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Bibliothèque du psychiatre. <i>Cinq Psychanalyses</i>, de Sigmund Freud

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Journal Identification = IPE Article Identification = 1977 Date: July 11, 2019 Time: 3:24 pm

Livres

L’Information psychiatrique 2019 ; 95 (6) : 449-51

Bibliothèque du psychiatre

Sigmund Freud Cinq Psychanalyses Paris : PUF, 1979

Sous le titreCinq Psychanalyses, le lecteur franc¸ais pourra lire les cas cliniques les plus connus étudiés par Sigmund Freud. Nous trouvons rarement dans d’autres langues ces textes réunis dans un seul volume.

Ceci a son importance si l’on consi- dère que Freud pensait pouvoir changer toute sa théorie si un seul cas clinique la contredisait, ce qui revient à dire que c’est sur la cons- truction clinique des cas par lui analysés ou étudiés que repose l’essentiel de la clinique freudienne.

Au moins quatre des cas écrits correspondent au travail acharné du clinicien Freud, mais nous pouvons lire également l’analyse de Freud du cas du « président Schreber », paradigme, à plusieurs égards, de la compréhension psychanalytique des psychoses. Mais approchons une à une les analyses ici étudiées.

Le premier cas est celui que l’on connaît sous le nom de « Dora »

(nom fictionnel pour la patiente Ida Bauer), à savoir un cas d’hystérie.

Lui aussi est devenu le cas cli- nique princeps, en psychanalyse et même au-delà, de ce que l’on peut entendre sous le nom d’hystérie.

Mais loin des stéréotypes auxquels nos systèmes symboliques et cog- nitifs ne peuvent échapper, nous avons avec le cas Dora les traits spé- cifiques de ce que Freud nomme la névrose chez une jeune femme.

De quoi s’agit-il ? D’une certaine inadaptation aux types sociaux et, pour tout dire, aux types sexuels, avec le corrélat qui s’impose, à savoir un renoncement pulsionnel coûteux, source de symptômes. Il s’agit donc de ce type de situation où le symptôme existe grâce à la participation, souvent consciente et active, du malade. La maladie de Dora a quelque rapport à une sorte d’identification virile qui traduit plus un refus d’être un objet des hommes qu’un choix sexuel.

Le deuxième cas analysé est celui d’un enfant de 5 ans, le«Petit Hans» (son vrai nom était Herbert Graf) ou, ce que Freud nomme une pho- bie chez un enfant. Même si le cas se concentre sur un objet phobique

particulier, les chevaux, il va sans dire que la lecture de cette construc- tion clinique serait pertinente pour beaucoup de cas où l’on trouve des peurs chez les enfants. Je ne dis pas que le clinicien devrait appli- quer une grille de lecture toute faite, extrapolée depuis le cas freudien, mais que celui-ci lui servirait à sans doute moins focaliser l’observation clinique et thérapeutique sur le seul

« objet phobique », qui semble avoir été choisi de manière hasar- deuse. Cette mise en garde importe plus, certainement, aux psychana- lystes, qui sont souvent en train d’interpréter plus qu’il ne faudrait, qu’aux comportementalistes qui, eux, savent que l’objet phobique est quelconque mais qui, de ce fait, l’isolent de l’histoire subjective du patient.

La clinique de Freud et la nôtre

Le troisième cas est celui que Freud a nommé l’« Homme aux rats»(nom fictionnel pour le patient Ernst Lanzer), un cas de névrose obsessionnelle. De même que pour le cas Dora, dans ce cas clinique Freud entend donner le prototype de la névrose obsessionnelle à laquelle aucun élément ne manque. En effet, tout y est : des pensées sexuelles et interdites qui obsèdent le sujet, l’agressivité à peine avouée envers les personnes qu’il aime (notam- ment sa petite amie et son propre père), le sens du devoir et de la dette qui s’imposent sous la forme d’une contrainte coûteuse, etc. Je ne pourrai pas m’empêcher de recom- mander au lecteur le commen- taire développé par Lacan dans sa fameuse conférence « Le mythe individuel du névrosé », pronon- cée en 1953, laquelle non seulement signe l’entrée de Lacan dans ce que l’on doit nommer une sorte d’hyperstructuralisme (je songe à ceux qui pensent que Lacan n’a jamais été « structuraliste » : il

doi:10.1684/ipe.2019.1977

Rubrique coordonnée par Eduardo Mahieu

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Pour citer cet article : Bibliothèque du psychiatre.L’Information psychiatrique2019 ; 95 (6) : 449-51 doi:10.1684/ipe.2019.1977

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Journal Identification = IPE Article Identification = 1977 Date: July 11, 2019 Time: 3:24 pm

a fait mieux que cela, il l’a été au plus haut point) mais aussi et surtout, l’auteur dessine les lignes- forces du cas clinique qui semble suivre l’intelligence d’une struc- ture clinique précise, sans doute trop précise pour certains clini- ciens. Mais je ne peux non plus m’empêcher d’ajouter une consi- dération peu connue des lecteurs de Freud. Dans ce cas typique de névrose obsessionnelle, on ne peut ne pas voir des éléments cliniques qui correspondent à la psychose plu- tôt qu’à la névrose. D’abord, Freud écrit à plusieurs reprises que son patient subit une sorte de«délire»: certes, le mot employé par Freud est

« délirium » et non Wahn, ce qui signe l’aspect moins catégoriel dans le mesure où le délirium, en alle- mand, contient le sens d’un trouble de la conscience, trouble que l’on peut trouver dans n’importe quelle

«structure clinique». Mais d’autres éléments s’ajoutent à cette considé- ration, notamment ce qui est évoqué par Freud dès le début de son texte, à savoir le fait que son patient, quand il était enfant, avait l’idée que ses parents connaissaient ses pen- sées. Par ailleurs, le patient dit«je vois là le début de ma maladie », notamment dans l’idée suivante :

«je me figurais que j’avais exprimé mes pensées sans m’entendre par- ler moi-même ». Mais ce n’est pas tout. Dans le « Journal d’une ana- lyse »de Freud, texte qui rapporte la cure de l’homme aux rats séance après séance, publication autorisée par Ana Freud alors que le père ne souhaitait pas qu’elle soit rendue publique, on peut lire, concernant cette question des pensées que les autres connaitraient, que cette idée présente dans son enfance est tou- jours actuelle :«Il se souvient que, à l’âge de 8 ans, il avait craint que ses parents ne devinent ses pensées. Au fond, cette idée lui est restée fidèle tout au long de sa vie (“Diese Idee sei ihm eigentl(ich) treu geblieben durchs weitere Leben”) » [1]. Je ne crois pas trop forcer les choses si je dis que cet élément clinique ressemble beaucoup à ce que l’on

connaît sous le nom d’automatisme mental et qu’il constitue à lui seul un symptôme de « premier rang» dans le diagnostic de la schizophré- nie. Je ne fais pas ici abstraction du reste de l’histoire du patient : je dis que cet élément a été négligé et même censuré par l’auteur (propos présent dans le«Journal d’une ana- lyse»et absent dans le cas clinique publié). Sans doute, cet « automa- tisme mental»pouvait contredire la conviction de Freud : l’homme aux rats devait être un cas de«névrose obsessionnelle»et non pas une psy- chose. On peut en dire plus : à cette époque (1907-8), Freud n’était pas très au clair à propos de la«névrose obsessionnelle » et de sa distinc- tion par rapport à une « dementia praecox », comme en témoigne la correspondance entretenue à cette époque précise avec C.G. Jung à propos du cas d’Otto Gross, patient de Freud, suivi ensuite par Jung dans sa clinique en Suisse. Tan- tôt Jung considère que le cas de Gross relève de la névrose obses- sionnelle, ce avec quoi Freud est d’accord, tantôt Jung estime que c’est une schizophrénie, diagnostic avec lequel Freud ne saurait ne pas être en accord, compte tenu de l’expérience qu’avait Jung au sujet des schizophrènes [2].

Mais j’irai encore plus loin dans mes propos concernant les struc- tures cliniques en évoquant ici un autre cas analysé par Freud, à savoir

« L’homme aux loups » (de son vrai nom : Serguei Constantino- vitch Pankejeff), considéré par Freud comme un cas de«névrose infan- tile ». La description de la cure est passionnante. Cependant, il fau- drait se demander si Freud, une fois encore, ne désire pas trop que le cas corresponde à une névrose, donc à une pathologie susceptible d’être comprise par la théorie psy- chanalytique et, surtout, par la cure analytique. Or, force est de cons- tater que le cas de l’homme aux loups ressemble plus, ici aussi, à une pathologie psychotique qu’à celle que l’on veut bien nommer une névrose. Il suffirait de lire la

cure de Me. Ruth Mach Brusnwick [3] qui, hormis certaines erreurs commises par ce que l’on peut nommer un « contre-transfert » (à savoir ce qui ne doit surtout pas avoir lieu dans une analyse ou, pour le dire autrement : il peut y avoir du contre-transfert dans toutes les expériences de notre vie, sauf lorsqu’on fonctionne comme psy- chanalyste), les descriptions de la clinicienne nous orientent vers le diagnostic de schizophrénie.

Mais après avoir mis en garde le lecteur sur ces questions diagnos- tiques, une autre question devrait s’imposer : Freud a-t-il eu tort en considérant certains cas comme des névroses, susceptibles donc d’être traitées par la psychanalyse ? Rien n’est moins sûr. Si l’on considère le cas de l’homme aux loups, il y a une corrélation entre une évolu- tion relativement stable de sa vie et le suivi avec Freud. Bien entendu, on peut toujours arguer qu’il n’y a pas forcément un lien entre ces deux éléments, mais les faits sont têtus. L’homme aux loups, à l’instar du patient AB que Freud avait aussi considéré pendant tout un temps comme une « névrose » [4], a passé sa vie à répéter les interpréta- tions freudiennes, ce qui prouverait que quelque chose dans ces inter- prétations n’a pas eu les effets escomptés pour toute interprétation digne de ce nom (diminution des symptômes et/ou production d’un nouveau«matériel»et non pas la répétitionin totode ce qui a été for- mulé) mais que, malgré cela, ce dire est resté une trace à laquelle le sujet pouvait s’identifier et adhérer par- dessus tout.

La psychose selon Freud

Pour finir, je dirai un mot à pro- pos du cas de D. P. Schreber, seul cas présenté par son vrai nom, et qui est une analyse de cas basée sur les mémoires que le malheureux président a laissés à l’humanité afin de rendre compte de sa folie. Ceux- ci rendent compte des circonstances

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Journal Identification = IPE Article Identification = 1977 Date: July 11, 2019 Time: 3:24 pm

Bibliothèque du psychiatre

du déclenchement de sa maladie, qui sont en rapport avec sa nomi- nation à un poste important, ce qui pourrait sembler paradoxal car c’est précisément quand il a réussi qu’il ira le plus mal. Ce contexte du début de la maladie (même s’il y avait déjà eu quelques anté- cédents d’instabilité émotionnelle par le passé) servira à plusieurs générations de cliniciens orientés par la psychanalyse à être avertis quant aux conditions favorables à une « entrée » dans la psychose (prise de poste important, paternité, maternité, etc.). Ceci indiquerait le caractère souvent accidentel d’un déclenchement psychotique, acci- dent toujours inhérent à la maladie

et, de ce fait, parfois évitable (le propre d’un accident est qu’il aurait pu ne pas avoir lieu). Ce carac- tère contingent des psychoses, je le redis, a orienté les cures analytiques avec des sujets psychotiques ou pré- psychotiques, ce qui a parfois limité de manière excessive les cures et même les vies concernées. Une fois de plus, on ne saurait insister sur l’importance du tact et sur la néces- sité d’éviter d’appliquer des grilles toutes faites dans notre pratique, ce dont témoigne souvent Freud, témoin unique de la naissance d’une nouvelle discipline clinique.

Juan Pablo Lucchelli lucchelli@hotmail.com

Liens d’intérêt

l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

∼Références

1.Freud S. L’Homme aux rats. Jour- nal d’une analyse. Paris : PUF, 1974, p. 73.

2.Freud S, Jung CG. Correspondance.

Paris : Gallimard, 1975, pp. 218-2.

3.Gardiner M. L’homme-aux-Loups par ses psychanalystes et par lui- même.

Paris : Gallimard, 1981.

4.Lynn DJ. Freud’s analysis of A.B., a psychotic man, 1925-1930. Journal of the American Academy of Psychoanalysis 1993 ; 21 : 63-78.

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Références

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