1890. 1er Septembre. N° 5.
REVUE
D’ORTHOPÉDIE
PARAISSANT TOUS LES DEUX MOIS
SOUS LA DIRECTION DE MJI.
le D'
KIRMISSON
CHIRURGIEN DE L’HOPITAL DES ENFANTSASSISTÉS
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ DE CHIRURGIE
1» T» T hLJM'TI'P
’/tf, 6.
Acr/nes, TV.
OLLIER
cliniquechirurgicale cultéde Lyon.
PONCET
médecineopératoire cultédoLyon.
3T (Bâle);
—
nyA.Bowlby
(Saint•üartholomow's Hosp., Londres);
—
TUTï. Brodhurst (Royal orthop. Hosp., Londres);—
Fr.-R. Fisher (Nation, orthop.1-Iosp.,Londres);—
G.-H. Holding Bird (Guy’s Hosp., Londres);—
E.-Muirhead Little (Nation, orthop. Hosp., Londres);—
E.-H. Bradford (Près, of the AmericanOrthop.Assoc., Boston);
—
V.-P.Gibney (Hosp. for the Rnptured and Crippled, New-Yorkj;—
A.-B. Judson (New-York orthop.Hosp.);
—
Newton M. Shaffer (New-York orthop. Hospital).ABONNEMENT ANNEEL
:Paris, 12 fr.
—
Départements, 14 fr.—
Étranger, 15 fr.EXTRAIT
PARIS
G.
MASSON, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE
LACADÉMIE
DEMÉDECINE
120, boulevard Saint-Germain, 120
nvoyer tout ce qui concerne la rédaction à M. le
D
1- L.-H. Petit, 42, rue du Bac, Paris.SOMMAIRE
Mémoires originaux.
1. A. Dubrueil.
—
De la pseudo-hydrathrose du genou 321 2. Muirehead Little.—
Flexion pei’manente du genou 327 3. E. Kirmisson.—
Scoliose essentielle des adolescents 335 4. Ad. Jalaguier.—
Flexion antéro-postérieure de la partiesupérieure du tibia 357
o. E. Rochard.
—
Traitement opératoire du pied-bot talusparalytique 366
6. A. Poncet.
—
Irréductibilité des luxations de la hanche.. 378Analyses.
Arbuthnot Lane : Difformités qui se développent dans lejeune âge, 385.
—
Transactions of the americanpédiatrie Society, 389.
—
Karewski : Arthrodèse, 390.—
Meinhard Schmidt : Torticolis,390.—
Sarlet: Torticolis et syphilis, 391.—
Phocas, Kirmisson, etc. : Traitement dutorticolispar laténotomie à ciel ouvert,391.—
MayoCollier: Torticolis spasmodiquetraitéparla ligature nerveuse, 393.—
S.-E. Post: Rapports delacyphosebasilaire avec certaines déformations cérébrales, 393.—
ArbuthnotLane :MaldePott, gibbosité,lami- nectomie, 394.—
Nœnchen :Sur la scoliose type, 394.—
R. Hacyard :Sur 100 cas d’ostéotomie, 396.—
G. Phocas :Genu valgum,397.—
Schoîn :Genu valgum infantum, 397.
—
Gillette : Jambes arquées, 388. --Meyer : Traitement opératoire du pied-plat, 398.
—
Berger : B;;
congénitaledupied,399.
—
Young:Ténotomie pourpied-bot, 399.—
K. .:iss etPhocas:Traitement orthopédique dupied-bot paralytique,400.Avis. —
L’Assistance publique a institué à l’Ides Enfants-Assistés, 74, rue Denfert-Rochereau, une sultation de chirurgie et d’orthopédie, sous la direction . M. le
D
r Kirmisson. Celte consultation a lieu les mardis, jeudis etsamedis, à 9 heures; elle est publique, et M. Kiv- missondonne les renseignements cliniqueset thérapeultques que comportent les malades qui se présentent à cette consultation.REMARQUES
SUR
LA FLEXION PERMANENTE DU GENOU
ET
SON TRAITEMENT
par M. E. Muirehead Little, f. r. c. s.
Chirurgien au National orthopædic Hospital (Londres).
Les
flexionspermanentes ou
contractions dugenou
peuvent être divisées endeux
classes : 1° celles dans les- quelles l’articulation est primitivement affectée et où la difformité es', te résultatd’uneaffection articulairepréexis- tante,et 2°celles qui résultent d’autres causes, dont laplus fréquente est la paralysie des muscles extenseurs de la cuisse,avec rétraction secondaire des musclesfléchisseurs, principal' ‘Aient ceuxdujarret.La
premièregrande
classe de cas peut être àbon
droit divisée à son tour endeux
catégories, suivant qu’il y a ankylosé osseuseou
fibreuse entre les surfacesarticulaires.Da* s l'es cas de la première catégorie,il n’y a naturel-
lerrfi
ucun mouvement
possible au niveau de l’articula-tio .eux
segments du membre malade
sont soudés er * parla substance de réparation enun
seul os, car1 ié ne peut être considéré
comme un
élément actif eil cas, e l’articulationelle-même
estcomplètement
ile.
La
rotule est fixe..;.;qs la seconde catégorie,
où
ily
a ankylosé fibreuse'• v
moins
complète,un examen
attentif pendantque
| tientest sous l’influence d’un anesthésique,
démontre
îe dans la plupartdes cas de ce genrela rotuleest mobile
t qu’il
y
aaumoins un
légermouvement
danslajointure.>anslescas
moins
graves, il peuty
avoir etsouventily a desmouvements
très étendus suivantun
angle variable, avecou
sans contracLure desfléchisseurs.328 E. MUIREIIEAD L1TTLE
Dans
les casoù
l’affection est le résultat d’une atrophieou
de ce qu’on appelleordinairement«paralysieinfantile»il y a, lorsqu’il n’existe pas de complications, des
mou- vements
dansle sens de la flexion, mais l’extension volon- taire estou
impossibleou
faible, et l’extension passive n’est possible qu’àun
degré limité, et en essayant de laproduire les tendons
du
jarret setendent et résistentaux
efforts
du
chirurgien pour déterminer l’extensioncom-
plète.
Dans
tous les cas auxquels je viens de faire allusion, lemembre
est plusou moins
atrophié, soitpar défaut d’exer- cice, soit pardégénération consécutive àune
affectiondes cornesantérieures de lamoelle.La jambe
est fléchie sur la cuisse, lesextrémités supérieures des os de lejambe
sont déplacés en arrière (subluxalion) parles muscles dujarret et ont subi enmême temps un mouvement
de rotation en dehors par l’actionprédominante
dubiceps crural;ilexiste en outre presque invariablement
un
léger degré degenu valgum,
qu’on peut attribuer à l'action puissante desmêmes
muscles qui tendent àattirer en dehors.K
tête du péroné, mais cette difformité estbeaucoup
plusnunquée
en général dans les cas paralytiquesque
dans ceux quisont causés parune
arthropathie.Le membre
estdanstouslescas plus courtquele setsVo sain; la différence est surtoutmarquée
dans les cas lytiques, parmi lesquelson
peut rangerbeaucoup
de quel’on désigne sous lenom
de luxation congénitale hanche.Les
muscles du jarret ne sont cependant toujours rétractésmême
dans les cas paralytiques, caimuscles fléchisseurs peuvent participer à la paralysie
même
lorsqu’ils ne sont ni paralysés ni atrophiés ils 1sont pas, dans
un
petitnombre
de cas, raccourcis et n présententaucun
obstacle à l’extension dumembre. Dan
ces cas, la flexion
permanente
de l’articulation estdue ;une
immobilisation prolongée dans la position lapim
commode au
malade, c’est-à-dire la flexion avec raccour-FLEXION PERMANENTE DU GENOU 329
cissement correspondant destissusfibreux intra et circum- articulaires,
comme
les ligaments et les aponévroses.La
paralysie affecte habituellement le pied, et lui fait prendreune
position vicieuse en varus équinou
en valgus équin, parce que la contraction des muscles puissantsdu
mollet n’est pas contrebalancée.On
s’attendrait, d’après l’anatomie de la région, àce que la contraction desgasLro-cnémiens
soitun
obstacle de plusà la correction de ladif- formité,et quoiqu’en pratique celane soitpas très évident, je pense quenous
devons admettre l’existence de cette particularité, sinous nous
rappelonsque
dans l’observa- tion clinique dechaque
jour l’extensiondu genou
rend bienfacile la flexiondu
pied sur lajambe
etinversement, qu’on peut fléchirplus facilement le piedquand
legenou
estfléchi.Ilest
donc
évidentque la contraction des gastro- cnémiens, dontl’effetle plus visible est d’attirer en haut le talon, doit s’opposer enmême temps
à l’extensiondu
genou.Je
neveux
pasm’occuper
icidu traitement de l’ankylose fibreuse; jeveux simplement
bornermes remarques au
traitement des flexionspermanentes
causées parune affec- tiondu genou
avec ankylosé fibreuse,ou
résultant d’une paralysie.Dans
un cas, la première chose à faire est d’examinerminutieusement
l’articulation pendantque
le patient estprofondément endormi
sous l’influence d’un anesthésique, afin de relâcher tous les muscles.Nous pouvons
juger ainsi quels tissus s’opposent àl’extension, et quels tendonsilest nécessairedesectionner.
Si l’on trouve des tendons raidis, il faut alors en faire la section sous-cutanée, en ayant soin d’éviter le nerf péro- nier, ce qu’on fera le
mieux
en divisant letendondu
biceps aussi haut que possible à la cuisse. Il peut être nécessaire aussi de sectionner quelques bandes aponévrotiques, et letendon d’Achille en cas de pied-bot équin.
S’il n’existe pas de rétraction des tendons
du
jarret,on
330 E. MUIREIIEAD LITTLE
peut pratiquer en
même temps
l’extension forcée,mais
celle-ci doit être faite avec précaution, surtout lorsque l’affection articulaire est récente; c’est, pensons-nous,
une
règle sage de ne faireque
de trèslégers effortsd’extension lorsqu’ily aeu des signesaigus depuisune
année.Y
a-t-ilquelque douleur dans les
mouvements
actifs ou passifs, larégion est-elle plus
chaude que
de l’autre côté,y
a-t-il dela fièvre, en
un
mot, quelquesymptôme
indiquantun
pro- cessusmorbide
actif dans l’articulation? il vautmieux
ne prendre conseil que des intérêts de notre patient etreculer l’opération jusqu’à ceque
cessymptômes
aient disparu.Pendant
ce temps, la maladie peut êtreconvenablement
traitée et
on
peutempêcher
la rétraction d’augmenter, aumoyen
d’uneattelle qui assure aumembre
cerepos physio- logique si important pourtoutes les affections articulairesou
péri-articulaires.Après
avoirfaitl’extension, complète ou non,du membre,
il faut l’immobiliser sur
une
attelle et placer sur l’articu- lation des sachets de glace pour prévenir toute complica- tion ultérieure.Il est rare, naturellement,
que
cesmesures
suffisent seules à redresserune
jointure qui est restée en état de flexionmarquée
pendant assez longtemps; il faut avoir recours à l’extension graduéeau moyen
d’un appareil, se rappelanL l’adage : « Gutta cavat lapidera,
non
vi, sedsæpe cadendo. »
Nous
pensons que dans la construction et le choix des attelles,on
a trop souvent oublié l’anatomie dela région,ou
bienon
n’en a pastenu suffisamment compte.Un coup
d’œil rapide sur l’anatomie de l’articulation ne serait pour- tant pas inutile ici.La
première particularitéremarquable
de cette articu- lation est la disproportion qui existe entre l’étendue des surfaces articulaires dufémur
etdu
tibia.La
surface arti- culairede l’extrémité inférieure dufémur
dépasse de beau-coup
les dimensions de l’extrémité supérieuredu
tibia,FLEXION PERMANENTE DU GENOU 331
et
nous
en trouvons l’explication dans ce faitquecedernier os, pendant la flexion et l’extension, semeut
autour de l’extrémitédu
fémur, s’arrêtant à diversmoments
contre différentes partiesdu
cartilage qui recouvre ce dernier.Cette l'évolution s’effectue dans le
genou normal
autour d’unaxe qui n’est pas situé,comme
la plupart des fabri- cants d’instruments semblent se l’imaginer,au
niveaudu
pointoù
lesdeux
osse touchent,mais beaucoup
au-dessus, etcomme
la courbure des condyles n’est pasun segment
de cercle, maiscomposée
desegments
de cercles de diffé- rentsrayons, la position de cetaxe varie suivant les diffé- rents degrés d’extension, mais peut assezexactement
être considéréecomme
passant transversalement par les tubé- rosités des condyles du fémur.Pour
maintenirun
contact suffisant entrelessurfaces articulaires, le tibia doit tourner surlui-même
pendant sa révolution sur lefémur
dans la flexion et l’extension. «Pour
effectuer cechangement,
il faut qu’il se produise
une
rotationdu
tibia surun
axe transversal passantà travers son extrémité supérieure, enmême temps
que sa surface articulaire tourne autour d’un axe passant à l’extrémité inférieuredu fémur
(1). »Si
nous
négligeonscesvérités anatomiques,surtoutdans un genou
dont les ligaments sontprobablement
détruitsou
altérés,nous
trouverons souvent que dansun
casou
la contraction atteint 90 degrés
ou même
moins, quoiquenous
puissions étendre aisément lemembre,
ilnous
est impossible de faire glisser la tètedu
tibia autour de lasurface articulaire
du fémur comme
elle le fait dans l’ar- ticulationnormale, etqu’enconséquence lesdeux segments du membre
ne sont pas en ligne droite,mais
toutau
plus suivantdeux
lignes parallèles.Le membre
présente alorsun
aspect invraisemblable et difforme.Un coup
d’œil sur lesfigures ci-jointespermet
de s’enrendrecompte
(2).(1) Humphry. On the human Skeleton.
(2) D’après l’ouvrage du Dr
W.
J. Little, Ankylosis.332 E. MUIREUEAD LITTLE
La
figure 1 estune
représentationdiagrammalique
de la position des os dansun genou
fléchi d’unemanière perma-
nente (contractés) et la figure 2, ceque
serait cegenou
sion
pratiquait l’extension simple.Dans
la construction de la gouttière représentée fîg. 3,on
aessayé de suivre lesdonnées
anatomiques de lajoin- ture, en s efforçant de reproduirelesdeux
axes principaux demouvement du
genou. Cette gouttière est faite d’uneFLEXION PERMANENTE DU GENOU 333
feuille de tôle vernie
ou
peinte, avecune
pièce pédieuse réunie à la jambière aumoyen
d’une coulisse et dedeux
vis, afin de pouvoir ajuster l'appareil à la longueur de la jambe.
Les
parties fémorales de cet appareil y sont fixées dechaque
côté parune
articulation àpignon
qu’on fait tourner avecune
clé. Chezun
adulte demoyenne
taille,les articulations supérieures
(A
sur la figure) doivent être placées à 3 centimètres au-dessus de l’extrémité inférieuredu
fémur, et les inférieures à lamême
distance au-dessous dela surface articulairedu
tibia.Les
tigesqui lesréunissentmesurent
ainsi 6 centimètresdu
centre d’unpignon
à l’autre.La
gouttière doit être bien garnie et toute lapartie jambièrebien ajustéeafindemaintenirlesarticulationsdansla position convenable. Il faut l’appliquer avec soin au
membre
et la fixer avec des courroies.Une
genouillère carrée encuirmaintient la partie inférieuredu
fémur.On
fait alors l’extension en tournant les pignons supé- rieurs, tandis que les inférieurs servent à maintenir la gouttière ajustée à lajambe
età imiterla rotation naturelledu
tibia dontnous
avons parlé plus haut. Lorsque la gouttière a été une fois bien appliquée, il ne faut l’enleverque
lorsque cela estabsolument
nécessaireEn
variant ledegré de flexion et d’extension des
deux
pignons, la gout- tièrepeut s’adapter à tous les degrés de subluxation et de flexion et peutservir à corrigerle déplacement dans les cas où, bien que lemembre
soit dans l’extension complète, le tibia est subluxé, en mettant les pignons inférieurs dans l’extension et les supérieurs dans la flexion, de façon à placer lesdeux segments
de l’appareil « en échelons ».Grâce à cette facilité d’adaptation, cette gouttière peut servir dans
beaucoup
de casoù
lajambe
a besoin d’un support.Dans
les cas dosubluxation avecou
sans contrac- tion de la jointure, l'appareil plus puissant décrit par leD
rW.
J. Little dans son livre surl’Ankylosé
et représenté dans la figure4, peut-êtreemployé
avec avantage,mais
ila l’inconvénient de ne pouvoir être appliquéaux
casoù
334 E. MUIREHEAD LITTLE
!
l’angle est plus aigu
que
140 degrés.Au
bout de quelques semaines, il arrive souventque
le progrès cesse, eton
peut être obligé d’examiner denouveau
l’état des choses sous l’anesthésie et de refaire l’extension forcée. Peut-êtreFig. 4.
—
Appareilpour remédier à une fausse ankylosé compliquée du genou.a, a, Planche en acajou servant de support à l’appareil; b, Z>, pièces I
métalliques mobilesetrembourrées; c, bandage circulaire lacé servantà
j
envelopper et à fixer la cuisse et le bassin; d,bas lacé et courroies, I
réunis à lavis m, constituantles moyens par lesquels lepied est attiré I
en bas, et les surfaces articulaires du genou sont séparées l'une de fl l'autre; f, tampon concave, servant, au moyen de la disposition o, à.*
presser surle genou; e, tampon mobile, adaptéde manière à pousserle|L tibia et le péroné en dedans; y, tampon semblable, pour pousser le'f
condyle interne endehors; h, l’undes deux supports verticaux qui sou- H tiennent la pièce transversale i, servant de pont, verslaquelle,aumoyen .*
de la courroie k, la partie supérieuredutibia est élevée; /, ressort dont l’action attire le pied en dedans, et combinée avec m, fait tourner la
jambe également en dedans. I,'applicationde l'appareil force le malade à garder lelit ou du moins àresterétendu.
aussi sera-t-il nécessaire de faire lasection de bandelettes aponévrotiques