemin du travail;

sur ce dernier, les risques sont complètement étrangers à toute notion de solidarité indus- trielle. L'auteur n'a agi à aucun titre quelcon- que dans le cadre de la solidarité industrielle dont la notion sert de base à la législation des accidents du travail.

Note. - Ce jugement motive sa décision par des arguments totalement opposés à ceux du ju- . gement a quo, lequel est cependant confirmé

dans son dispositif.

- Hollogne-aux-Pierres, 24 mars 1953 (B. A., 242) ; réformé par Liège, 20 mai 1953 (id.~

368); « pourquoi l'usager de la route serait-il personnellement exonéré des conséquences pé- cunières de sa faute de roulage parce qu'il aurait eu la chance (?) de trouver comme vic- time un compagnon de travail ? »

- Pol. Messancy, 18 mai 1956 (lur.

1

iège, 1956-1957, 37); réformé par Arlon, 17 décem- bre 1956 (B.

A.,

1957, 518).

- Gand, 1er avril 1958, cassé par Cassation du 27 octobre 1958 : l'article 19 n'est pas appli- cable lorsque un accident de circulation ordi- naire se produit dans lequel les intéressés sont sur le chemin du travail, et ouvriers du même patron; acte accompli en dehors de l'exercice des fonctions de l'auteur de l'accident.

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