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Séquence 9. Les Français et la République. Sommaire

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Texte intégral

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Les Français et la République

Sommaire

Introduction

1. La République, trois républiques

2. La République et les évolutions de la société française

Séquence 9

(2)

D

es années 1870 à nos jours, la France a connu quatre régimes poli- tiques différents – dont trois républiques. Le régime républicain est inséparable de l’histoire contemporaine de la France. Il trouve ses ori- gines dans la Révolution française au cours de laquelle, pour la première fois, la République a été proclamée en France, en septembre 1792.

Néanmoins, il a fallu plus d’un siècle pour que la République s’installe de façon pérenne.

C’est en 1870 que la IIIe République voit le jour. Née dans le contexte peu favorable d’une défaite militaire et d’abord dominée par une majorité monarchiste, la IIIe République est pourtant le régime qui va parvenir à installer le fait républicain en France. Inséparable de l’œuvre scolaire et de l’affirmation de valeurs qui demeurent aussi fondamentales que la laïcité, la IIIe République va parvenir à faire des Français d’authentiques républicains.

La fin du régime est particulièrement dramatique puisqu’il sombre dans la défaite de 1940 et dans le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pé- tain, le 10 juillet 1940. Alors, pour quatre ans se met en place le régime autoritaire, collaborationniste de l’État français installé à Vichy.

Mais, dès la Libération, le régime républicain renaît de ses cendres. En 1946, les Français adoptent la constitution d’une nouvelle République, qui ressemble beaucoup à la précédente. La IVe République s’écroule fi- nalement dans le contexte de la guerre d’Algérie. De Gaulle revient alors au pouvoir ; nous sommes en 1958. Il fait adopter une constitution dont l’esprit s’éloigne largement des deux précédentes républiques. Désor- mais, ce ne sont plus le Parlement et le pouvoir législatif qui dominent dans l’équilibre des pouvoirs mais l’exécutif. Et, au sein de l’exécutif, c’est désormais le président de la République et non plus le chef du gou- vernement qui domine. En 1962, une révision constitutionnelle majeure va permettre aux Français d’élire le chef de l’État au suffrage universel direct. Cette réforme s’applique pour la première fois en 1965, élection présidentielle dans laquelle le général de Gaulle se trouve confronté, au deuxième tour, à François Mitterrand. Même si elle demeure critiquée par certains, l’élection présidentielle constitue depuis cette date un des moments clés de la vie politique française et la constitution de la Ve Ré- publique, conçue en 1958 pour « l’homme du 18 juin » s’est révélée remarquablement souple au cours de son demi-siècle d’existence.

I ntroduction

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Comment une démocratie républicaine va-t-elle finir par s’imposer en France à partir de la fin du XIX° siècle ?

Problématique

Plan Notions clés Repères

1. La République, trois républiques A. L’enracinement de la culture répu-

blicaine dans les années 1880 et 1890.

B. Les combats de la Résistance et la refondation républicaine.

C. 1958-1962 : Une nouvelle République

République Démocratie Régime libéral

Collaboration Résistance

Libération

Gaullisme Pouvoir exécutif

Étude d’un texte de loi : les lois Ferry sur l’école.

Analyse d’un document iconographique : l’Affaire Dreyfus.

Étude de texte : le témoi- gnage d’un Résistant de la première heure, Jean-Pierre Vernant.

Étude de texte : le discours de Bayeux, 16 juin 1946.

Étude d’un organigramme : les institutions de la Ve Répu- blique en 1958.

Étude d’un texte : discours du Général de Gaulle annonçant la réforme institutionnelle de 1962.

2. La République et les évolutions de la société française

A. La République et la question ouvrière : le Front Populaire.

B. La République, les religions et la laïcité depuis les années 1880.

C. Les femmes dans la vie politique et sociale de la France au XXe siècle

Front Populaire Syndicat Communisme

Grève

Laïcité Cléricalisme Anticléricalisme

Sécularisation Concordat

Code civil Suffragettes

Parité

Analyse d’une affiche : le Front Populaire, marionnette de Moscou.

Étude d’un discours prononcé par Léo Lagrange le 10 juin 1936.

Étude de plusieurs docu- ments : la Séparation de l’Église et de l’État.

Étude d’un texte : extrait du Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir.

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1 La République, trois républiques

L’enracinement de la culture républicaine dans les années 1880 et 1890

Comment la IIIe République a-t-elle réussi à s’enraciner durablement après un siècle d’instabilité politique chronique ?

1. Des débuts difficiles

E La IIIe République naît de la défaite militaire de la France contre la Prusse en 1870. Cette défaite a eu pour conséquence l’effondrement du Second Empire et a débouché sur un épisode révolutionnaire, la Commune de Paris, en 1871 (voir cours sur la République et les ou- vriers). Elle a été proclamée le 4 septembre 1870 par Léon Gambetta.

Les élections organisées le 8 février 1871 portent au pouvoir une as- semblée conservatrice, dominée par les monarchistes qui espèrent profiter de l’incertitude politique pour rétablir une monarchie constitu- tionnelle. Néanmoins, c’est une république qui se met en place.

E Jusqu’en 1875, l’avenir de la République ne semble donc guère as- suré. Le régime républicain fait encore peur : il est associé à la Terreur de 1793, aux barricades…Pour les Républicains, l’enjeu est donc de transformer l’image du régime pour s’assurer du soutien de la majorité des électeurs par le vote au suffrage universel.

E En 1875, le maréchal de Mac Mahon, favorable à une restauration mo- narchique, est élu président de la République et succède à Adolphe Thiers. Pourtant, cette restauration butte sur le refus du prétendant au trône, le comte de Chambord (descendant de Charles X), d’accep- ter tout geste d’apaisement, et notamment d’abandonner le drapeau blanc (donc le drapeau de la monarchie absolue d’avant 1789), au profit du drapeau tricolore. La solution monarchique est donc jugée irréaliste par les monarchistes modérés, qui acceptent de voter les lois constitutionnelles de 1875.

E La situation se dénoue avec la crise de 1877 : les républicains gagnent par une écrasante majorité les législatives de 1876 ; mais ils doivent toujours composer avec un président de la République monarchiste. Le 16 mai 1877, Mac-Mahon tente d’imposer le retour d’Albert de Broglie et il décide de dissoudre la Chambre le 25 juin 1877. Les législatives

A

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des 14 - 28 octobre 1877 confirment la victoire des républicains. Mais il faut attendre le 30 janvier 1879 pour que Mac-Mahon démissionne ; il est alors remplacé par Jules Grévy.

La République s’est donc imposée sur le plan des institutions. Elle doit encore s’imposer sur le plan de la culture politique collective.

2. Le triomphe de la République et de ses valeurs

Quelles sont les valeurs du nouveau régime et comment parvient-il à les enraciner ?

a. Quelles valeurs ?

Une république libérale et parlementaire : le nouveau régime se veut conforme aux principes de 1789. Il fonde donc une démocratie libérale, c’est-à-dire un régime politique fondé sur les principes libéraux de 1789 – égalité civile, libertés fondamentales, souveraineté nationale - et sur les acquis ultérieurs de la démocratie – suffrage universel, égalité so- ciale. La devise du régime reflète cet idéal : Liberté – Egalité – Fraternité.

Le nouveau régime garantit donc les libertés fondamentales, par une sé- rie de grandes lois :

– 1881 : Liberté de la presse et droit de réunion.

– 1884 : La loi Waldeck-Rousseau autorise les syndicats, ac- corde au monde ouvrier la possibilité légale de s’organiser et de défendre ses intérêts.

– 1901: Liberté d’association

Une république démocratique : le régime repose sur l’exercice de la dé- mocratie lors des élections. Le suffrage universel masculin direct permet d’élire les représentants du peuple à la Chambre des députés. Cette dé- mocratie – qui exclut les femmes (voir le chapitre sur la République et les femmes) – s’exerce aussi au niveau communal, avec l’élection du conseil municipal.

La fin du XIXe siècle correspond donc à une intense phase d’appren- tissage politique, qui se structure au début du XX° siècle dans le cadre de partis politiques : Parti Radical en 1901, SFIO (le parti socialiste) en 1905. Cette vie politique est doublée d’une intense vie associative.

b. L’apprentissage de la République

Cet apprentissage repose sur des symboles issus de la Révolution fran- çaise, qui s’imposent dans l‘espace public : le drapeau tricolore – créa- tion de la Révolution française, drapeau officiel depuis la Monarchie de Juillet - la Marseillaise, qui devient l’hymne national en 1879, la fête nationale du 14 juillet à partir de 1880.

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La rue Saint-Denis à Paris, fête du 30 juin 1878, Tableau de Claude Monet

Surtout, la culture républicaine s’apprend à l’école républicaine.

L’école est au cœur du projet républicain car elle forme les futurs ci- toyens, détenteurs du suffrage universel. L’œuvre scolaire est donc es- sentielle pour les Républicains, et se met en œuvre avec les lois Ferry de 1881-1882). Il serait inexact de croire que tout commence avec Jules Ferry. La loi Guizot de 1833 qui impose aux communes de créer une école primaire de garçons, avait permis de notables progrès au cours du XIXe siècle. Néanmoins, vers 1880, il demeurait de fortes inégalités Document 1

© akg-images/

Erich Lessing

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entre une France du nord et de l’est plus urbaine et plus scolarisée et une France du sud et de l’ouest plus rurale et où l’analphabétisme était plus répandu. À cela s’ajoutait le retard très net de l’enseignement féminin.

n Lois Jules Ferry :

1881 : l’enseignement primaire devient gratuit 1882

Article 2

Les écoles primaires publiques vaqueront1 un jour par semaine, en outre2 du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants, l’instruction religieuse en dehors des édi- fices scolaires.

Article 3

L’instruction primaire est obligatoire pour les enfants, âgés de six ans révolus à treize ans révolus ; elle peut être donnée soit dans les établis- sements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles pu- bliques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute autre personne qu’il aura choisie.

Ces lois instituent donc l’instruction laïque et obligatoire et l’école publique.

1 À quoi sert le jour de congé instauré par l’article 2 ? Que cela signifie- t-il pour les écoles publiques ?

2 Quelle va être la conséquence principale de la généralisation de l’ins- truction primaire ? Pourquoi la gratuité est-elle importante ?

3 Pourquoi ces lois sont-elles pleinement républicaines ?

1 Le jour de congé sert à donner une instruction religieuse aux enfants, hors de l’école publique.

2 La généralisation de l’instruction primaire va permettre à la république d’enraciner son projet politique au sein des familles en diffusant ses valeurs de liberté, égalité et fraternité auprès des enfants. Les familles seront d’autant plus intéressées à envoyer leurs enfants à l’école que celle-ci devient gratuite.

3 Ces lois s’insèrent dans le projet républicain d’instaurer une nation unie autour de ses valeurs de laïcité, de progrès et de patriotisme.

Les lois Ferry vont avoir pour objet de généraliser l’école pour tous les petits garçons et les petites filles de France. Elles apportent également un changement en terme qualitatif en modifiant le contenu et l’esprit des programmes scolaires.

Questions

Réponses

1. Cela signifie que les élèves n’ont pas cours ce jour là.

2. en plus

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Il s’agit notamment de laïciser l’enseignement primaire, tant dans les lieux scolaires – on retire les crucifix des salles de classe – que dans les programmes enseignés. Ceux-ci sont totalement refondus afin d’offrir aux élèves un condensé du savoir de la science moderne et de les sous- traire à l’influence exclusive de l’Église tout en lui apprenant l’amour de la liberté, de la République et de la patrie.

Les lois scolaires

Loi du 16 juin 1881 sur la gratuité

« Il ne sera pas perçu de rétribution scolaire dans les écoles primaires publiques ni dans les salles d’asile publiques. » (…)

Loi du 28 mars 1882 sur l’obligation scolaire

Il est institué un certificat d’études primaires décerné après un examen public auquel pourront se présenter les enfants dès l’âge de 11 ans.

Loi du 30 octobre 1886 sur la laïcité de l’enseignement

« Dans les écoles publiques de tout ordre, l’enseignement est exclusive- ment confié à un personnel laïque. »

L’opinion et les polémistes catholiques comme Louis Veuillot s’opposent avec violence à cette nouvelle école. Pour eux, l’école sans Dieu est une école sans morale. Les républicains répondent à ces attaques en mettant en avant la morale laïque.

Les nouveaux instituteurs de la République vont constituer de puis- sants vecteurs de la « républicanisation » des Français. Surnommés par Charles Péguy les « hussards noirs de la République », ils atteignent une dimension quasi mythique dans l’imaginaire français.

Les « hussards noirs » de la République

« De jeunes maîtres de l’école normale venaient chaque semaine nous faire la classe. Ils étaient toujours prêts à crier « Vive la République, Vive la Nation ! » On sentait qu’ils l’eussent crié jusque sous le sabre prussien (référence à la guerre de 1870-1871).

Nos jeunes maîtres étaient beaux comme des hussards noirs. Sveltes, sévères, sanglés. Sérieux et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omniprésence. (…)

Ils croyaient, et si je puis dire ils pratiquaient, que d’être maître et élève, cela constitue une liaison sacrée, fort apparentée à cette liaison qui de filiale devient paternelle. Ils pensaient que l’on a pas seulement des de- voirs envers ses maîtres mais que l’on en a aussi, et peut-être surtout envers ses élèves. Nous allions au catéchisme le jeudi (c’est alors le jour de congé) je pense, pour ne pas déranger les heures de classe. La Répu- blique et l’Église nous distribuaient des enseignements diamétralement opposés. »

Charles Péguy, L’Argent. © Éditions GALLIMARD. « Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci autre que la Document 2

Document 3

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L’armée à travers la généralisation du service militaire en 1883 contribue également à «nationaliser les Français» dans la mesure où elle est un puissant vecteur de diffusion de la langue française.

c. Bases sociales solides

Enfin, l’enracinement de la République se fait par la conquête d’une ma- jorité de la population en faveur du régime. Deux groupes sociaux en particulier apportent leur soutien au régime :

– Les paysans, pourtant perçus comme conservateurs. Il était d’autant plus important pour les Républicains de conquérir cet électorat que les ruraux représentent encore 55% de la population en 1911. Ces ru- raux apprécient les références à 1789 – année de l’abolition des pri- vilèges – la garantie apportée à la petite propriété et l’œuvre scolaire des Républicains. La République finit donc par représenter la stabilité garante de prospérité.

– L’importance des « couches nouvelles » : c’est Léon Gambetta, le fon- dateur de la République, qui prend en compte cette nouvelle catégorie sociale, qu’on peut appeler classe moyenne, dès le début des années 1870. Cette catégorie est sensible à l’idéal de méritocratie républi- caine, permettant l’ascension sociale des meilleurs élèves, aux valeurs de modernité portées par le régime, à l’ouverture de la vie politique notamment au niveau local.

3. Une grande crise de la III

e

République : l’Affaire Dreyfus

« L’Affaire », c’est-à-dire l’affaire Dreyfus est la crise politique la plus grave de la IIIe République. Celle-ci va mettre aux prises deux France, une France cléricale, nationaliste, militariste et antisémite, et une autre pour laquelle les droits de la personne sont imprescriptibles et passent avant tout, y compris la Revanche ou l’honneur de l’armée.

Chronologie de l’« Affaire » (1894-1906)

1894 : condamnation du capitaine Alfred Dreyfus pour haute-trahison.

Le conseil de guerre le condamne au bagne à perpétuité.

1896 : janvier, le lieutenant-colonel Picquart devient chef des services de renseignement militaires.

1896 : 2 novembre, faux Henry. Le colonel Henry, arrêté le 30 août 1898 se tranche la gorge le lendemain dans son cachot du Mont Valérien.

1898 : 10 janvier, acquittement d’Esterhazy par le Conseil de guerre, à l’unanimité.

1898 : 13 janvier, « J’Accuse » de Zola, publié dans « l’Aurore », le journal de Clemenceau. Le titre est de Clemenceau lui-même.

Document 4

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1899 : nouveau procès de Dreyfus à Rennes, condamné à 10 ans de réclusion mais il est grâcié par le Président de la République Emile Loubet.

1906 : réhabilitation de Dreyfus et du lieutenant-colonel Picquart qui réintègrent l’armée.

1908 : Dreyfus est blessé par balles à l’occasion du transfert des cendres d’Emile Zola au Panthéon, à Paris.

L’Affaire Dreyfus commence comme une banale affaire d’espionnage. Les services secrets français se rendent compte que des « fuites » ont lieu au niveau de l’état-major et que des informations confidentielles sont ainsi obtenues par les Allemands. Après une enquête bâclée et sans preuve aucune, la justice militaire croit avoir découvert le coupable. Il s’agit du capitaine Alfred Dreyfus. Né à Strasbourg dans une famille juive qui a choisi la France après le traité de Francfort, Alfred Dreyfus constitue un coupable idéal. Il est dégradé et condamné au bagne à perpétuité en 1894. Il part pour le bagne de Cayenne, en Guyane. La « Libre parole » de Drumont titre le 1er novembre 1984, « Haute trahison. Arrestation de l’officier juif A. Dreyfus ».

La famille de Dreyfus qui ne croit pas à sa culpabilité fait appel au journa- liste Bernard Lazare pour reprendre l’enquête et, en 1896, le lieutenant- colonel Picquart, nouveau chef du renseignement militaire, découvre que le traître est en fait le commandant Esterhazy qui touche de l’argent de l’ambassade d’Allemagne. Dans le même temps, le colonel Henry, ami d’Esterhazy et en conflit avec Picquart transmet à ses supérieurs un document, émanant soi-disant de l’ambassade d’Allemagne qui atteste- rait de manière irréfutable la culpabilité de Dreyfus. Il s’agit en fait d’un faux grossier composé par ses soins. Devant les preuves apportées par Picquart, l’état-major va chercher à étouffer l’affaire. Peine perdue, l’Af- faire Dreyfus prend de plus en plus d’importance dans la presse et dans les débats.

En 1898, Esterhazy passe devant le Conseil de guerre mais est lavé de tous soupçons. Ce déni de justice manifeste pousse Emile Zola à pu- blier son article intitulé « J’accuse » où il dénonce les militaires qui ont condamné Dreyfus et qui le maintiennent au bagne.

Dans la presse, la haine atteint son paroxysme. Dreyfusards, parmi les- quels Jean Jaurès, Clemenceau, Zola, l’écrivain Octave Mirbeau, et an- tidreyfusards se déchirent par journaux interposés. Des émeutes anti- sémites éclatent dans plusieurs régions françaises, faisant même des morts notamment à Alger…

Finalement, Dreyfus est rejugé en 1899, à Rennes. L’autorité militaire le condamne à nouveau en lui accordant les circonstances atténuantes.

Devant l’ineptie d’un tel jugement, le Président de la République Emile Loubet gracie Dreyfus qui devra cependant attendre jusqu’en 1906 pour réintégrer l’armée.

Première grande crise antisémite de la modernité, l’« Affaire » a profon- dément divisé la France, la plaçant au bord de la guerre civile. L’événe-

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ment a également eu un retentissement international. Très suivie dans les pays germaniques, elle a notamment contribué à convaincre l’Autri- chien Theodor Herzl, de l’impossibilité de l’assimilation et de la néces- sité pour les Juifs de créer leur propre État.

L’Affaire Dreyfus vue par le caricaturiste Caran d’Ache, Le Figaro, 14 février 1898

1 Quelle est la scène représentée par Caran d’Ache ? Dans quel milieu social se trouve-t-on ?

2 Qu’est-ce que cette caricature illustre avec humour ? Document 5

Caricature 2

© Roger-Viollet.

Caricature 1

Questions

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1 La scène représentée est celle d’un repas de famille. Nous nous trou- vons dans une famille fort « convenable », une famille de la bonne bourgeoisie parisienne comme en témoigne la présence des domes- tiques et les toilettes des dames et des messieurs. La caricature est pu- bliée dans un des journaux de la bourgeoisie, Le Figaro qui fut un des très rares journaux de droite à défendre des positions dreyfusardes.

2 Dans le milieu policé de la bonne bourgeoisie, les controverses ne sont pas censées, d’ordinaire, se régler à coups de poings. Afin d’aug- menter l’effet comique, l’artiste représente un pugilat général où même les femmes se battent. À travers l’outrance, cette caricature té- moigne, avec un grand sens politique, des haines et des oppositions qui se développèrent à l’occasion de l’affaire Dreyfus.

Les combats de la Résistance et la refondation républicaine

1. La France vaincue

n La Drôle de guerre et la France occupée

La France déclare la guerre à l’Allemagne, avec la Grande-Bretagne, le 3 septembre 1939. Hormis l’opération de Narvik, marquée par une tenta- tive de débarquement de troupes françaises et britanniques en Norvège pour couper à l’Allemagne « la route du fer » et qui se solde par un échec même si les troupes alliées résistent à la contre-offensive allemande jusqu’au 7 juin, le front ne bouge pas pendant plusieurs mois. L’armée française, est en partie enfermée dans la ligne Maginot et massée le long de la frontière belge avec le corps expéditionnaire britannique qui ne bouge pas. C’est la « Drôle de guerre ».

En mars 1940 ; Edouard Daladier est remplacé par Paul Reynaud au poste de Président du Conseil. En avril l’invasion des Pays-Bas et de la Belgique par les troupes allemandes provoque l’avancée des troupes franco-britanniques au delà de la frontière. C’est alors que les chars du Général Guderian percent le front français à Sedan, le 10 mai 1940.

L’avance allemande est irrésistible malgré plusieurs engagements de chars remportés par les Français. Dès le 14 juin, elles pénètrent dans Paris, déclarée ville ouverte et défilent sur les Champs Elysées et sous l’Arc de Triomphe alors que le gouvernement français s’est replié sur Bordeaux. Dès le 10 juin, c’est l’Exode. Près de huit millions de Fran- çais fuient devant la Wehrmacht sur les routes du nord de la France, sou- vent mitraillés par les avions de la Luftwaffe. Ils sont le plus souvent mal accueillis dans les régions où ils cherchent refuge.

Réponses

B

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La France divisée en 1940

Paris Seine Loire

Gar onn

e Bordeaux

100 km

Strasbourg

Vichy Lyon Lille

Ligne de démarcation

Rhôn e

Occupation allemande de la zone libre en novembre 1942

Zone annexée Occupation italienne de la zone libre

Zone rattachée militairement à la Belgique

Occupation allemande

Discours radiodiffusé du maréchal Pétain, 20 juin 1940

« J’ai demandé à nos adversaires de mettre fin aux hostilités. J’ai pris cette décision, dure au cœur d’un soldat, parce que la situation l’impo- sait. Cet échec vous a surpris, vous en cherchez les raisons, je vais vous les dire.

Le 1er mai 1917, nous avions encore 3 280 000 hommes aux armées. A la veille de la bataille actuelle, nous en avions 500 000 de moins. L’infério- rité de notre matériel a été encore plus grande que celle de nos effectifs.

L’aviation française a livré ses combats à un contre six. Moins forts qu’il y a vingt-deux ans, nous avions aussi moins d’amis, trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés.

Depuis la victoire de 1918, l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a valu épargner l’ef- fort, on rencontre aujourd’hui le malheur. J’ai été avec vous dans les jours glorieux. Chef du gouvernement, je suis et je resterai avec vous dans les jours sombres. »

Document 6

Document 7

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1 Quelles sont les raisons matérielles qui expliquent, selon Pétain, la défaite de la France en mai-juin 1940 ?

2 Quelles sont les raisons morales ?

3 Qu’annonce-t-il aux Français sur son propre avenir politique ? 4 Quel ton Pétain prend-il pour justifier l’armistice ?

1 Pétain cherche à expliquer la défaite de la France, en premier lieu, par son infériorité matérielle par rapport à l’Allemagne. Elle disposait de moins d’hommes (500 000 de moins qu’en 1918), de moins de maté- riels, il prend l’exemple de la supériorité aérienne écrasante des Alle- mands, et de trop peu d’alliés, sous entendant pour l’occasion que les Britanniques constituaient des alliés peu sûrs. Même si ces éléments ne sont pas totalement dénués de vérité, force est de constater que Pétain oublie la nette supériorité numérique des Franco-Britanniques en matière de chars et le fait que la défaite française, c’est d’abord la défaite de l’état-major français qui, inspiré par les idées de ce même Pétain, misa tout sur une stratégie défensive alors que les Allemands cherchèrent à exploiter au maximum la mobilité de leurs blindés.

2 Plus encore que son infériorité matérielle, la France doit sa défaite à son indignité morale. D’après Pétain, les Français ont désappris depuis 1918 le sens du sacrifice et du devoir, ils se sont abandonnés à l’esprit de jouissance. Même s’il demeure dans l’implicite, Pétain attaque ici le Front populaire et les deux semaines de congés payés instaurées par celui-ci… Pour que la France se relève, il faudra donc mener une « œuvre de restauration nationale » qui mettront fin aux errements de la période précédente.

3 Tout en restant évasif, Pétain annonce aux Français qu’il restera à leurs côtés dans cette épreuve. Dès le 20 juin 1940 il a bien l’inten- tion de demeurer au pouvoir même s’il ne dit encore rien des formes que celui-ci prendra.

4 Le discours du maréchal Pétain évolue entre divers registres émotion- nels. Celui de l’accusation à l’égard de ceux qui se sont abandonnés à l’esprit de jouissance, mais aussi celui de la compassion à l’égard du peuple français. Arguant de la douleur et de la souffrance de ce dernier, il prétend déjà « faire don » de sa personne pour sauver la France.

n L’État français et la révolution nationale

L’effondrement militaire de la France se double d’un effondrement poli- tique. La petite ville de cures thermales Vichy est choisie par défaut comme capitale de la zone libre. Elle est proche de la ligne de démar- cation et dispose d’une hôtellerie capable d’héberger le gouvernement Questions

Réponses

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les principaux services centraux de l’État français, le 10 juillet 1940, les sénateurs et les députés votent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, seuls 80 d’entre eux, dont Léon Blum, sur 649 votent contre. Pétain reçoit tous les pouvoirs pour une durée indéterminée. Il s’agit d’une véri- table dictature qui repose sur la popularité du vainqueur de Verdun.

Pétain et les hommes qui l’entourent entendent profiter de « la divine surprise » (voir Charles Maurras) pour reconstruire la France selon leurs principes qui s’incarnent dans la devise Travail, Famille, Patrie en pre- nant, à cette occasion, leur revanche sur la République, la démocratie et la gauche en particulier.

Cette révolution nationale doit s’incarner dans le culte du chef, protec- teur et sauveur de la France, le maréchal Pétain, restaurer la France tra- ditionnelle faite d’agriculture, de ruralité, contre la ville jugée corruptrice (voir le slogan de l’époque, « La terre, elle, ne ment pas ! ») et d’arti- sanat, d’attachement à la famille (le divorce est interdit par le nouveau régime), de retour à la religion catholique… Ce choix peut paraître tout à fait paradoxal de la part d’un libre penseur comme Pétain ! Les hommes de gauche, syndicalistes (les syndicats sont interdits) militants poli- tiques, instituteurs sont poursuivis comme corrupteurs de la jeunesse.

La légion des volontaires français, créée en août 1940 par Xavier Vallat et qui regroupera jusqu’à 650 000 anciens combattants, est chargée de propager ces valeurs.

Le régime de Vichy est essentiellement composé d’hommes de droite et d’extrême droite mais quelques personnalités de gauche le rejoignent comme René Belin, ministre du Travail, ancienne personnalité notable de la CGT.

2. La Résistance, de la lutte contre l’occupa- tion allemande à la réaffirmation de l’idéal républicain

n Les débuts de la Résistance

On doit distinguer au sein de la Résistance, la Résistance intérieure et la Résistance extérieure qu’on appelle la France Libre. L’acte de naissance de la France libre, c’est l’appel du 18 juin du général de Gaulle. L’appel à la résistance de ce général encore peu connu sur les ondes de la BBC ne fut sans doute entendu que par bien peu de Français. De fait, les débuts de la France Libre furent extrêmement modestes. En juin 1940, de Gaulle n’avait encore autour de lui que quelques milliers d’hommes et de femmes et Félix Eboué, le gouverneur du Tchad, seul gouverneur colonial à s’être rallié à lui dès 1940.

Le premier acte de la résistance intérieure fut le dépôt d’une gerbe de fleurs sur la tombe du Soldat inconnu, sous l’Arc de triomphe, le 11 novembre 1940 par un groupe d’étudiants.

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Dès la fin de l’année 1940, on voit apparaître les premiers journaux, les premiers tracts appelant à la résistance contre l’occupant nazi.

La motivation première de l’entrée dans la Résistance est donc le refus de l’occupation allemande.

Le témoignage d’un résistant de la première heure, l’historien Jean-Pierre Vernant

Le 18 juin 1940, je me trouve à Narbonne avec mon frère, ma belle-sœur et ma femme. Je m’étais retrouvé là, affecté comme aspirant, avec les débris de mon régiment. Je n’ai pas entendu le général de Gaulle, j’ai écouté pour la première fois la radio de Londres quelques jours après (…). Le 17 juin, le discours de Pétain a été diffusé par haut-parleurs dans les rues de Narbonne, précédé d’une Marseillaise qu’on écoutait au garde-à-vous. J’étais effondré. J’avais honte. Rien ne serait plus comme avant. Avec ma femme et ma belle-sœur, à mes côtés, nous pressentions le pire. Autour de nous pourtant l’armistice était bien accueilli (…).

Alors, avec mon frère, ma belle-sœur et ma femme, nous avons com- mencé notre résistance à notre façon, seuls, tous les quatre, en famille, avec une petite imprimerie portative. Nous tirions des tracts. Je les ai en mémoire : « Si la France est par terre, c’est la faute à Hitler, son drapeau dans l’eau sale, c’est la faute à Laval ».

Entretien avec Jean-Pierre Vernant, chef FFI de Haute-Garonne, Le Matin, 18 juin 1985

1 Dans quel contexte se situe l’entrée en Résistance de Jean-Pierre Vernant ? 2 Quelles motivations donne-t-il pour expliquer son entrée en Résis-

tance ?

3 Fait-il au début partie d’un mouvement organisé ?

1 Jean-Pierre Vernant situe son refus de l’occupation allemande très tôt, dès l’effondrement militaire de la France. Le Maréchal Pétain, auréolé du prestige de Verdun et de la Première Guerre Mondiale a remplacé Paul Reynaud au poste de Président du Conseil le 16 juin. Dès le len- demain, il a annoncé son intention de signer un armistice avec l’Alle- magne : c’est ce discours qui est diffusé à la population de Narbonne, où se trouvent J.-P. Vernant et sa famille.

2 Ce résistant de la première heure évoque la honte qu’il a alors ressen- tie : « j’avais honte », et un sentiment d’accablement « J’étais effon- dré ». Le sentiment que le pire est à venir semble aussi avoir joué un rôle important dans sa décision. Ce sentiment de honte face à la dé- faite de la France revient souvent dans les témoignages de résistants.

Document 7

Questions

Réponses

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3 En 1940, J.-P. Vernant et sa famille n’appartiennent à aucun mouve- ment : leurs actes de résistance sont des actes individuels. Cela passe dans un premier temps par la diffusion de tracts visant à entretenir le sentiment patriotique et à lutter contre la propagande officielle – alle- mande et vichyste.

n Lutter contre l’occupation allemande

L’invasion de l’URSS, le 22 juin 1941 change la situation en provoquant l’entrée des communistes – l’appareil du parti et le nombre de ses mili- tants – dans la Résistance.

De fait, même s’ils ne furent pas seuls, les communistes jouèrent un rôle essentiel dans la Résistance. Ils organisent ainsi la première structure militaire de la résistance, les FTP (Francs tireurs et partisans). Le 21 août 1941, Pierre Georges, dit le Colonel Fabien, tue un soldat allemand sur le quai du métro de la station Barbès-Rochechouart, à Paris. Les Allemands répondent à ce genre d’action en fusillant des otages.

L’instauration du service du travail obligatoire (STO) en 1943 pousse de nombreux jeunes gens à rejoindre les premiers maquis qu’on trouve dans les zones montagneuses, comme le Vercors, ou encore en Bretagne. En 1943, on peut estimer le nombre des maquisards à quelques centaines de milliers d’hommes qui mènent des actions de guérilla contre l’occupant et les collaborateurs : embuscades, déraillement de trains, etc.

En 1943, grâce à Jean Moulin, se met en place le CNR (Conseil natio- nal de la Résistance) qui permet à la fois de coordonner l’action des différents réseaux de résistance et d’assurer le lien entre le général de Gaulle et la résistance intérieure. Ce n’est qu’avec difficulté, et grâce au soutien de la Résistance intérieure, que de Gaulle parvient à s’imposer aux Alliés, et notamment à Roosevelt qui ne l’aimait pas, comme le seul représentant officiel de la France. Le 2 juin 1944, c’est la naissance du GPRF (Gouvernement provisoire de la République française) dont de Gaulle a la présidence.

La Résistance participe également à l’effort de guerre aux côtés des Al- liés. Les FFL (Forces françaises libres) jouent également un rôle impor- tant dans la Libération. Ce sont plus de 250 000 Français qui débarquent en Provence le 15 août (pour un total de 500 000 hommes) et, après l’in- surrection de Paris lancée par le communiste Rol-Tanguy le 19 août, c’est la 2e DB du général Leclerc qui libère Paris le 25 août 1944. Le 26 août, le général de Gaulle descend les Champs Elysées au milieu d’une foule im- mense et d’un enthousiasme indescriptible alors que quelques miliciens embusqués sur les toits des immeubles tirent encore sur le cortège.

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3. La refondation de la République

au lendemain de la Seconde Guerre mondiale

a. Le gouvernement provisoire (septembre 1944- janvier 1946)

L’épisode des Champs Elysées donne une légitimité populaire réelle au général de Gaulle. Bénéficiant du soutien des Britanniques, et en dépit de la méfiance du Président des États-Unis, Franklin Roosevelt, qui envi- sage même de placer la France sous administration militaire, De Gaulle parvient à s’imposer. Il installe le Gouvernement provisoire de la Répu- blique française (GPRF) à Paris, tout de suite après la libération de la ville.

Ce gouvernement rassemble des représentants de toutes les forces po- litiques du moment, des communistes au centre droit, à l’exception de l’extrême droite et de la fraction de la droite qui s’est compromise avec Vichy.

Pour affirmer la légitimité du GRPF, de Gaulle accomplit de nombreux voyages en province. A chaque fois, il met en place des représentants of- ficiels du gouvernement, parfois au détriment des représentants locaux de la Résistance, qui doivent se soumettre aux chefs qu’il a nommés.

Dans le cadre de cette restauration des pouvoirs de l’État, il décide l’inté- gration des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) et des FTP (Francs-Tireurs partisans) à l’armée régulière.

b. La mise en place d’une épuration officielle

Une « épuration » spontanée s’est mise en place à la Libération, visant les collaborateurs et les profiteurs du marché noir. Cette épuration a d’abord été spontanée : menée par un sentiment de vengeance, parti- culièrement forte après les années d’occupation allemande, elle prend parfois le visage d’un règlement de comptes. Cette épuration sauvage s’étend de juin à novembre 1944. Elle se traduit par l’exécution som- maire de 8000 à 9000 personnes et à la tonte de milliers de femmes accusées le plus souvent d’avoir été la maîtresse d’Allemands.

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Femme battue et tondue devant la préfecture de police de Paris

Le nouveau gouvernement décide de mettre en place une épuration légale, qui relaie et canalise l’épuration spon- tanée. Cette épuration prend la forme de procès, menés par une magistrature qui a elle-même été épurée au préa- lable. Des cours spéciales de justice examinent les cas de collaboration avec l’ennemi ; une Haute Cour de Justice est chargée de juger les principaux respon- sables du gouvernement de Vichy et des collaborateurs les plus en vue. Cette épuration légale a été d’une ampleur incontestable : 310 000 dossiers ont été ouverts, cela touche presque un Français sur 100. 140 000 dossiers ont été classés avant information (dossiers vides), 43000 après. Il reste donc 127 000 dossiers, qui ont abouti à 767 exé- cutions.

De nombreuses peines de prison ou de dégradation nationale (cela veut dire que l’on est privé de ses droits civils et politiques et exclu de la fonction publique ou des emplois semi publics) ont été prononcées.

Cette épuration a néanmoins été sélective : elle a beaucoup plus frappé les intellectuels et les hommes politiques que les milieux économiques, relativement épargnés.

Le procès le plus retentissant est celui du Maréchal Pétain à l’issue du- quel il est condamné à mort. Sa peine a été commuée en peine d’empri- sonnement à perpétuité : détenu sur l’île d’Yeu, il y meurt en 1951.

Ces procès permettent de souder l’opinion dans l’opposition au régime de Vichy, et à la politique de collaboration d’État, incarnée par Pétain et Laval.

c. Le vote d’une nouvelle constitution

Dès octobre 1945, des élections sont organisées pour élire une assem- blée constituante (une assemblée qui a à charge de rédiger une nouvelle constitution). Cette assemblée est dominée par le P.C.F. (qui prend l’ap- pellation de « parti des 75 000 fusillés », alors que le nombre des fusillés pendant l’Occupation est d’environ 25 000 au total) qui tire bénéfice de son rôle majeur dans la Résistance, la S.F.I.O. et le M.R.P. (mouvement républicain populaire), parti chrétien-démocrate qui se place au centre droit.

Cette assemblée propose aux Français un modèle de constitution ins- piré de celui de la IIIe République. Celle-ci favorise le Parlement au détri- Document 8

© Alinari/Roger-Viollet.

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ment du Président de la République. Hostile à ce projet, de Gaulle quitte donc le gouvernement en janvier 1946 et, dès le 16 juin 1946, dans le discours de Bayeux il se déclare en faveur d’une nouvelle république fondée sur un pouvoir exécutif fort. Il crée en 1947, le R.P.F. (Rassemble- ment du peuple français), un nouveau parti chargé d’assurer un débou- ché politique à ses idées.

Le discours de Bayeux, 16 juin 1946

Il est clair et il est entendu que le vote définitif des lois et des budgets revient à une assemblée élue au suffrage universel et direct. Mais le pre- mier mouvement d’une telle assemblée ne comporte pas nécessairement une clairvoyance et une sérénité entières.

Il faut donc attribuer à une deuxième assemblée élue et composée d’une autre manière la fonction d’examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets.

Du Parlement composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir légis- latif, il va de soi que le pouvoir exécutif ne saurait procéder sous peine d’aboutir à cette confusion des pouvoirs dans lequel le gouvernement ne serait bientôt plus rien qu’un assemblage de délégations. (…)

Or, comment cette unité (du gouvernement), cette cohésion, cette disci- pline seraient-elles maintenues à la longue si le pouvoir exécutif émanait de l’autre pouvoir auquel il doit faire équilibre, et si chacun des membres du gouvernement (…) n’était à son poste que le mandataire d’un parti ? C’est donc du chef de l’État, placé au-dessus des partis, élu par un col- lège qui englobe le Parlement, mais beaucoup plus large, que doit pro- céder le pouvoir exécutif.

Au chef de l’État, la charge d’accorder l’intérêt général, quant au choix des hommes, avec l’orientation qui se dégage du Parlement, à lui la mis- sion de nommer les ministres, et d’abord, bien entendu, le Premier, qui devra diriger la politique et le travail du gouvernement ; au chef de l’État la fonction de promulguer les lois et de prendre les décrets ; à lui la tâche de présider les conseils du gouvernement et d’y exercer cette influence de la continuité dont une nation ne se passe pas.

Général de Gaulle.

1 Quelles sont les fonctions des Chambres dans l’organisation politique proposée par de Gaulle ? Est-il surprenant qu’il propose l’existence de deux chambres ?

2 Que signifie la phrase « Du Parlement composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir législatif, il va de soi que le pouvoir exécutif ne saurait procéder » ?

3 Pourquoi, selon de Gaulle, la dépendance du pouvoir exécutif par rap- port au pouvoir législatif est mauvaise ?

Document 9

Questions

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4 Quelles doivent être les fonctions du chef de l’État selon le général de Gaulle ? Quelles sont ses relations avec le gouvernement ?

5 Les idées du général de Gaulle ont-elles influencé la constitution de la IVe République ?

1 La Chambre des députés a pour fonction, dans l’esprit de de Gaulle, de voter les lois et le budget. Mais, elle doit composer avec une deu- xième assemblée, en l’occurrence le Sénat, pour déterminer le texte définitif des lois. Cet attachement de de Gaulle au système bicaméral n’est guère étonnant dans la mesure où la plupart des régimes qui se sont succédés en France depuis 1791 ont possédé deux assemblées législatives.

2 Sous la IIIe République et sous la IVe également, le chef de l’État, c’est- à-dire le Président de la République est élu par le Parlement. Le Prési- dent du Conseil quant à lui, c’est-à-dire le chef du gouvernement, est investi par la Chambre des députés et n’en est que l’émanation. De Gaulle critique cette situation où le pouvoir exécutif – c’est-à-dire le Président de la République et le Président du Conseil - dépend entiè- rement du pouvoir législatif, c’est-à-dire des chambres.

3 Cette soumission de l’exécutif au législatif est pour de Gaulle une des raisons fondamentales des difficultés de la IIIe République finissante.

C’est elle qui explique la « valse des ministères », c’est-à-dire la chute très rapide des gouvernements. Dépendant des Chambres, le chef du gouvernement passe l’essentiel de son temps à négocier avec les par- tis de la Chambre afin de se maintenir au pouvoir au lieu de s’occuper des affaires de la France.

4 Le chef de l’État, c’est-à-dire le Président de la République doit être indépendant des Chambres, il doit être au-dessus des partis. Pour cela, il doit être élu par un groupe beaucoup plus large que celui des parlementaires afin que sa légitimité s’impose à tout le pays. Le chef du gouvernement, que de Gaulle appelle Premier ministre, est nommé par ses soins et n’est donc plus le résultat d’un équilibre politique savant entre les différents partis présents à l’Assemblée nationale.

5 Les voies proposées par le général de Gaulle en juin 1946 n’inspi- rent aucunement la constitution de la IVe République. Celle-ci met en place un régime fondamentalement parlementaire où le Président de la République aura peu d’influence. L’instabilité politique du régime tout au long des années 1950 donnera rétrospectivement raison au général de Gaulle.

La nouvelle constitution est rejetée par les Français qui majoritairement votent NON au référendum de mai 1946. Une nouvelle assemblée consti- tuante doit donc être élue en juin 1946 et c’est en octobre 1946, à la suite d’un second référendum, que la constitution de la IVe République est acceptée par les Français. Celle-ci institue un régime de type parle- mentaire donnant la primauté à l’Assemblée nationale.

Réponses

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Les premières élections législatives de novembre 1946 confirment la domination du P.C. La S.F.I.O et le M.R.P. forment avec le P.C. un gouver- nement de coalition mais ils se divisent au moment de la grande crise sociale, marquée par des grèves très dures, et notamment celle des doc- kers de Marseille, qui touche la France en 1947. Les ministres commu- nistes, dans un contexte de guerre froide qui se met en place, sont alors exclus du gouvernement en mai 1947 par Paul Ramadier, Président du Conseil socialiste.

d. Les réformes économiques et sociales de la Libération Le G.P.R.F. mène de nombreuses réformes tant politiques sociales.

Une des premières décisions imposées par de Gaulle, par décret, dès avril 1944 fut le droit de vote des femmes. La Libération est également marquée par un vaste mouvement de nationalisations (l’État s’approprie des entreprises privées avec ou sans indemnités) notamment prévues par le programme du C.N.R. (Conseil national de la Résistance). Celles-ci concernent les secteurs de l’énergie avec la constitution d’EDF-GDF en 1946 et de Charbonnage de France, certaines banques (La Banque de France), les transports (formation de la Compagnie aérienne nationale Air France). D’autres entreprises sont nationalisées sans indemnités pour faits de collaboration, c’est en particulier le cas de Renault.

L’influence de la Résistance, à travers le programme du C.N.R. est égale- ment déterminante dans la mise en place d’un système de sécurité so- ciale par les ordonnances d’octobre 1945. Celle-ci est financée conjoin- tement par les salariés et les employeurs et garantit à chaque salarié une assurance maladie, une assurance chômage et une assurance vieillesse.

1958-1962 : une nouvelle République

1. De nouvelles institutions

De Gaulle devient le dernier Président du Conseil de la IVe République le 1er juin 1958.

Il confie la rédaction de la nouvelle constitution à un comité composé de parlementaires gaullistes comme Michel Debré mais aussi des MRP, des radicaux et des socialistes comme Guy Mollet qui joua un rôle non négligeable dans la rédaction finale du texte.

Présentée aux Français, la nouvelle constitution est adoptée par référen- dum par une majorité de près de 80 % de OUI (en dépit de l’opposition des communistes, de Mendès France et de Mitterrand) le 28 septembre 1958. Promulguée le 4 octobre par le président de la République René Coty, elle donne officiellement naissance à la Ve République.

C

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La constitution de 1958 met en place un régime de type semi-prési- dentiel où le chef du gouvernement, nommé par le Président de la Ré- publique et désormais appelé Premier ministre, demeure responsable devant les chambres (Assemblée nationale et Sénat). Mais le person- nage central est désormais le Président de la République qui dispose du pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale. Il joue par ailleurs un rôle fondamental en matière de politique étrangère, domaine réservé du Président, et oriente la politique du gouvernement, le Premier ministre devant en principe se contenter d’interpréter et d’appliquer les volon- tés présidentielles. Conformément aux idées qu’il énonçait déjà dans le Discours de Bayeux, de Gaulle a donné la primauté à l’exécutif sur le législatif, seul type d’organisation politique susceptible de répondre à la gravité de la situation en Algérie, selon lui. Après une large victoire de l’U.N.R. (Union pour la nouvelle république, c’est le nouveau nom du parti gaulliste) aux législatives de novembre, de Gaulle est élu Président de la République, au suffrage universel indirect par 80 000 grands élec- teurs, en décembre 1958.

Les institutions de la Ve République (en 1962)

élisent élit

élisent loi

nomme

question de confiance motion

de censure

référendum peut dissoudre

élisent élit

élisent é é loi

nomme

question q q

de confiance motion

de censure

référendum peut dissoudre

Suffrage universel direct Président de la République (élu pour 7 ans)

• députés

• conseillers régionaux

• conseillers généraux

• conseillers municipaux 260 000 électeurs

Sénat

sénateurs élus pour 9 ans renouvelables par tiers Assemblée nationale

députés élus pour 5 ans Premier ministre

gouvernement

art. 16 pouvoirs exceptionnels en cas de crise Document 10

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La réforme constitutionnelle de 1962 annoncée par le général de Gaulle

« Depuis que le peuple français m’a appelé à reprendre officiellement place, à sa tête, je me sentais naturellement obligé de lui poser, un jour, une question qui se rapporte à ma succession, je veux dire celle du mode d’élection du chef de l’État.

Qui ne se souvient pas de la mortelle échéance devant laquelle se trou- vait, en mai 1958, le pays et la République, en raison de l’infirmité, orga- nique, du régime d’alors ? Dans l’impuissance des pouvoirs, apparais- saient tout à coup l’imminence des coups d’État, l’anarchie généralisée, la menace de la guerre civile.

C’est alors qu’assumant de nouveau le destin de la patrie, j’ai, avec mon gouvernement, proposé au pays l’actuelle constitution. Celle-ci, qui fut adoptée par 80 % des votants, a maintenant quatre ans d’existence.

Or, la clé de voûte de notre régime, c’est l’institution nouvelle d’un prési- dent de la République désigné par la raison et le sentiment des Français pour être le chef de l’État et le guide de la France.

Sans que doivent être modifiés les droits respectifs, ni les rapports réci- proques des pouvoirs exécutifs, législatif, judiciaires, tels que les fixe la constitution, mais en vue de maintenir et d’affermir nos institutions vis-à- vis des entreprises factieuses de quelque côté qu’elles viennent, ou bien des manœuvres de ceux qui de bonne, ou de mauvaise foi, voudraient nous ramener au funeste système d’antan, je crois donc faire au pays la proposition que voici : quand sera achevé mon propre septennat, ou si la mort ou la maladie l’interrompait avant le terme, le président de la République sera désormais élu au suffrage universel. »

Discours du général de Gaulle, 20 septembre 1962.

1 En observant l’organigramme du document 10, quelles différences percevez-vous entre les institutions de la IVe République et celles de la Ve ?

2 Pourquoi peut-on dire que le gouvernement reste responsable devant le Parlement ?

3 De quelle façon de Gaulle décrit-il la situation de 1958 ? N’y a-t-il pas quelque chose de paradoxal dans ce discours ?

4 En quoi consiste la réforme constitutionnelle de 1962 ? Pourquoi mo- difie-t-elle plus l’équilibre des pouvoirs que de Gaulle veut bien l’af- firmer ?

1 La constitution de la Ve République fait désormais du chef de l’État l’élément principal. Un rééquilibrage se produit au profit de l’exécu- tif. En terme de légitimité, celle du chef de l’État ne dépend plus des chambres, elle est beaucoup plus large. Il nomme par ailleurs le Pre- mier ministre. Ce glissement de sens pour nommer le chef du gouver- Document 11

Questions

Réponses

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nement qui perd désormais son titre de Président du Conseil est éga- lement significatif. Il n’y a désormais plus qu’un seul président, titre qui rehausse encore la primauté du chef de l’État. Celui-ci possède encore la possibilité d’exercer des pouvoirs exceptionnels en cas de crise en vertu de l’article 16 de la constitution. Il nomme encore trois des juges du Conseil constitutionnel, qui constitue une autre innova- tion de la constitution de 1958. Il peut enfin dissoudre l’Assemblée nationale et décider souverainement de convoquer de nouvelles élec- tions législatives. À l’inverse, hormis des cas de haute trahison, rien ne permet au pouvoir législatif de forcer le Président de la République à quitter son poste.

2 Le chef du gouvernement, désormais Premier ministre est nommé par le Président. Celui-ci doit évidemment tenir compte de la majo- rité parlementaire mais son choix est souverain quant au choix de l’homme qu’il désire placer à la tête du gouvernement. Cette situation est encore en rupture avec la pratique parlementaire des IIIe et IVe Ré- publiques. Pourtant, le gouvernement reste pleinement responsable devant les chambres. En effet, une fois nommé, le Premier Ministre doit recevoir l’investiture par un vote de l’Assemblée nationale. Afin de relégitimer son pouvoir, il peut demander aux députés un vote de confiance. Enfin, en cas de conflit entre le gouvernement et les dé- putés, ceux-ci peuvent le renverser par une motion de censure. Le Premier Ministre est renversé si plus de la moitié des députés vote contre lui. C’est ce qui est arrivé au gouvernement Pompidou, le 5 oc- tobre 1962, après l’annonce, par le général de Gaulle, de la réforme constitutionnelle instituant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.

3 Lorsqu’il revient sur les événements de 1958, et ceux qui ont suivi – la guerre d’Algérie, la journée des barricades, le 13 mai 1958, le putsch des généraux d’Alger en avril 1961 – il stigmatise l’impuissance de la IVe République qui a mis le pays au bord de la guerre civile. Faisant un parallèle avec 1940, il se présente comme celui qui est venu sau- ver le pays. Au-delà de l’aspect plus ou moins polémique d’une telle présentation des faits, de Gaulle omet de préciser que sans la journée des barricades, qui répondait clairement à une logique factieuse, il ne serait sans doute jamais revenu au pouvoir.

4 La réforme de 1962 modifie le fonctionnement constitutionnel plus que le général de Gaulle ne veut le reconnaître. Il est exact que les prérogatives des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire telles que fixées dans le texte de 1958 ne sont en rien modifiées. Néan- moins, en décidant de faire élire le président de la République au suf- frage universel direct, de Gaulle modifie en profondeur l’esprit de la constitution. Tout en donnant un rôle éminemment important au chef de l’État, celui-ci était toujours élu au suffrage universel indirect, et en partie par les parlementaires. L’élection au suffrage universel direct est à l’inverse un processus de démocratie directe qui rompt avec la tradition parlementaire.

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2. Le renforcement de la fonction présidentielle

Le général de Gaulle transforme complètement la fonction présidentielle, en rupture avec les régimes parlementaires de la IIIe et IVe Républiques, et en conformité avec le discours de Bayeux (voir plus haut).

Ce renforcement se situe dans le contexte de la crise algérienne. La manière dont de Gaulle va aborder cette crise va aussi lui permettre de renforcer la rôle du Président de la République.

Confronté à la question algérienne, de Gaulle se rend en Algérie dès juin 1958. D’abord hésitant, il s’oriente rapidement vers la solution de l’autonomie. Dès le mois de septembre 1959, il évoque l’autodétermina- tion des Algériens. Les Pieds noirs et les militaires d’Alger considèrent ce changement d’opinion comme une trahison.

Plusieurs anciens officiers de l’armée d’Algérie (les généraux Salan, Challe, Jouhaud, Zeller) organisent un coup d’État militaire à Alger, en avril 1961 que de Gaulle parvient à juguler en appelant les troupes du contingent à désobéir à leurs chefs. La plupart le font. Le coup d’État est un échec et la République sort raffermie de cette épreuve. Raoul Salan rentre alors dans la clandestinité et devient un membre actif de l’O.A.S. L’O.A.S. (Organisation de l’armée secrète, créée à Madrid en février 1961), organisation secrète composée de militaires déçus, de Pieds noirs extrémistes et de militants d’extrême-droite, organise alors une campagne d’attentats en France et en Algérie. On évalue le nombre de ses victimes entre 1700 et 2000 personnes. C’est notamment l’O.A.S.

qui organise l’attentat du Petit Clamart, le 22 août 1962, où de Gaulle échappe à la mort de justesse.

La DS du général de Gaulle criblée de balles après l’attentat du Petit Clamart (22 août 1962) Document 12

© Rue des Archives/AGIP.

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Des négociations s’ouvrent à Evian le 20 mai 1961 et aboutissent à la signature des accords d’Evian le 18 mars 1962. Le référendum organisé pour approuver ces accords obtient 90% de oui.

E Le poids déterminant de la guerre d’Algérie dans la vie politique fran- çaise au début de la V° République a pour effet de renforcer considéra- blement l’autorité du général de Gaulle.

E Ces événements dramatiques lui permettent d’atteindre une popula- rité exceptionnelle : la pratique des étapes progressives qu’il a choisie vers l’indépendance de l’Algérie correspond à l’évolution de l’opinion publique sur le sujet, de plus en plus favorable à l’indépendance.

E De Gaulle va prendre une série de décisions qui vont toutes dans le sens d’un renforcement du rôle du Président dans les institutions.

– L’idée d’un « domaine réservé » du Président de la République : la défense nationale, la diplomatie.

– Le rôle subordonné du gouvernement : le Premier ministre est plus un exécutant de la politique fixée par le chef de l’État. La politique du gouvernement est celle décidée par le chef de l’État.

– Le général de Gaulle propose l’élection du chef de l’État au Suffrage universel direct : cette réforme est approuvée par référendum le 28 octobre 1962. C’est une victoire de la lecture présidentielle de la Constitution.

3. La pratique gaulliste du pouvoir

E Dans le contexte de la forte croissance et de la prospérité des Trente Glorieuses, de Gaulle met en avant l’intervention de l’État dans l’éco- nomie.Il cherche également à orienter l’économie française vers des réalisations de prestige et de haute technologie. C’est à ce moment que la France se dote de sa première bombe atomique, qu’est lancé commercialement un remarquable avion de ligne, la Caravelle, que le projet Concorde est lancé (premier vol du premier avion supersonique civil en 1969).

La firme française Dassault, quant à elle, remporte un succès inter- national avec le Mirage III, un des meilleurs avions de chasse de sa génération. L’État échoue cependant à mettre en place une industrie nationale de l’informatique performante (Plan Calcul). L’agriculture française, favorisée par la mise en place de la politique agricole com- mune (P.A.C.) dans le cadre de la CEE est alors en plein développement et conquiert de nouveaux marchés, en particulier chez ses partenaires européens.

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E Le général de Gaulle accompagne ce volontarisme économique de la volonté de faire entendre la voix de la France.

Voyage officiel de de Gaulle en URSS (1964)

© akg-images/RIA Nowosti.

Grâce à la technologie nucléaire, la France se dote de sa propre force de dissuasion en dépit de l’hostilité américaine et entend maintenir son in- dépendance à l’égard de l’allié américain. De Gaulle se montre critique, dès la fin des années 1960, à l’égard de la politique américaine au Viêt- Nam. Il décide surtout de faire sortir la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966, ce qui se traduit par la fermeture des bases militaires américaines en France dans un contexte général d’anti-américanisme.

Le retrait de la France du commandement intégré de l’O.T.A.N.

Si la France considère qu’encore aujourd’hui il est utile à sa sécurité et à celle de l’Occident qu’elle soit alliée à un certain nombre d’États, notam- ment à l’Amérique, pour leur défense et pour la sienne dans le cas d’une agression commise contre l’un d’eux, si la déclaration faite en commun, à ce sujet, sous forme du traité de l’alliance atlantique signé à Washington le 4 avril 1949, reste à ses yeux toujours valable, elle reconnaît, en même temps, que les mesures d’application qui ont été prises par la suite ne ré- pondent plus à ce qu’elle juge satisfaisant, pour ce qui la concerne dans les conditions nouvelles.

Je dis : les conditions nouvelles. Il est bien clair en effet qu’en raison de l’évolution intérieure et extérieure des pays de l’Est, le monde occidental n’est plus aujourd’hui menacé comme il l’était à l’époque où le protecto- rat américain fut organisé en Europe sous le couvert de l’OTAN. (…) Document 13

Document 14

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D’autre part, tandis que se dissipent les perspectives d’une guerre mon- diale éclatant à cause de l’Europe, voici que des conflits où l’Amérique s’engage dans d’autres parties du monde, comme avant-hier en Co- rée, hier à Cuba, aujourd’hui au Vietnam risquent de prendre en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu’il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas, l’Europe, dont la stratégie est, dans l’OTAN, celle de l’Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte lors même qu’elle ne l’aurait pas voulu.

Charles de Gaulle, Conférence de presse du 21 février 1966.

Le général de Gaulle commence par préciser qu’il ne remet pas en cause l’alliance militaire française avec les États-Unis, pour autant, il considère que la politique étrangère américaine, fait courir un risque réel à l’Europe en général et à la France en particulier, pouvant les entraîner dans des conflits qu’elles ne désirent pas. La situation internationale a également grandement évolué depuis l’époque de Staline et le président français considère que le bloc de l’Est ne menace plus réellement l’Europe de l’Ouest. Il souhaite donc soustraire les troupes françaises au comman- dement américain, ce qu’il appelle s’affranchir du protectorat américain.

Le mot est fort et connoté. Le général n’est pas loin de sous-entendre en cette occurrence que les États-Unis ont tendance à considérer l’Europe en colonie et non en alliée.

Le discours de Gaulle à Montréal où il clame, « Vive le Québec libre », le 24 juillet 1967, est l’occasion d’une nouvelle brouille avec les États- Unis. Les médias américains, et notamment Newsweek, se déchaînent contre la France et son président.

Dans le même temps il cherche à créer des liens privilégiés avec cer- tains pays du Tiers monde, les pays arabes en particulier en menant une politique objectivement pro-arabe notamment visible à partir de la guerre des Six Jours, en 1967. La France maintient également des liens politiques et militaires (présence de bases militaires françaises dans plusieurs États dont la Côte-d’Ivoire et la République centrafricaine ou encore Djibouti et Madagascar) privilégiés avec les anciennes colonies françaises d’Afrique noire (le « Pré carré »).

Au niveau européen, la réconciliation franco-allemande, lancée sous la IVe République, est réaffirmée en 1963 par le traité de l’Elysée, signé avec le chancelier Konrad Adenauer. Le couple franco-allemand joue alors un rôle moteur dans la construction européenne.

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