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T ANT QU IL Y AURA DES ÉLÈVES

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Academic year: 2022

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T A N T Q U ’ I L Y A U R A D E S É L È V E S

Hervé Hamon, écrivain et éditeur, est l’auteur de nombreux ouvrages, notamment Tant qu’il y aura des profs, Génération, Tu vois, je n’ai pas oublié(avec Patrick Rotman), Nos médecins et récemment Besoin de mer, L’Abeille d’Ouessantet Le Vent du plaisir(Seuil, 1997, 1999 et 2001).

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H e r v é H a m o n

TA N T Q U ’ I L Y A U R A D E S É L È V E S

Éditions du Seuil

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herve.hamon@yahoo.fr T E X T E I N T É G R A L

ISBN978-2-0213-4528-5 (ISBN2-02-057071-8, 1republication)

© Éditions du Seuil, septembre 2004

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

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Pour Athène

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Nec te faillit item quid corporis auferat et quid detrahat ex hominum neruis ac uiribus ipsis perpetuus sermo nigrai noctis ad umbram aurorae perductus ab exoriente nitore, praesertim si cum summost clamore profusus.

Tu n’ignores pas non plus quelle vigueur nous enlève, quel affaiblissement des nerfs et des forces produit

une conversation menée sans relâche depuis la clarté naissante de l’aurore jusqu’aux ombres de la nuit noire ;

surtout si nous nous répandons en éclats de voix.

LUCRÈCE, De la Nature, Livre IV.

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Préface pour l’édition de poche

Deux ans après la première parution de ce livre, le sentiment spontané que je suis tenté de transmettre à mes lecteurs est fort abrupt : un tel travail ne sert à rien sinon à convaincre les convaincus.

Bien sûr, l’ouvrage a trouvé de nombreux lecteurs et l’écrivain, là-dessus, ne boudera pas son plaisir : c’est son objectif premier. Bien sûr, la critique a été accueillante et les spécialistes élogieux : l’amateur pas- sionné en est évidemment touché. Bien sûr, dans la quarantaine de villes françaises ou étrangères que j’ai visitées, le public était au rendez-vous et, s’il ne parta- geait pas nécessairement mes conclusions, il les enten- dait avec générosité. Nulle blessure narcissique, donc.

Tout au contraire. Mon nombril se porte à merveille, merci.

Reste l’essentiel : le débat sur la question scolaire, lui, se porte très mal. La décision publique, en la matière, est incohérente. La versatilité de l’information est confondante. L’opinion se règle sur la rumeur, jamais sur l’examen. La calomnie ou le trémolo l’emportent sur le souci de la connaissance, de la critique scrupu- leuse. Les chercheurs ne sont guère écoutés. Les pro- fessionnels de terrain non plus. Et nombre d’intellectuels généralistes s’alignent sur les polémistes les plus médiocres.

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Si le niveau des connaissances transmises à nos enfants a progressé (inégalement) au cours des vingt dernières années, le niveau de la réflexion des citoyens français sur leur école s’effondre lamentablement.

Chaque rentrée nous vaut le même lot de jérémiades enseignantes (mes élèves sont indignes de moi), de fan- tasmagories lambertistes (la mort programmée de l’école méritocratique est ourdie par le capitalisme mondialisé), de haine contre les pédagogues (haro sur Philippe Meirieu), d’essayisme mondain (et voilà pour- quoi j’inscris ma fille à Sainte-Marie-du-doux-sourire), et de nostalgie dégoulinante (qu’il était beau, le temps des « surgés », des blouses grises, des coups de pied au cul et du certificat d’études).

Pour avoir abondamment fréquenté, ces dernières années, les experts et décideurs étrangers qui réfléchis- sent aux questions d’éducation – toutes les nations développées rencontrent des difficultés analogues –, je puis attester qu’ils portent sur nous, à bon droit, un regard assez effaré.

Eh oui, le pays qui s’est si magnifiquement identifié à son école, qui en a fait l’âme de la République, qui a nourri une ambition démocratique exceptionnelle, ce pays est totalement incapable, non pas de résoudre les problèmes – ce qui n’est jamais simple –, mais de vali- der les constats qui permettraient, au moins, de les poser. En démocratie, il est hautement légitime (et sou- haitable) qu’on diverge sur les politiques à suivre, mais il est incompréhensible qu’on ne soit pas en état intel- lectuel et idéologique de s’accorder sur les faits, les études, les réalités. Qu’il s’agisse du droit du travail, de la défense, de l’Europe, ou de l’organisation du bacca- lauréat, la France, en pleine déréliction sociale, se révèle inapte à passer au réel.

La faute à la presse ? C’est l’argument commode. Je

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pourrais, moi aussi, me contenter de si peu. Je pourrais révéler, par exemple, qu’après la parution de Tant qu’il y aura des élèves, j’ai reçu trente sept demandes d’in- terview au sujet du Pensionnat de Chavagnes, fiction roublarde en carton pâte, dont on imagine bien qu’elle est au cœur de mes préoccupations. Je répondais donc aimablement que mille autres sujets mobilisaient mon énergie. Ce qui est plus remarquable, c’est que la quasi- totalité des journalistes qui me contactaient exprimaient sans détour leur propre désolation, s’excusaient en quelque sorte des insuffisances de leur rédaction en chef dont le réflexe pavlovien est « On en parle, par- lons-en ». J’ai d’ailleurs eu l’occasion de vérifier que la plupart des journalistes d’éducation sont compétents, beaucoup plus « pointus » qu’il y a deux décennies, mais navrés d’être, souvent, utilisés à dix pour cent de leur potentiel.

La faute aux hommes politiques ? Oui, mille fois oui.

L’espace de cette enquête, j’ai vu défiler trois ministres.

Le premier, Luc Ferry, a démontré avec brio ce que Platon, en son temps, avait déjà établi à Syracuse : dès lors qu’il s’agit de gouverner in situ, la philosophie n’est plus d’aucune aide. Se fiant aux simulacres et se gardant soigneusement de toute excursion hors de la caverne à laquelle ses yeux étaient habitués, il s’est demandé sans rire s’il fallait conserver l’élève « au centre du système scolaire ». Quiconque a passé deux jours au fond d’une classe de cinquième est, sur ce point, définitivement averti. Il n’avait pas pris la peine d’un tel voyage, le but du jeu n’étant ni la connaissance ni l’action, mais le ministère.

Le deuxième, François Fillon, a eu pour première préoccupation d’expédier ad patresles conclusions du

« grand débat » dont sa propre majorité politique avait pourtant pris l’initiative. Car son problème était de

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réformer sans toucher à rien et d’innover en donnant un maximum de gages aux réactionnaires. Il est presque parvenu au but, malgré les remous que l’on sait : sa non réforme n’a effectivement rien réformé et il a barré d’un trait le seul exercice pluridisciplinaire qui était en train de montrer sa pertinence – les travaux personnels encadrés. Étalant son ignorance tout en brandissant le Savoir, il a multiplié les redoublements à l’instant même où un rapport lui était remis, rapport qui pour une fois met d’accord tous les chercheurs et praticiens de la planète, établissant que cette manie française est la moins efficace et la plus coûteuse humainement, socialement et financièrement. Mais qu’avons-nous besoin de l’expérience des autres ? Dans la France du ministre Fillon, on crée des « heures de soutien » avant de s’apercevoir que les professeurs, chez nous, ne savent généralement soutenir que les bons élèves.

Le dernier ministre (au moment où j’écris, car ces choses sont fluctuantes), Gilles de Robien, sera le seul des trois à entrer dans l’histoire. Non parce qu’il aura multiplié les effets d’annonce, pourfendu la méthode globale déjà enterrée, esquissé une petite remise à plat des ZEP. Mais parce qu’il aura réussi l’exploit d’enta- mer très officiellement le choix de garder au collège les jeunes qui entrent au collège. Tant pis si l’apprentissage bas de gamme ne résout rien, tant pis si les entreprises ne veulent pas de stagiaires aussi précoces et fragiles.

Tant pis si, en France, le « droit au retour », constam- ment brandi, reste un vœu pieux. C’est désormais fait : le « collège unique » est mis à mal, la pierre angulaire est fragmentée. Cela, on le sentait venir. Ce qui était moins prévisible, c’était que l’affaire se déroulerait sans anicroche, presque sans protestation, sinon rituelle. Quand le contrat d’embauche des rejetons issus des classes moyennes est insatisfaisant, c’est l’émeute.

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Quand on chasse de la sphère scolaire les « irréduc- tibles » qui sont aussi les plus pauvres, c’est l’indiffé- rence.

Le phénomène révèle que la critique du monde poli- tique, de son inaptitude à penser long, à viser le bien public par-delà les alternances, est à son tour insuffi- sante. Après tout, l’abandon du collège unique ne gêne en rien les couches moyennes et supérieures qui contournent la plus élémentaire mixité sociale, gavent leurs enfants de cours du soir défiscalisés, et sont d’ac- cord pour transformer les examens en concours. Il ne gêne pas non plus les enseignants qui préfèrent inscrire les carences des élèves au compte de ces derniers plutôt qu’à celui de l’institution. On aura vraiment tout tenté, dans ce pays, pour ne rien changer des sacro-saintes habitudes, voire pour théoriser cette inertie – la chasse aux pédagogues ouverte par les plus corporatistes des professeurs et les plus réactionnaires des intellectuels est si violente et absurde qu’on ne lui voit qu’une fonc- tion : inventer quelque justification au statu quo, quand bien même il est avéré que ce statu quo est scolaire- ment meurtrier.

Parce que mon livre a souligné que tout n’est pas noir, que l’enseignement professionnel a opéré un grand bond en avant, que j’ai (aussi) rencontré des maîtres remarquables, justes et inventifs, on m’a dit que j’étais « optimiste ». Comme s’il fallait s’inscrire dans une pensée binaire, une pensée du tout ou rien.

Ma foi non, je ne suis guère optimiste. Pas parce que la réforme est impensable. Mais parce que nous détenons les instruments pour la penser, et que nous ne voulons pas nous en servir.

H. H., juin 2006.

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Préambule

Des faits pour quoi faire ?

Parlez-vous le grenellois, idiome propre à l’Éduca- tion nationale ? Si oui, nous pourrions débuter de cette manière.

C’est un collège de ZEP, enfin, soyons à jour, de REP, un collège classé « sensible » où le GPLI a du souci à revendre malgré la manne de la DDEC, où le nombre d’HTS accordées aux enseignants – TR inclus – n’est pas mince, et tant mieux parce que le RASED encourt la mobilisation impromptue, où l’on ne saurait plus à quel saint se vouer sans SEGPA, CLIS et CLAD. Bref, un de ces collèges dont maints éditorialistes traitent beaucoup, se gardant toutefois d’y laisser l’empreinte d’une semelle, les communiqués de la DESCO suffisant à leurs analyses péremptoires, dans le meilleur des cas1. Mais je m’arrête là. J’ai l’intuition que vous préférez le français, langue, il est vrai, assez éloignée du grenel- lois. En ce cas, poursuivons autrement.

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1.ZEP : zone d’éducation prioritaire. REP : réseau d’éducation prioritaire (créé en 1999). GPLI : Groupe permanent de lutte contre l’illettrisme. DDEC : Direction départementale de l’équipement des collèges. HTS : heure à taux spécifique. TR : titulaire remplaçant.

RASED : réseau d’aides spécialisées aux enfants en difficulté.

SEGPA : section d’enseignement général et professionnel adapté.

CLIS : classe d’intégration scolaire. CLAD : classe d’adaptation.

DESCO : Direction de l’enseignement scolaire (au Ministère).

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C’est un collège « difficile », un collège « de ban- lieue » – ainsi parlent avec une compassion équivoque ceux qui nagent dans les eaux tièdes et ne quitteraient ces dernières, fût-ce le temps d’une escale, pour rien au monde. Ordinairement, le fouineur y est bien reçu. Un soupçon d’étonnement courtois : quel est donc ce visi- teur qui n’émarge à nulle administration, institution ? Ce visiteur « hors corps » ? J’explique mon histoire. Je recommence un livre écrit voilà presque vingt ans1, avec mon ami Patrick Rotman, sur l’enseignement secondaire public et le métier de professeur. Je retrouve mes traces anciennes, obstinément, plus vieux, plus libre aussi. Mes enfants sont adultes, ma petite-fille commence à marcher, le temps où j’enseignais moi- même (la philosophie, du moins quelque chose de céré- monieux et boursouflé qu’on désignait alors sous ce terme) est forclos et m’a laissé des souvenirs aimables.

Je n’ai pas de querelle à vider, de contentieux à solder, je ne subis que l’aiguillon d’une curiosité civique.

Deux décennies plus tôt, il était aisé de pénétrer dans un établissement scolaire. Il suffisait de pousser la porte et de faire irruption en salle des profs pendant la récréation de dix heures, quand les chères collègues préparaient le café Melitta, quand l’îlot blanc des scien- tifiques serrait les coudes, quand les délégués syndi- caux battaient le rappel. Aujourd’hui, on n’entre plus ainsi, du moins dans les secteurs « chauds ». Télésur- veillance, sonnette filtrante, concierge aux aguets, exa- men de passage dans le bureau du patron qui, c’est selon, ouvre son cœur, son parapluie, sa boîte de petits- fours, ou les trois. C’est fini, l’ère du palais des cou- rants d’air, et c’est sans doute prudent. Mais une fois le sas franchi, l’entreprise demeure simple. Le café est

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1.Tant qu’il y aura des profs, Paris, Éd. du Seuil, 1984.

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moins sexiste (et meilleur), l’îlot blanc s’est métissé, les délégués syndicaux sont fort discrets – le délitage des « repères » n’épargne personne. Pour le reste, il suf- fit d’attendre et d’entendre.

J’énonce mes requêtes. Des entretiens individuels, qui seront enregistrés et décryptés par mes soins1– arti- sanat intégral. Des discussions de groupe, suivant l’af- finité ou la spécialité. Et puis je vais au-delà, je demande parfois à m’installer au fond de la classe, à vivre un temps d’élève, in situ, le cul sur une de ces chaises dont le design évolue mais la raideur perdure, loin du radiateur car la tradition des derniers rangs douillets, comme celle des portes battantes, s’est effi- lochée. Somnolence et mal de reins sont ma seule péni- tence.

Ce jour-là, donc, j’interroge à la cantonade : vou- driez-vous me montrer une classe que vous considérez comme franchement bonne, et une autre que vous considérez comme franchement désastreuse ? Mon voi- sin me toise. Il est vêtu d’un jean et d’un polo bleu et, pour un professeur de collège « difficile », il ne tardera pas à faire figure d’ancêtre – sa quarantaine est enta-

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1. Comme en 1983-1984, un peu plus de 300 interlocuteurs de l’enseignement secondaire public (professeurs ou membres de l’encadrement des collèges, lycées d’enseignement général et technologique, lycées professionnels) ont bien voulu me faire confiance. Sauf demande contraire ou nécessité liée à l’informa- tion même, un pseudonyme leur a été attribué et les noms de lieux ont été changés quand la précision ne s’imposait pas. L’enseigne- ment supérieur ne se trouvant pas dans le champ de l’étude, les classes préparatoires aux grandes écoles n’ont pas été visitées.

A cela s’ajoutent divers acteurs qui participent au « pilotage » de l’Éducation nationale, à l’échelon ministériel, rectoral ou acadé- mique. Enfin, nombre de syndicalistes, de responsables d’associa- tions de parents d’élèves ou de pédagogues, d’experts et de chercheurs ont accepté d’éclairer ma lanterne.

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mée. Il hésite à peine (héberger en classe un quidam, ni inspecteur ni stagiaire, est culturellement licencieux), et décide que j’ai bonne réputation.

– J’ai cours en quatrième, venez donc avec moi : dans le genre, ce sont des as.

Au mélange d’humour et d’ironie, je devine que nous allons commencer par le commencement, au bas de l’échelle. Stéphane Aubry enseigne la musique. La salle vers laquelle il m’entraîne comporte chaîne hi-fi et piano, plus quelques autres instruments, percussions africaines notamment. Les élèves se bousculent longue- ment, agités en tous sens, s’interpellant à pleine voix.

Comme d’habitude, certaines filles ont un culot d’en- fer. Elles sont drôles, effrontées. Elles ont des peaux de toutes les couleurs, de tous les grains. Elles se cambrent devant vous (« vous » c’est moi, en l’occurrence, un adulte inconnu, un vieillard aux cheveux blancs), plan- tent leurs prunelles dans les vôtres, rient et question- nent à la fois, se chevauchant :

– Vous êtes qui, m’sieur ?

– Qu’est-ce que vous venez faire ici, m’sieur ? – C’est vous le prof aujourd’hui, m’sieur ? – Vous allez chanter avec nous, m’sieur ?

Les meneuses n’ont peur de rien ni de personne. Leur danse chaotique, leur trépidation joviale occultent l’ankylose des autres, les effarouchées, qui ne hasar- dent pas un mot, le corps absent, gommé sous les éclats du regard humide. Depuis que je fréquente assi- dûment les collèges « difficiles », le retour chez les petits Blancs me coûte – un peu pâlot, ce monde-là, monotone monochrome.

Stéphane Aubry est un professionnel. Il patiente, tranquille comme un âne crétois à l’ombre du platane.

Il sait pertinemment que rien ne sert de houspiller la troupe, de mordre ses mollets en aboyant, de l’aga-

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parents sont si démunis et intimidés qu’ils ne se mani- festent guère. J’ai même, record national, trouvé un collège finistérien qui annonce, l’an 2003, en ces termes la grande réunion parents-enseignants du tri- mestre : « Durée de chaque entretien 7 minutes, rendez- vous avec le professeur de français à 17 h 59, avec le professeur de mathématiques à 18 h 13, avec le profes- seur d’anglais à 18 h 27. » Le principal, paraît-il, est féru d’informatique. Et en 2004, la durée des rendez- vous a été ramenée à 5 minutes chrono, les maîtres ayant protesté qu’ils restent trop tard le soir. J’ai assisté à des réunions où les parents sont assis à la place de leurs enfants, devant les pupitres, tandis que les profes- seurs s’installent sur l’estrade et que leur porte-parole, pour détendre l’atmosphère, clame tout de go que le niveau n’a jamais plongé aussi bas… Et je me suis demandé dans quel camp la proportion d’adultes était la plus faible.

Pas facile. Quand ils sont trop présents, les parents, ce sont des importuns. Quand ils sont trop absents, ils sont démissionnaires. Les enseignants jugeraient nor- mal qu’ils soient les précepteurs de leurs enfants, et, souvent, ne songent pas que leur temps de transport, leur propre travail, leurs aptitudes culturelles ne le per- mettent pas. Simultanément, les pédagogues soulignent combien il est important, sans charger la barque, qu’un élève ait un peu de devoirs à faire chez lui et que son père ou sa mère s’en assure – les spécialistes de la délinquance, dans les quartiers sensibles, observent une corrélation entre les délits et l’absence de toute activité scolaire hors l’école.

Depuis la loi de juillet 1975, autant dire depuis l’ins- tauration du « collège unique », les parents sont inclus dans la « communauté scolaire ». Une décennie plus tard, un décret les caractérise comme « usagers d’un

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service public avec tout ce que cela comporte d’obliga- tions pour l’administration ». Enfin, la loi Jospin de 1989 parle de « coéducation ». Le message est clair. Il exprime fortement que « l’institution scolaire n’a plus le monopole de l’expertise et du savoir1». Révolution culturelle aussi radicale que l’irruption des malades et de leurs associations dans la politique de la santé, l’organisation des soins, l’évaluation des résultats, la contestation juridique de ces derniers. Révolution sociale : le plus nouveau n’est pas l’émergence d’un contre-pouvoir, c’est que le phénomène déborde les milieux « bourgeois ».

Majoritairement, les professeurs réagissent par la rétention de l’information. Une des lectures les plus navrantes qui soient est celle des bulletins trimestriels.

« Un peu de relâchement… » « Il faut vous reprendre… »

« J’attendais mieux… » « Trop de bavardages… » « Déce- vant à l’oral… » « A faibli en février… » L’énumération de ces banalités paresseuses donne l’impression que, si l’on souhaitait que ni l’élève ni sa famille ne puissent tirer le moindre usage pratique de ces messages conve- nus, mous, inexploitables – et fréquemment couronnés d’une appréciation non moins cotonneuse du chef d’établissement –, on n’agirait pas différemment. L’ins- titution entend conserver le monopole du dernier mot comme les médecins de Molière (c’est-à-dire les méde- cins de toujours) s’abritent derrière leur jargon et ne livrent au commun des mortels que les transcriptions bêtifiantes d’un savoir éthéré.

Reste qu’ils ont besoin les uns des autres, et que la qualité de leur vie respective est amplement fonction de

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1.La formule est de Bernard Maccario (Direction de l’enseigne- ment scolaire) cité par Caroline Brizard, Le Nouvel Observateur, 29 août 2002.

Références

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