MODE FEMME
Que porteront les femmes
lors du printemps-été 2023 ?
À L'APPROCHE DES SALONS DE MODE - Who's Next, Première Classe... - et des défilés de New York, Milan, Londres et Paris, mise en perspective des grandes tendances du prochain printemps-été, des grands dassiques à la cyber-esthétique.
La robe fait son retour en grande pompe.
ses clientes cette envie de « s’habiller », de renouer avec la tradition, avec des silhouettes construites, des jupes coor données aux tops, des tops assortis aux pantalons ou des tailleurs-pantalons.
Souvent façon « color block », en jaune, rouge, rose. C’est tout de même Pété ! II faut colorer.
Une envie de « s’habiller » revient, avec des silhouettes construites, des jupes coordonnées aux tops, ou des tops assortis aux pantalons.
C’est aussi le retour de la robe. En juillet dernier, Sophie Pourrat, la directrice de l’offre et de la sélection pour les évé nements du salon Who’s Next, prenait connaissance des collections de plu sieurs marques qui seront présentées à partir de septembre 2022. Selon elle, il n’y a pas de doute : la star du printemps 2023 sera la robe ultra-féminine, très apprêtée, parfois cintrée, portée avec des talons hauts. Selon Elodie Abrial, c’est aussi la robe qui l’emportera dans les allées du Bon Marché dédiées au prêt-à-porter. Toutes les robes. Des robes moulantes, évasées ou tablier, des maxi, des midi, des « one-shoul der », des robes avec le détail d’une fine bretelle ici, d’un col froncé là. Des modèles taillés dans des matières natu relles, en lin, en coton, en soie. Des pièces unies, mais surtout fleuries. Des robes de cérémonie instagrammables pour le jour «J», puis détournables pour être portées au quotidien. À choisir, par exemple, chez Double J, loanna Ortiz ou Zimmermann.
La simplicité et la fraîcheur ne sont elles pas des arguments bien faibles pour contrer les crises de notre époque ? Pourtant... « On les croisera dans la mode
Chaque saisonapporteson
lot de tendances mode, qui, plus neutres ou novatrices, résultent des aspirations croisées des clients, des acheteurs de boutiques multimarques, des marques elles-mêmes et de leurs stylistes, des labels les plus accessibles aux grandes griffes de luxe, des influen ceurs aussi, ainsi que des magazines de mode. Et surtout de l’air du temps...
C’est un temps bien lourd qui pèse sur le monde depuis la crise du Covid.
«Les crises s’enchaînent, sanitaires, ali mentaires, géopolitiques, climatiques, et font craindre l’arrivée d’un monde dystopique », analyse Alexandra ïubé, dirigeante éponyme du bureau de
conseil. Pour se préserver psychologiquement du pré
sent comme du futur,
« les populations tentent de trouver des échappatoires, des dérivatifs, des lueurs d’es
poir, des mondes parallèles », remarque Vincent Grégoire,
le directeur prospective à l’agence NellyRodi. La mode en témoigne à sa façon. Dans ces condi tions, de quoi sera fait le style
du printemps-été 2023 ?
Les grands classiques demeu rent. « Dans un mouvement de
panique, le retour aux savoir faire d’antan est un réflexe naturel, note Alexandra
Jubé. La consommatrice se tourne d’abord vers ce qu’elle connaît et plébis cite le vestiaire classique, la mode preppy par exemple. » Directrice du départe
ment mode femme au
Bon Marché Rive gauche, Elodie Abrial ressent chez
MODE
suite logique de l’actuel épiphénomène des « bratz shoes », en référence aux
sandales exagérément hautes de ces
poupées mannequins des années 2000.
L’amusement est un bon dérivatif.
Dans un monde perturbé, la consommatrice se tourne d'abord vers ce qu'elle connaît et plébiscite le vestiaire classique.
Même les rebelles - ces consomma teurs sont baptisés « les Agitateurs » dans le cahier de tendances de Vincent Grégoire (NellyRodi) - savent qu’être donneurs de leçon est moins efficace pour se faire entendre que de proposer du « fun ». Ainsi, les tenants du recy clage et de la récup’ - des créateurs comme Marine Serre, Sakina Msa, Wales Bonner ou des lieux comme Le T Ciel au sein du grand magasin Printemps ne font pas de sermons écologiques,mais célèbrent leurs messages esthético éthiques dans la bonne humeur et le festif. « Alessandro Michele, le direc teur artistique de Gucci, est l'un de ces agitateurs, poursuit Vincent Grégoire.
Son style est une suite de collages qui mélangent les aspects historiques, hysté riques, les valeurs populaires et élitistes, et ce avec un vrai point de vue sur le monde. » Au quotidien et de manière plus
du printemps-été 2023
à travers des silhouettes légères qui rappellent les années 1990-2000, indique Wendy Betton, styliste et directrice du cahier mode produit au cabinet de tendances Peclers Paris. II y aura aussi des jeux de propor tions renouvelés, des vestes plus courtes, des pantalons
cargo plus fluides, des mini jupes droites, avec éventuelle
ment des sandales “flatform”
et leurs semelles et talons extra-hauts et larges. » La
Le look des années 1990-2000 est renouvelé.
Les silhouettes légères du printemps-été 2023 rappellent les années 1990 2000. Un côté ultra-féminin s’affirme avec minijupes droites, des vestes courtes,
des pantalons cargo fluides
ou des talons extra hauts.
MODE FEMME
L'univers des métavers inspire la nouvelle mode.
La cyber-créativité est de mise. Les jeunes de la génération Z et Alpha se complaisent dans une
Louis Vuitton.
Des protections quisubliment les corps.
La femme cherche à se protéger du dimat anxiogène et des dérè glements dimatiques. C'est ainsi que, lors de son dernier défilé Croisière, Louis Vuitton a drapé
les têtes et les torses des femmes
d'imposants lainages. Une façon de se protéger du soleil et du sable, comme les personnages du film Dune.Louis Vuitton.
prosaïque, selon Clara Perotti, consul tante mode à l’agence NellyRodi, il faut s’attendre en 2023 à des produits phares, tels que le pantalon de survêtement type Adidas des années 70 - celui avec les trois bandes -, assorti avec un haut volanté très féminin. Et aussi le maillot de football avec la jupe classique.
L’écologie est une donnée incontournable, qui s’incarne par le recours aux matières, ou par de la récup’ et du recyclage.
Dans un tout autre univers, il y a la cyber-créativité. « Elle concerne un
groupe de consommateurs que j’ap
pelle “les Visionnaires” relève Vincent Grégoire (NellyRodi). Ces jeunes de la génération Z et Alpha vivent à travers les métavers et les jeux vidéo, les neuro sciences et les mondes imaginaires futu ristes expérimentaux. » Actuellement, leurs aspirations se complaisent dans une ambiance “chamallow techno” et la cyber-créativité donne corps à leurs rêves. Elle produit des matières, des couleurs et des formes nouvelles, sur gonflées ou sculpturales. Toutefois, cette mode n’est souvent consommée que virtuellement. C’est ce que propose le site web The Fabriquant, qui présente
des marques comme Auroboros, avec
des silhouettes pensées pour habiller un avatar. Parfois, cette cyber-créativité influence le style dans le réel. « L’une des dernières publicités de Louis Vuitton reprenait des effets néon sur les vête ments, souligne Vincent Grégoire, en référence aux écrans rétroéclairés devant lesquels la Gen ’ Z passe son temps. Une autre pub, de Dolce & Gabbana, mettait en scène des cyber-doudounes à effets iridescents. »
Aux antipodes de ces considérations,
« “Strong is the new sexy” assène
Elisabeth Prat, la directrice des ten dances mode chez Peclers Paris. Alors que les crises bouleversent le monde, il y a un nouvel élan d’innovation, avec un style percutant qui mise sur une sim plicité forte et radicale, pour aider nos corps fragiles à lutter dans Yadversité ».
Ce courant se tourne vers les nouvelles technologies déjà connues, notamment exploitées par les sports extrêmes. Les silhouettes présentent des lignes aéro dynamiques et flexibles, des vêtements moulés au corps, comme taillés pour la course. Cette simplicité performante s’exprime à travers des tenues en jersey
rappelant l’athleisure, mais sublimées d’une aura flamboyante, parce que la
tenue est mixée avec une parka ou unejupe en synthétique fluide et mouvant.
En 2022, le vestiaire féminin compte déjà des protections de motard chez Balmain ou de la cotte de mailles ver sion Paco Rabanne. Pour la collection
croisière 2023 de Louis Vuitton, Nicolas Ghesquière a défilé à ciel ouvert à San
Diego, au Salk Institute for BiologicalStudies, éclatant de blancheur et réver bérant de lumière, avec pour vestiaire d’imposants lainages drapant les têtes et les torses des femmes, comme pour les protéger du soleil et du sable. Une
scène qui n’était pas sans rappeler lerécent film « Dune » de Denis Villeneuve (ou le plus ancien de David Lynch). Avec ces armures, « il y a commeune héroïsa tion du corps », conclut Elisabeth Prat.
« Les Virtuoses » sont sensibles à cette
tendance. Cette classe de consommateurs aisés, voire richissimes, mise en exergue par Vincent Grégoire, ne jure
inouïs mixés à des données high-tech. »
Exemple typique : le sac à main haut parleur de Balenciaga (le Speaker Bag),développé avec Bang & Olufsen, pour
cet hiver.Plutôt que de faire la leçon, les créateurs préfèrentfaire passer leurs messages éthiques dans la bonne humeur et le festif.
À l’opposé de cette clientèle, l’expert cite
« les Modérateurs ». Ici, les femmes plé biscitent l’ascèse du créateur Christophe Lemaire, les pulls en cachemire d’Alexan
dra Golovanoff, l’artisanat de Loewe oudes essentiels intemporels qui prônent une allure faussement monacale. Ces femmes valident aussi la frugalité de la slow fashion (les jeans 1083,Le Slip fran
L'artisanat se mêle au high-tech.
çais), pour une mode raisonnée et raison nable. « C’est la suite du courant bohème,
souligne Clara Perotti (NelIyRodi).Comme il y a eu l’essor des sabots cet été, il y aura la mode des babouchesl’étépro
chain, dans une version très minimale. Et pour remplacer les fameuses Birkenstock, il faudra compter sur les sandales dePopulaireetélitisme font bon ménage.
La nouvelle mode aime les collages, les mélangés entre valeurs populaires et élitistes.
Le pantalon de survêtement type Adidas des années 70 est assorti avec un haut volanté très féminin.
Ou bien un maillot de football est associé à une jupe dassique.
pêcheur,les “fisherman”.Côté matières,on peut citer les toiles, les denims, les pope lines, les matièresnaturelles et brutes,avec ou sans broderies,pour des habits d’esprit workwear.»
Reste un thème majeur et transversal que la mode ne peut plus se permettre
d’ignorer : l’écologie. Cette donnéeressort dans quasiment tous les profils, mais s’incarne de manières différentes.
Chez «les Agitateurs »,elle setraduit par la récup’ et le recyclage. Ouand il s’agit
de tenues classiques, elle s’exprimepar le recours aux matières naturelles.
«Commechaqueannée,ilyaune tendance exclusivement dédiée à la nature pour la saison estivale », observe Elisabeth
Prat. Cette fois, l’experte promet unvoyage dans les profondeurs abyssales des océans. Ouand les paysages marins
dévoilent leurs couleurs sombres etthéâtrales, leurs textures incroyables,
comme ces méduses transparentes, ces étoiles de mer caoutchouteuses ou ces sites ornés des coraux. Autant de détails qui influenceront la mode de 2023 et accompagneront de multi ples matériaux et habits de plongée, comme de la nacre ou des micro-ventouses aux coloris sombres et intenses.
Autant de panoplies telles des lueurs