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Recueil de la jurisprudence

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Texte intégral

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ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambreélargie) 14 février2019 *

«Aides d’État – Régimed’aide mise en exécution parla Belgique – Décisiondéclarant le régime d’aides incompatible avecle marché intérieuret illégal et ordonnant la récupérationde l’aide versée –

Décision fiscaleanticipée (tax ruling) – Exonération des bénéfices excédentaires – Autonomie fiscale des États membres – Notionde régimed’aides – Mesures d’application supplémentaires » Dans les affaires T-131/16 et T-263/16,

Royaume de Belgique,représenté initialement parMmes C.Pochet,M. Jacobs etM. J.-C.Halleux, puis par Mme Pochet et M. Halleux, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Segura Catalán et M. Clayton, avocats,

partie requérante dans l’affaire T-131/16, soutenu par

Mmes

Irlande, représentée initialement par E. Creedon, G. Hodge et M. A. Joyce, puis par Mmes K. Duggan, M. Browne et M. Joyce et enfin parM. Joyce et Mme J. Quaney, en qualité d’agents, assistés de MM.P.Gallagher,M.Collins, SC, B.Doherty et Mme S.Kingston, barristers,

partie intervenante dansl’affaire T-131/16, Magnetrol International, établie à Zele (Belgique,) représentée par Mes H. Gilliams et J. Bocken, avocats,

partie requérante dansl’affaire T-263/16, contre

Commission européenne,représentée initialement parMM. P.-J. Loewenthal et B. Stromsky,puispar M. Loewenthal et Mme F.Tomat, en qualité d’agents,

partie défenderesse, ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2016/1699 de la Commission, du 11 janvier 2016, relative au régime d’aides d’État concernant l’exonération des bénéfices excédentaires SA.37667 (2015/C) (ex 2015/NN) mis en œuvre par la Belgique (JO 2016, L 260, p. 61),

* Langue de procédure : l’anglais.

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LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme V. Tomljenović (rapporteur), M. E. Bieliūnas, Mme A. Marcoulliet M.A. Kornezov, juges,

greffier : Mme S.Spyropoulos, administrateur,

vu la phaseécritede la procédureet àla suitede l’audience du 28 juin2018, rend le présent

Arrêt Antécédents du litige

Cadre juridique

Sur le codedesimpôts surles revenus de1992

1 En Belgique, lesrègles relativesà l’imposition des revenussont codifiéesparle codedes impôts sur les revenus de 1992 (ci-aprèsle « CIR 92 »). Selonl’article 1er, paragraphe 1,du CIR 92, est établi à titre d’impôt sur les revenus, notamment, un impôt sur le revenu global des sociétés résidentes, dénommé

« impôtsur lessociétés ».

2 S’agissant spécifiquement de la base de l’impôt sur lessociétés, l’article 185du CIR 92 prévoit que les sociétés sont imposablessur le montant total deleurs bénéfices,y comprisles dividendesdistribués.

Sur la loi du 24 décembre 2002

3 Le 24décembre 2002aété promulguéela loi modifiant lerégime des sociétés en matière d’impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale (ci-après la « loi du 24 décembre 2002 »). L’article 20 de cette loi prévoit que le service public fédéral des finances se prononce parvoie dedécisionanticipéesur toute demanderelative àl’application des loisd’impôts. En outre, la notion de « décision anticipée » est définie comme étant l’acte juridique par lequel le service public fédéral des finances détermine conformément aux dispositions en vigueur comment la loi s’appliquera à une situation ou à une opération particulière qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal. Par ailleurs, il est indiqué que la décision anticipée ne peut emporter exemption ou modération del’impôt.

4 L’article 22 de la loi du 24 décembre 2002 prévoit qu’une décision anticipée ne peut être accordée, notamment, lorsque la demande a trait à des situations ou à des opérations identiques à celles ayant déjà produitdes effetssur le planfiscal en ce quiconcerne le demandeur.

5 En outre, l’article 23 de la loi du 24 décembre 2002 dispose que, sauf dans les cas où l’objet de la demande le justifie, la décisionanticipée estrendue pourunterme quine peut pas excédercinq ans.

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Sur la loidu 21 juin 2004modifiant leCIR 92

6 Par la loi du 21 juin 2004, modifiant le CIR 92 et la loi du 24 décembre 2002 (ci-après la « loi du 21 juin 2004 »), le Royaume de Belgique a introduit de nouvelles dispositions fiscales concernant les transactions transfrontalières d’entités liées au sein d’un groupe multinational, prévoyant notamment une correction des bénéfices soumis àl’impôt, dénommée«ajustement corrélatif ».

– Exposé desmotifs

7 Selon l’exposé des motifs figurant dans le projet de loi présenté par le gouvernement du Royaume de Belgique à la Chambre des députés, d’une part, ladite loi vise à adapter le CIR 92 afin d’y reprendre explicitement le principe de pleine concurrence, généralement accepté au niveau international. D’autre part, elle vise à modifier la loi du 24 décembre 2002 afin d’accorder au service des décisions anticipées la compétence pour adopter ces décisions. Le principe de pleine concurrence est introduit dans la législation fiscale belge par l’addition d’un paragraphe 2 à l’article 185 du CIR 92, lequel est fondé sur le texte de l’article 9 de la convention-modèle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune. L’objectif de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 est d’assurer que la base imposable des sociétés assujetties à l’impôt en Belgique puisse être adaptée par des corrections sur les bénéfices résultant de transactions transfrontalières intragroupes, lorsque les prix de transfert appliqués ne reflètent pas les mécanismes de marché et le principe de pleine concurrence. En outre, la notion d’« ajustement approprié » introduite par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 est justifiée aux fins d’éviter ou de supprimer une double imposition (possible). Par ailleurs, il est indiqué que cet ajustement doit s’effectuer au cas par cas sur la base des éléments disponibles qui sont fournis, notamment, par le contribuable et qu’il n’y a lieu de procéder à un ajustement corrélatif que si l’administration fiscale estimeque l’ajustement primaire réalisédans unautre Étatest justifié en ce quiconcerne son principe et son montant.

– Article 185, paragraphe 2, du CIR 92

8 L’article 185,paragraphe 2,du CIR92, disposece qui suit:

« [… P]our deux sociétés faisant partie d’un groupe multinational de sociétés liées et en ce qui concerne leursrelations transfrontalières réciproques:

a) lorsque les deux sociétés sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditionsconvenues ou imposées qui diffèrentde cellesqui seraient convenuesentre des sociétés indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des sociétés, mais n’ont pu l’être à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette société;

b) lorsque, dans les bénéfices d’une société sont repris des bénéfices qui sont également repris dans les bénéfices d’une autre société, et que les bénéfices ainsi inclus sont des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes, les bénéfices de la première sociétésontajustés d’une manièreappropriée.»

Sur la circulaire administrative du 4 juillet 2006

9 La circulaire du 4 juillet 2006 sur l’application du principe de pleine concurrence (ci-après la

« circulaire administrative du 4 juillet 2006 ») a été envoyée aux fonctionnaires de l’administration générale de la fiscalité, au nom du ministre des Finances, afin de commenter notamment l’insertion

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d’un paragraphe2àl’article 185du CIR92et l’adaptation correspondantedu mêmecode.La circulaire souligne que ces modifications,en vigueur depuis le 19 juillet 2004, visent àtransposer en droitfiscal belge le principe de pleine concurrence et constituent le fondement juridique permettant, eu égard audit principe, d’ajuster le bénéfice imposable résultant de relations transfrontalières intragroupes entre sociétés liées faisantpartied’un groupe multinational.

10 Ainsi, d’une part, la circulaire indique que l’ajustement positif prévu à l’article 185, paragraphe 2, sous a), du CIR 92 permet une majoration des bénéfices de la société résidente faisant partie d’un groupe multinational pour inclure des bénéfices que la société résidente aurait dû réaliserà l’occasion d’une transactiondonnée dansun contextede pleineconcurrence.

11 D’autre part, la circulaire relève que l’ajustement corrélatif négatif, prévu à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, a pour but d’éviter ou de supprimer une double imposition (possible). Il est indiqué qu’aucun critère ne peut être établi à cet effet, dans la mesure où cet ajustement doit s’effectuer au cas par cas sur la base des éléments disponibles qui sont fournis, notamment, par le contribuable. En outre, il est signalé qu’il n’y a lieu de procéder à un ajustement corrélatif que si l’administration fiscale ou le service des décisions anticipées estime que l’ajustement est justifié en ce qui concerne le principe et le montant. Par ailleurs, il est précisé que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 ne s’applique pas si le bénéfice réalisé dans l’État partenaire est majoré de telle façon qu’il est supérieur à celui qui serait obtenu en cas d’application du principe de pleine concurrence.

Sur les réponses du ministre des Finances à des questions parlementaires sur l’application de l’article185,paragraphe 2, sousb), duCIR 92

12 Le 13 avril 2005, en réponse à des questions parlementaires concernant l’exonération des bénéfices excédentaires, le ministre des Finances belge a, tout d’abord, confirmé que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 visait la situation dans laquelle une décision anticipée était prise à propos d’une méthode visant à parvenir à un bénéfice de pleine concurrence. Ensuite, il a confirmé que les bénéfices apparaissant dans les rapports financiers belges d’un groupe international présent en Belgique et qui dépassaient les bénéfices de pleine concurrence ne devaient pas être pris en compte dans la détermination du bénéfice fiscal belge. Enfin, il a validé la position selon laquelle il n’appartenait pas aux autorités fiscales belges de déterminer dans les bénéfices de quelles entreprises étrangères ce bénéficesupplémentaire devaitêtre repris.

13 Le 11 avril2007, dansle cadred’une nouvelle sériede questionsparlementaires relativesàl’application de l’article 185, paragraphe 2, sous a) et b), du CIR 92, le ministre des Finances belge a déclaré que seules des demandes d’ajustement négatif avaient été reçues à ce stade. En outre, il a précisé que, pour la détermination de la méthode visant à établir le bénéfice de pleine concurrence de l’entité belge, dans le cadre des décisions anticipées, il était tenu compte des fonctions qui seraient exercées, des risques qui seraient supportés et des actifs qui seraient affectés à des activités qui n’avaient pas encore eu d’incidence fiscale en Belgique. Ainsi, le bénéfice démontré en Belgique par le biais des rapports financiers belgesdu groupe multinational et qui excéderait le bénéfice de pleine concurrence ne devrait pas être inclus dans le bénéfice fiscal imposable en Belgique. Enfin, le ministre des Finances belge a indiqué que, dans la mesure où il n’appartenait pas au fisc belge de déterminer à quelles sociétés étrangères le bénéfice supplémentaire devait être attribué, il n’était pas possible d’échanger des informations avecdes administrations fiscales étrangèresà cetégard.

14 Enfin, le6janvier2015, leministredeFinances belgeaconfirméque leprincipeàlabase desdécisions anticipées était d’imposer le bénéfice qui correspondait à un bénéfice de pleine concurrence pour l’entreprise concernée et a validé les réponses données par son prédécesseur, le 11 avril 2007, quant au fait que le fisc belge n’avait pas à établir à quelle société étrangère le bénéfice excédentaire non imposé en Belgique devaitêtre attribué.

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Décision attaquée

15 Par la décision (UE) 2016/1699, du 11 janvier 2016, relative au régime d’aides d’État concernant l’exonération des bénéfices excédentaires SA.37667 (2015/C) (ex 2015/NN) mis en œuvre par la Belgique (JO 2016, L 260, p. 61, ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté que les exonérations accordées par le Royaume de Belgique par la voie de décisions anticipées, fondées sur l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, constituaient un régime d’aides, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui était incompatible avec le marché intérieur et qui avait été mis en exécution en violationde l’article 108,paragraphe3,TFUE.

16 Par ailleurs, la Commission a ordonné la récupération des aides ainsi octroyées auprès des bénéficiaires, dont la liste définitive devait être ultérieurement établie par le Royaume de Belgique.

Dans l’annexe de la décision attaquée, ont été identifiés, à titre indicatif et sur la base d’informations fournies par le Royaume de Belgique lors de la procédure administrative, 55 bénéficiaires, dont Magnetrol International,requérante dansl’affaire T-263/16.

17 En premier lieu, s’agissant de l’appréciation de la mesure d’aide (considérants 94 à 110 de la décision attaquée), la Commission a considéré que la mesure en cause constituait un régime d’aides, qui serait fondé sur l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, tel qu’appliqué par l’administration fiscale belge. Cette application serait expliquée dans l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, la circulaire administrative du 4 juillet 2006 et les réponses du ministre des Finances à des questions parlementaires relatives à l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92. Ces actes constituaient, selon la Commission, la base sur laquelle les exonérations en cause avaient été accordées. En outre, la Commission a considéré que ces exonérations avaient été accordées sans que des mesures d’application des dispositions de base aient été nécessaires, les décisions anticipées ne constituant que des modalités techniques d’application du régime en question. Par ailleurs, la Commission a relevé que les bénéficiaires des exonérations étaient définis de manière générale et abstraite par les dispositions à la base du régime. En effet, celles-ci visaient les entités qui faisaient partie d’un groupemultinational de sociétés.

18 En deuxième lieu, s’agissant des conditions d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérants 111 à 117 de la décision attaquée), premièrement, la Commission a indiqué que l’exonération des bénéfices excédentaires relevait d’une intervention de l’État, imputable à celui-ci, et donnait lieu à une perte de ressources d’État, dans la mesure où cette exonération entraînait une réduction de l’impôt dû en Belgique par les entreprises bénéficiant du régime. Deuxièmement, elle a considéré que le régime en cause était susceptible d’affecter les échanges à l’intérieur de l’Union européenne, dans la mesure où il avait bénéficié à des sociétés multinationales exerçant leurs activités dans plusieurs États membres. Troisièmement, la Commission a souligné que le régime en cause libérerait les entreprises bénéficiaires d’une charge qu’elles auraient normalement dû supporter et que, en conséquence, ce régime faussait ou menaçait de fausser la concurrence en renforçant la position financière de ces entreprises. Quatrièmement, la Commission a considéré que le régime en cause procurait unavantage sélectif aux entités belgesen ne bénéficiant ainsiqu’aux groupes multinationaux d’entreprises auxquels ces entités appartenaient.

19 S’agissant, spécifiquement de l’existence d’un avantage sélectif, la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires constituait une dérogation au système de référence, identifié comme étant le système commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, dans la mesure où l’impôt était appliqué non sur le bénéfice total réellement enregistré par la société concernée mais sur un bénéficede pleineconcurrence ajusté (considérants 118à 134dela décision attaquée).

20 À cet égard et à titre principal (considérants 135 à 143 de la décision attaquée), la Commission a considéré que le régime en cause était sélectif, tout d’abord, parce qu’il n’était accessible qu’aux entités intégrées à un groupe multinational, et non aux entités autonomes ou intégrées à des groupes nationaux de sociétés. Ensuite, le régime en cause aurait engendré une sélectivité entre les groupes

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multinationaux qui modifient leur modèle d’entreprise en mettant en place de nouvelles activités en Belgique et tous les autres opérateurs économiques qui continuent de suivre des modèles d’entreprise existant en Belgique. Enfin,le régime en cause aurait été sélectif defacto, du fait que seules lesentités belges faisant partie d’un groupe multinational de grande taille ou de taille moyenne auraient pu bénéficier effectivement de l’exonération des bénéfices excédentaires et non les entités faisant partie d’un groupe multinationalde taille modeste.

21 À titre subsidiaire (considérants 144 à 170 de la décision attaquée), la Commission a indiqué que, même s’il devait être accepté que le système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique contenait une règle interdisant d’imposer le bénéfice des entités d’un groupe multinational qui dépassait un bénéfice de pleine concurrence, quod non, l’exonération des bénéfices excédentaires en cause constituerait une dérogation au système de référence, étant donné que les raisons qui justifiaient l’exonération et la méthode utilisée pour établir le bénéfice excédentaire enfreindraient le principede pleine concurrence. Cetteméthode comprendrait deuxétapes.

22 Dans le cadre dela première étape,lesprix depleine concurrenceappliquésaux transactions conclues entre l’entité belge d’un groupe et les sociétés auxquelles elle est liée seraient fixés sur la base d’un rapport en matière de prix de transfert fourni par le contribuable. Ces prix de transfert seraient déterminés en appliquant la méthode transactionnelle de la marge nette (MTMN). Un bénéfice résiduel ou de pleine concurrence serait ainsi établi, lequel, selon la Commission, correspondrait au bénéfice réellement enregistré par l’entité belge.

23 Lorsdela secondeétape,et surla based’un secondrapport présenté parle contribuable,le bénéficede pleine concurrence ajusté de l’entité belge serait établi en déterminant le bénéfice qu’une entreprise autonome comparable aurait réalisé dans des circonstances comparables. La différence entre le bénéfice obtenu suivant les première et seconde étapes (à savoir le bénéfice résiduel moins le bénéfice de pleine concurrence ajusté) constituerait le montant du bénéfice excédentaire que les autorités fiscales belges considéreraient comme étant tiré de synergies ou d’économies d’échelle du fait de l’appartenance à ungroupe d’entreprises et,partant,non imputableà l’entité belge.

24 Ce bénéfice excédentaire ne serait pas imposé fiscalement, en vertu du régime en cause. Or, selon la Commission, cette non-imposition aurait procuré aux bénéficiaires du régime un avantage sélectif, notamment dans la mesure où la méthode de calcul du bénéfice excédentaire s’écarterait d’une méthode conduisant àune estimation fiable d’un résultat fondé sur le marché, et donc du principe de pleine concurrence.

25 Par ailleurs, s’agissant de la justification du régime en cause, la Commission a estimé que celui-ci ne pouvait pas être justifié parla nature et l’économie du système fiscal belge (considérants 173 à 181 de la décisionattaquée). En effet,contrairementà ce quiaurait été avancéparle Royaume de Belgique,le régime en cause ne poursuivait pas l’objectif d’éviter la double imposition, dans la mesure où il n’était pas nécessaire, afin d’obtenir l’exonération des bénéfices excédentaires, de prouver que ces bénéfices auraient été inclus dansla base imposable d’une autresociété.

26 En troisième lieu, la Commission a considéré que les mesures en question constituaient des aides au fonctionnement et étaient, partant, incompatibles avec le marché intérieur. En outre, ces mesures n’ayant pas été notifiées à la Commission en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, elles constitueraient des aidesillégales (considérants 189à 194de ladécision attaquée).

27 En ce qui concerne la récupération des aides (considérants 195 à 211 de la décision attaquée), la Commission a relevé que le Royaume de Belgique ne saurait invoquer le principe de protection de la confiance légitime des bénéficiaires, ni le principe de sécurité juridique, pour se soustraire à son obligation de récupérer les aides incompatibles accordées illégalement et que les montants à récupérer

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pouvaient être calculés, pour chaque bénéficiaire, sur la base de la différence entre l’impôt qui aurait été dû, sur la base du bénéfice réellement enregistré, et l’impôt effectivement payé en vertu de la décision anticipée.

28 Le dispositif de la décision attaquée est libellé comme suit :

« Article premier

Le régimed’exonération des bénéfices excédentaires,qui sefonde sur l’article 185,paragraphe2,[sous]

b), du [CIR 92], en vertu duquel [le Royaume de] Belgique a émis des décisions anticipées en faveur d’entités belges de groupes d’entreprises multinationaux, parlesquelles elle accorde auxdites entités le bénéfice d’une exonération de l’impôt sur les sociétés pour une partie du bénéfice qu’elles réalisent, constitue une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE qui est incompatible avec le marché intérieur et a été mise illégalement à exécution par la Belgique en violation de l’article 108, paragraphe3, du TFUE.

Article 2

1. [Le Royaume de] Belgique est tenu[…] de récupérer l’aide incompatible et illégale visée à l’article 1er auprès des bénéficiaires decelle-ci.

2. Toute sommenon encore récupéréeauprès des bénéficiaires àla suite dela récupérationdécriteau paragraphe1 estrécupérée auprèsdu groupe d’entreprises auquelle bénéficiaire appartient.

3. Les sommesàrécupérerproduisent des intérêts àpartirde la dateà laquelleelles ontété misesàla disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupérationeffective.

4. Les intérêts sur les montants à récupérer sont calculés sur une base composée conformément au chapitre Vdu règlement(CE) no 794/2004.

5. [Le Royaume de] Belgique met fin à l’aide visée à l’article 1er et annule tous les paiements non encore effectués au titrede laditeaide àcompter dela date d’adoption de la présente décision.

6. [Le Royaume de] Belgique rejette toute demande de décision anticipée présentée au service des décisions anticipéesrelevant del’aide viséeàl’article 1er oupendanteàla dated’adoption delaprésente décision.

Article 3

1. La récupération del’aide octroyéeviséeàl’article 1er est immédiate et effective.

2. [Le Royaume de] Belgique veille à ce que la présente décision soit pleinement exécutée dans un délai dequatre mois àcompterde sa notification.

Article 4

1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, [le Royaume de] Belgique communique àla Commissionles informations suivantes :

a) la liste des bénéficiaires de l’aide visée à l’article 1er et le montant total reçu parchacun d’eux à ce titre;

b) le montanttotal (principal etintérêts) à récupérerauprèsde chaquebénéficiaire ;

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c) une description détaillée des mesures prises et envisagées pour se conformer aux exigences de la présente décision ;

d) lesdocuments démontrant que lesbénéficiaires ont étémis en demeure de rembourserl’aide.

2. [Le Royaume de] Belgique tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide octroyée

1er

visée à l’article . [Il] transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et sur les mesures prévues pour se conformer à la présente décision. [Il] fournit aussides informations détaillées concernant les montants de l’aide et des intérêts déjà récupérésauprès des bénéficiaires.

Article 5

Le Royaume de Belgique estdestinatairede la présente décision. »

Procédure et conclusions

Procédure et conclusions des parties dans l’affaire T-131/16

29 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mars 2016, le Royaume de Belgique a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée.

30 Par acteséparé, déposé au greffe du Tribunal le 26 avril2016, le Royaume de Belgiquea introduit une demande en référé, dans laquelle il a demandé au président du Tribunal de surseoir à l’exécution des articles 2 à 4 de la décision attaquée jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours au fond. Par ordonnance du président du Tribunal du 19 juillet 2016, celui-ci a rejeté la demande en référé et les dépens ont étéréservés.

31 Le 11 juillet 2016, le Tribunal a demandé au Royaume de Belgique de répondre à une question. Le Royaume de Belgique adéféréà cette demandeparlettre du 19juillet 2016.

32 Paractedéposé augreffe duTribunal le 11juillet 2016,l’Irlande ademandéàintervenirau soutiendes conclusions du Royaume de Belgique. Par décision du 25 août 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de l’Irlande. L’Irlande a déposé son mémoire et lesparties principales ontdéposé leursobservations sur celui-ci dans lesdélais impartis.

33 La composition des chambresdu Tribunal ayant étémodifiée le21 septembre 2016, le jugerapporteur a été affecté, en application de l’article 27, paragraphe5, du règlement de procédure du Tribunal, àla septième chambre, àlaquelle la présente affairea, parconséquent,étéattribuée.

34 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 janvier 2017, le Royaume de Belgique a demandé que l’affaire soit jugée par une formation de jugement élargie. Le 15 février 2017, le Tribunal a pris acte, en application de l’article 28, paragraphe 5, du règlement de procédure, du fait que l’affaire avait été renvoyée àla septième chambreélargie.

35 Un membre de la septième chambre élargie ayant été empêché de siéger, par décision du 28 mars 2017, le président du Tribunal adésigné le vice-président du Tribunal pour compléterla chambre.

36 Sur proposition du juge rapporteur, le président de la septième chambre élargie a décidé, le 12 décembre 2017, en application de l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure, de faire juger la présente affaire parpriorité.

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37 Sur proposition du juge rapporteur,le Tribunal (septième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a invité le Royaume de Belgique et la Commission àrépondre parécrit àdes questions. Lesparties ontdéféré àces demandesdans lesdélais impartis.

38 Par ordonnance du 17 mai 2018, les partiesentendues,le président dela septième chambre élargie du Tribunal a décidé de joindre les affaires T-131/16, Belgique/Commission, et T-263/16, Magnetrol International/Commission, aux fins de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 68, paragraphe 2, du règlement de procédure, et a fait droit à la demande de traitement confidentiel présentée parMagnetrol International àl’égard del’Irlande.

39 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors del’audience du 28 juin2018.

40 Le Royaume de Belgique conclut àce qu’il plaise au Tribunal :

– annulerla décisionattaquée ;

– àtitre subsidiaire,annulerles articles1eret 2du dispositifdela décisionattaquée ; – condamnerla Commission aux dépens.

41 L’Irlande conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée comme le demande le Royaume de Belgique.

42 La Commission conclut àce qu’il plaiseau Tribunal :

– rejeterle recours ;

– condamnerle Royaume de Belgique aux dépens.

Procédure et conclusions des parties dans l’affaire T-263/16

43 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2016, Magnetrol International a introduit un recours visant àl’annulation de la décisionattaquée.

44 Le 20 juin2016, la Commissionademandé la suspensiondela procédurejusqu’à ce qu’il ait étéstatué dans l’affaire T-131/16, Belgique/Commission, ce à quoi la requérante s’est opposée le 26 juillet 2016.

Par décision communiquée aux parties principales le 9 août 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a rejeté la demandede suspensionde laCommission.

45 La composition des chambresdu Tribunal ayant étémodifiée le21 septembre 2016, le jugerapporteur a été affecté, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

46 Sur proposition de la septième chambre, le Tribunal a décidé le 12 mars 2018, en application de l’article 28, paragraphe 3, du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

47 Un membre de la septième chambre élargie ayant été empêché de siéger, par décision du 15 mars 2018, le président du Tribunal adésigné le vice-président du Tribunal pour compléterla chambre.

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48 Sur proposition du juge rapporteur, le président de la septième chambre élargie a décidé le 16 avril 2018, en application de l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure, de faire juger la présente affaire parpriorité.

49 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a invité Magnetrol International et la Commission à répondre parécrit àdes questions. Lesparties ontdéféré àces demandesdans lesdélais impartis.

50 Par ordonnance du 17 mai 2018, les partiesentendues,le président dela septième chambre élargie du Tribunal a décidé de joindre les affaires T-131/16, Belgique/Commission, et T-263/16, Magnetrol International/Commission, aux fins de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 68, paragraphe 2, du règlement de procédure, et a fait droit à la demande de traitement confidentiel présentée parMagnetrol International àl’égard del’Irlande.

51 Comme celaaétéindiquéau point39ci-dessus, lespartiesont étéentenduesen leursplaidoirieseten leurs réponsesaux questions poséesparle Tribunal lorsdel’audience du 28 juin2018.

52 Magnetrol Internationalconclut àce qu’il plaiseau Tribunal :

– annulerla décisionattaquée ;

– àtitre subsidiaire,annulerles articles2à 4dela décisionattaquée ;

– en toutehypothèse,annuler lesarticles2à 4dela décisionattaquée dansla mesure oùces articles, d’une part, exigent la récupération de l’aide auprès d’entités autres que celle ayant reçu une décision anticipée et, d’autre part, ordonnent la récupération d’un montant égal aux économies d’impôt réalisées par le bénéficiaire, sans permettre au Royaume de Belgique de tenir compte d’un ajustement effectif àla hausse opéréparuneautre administration fiscale;

– condamnerla Commission aux dépens.

53 La Commission conclut àce qu’il plaiseau Tribunal :

– rejeterle recours ;

– condamnerMagnetrol Internationalaux dépens.

En droit

54 Les partiesprincipales ayantétéentenduessurce pointlorsdel’audience, le Tribunaldécidedejoindre les présentes affaires également aux fins de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlementde procédure.

Observations liminaires

55 À l’appui de son recours, le Royaume de Belgique soulève cinq moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 6, TFUE et de l’article 5, paragraphes 1 et 2, TUE, en ce que la Commission aurait interféré avec la compétence fiscaledu Royaume de Belgique. Le deuxième esttiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission a qualifié les mesures de régime d’aides. Il est divisé en deuxbranches contestant, pour la première, l’identification des actes sur lesquels se fonde le prétendu régime en cause et, pour la seconde, la considération

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relative à l’absence de mesures d’application supplémentaires. Le troisième est tiré de la violation de l’article 107 TFUE, en ce que la Commission a considéré que le système des bénéfices excédentaires constituait une mesure d’aide d’État. Le quatrième est tiré de l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission quant à l’identification des bénéficiaires de la prétendue aide. Le cinquième, invoqué à titre « subsidiaire », est tiré de la violation du principe général de légalité et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), en ce que la décision attaquée ordonne la récupération auprès des groupes multinationaux auxquels appartiennent les entités belges ayant obtenu unedécisionanticipée.

56 À l’appui de son recours, Magnetrol International soulève quatre moyens. Le premier est tiré d’une erreur manifested’appréciation, d’un abusde pouvoir et d’un défaut de motivation dans la mesure où la décision attaquée constate l’existence d’un régime d’aides. Le deuxième est tiré d’une violation de l’article 107 TFUE ainsi que de l’obligation de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où la décision attaquée qualifie le régime allégué de mesure sélective. Le troisième est tiré d’une violation de l’article 107 TFUE ainsi que de l’obligation de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où la décision attaquée indique que le régime allégué fait naître un avantage. Le quatrième, invoqué à titre « subsidiaire », est tiré d’une violation de l’article 107 TFUE, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, d’une erreur manifeste d’appréciation, d’un abus de pouvoir et d’un défaut de motivation, en ce qui concerne la récupération de l’aide ordonnée dans la décision attaquée, l’identification des bénéficiaires ainsi que le montant àrécupérer.

57 Il ressort de l’exposé de l’ensemble des moyens qui précèdent que le Royaume de Belgique et Magnetrol Internationalsoulèvent,certesdans un ordredifférent,des moyenstirés, ensubstance : – premièrement, de l’ingérence de la Commission, outrepassant ses compétences en matière d’aides

d’État, dans les compétences exclusives du Royaume de Belgique en matière de fiscalité directe (premier moyen dans l’affaire T-131/16 et première branche du troisième moyen dans l’affaire T-263/16) ;

– deuxièmement, de la conclusion erronée relative à l’existence d’un régime d’aides en l’espèce, au 1er

sens de l’article , sous d), du règlement 2015/1589, notamment du fait de l’identification incorrecte des actes sur la base desquels se fonderait le prétendu régime et de la considération erronée selon laquelle le régime d’aides ne requiert pas des mesures d’application supplémentaires (deuxièmemoyen dansl’affaire T-131/16 et premier moyen dans l’affaire T-263/16) ;

– troisièmement, de la considération erronée des décisions anticipées relatives aux bénéfices excédentaires comme des d’aides d’État, compte tenu notamment de l’absence d’un avantage et de l’absence de sélectivité (troisième moyen dans l’affaire T-131/16 et troisième moyen dans l’affaire T-263/16) ;

– quatrièmement, de la violation, notamment, des principes de légalité et de protection de la confiance légitime, en ce que la récupération des prétendues aides aurait été erronément ordonnée, y compris auprès des groupes auxquels appartiennent les bénéficiaires desdites aides (quatrième et cinquième moyens dans l’affaire T-131/16 et quatrième moyen dans l’affaire T-263/16).

58 Le Tribunal examinera les moyensdans l’ordre mentionné aupoint 57ci-dessus.

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Sur la prétendue ingérence de la Commission dans les compétences exclusives du Royaume de Belgique enmatière defiscalité directe

59 Le Royaume de Belgique et Magnetrol International font valoir, en substance, que la Commission a outrepassé ses compétences lorsqu’elle a utilisé le droit de l’Union en matière d’aides d’État pour déterminer de façon unilatérale des éléments relevant de la compétence fiscale exclusive d’un État membre. En effet, la détermination des revenus imposables resterait une compétence exclusive des États membres tout comme la façon d’imposer les bénéfices générés par des transactions transfrontalières au sein des groupes d’entreprises, même si cela conduisait à une double non-imposition. Or, la position de la Commission consistant à considérer que les décisions anticipées sur les bénéfices excédentaires constituent des aidesd’État du fait qu’elles s’écartent d’une application du principe de pleine concurrence qu’elle considère comme correcte équivaudrait à une harmonisation forcée des règles relatives au calcul des revenus imposables, ce qui ne relève pas de la compétence del’Union.

60 L’Irlande soutient, en substance, que la décision attaquée porte gravement atteinte à la répartition équilibrée des compétences entre l’Union et les États membres, établie, notamment, par l’article 3, paragraphe 6, TUE et l’article 5, paragraphes 1 et 2, TUE, et confirmée par une jurisprudence constante.

61 La Commission fait valoir, en substance, que, bien que les États membres jouissent d’une autonomie fiscale en matière d’imposition directe, toute mesure fiscale adoptée par un État membre doit être conforme aux règles del’Union enmatière d’aides d’État.

62 À cet égard,il convientde rappelerque,selon unejurisprudence constante,mêmesi la fiscalitédirecte relève, en l’état actuel du développement du droit de l’Union, de la compétence des États membres, ces derniers doiventnéanmoinsexercer cettecompétencedans lerespectdu droitde l’Union (voirarrêtdu 12 juillet 2012, Commission/Espagne, C-269/09, EU:C:2012:439, point 47 et jurisprudence citée). En revanche, il est constant que la Commission est compétente pour veiller au respect de l’article 107TFUE.

63 Ainsi, les interventions des États membres dans les domaines qui n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation dans l’Union, tels que la fiscalité directe, ne sont pas exclues du champ d’application de la réglementation relative au contrôle des aides d’État. Partant, la Commission peut qualifier une mesure fiscale d’aide d’État pour autant que les conditions d’une telle qualification soient réunies (voir, en ce sens, arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 28 ; du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C-182/03 et C-217/03, EU:C:2006:416, point 81, et du 25 mars 2015, Belgique/Commission, T-538/11, EU:T:2015:188, points 65 et 66). Les États membres doivent donc exercer leur compétence en matière fiscale en conformité avec le droit de l’Union (arrêt du 3 juin 2010, Commission/Espagne, C-487/08, EU:C:2010:310, point 37). Par conséquent, ilsdoivent s’abstenir de prendre, dansce contexte, toute mesure susceptible de constituer uneaide d’État incompatibleavec le marché intérieur.

64 Certes, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, relèvent de la compétence des États membres la désignation des bases d’imposition et la répartition de la charge fiscale sur les différents facteurs de production et les différents secteurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C-106/09 P et C-107/09 P, EU:C:2011:732, point97).

65 Toutefois, cela n’implique pas que toute mesure fiscale, qui affecte notamment la base d’imposition prise en compte par les autorités fiscales, échappe à l’application de l’article 107 TFUE. En effet, si une telle mesure opère, en fait, une discrimination entre des sociétés se trouvant dans une situation comparable au regard de l’objectif poursuivi par cette mesure fiscale et de ce fait confère aux bénéficiaires de la mesure des avantages sélectifs qui favorisent « certaines » entreprises ou

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« certaines » productions, elle pourra être considérée comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C-106/09 P et C-107/09 P, EU:C:2011:732, point 104).

66 En outre, une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises un traitement fiscal avantageux qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables est susceptible de constituer une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En revanche, des avantages résultant d’une mesure générale applicable sans distinction à tous les opérateurs économiques ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 107 TFUE (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/WorldDuty FreeGroup e.a.,C-20/15 P et C-21/15 P,EU:C:2016:981, point 56et jurisprudence citée).

67 Il découle de ce qui précède que, la Commission étant compétente pour veiller au respect de l’article 107 TFUE, il ne saurait lui être reproché d’avoir outrepassé ses compétences lorsqu’elle a examiné les mesures constituant le prétendu régime en cause afinde vérifier si elles constituaient des aides d’État et, dans l’affirmative, si elles étaient compatibles avec le marché intérieur, au sens de l’article 107,paragraphe1,TFUE.

68 Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments du Royaume de Belgique, tirés, d’une part, de l’absence de compétence fiscale pour imposer les bénéfices excédentaires et, d’autre part, de sa propre compétencepour adopterdes mesures visantàéviter la doubleimposition.

69 Le Royaume de Belgique fait valoir que, dès lors que les bénéfices excédentaires ne devaient pas être attribués aux entités belges soumises à l’impôt en Belgique, ces bénéfices ne relèveraient pas de la compétence fiscale belge. Partant, la Commission ne saurait remettre en cause la non-imposition de ces bénéfices en Belgique.

70 Dans la mesure où ces arguments devaient être compris comme contestant la compétence de la Commission pour examiner les mesures en cause, il y a lieu de relever que ces mesures concernent des décisions anticipées, prises par les autorités fiscales belges dans le cadre de leur compétence en matière de fiscalité directe. À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence citée au point 65 ci-dessus, selon laquelle toute mesure fiscale qui remplit les conditions pour l’application de l’article 107,paragraphe 1, TFUE constitue une aide d’État. Il en découle que la Commission, dans sa compétence relevant de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, doit pouvoir examiner les mesures en question afindevérifier si elles remplissentlesdites conditions.

71 S’agissant des arguments tirés de la compétence du Royaume de Belgique pour adopter des mesures afin d’éviter la double imposition, il ressort, certes, de la jurisprudence qu’il appartient aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les situations de double imposition, en utilisant,notamment,les critèresderépartitionsuivis dansla pratiquefiscale internationale(voir, ence sens, arrêtdu14 novembre2006, Kerckhaertet Morres,C-513/04, EU:C:2006:713,point23).Toutefois, ainsi qu’il a été relevé au point 63 ci-dessus, les États membres doivent exercer leurs compétences fiscales en conformité avec le droit de l’Union et s’abstenir de prendre toute mesure correspondant à une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. Partant, le Royaume de Belgique ne saurait se prévaloir de la nécessité d’éviter la double imposition en tant qu’objectif poursuivipar la pratique des autorités fiscales belges quant aux bénéfices excédentaires, afin de justifier une compétence exclusive, à cet égard, qui échapperait au contrôle du respect de l’article 107 TFUE par la Commission.

72 Par ailleurs et en toute hypothèse, il convient de relever que, en l’espèce, la non-imposition des bénéfices excédentaires, telle qu’appliquée par les autorités fiscales belges, ne semblait pas poursuivre des objectifs visant à éviter la double imposition. En effet, l’application des mesures contestées n’était

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pas soumise à la condition de prouver que ces bénéfices avaient été repris dans les bénéfices d’une autre société. Il n’était pas non plus requis de prouver que ces bénéfices excédentaires avaient effectivement faitl’objet d’une impositiondans unautre pays.

73 En effet, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 ne prévoit un ajustement négatif des bénéfices d’une société que si ceux-ci ont été repris dans le bénéfice d’une autre société. Or, le Royaume de Belgique ne s’est pas distancié des constats faits parla Commission aux considérants 173 à 181 de la décision attaquée quant à l’existence de la pratique de ses autorités fiscales telle qu’expliquée, notamment, par les réponses des ministres des Finances, indiquées aux points 12 à 14 ci-dessus, et selon laquelle l’ajustement négatif de la base imposable d’une société demandant une décision anticipée s’effectuait sans qu’il soit vérifié si le bénéfice déduit de la base imposable de cette société, comme étant unbénéfice excédentaire, étaiteffectivement reprisdans le bénéficed’une autresociété.

74 Au regarddes considérations qui précèdentil ya lieu derejeter commenon fondé le moyen tiré dela prétendue ingérence dela Commission dansla compétence fiscaledu Royaume de Belgique.

Sur l’existence d’un régime d’aides, au sensdel’article 1er, sousd),du règlement2015/1589

75 Le Royaume de Belgique et Magnetrol International font valoir, en substance, que la Commission a erronément identifié les actes sur la base desquels le système des bénéfices excédentaires constituerait un régime d’aides et a considéré, à tort, que ces actes ne nécessitaient pas de mesures d’application supplémentaires, au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589. Par ailleurs, la conclusion relative àl’existence d’un régime d’aides seraitfondéesur une motivation contradictoire.

76 La Commission soutient, en substance, qu’elle a suivi un raisonnement cohérent tout au long de la décision attaquée, en ce qu’elle a considéré que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires était fondé sur l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, tel qu’appliqué par le service des décisions anticipées, à la lumière del’interprétation fournie parl’exposé des motifs dela loi du 21 juin 2004, la circulaire administrative du 4 juillet 2006 et les réponses du ministre des Finances à des questions parlementaires sur l’application dudit article. Ces actes témoigneraient d’une approche systématique et cohérente par laquelle, sans qu’il y ait eu besoin de mesures d’application supplémentaires, les autorités fiscales belges auraient exonéré de l’impôt les bénéfices dits excédentaires.

77 Aux termes de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, constitue un régime d’aides toute disposition sur la base de laquelle,sans qu’il soit besoin demesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition, et toute disposition sur la base de laquelle une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou à plusieurs entreprises pour une période indéterminée ou pour unmontant indéterminé.

78 Il ressort de la jurisprudence que, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier lescaractéristiques du régimeen cause pour apprécier, dans lesmotifs dela décision en cause, si, en raison des modalités que ce régime prévoit, celui-ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres. Ainsi, la Commission, dans une décision qui porte sur un tel régime,n’est pas tenued’effectuer uneanalyse del’aide octroyéedans chaque cas individuel sur le fondement d’un telrégime.Ce n’est qu’au stadede la récupérationdes aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato

« Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C-71/09 P, C-73/09 P et C-76/09 P, EU:C:2011:368, point 63et jurisprudence citée).

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79 En outre,ilaétéjugéque, danslecadredel’examen d’un régimed’aides et enl’absence d’identification d’un actejuridique instituant un tel régime d’aides, la Commissionpeut se fonder sur un ensemble de circonstances de nature à déceler l’existence en fait d’un régime d’aides (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 1994, Allemagne et PleugerWorthington/Commission, C-324/90 et C-342/90, EU:C:1994:129, points 14 et 15).

80 Il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, tout d’abord, au considérant 97 de celle-ci, il est indiqué que l’exonération des bénéfices excédentaires a été octroyée sur la base de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92. Ensuite, au considérant 98 de la même décision, il est indiqué que l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 par l’administration fiscale belge est expliquée dans l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, la circulaire administrative du 4 juillet 2006 et les réponses du ministre des Finances aux questions parlementaires posées au sujet de cette application. Enfin, au considérant 99 de la décision attaquée, il est conclu que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, la circulaire administrative du 4 juillet 2006 et les réponsesdu ministre des Finances aux questions parlementaires sur l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 constituent les actes sur la base desquels l’exonération des bénéfices excédentaires est accordée.

81 En revanche,auconsidérant125deladécisionattaquée,il estindiquéqu’aucune dispositionduCIR92 ne prescrit une exonération defaçon unilatérale et abstraite d’une partie fixe ou d’un pourcentage fixe du bénéficeréellementenregistré paruneentitébelgeappartenantàungroupe.Enoutre,il estindiqué que l’article 185,paragraphe2,sousb),du CIR92permetdes ajustementsnégatifsdesprix detransfert à condition que le bénéfice à exonérer, généré par la transaction ou l’arrangement international en question, ait été inclus dans le bénéfice de la contrepartie étrangère à cette transaction ou à cet arrangement.

82 Certes, unecertaine ambivalence semble ressortir du raisonnement dela Commission,dans la mesure où, d’une part, elle retient l’ensemble des actes énumérés au considérant 99 de la décisionattaquée en tant que dispositions de base du régime contesté, alors que, d’autre part, lorsqu’elle analyse le système de référence, dans le cadre de l’examen de l’existence d’un avantage sélectif, elle affirme qu’aucune disposition du CIR 92 ne prescrit une exonération telle que celle appliquée par les autorités fiscales belges.

83 Toutefois, de la lecture de la décision attaquée dans son ensemble, il découle que l’article 185, paragraphe 2, sousb), du CIR 92, tel qu’appliqué parles autorités fiscales belges, constitue la base du prétendu régime d’aides en cause et qu’une telle application peut être déduite de l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, de la circulaire administrative du 4 juillet 2006et des réponses du ministre des Financesaux questions parlementaires sur l’application dudit article.

84 Partant, il convient d’analyser si le prétendu régime d’aides, quiserait fondé sur les actes identifiéspar la Commission,requiert des mesures supplémentaires d’application, au sens de l’article 1er,sous d),du règlement 2015/1589.

85 Les considérations suivantes peuvent être dégagées de la définition du régime d’aides prévue par l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, énoncée au point 77 ci-dessus, tel qu’interprétée par la jurisprudence.

86 Premièrement, dans la mesure où les aides individuelles sont accordéessans l’intervention de mesures d’application supplémentaires, les éléments essentiels du régime d’aides en question doivent nécessairement ressortir des dispositions identifiées comme fondement duditrégime.

87 Deuxièmement, lorsque les autorités nationales appliquent ledit régime, ces autorités ne sauraient disposer d’une marge d’appréciation quant à la détermination des éléments essentiels de l’aide en question et quant à l’opportunité de son octroi. En effet, pour que l’existence de telles mesures

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d’application soit exclue, le pouvoir des autorités nationales devrait se limiter à une application technique des dispositions censées constituer le régime en cause, le cas échéant après avoir vérifié que les demandeursréunissent les conditionspréalables pourbénéficierde celui-ci.

88 Troisièmement, il découle de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 que les actes fondant le régime d’aides doivent définirles bénéficiaires demanière générale et abstraite, même sil’aide qui leur est accordée resteindéterminée.

89 Il convient donc d’analyser dans quelle mesure les éléments mis en exergue ci-dessus ressortent des actes à la base du régime d’aides identifiés par la Commission, de sorte que les prétendues mesures d’aide, àsavoir les exonérations des bénéfices excédentaires, puissent être octroyées sur labase desdits actes sans qu’il soitbesoin d’adopter des mesuresd’application supplémentaires.

Sur les éléments essentiels durégime d’aidesencause

90 Aux considérants 13 à 22 de la décision attaquée, la Commission décrit le régime d’aides en cause comme consistant en une exonération des bénéfices excédentaires et expose les éléments qui, en substance, constituent les éléments essentiels pour l’octroi de ladite exonération, repris au considérant 102de la décisionattaquée. Ainsi, premièrement, estpris en compte le fait que lesentités belges concernées soient des entités intégrées à un groupe multinational. Deuxièmement, est prise en considération l’obtention d’une décision anticipée auprès du service des décisions anticipées, laquelle est liée à une situation nouvelle, telle qu’une réorganisation entraînant la relocalisation de l’entrepreneur central en Belgique, la création d’emplois ou des investissements. Troisièmement, est retenue l’existence de bénéfices qui dépassent les bénéfices que des entités autonomes comparables auraient réalisés dans des circonstances similaires. Quatrièmement, en revanche, n’est pas prise en compte l’existence d’un ajustement positif primaire effectuédans unautreÉtatmembre.

91 À cet égard, il y a lieu d’analyser si les éléments essentiels du prétendu régime d’aides, indiqués ci-dessus, ressortent des actes que la Commission a retenus comme constituant la base du système d’exonération des bénéfices excédentaires.

92 En effet, d’emblée, il importe de souligner que la Commission a indiqué, aux considérants 101 et 139 de la décision attaquée, que les éléments essentiels des prétendues aides avaient été constatés à partir de l’examen d’un échantillon de décisions anticipées. Ainsi, la Commission elle-même a reconnu que ces éléments essentiels ne ressortaient pas des actes sur lesquels elle soutenait que le régime se fondait, mais des décisions anticipées elles-mêmes ou,plutôt, d’un échantillon decelles-ci.

93 En tout étatde cause,si, certes,certains des éléments essentiels du régime retenuspar la Commission peuvent découler des actes identifiés aux considérants 97 à 99 de la décision attaquée, tel n’est toutefois pas le cas pourl’ensemble deces élémentsessentiels.

94 En effet, ainsi que le fontvaloir, àjuste titre,le Royaume de Belgique et Magnetrol International, nila méthodepourle calculdes bénéfices excédentairesen deuxétapesnil’exigence d’investissements, dela création d’emplois, de la centralisation ou de l’accroissement d’activités en Belgique ne découlent, même de manière implicite, des actes retenus par la Commission comme étant la base du régime en question, aux considérants 97 à 99 de la décision attaquée. Or, si ces éléments qui, selon la Commission elle-même, font partie des éléments essentiels du prétendu régime d’aides, ne figurent pas dans les actes qui sont censés constituer le fondement de ce régime, la mise en œuvre de ces actes et donc l’octroi des prétendues aides dépendraient nécessairement de l’adoption de mesures d’application supplémentaires, de sorte qu’il ne saurait être question d’un régime d’aides au sens de l’article 1er,sousd),du règlement 2015/1589.

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95 D’une part, les actes identifiés aux considérants 97 à 99 de la décision attaquée, repris au point 80 ci-dessus, ne mentionnent pas la méthode en deux étapes, comprenant la MTMN pour le calcul des bénéfices excédentaires. Or, il ressort de la décision attaquée, notamment du point 6.3.2 de celle-ci (considérants 133, 144 et 152 à 168 de ladite décision), que cette méthode a été systématiquement appliquée et constitue un élément essentiel du régime, dans la mesure où c’est précisément l’application decette méthodequi rendledit régimesélectif.

96 Partant, et sans préjuger de la question de savoir si la détermination des bénéfices excédentaires suivant la méthode en deux étapes, décrite dans la décision attaquée, pourrait conduire à un avantage sélectif, il y a lieu de relever que cet élément constitutif du régime en cause ne découle pourtant pas des actes de base dudit régime et ne saurait donc être appliqué en l’absence de mesures supplémentaires d’application.

97 D’autre part, s’agissant des investissements, de la création d’emplois, de la centralisation ou de l’accroissement d’activités en Belgique par les demandeurs de décisions anticipées, il convient de relever que, au point 6.3.2.1 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, même si ces éléments n’étaient pas inventoriés comme des conditions pour l’octroi de l’exonération des bénéfices excédentaires, sur le fondement de l’article 185, paragraphe2, sousb), du CIR 92, ilsétaient essentiels pour pouvoir bénéficier d’une décision anticipée qui était obligatoire pour l’octroi de l’exonération en question.

98 Or, ainsi que la Commission le reconnaît elle-même, notamment au considérant 139 de la décision attaquée, ces éléments ne ressortent pas des actes sur lesquels se fonde le régime en cause, mais des décisions anticipées elles-mêmes, d’après l’échantillon qu’elle a analysé. Partant, ainsi que le Royaume de Belgique et Magnetrol International le soutiennent à juste titre, si de tels éléments ne ressortent pas des actes qui, selon la Commission, constituent le fondement du régime d’aides, ces derniers doivent faire nécessairement l’objet de mesures d’application supplémentaires. En effet, si, comme le soutient la Commission, de tels investissements sont pris en compte par les autorités fiscales belges afin d’octroyer l’exonération des bénéfices excédentaires, une telle prise en compte impliquerait nécessairement de conduire une analyse et une évaluation spécifique de ces investissements proposés par les entités belges concernées, notamment quant à leur nature, à leur montant ou à d’autres caractéristiques relatives à leur exécution. Or, une telle analyse ne pourrait se faire qu’au cas par cas et nécessiterait donc des mesuresd’application supplémentaires.

Sur la marged’appréciation desautorités fiscales belges

99 Ainsi que la Commission l’a relevé àbon droit,au considérant 100de la décisionattaquée, l’existence de mesures d’application supplémentaires, au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, implique l’exercice d’un pouvoir d’appréciation parl’autorité fiscale adoptant les mesures en question, lui permettant d’influencer les caractéristiques, le montant ou les conditions dans lesquelles l’aide est octroyée. La Commission estime, au contraire, que la simple application technique de l’acte prévoyant l’octroi des aides en cause ne constitue pas une mesure d’application supplémentaire, au sens de l’article 1er,sousd),du règlement 2015/1589.

100 En effet, il convient derelever que le faitqu’une demande d’agrément préalable doive être faite auprès des autorités fiscales compétentes afin de bénéficier d’une aide n’implique pas que ces autorités disposent d’un pouvoir d’appréciation, lorsqu’elles se limitent à vérifier si le demandeur répond aux critères requis pour bénéficier de l’aide en question (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C-519/07 P, EU:C:2009:556, point 57).

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101 En l’espèce, il est constant que la non-imposition des bénéfices excédentaires est conditionnée à l’obtention d’une décision anticipée. À cet égard, il convient de rappeler le libellé de l’article 20 de la loi du 24 décembre2002, selon lequel,par décisionanticipée,il y alieu d’entendre l’acte juridique par lequel le service public fédéral des finances détermine, conformément aux dispositions en vigueur, comment la loi s’appliquera à unesituation ou àune opération particulière qui n’a pas encoreproduit d’effets sur le plan fiscal.

102 Il convientdès lorsd’examiner si,lorsdel’adoption detellesdécisions anticipées,ledit servicedisposait d’un pouvoir d’appréciation lui permettant d’influencer le montant, les éléments essentiels et les conditions dans lesquellesl’exonération des bénéfices excédentaires était octroyée.

103 Premièrement, il ressort de l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004modifiant le CIR 92 (tel que résumé au point 7 ci-dessus) et de la circulaire administrative du 4 juillet 2006 (telle que décrite aux points 9 à 11 ci-dessus) que l’ajustement négatif prévu par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 doit être effectué au cas par cas sur la base des éléments disponibles qui sont fournis, notamment, par le contribuable. En outre,il est indiqué qu’aucun critère ne peut être établi en ce qui concerne cet ajustement, dansla mesure où ildoit être effectuéau cas parcas.Toutefois, ilest précisé qu’il n’y a lieu de procéder à un ajustement corrélatif que si l’administration fiscale ou le service des décisions anticipées estime que l’ajustement est justifié en ce qui concerne le principe et le montant.

Par ailleurs, les réponses du ministre des Finances à des questions parlementaires sur l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 (telles que résumées aux points 12 à 14 ci-dessus) se limitent à évoquer de manièregénérale la positionde l’administration fiscale belge en ce qui concerne les bénéfices excédentaires et leprincipe depleine concurrence.

104 Il peutêtre inféréde la lecture combinée de ces actes mentionnésau point 103 ci-dessus que, lorsque les autorités fiscales belges ont adopté des décisions anticipées sur les bénéfices excédentaires, elles n’ont pas procédé à une application technique du cadre réglementaire applicable, mais, au contraire, ont effectué« au cas parcas » une appréciation qualitative et quantitative de chaque demande, sur la base des rapports et des éléments de preuve fournis par l’entité concernée, afin de décider s’il était justifié d’accorder l’ajustement négatif prévu par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92.

Partant, contrairementàce que soutientla Commission,notammentau considérant 106dela décision attaquée, eten l’absence d’autres instructionsquilimiteraientle pouvoirdedécisiondel’administration fiscale belge, celle-ci a dû nécessairement jouir d’un pouvoir d’appréciation réel lorsqu’elle a décidé qu’il yavait lieu d’accorder detels ajustements négatifs.

105 Deuxièmement, ainsi qu’il a été indiqué au point 73 ci-dessus, l’article 185, paragraphe 2,sous b), du CIR 92 ne prévoit un ajustement négatif des bénéfices d’une société que si ceux-ci ont été repris dans le bénéfice d’une autre société. Or, dans la pratique, telle qu’elle est expliquée, notamment par la circulaire administrative du 4 juillet 2006 et les réponses du ministre des Finances aux questions parlementaires sur l’application de l’article 185, paragraphe 2,sous b), du CIR 92, l’ajustement négatif a été effectuéparle servicedes décisions anticipées sans qu’il ait étérépondu à la questionde savoir à quelles sociétésétrangères le bénéficeexcédentairedevaitêtre attribué.

106 En outre,il ressortdes considérants 67et 68de ladécisionattaquée que lerégime contesténe visepas toutes les décisions anticipées qui ont été adoptées sur la base de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92. Il ne s’agirait que des décisions anticipées qui octroient des ajustements négatifs sans que l’administration ait vérifié si les bénéfices concernés avaient été inclus dans les bénéfices d’une autre société du groupe établie dans une autre juridiction. En revanche, les décisions anticipées qui, conformément au libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, octroient un ajustement négatif qui correspond à l’ajustement positif des bénéfices imposables d’une autre société du groupe établie dansuneautre juridiction ne feraientpas partie du régime d’aides contesté.

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