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ALLEZLe magazine de l’UNIL | Septembre 2016 | Gratuit

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NUMÉRO

64

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Septembre 2016 | Gratuit

POLITIQUE

Clinton VS Trump Pays ouvert ou pays fermé ? 16

HISTOIRE

Des animaux plus fantastiques que nature 22

GÉOLOGIE

Quand les volcans bouleversent la vie sur terre

34

METH, CRYSTAL, PILULES THAÏ

DE « BREAKING BAD » ARRIVE EN SUISSE

(2)

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(3)

ÉDITO

ISSN 1422-5220

IMPRESSUM

Magazine de l’Université de Lausanne

No 64, septembre 2016 www.unil.ch/allezsavoir Editeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuel

Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring (UNICOM) Création de la maquette Edy Ceppi (UNICOM) Rédacteurs Mélanie Affentranger Sonia Arnal Mireille Descombes Saskia Galitch Elisabeth Gordon Virginie Jobé Nadine Richon Anne-Sylvie Sprenger David Trotta Correcteurs Albert Grun Fabienne Trivier Direction artistique Secteur B Sàrl www.secteurb.ch Photographie Nicole Chuard Illustration Eric Pitteloud (p. 3) Joëlle Proz (p. 21) Couverture

Joël Medinas (UNICOM) Impression

Genoud Entreprise d’arts graphiques SA

Tirage

17 000 exemplaires Parution

Trois fois par an, en janvier, mai et septembre Abonnements allezsavoir@unil.ch (p. 4)

LE RETOUR

DES FRONTIÈRES

A

vant, quand un politicien améri- cain nous parlait d’une «nouvelle frontière», c’était pour nous propo- ser d’aller sur la Lune en fusée. A cause de John F. Kennedy et de son fameux discours de juillet 1960, où le fu- tur président a lancé le programme Apollo en expliquant que «nous sommes devant une Nouvelle Frontière, que nous le vou- lions ou non. Au-delà de cette frontière, s’étendent les domaines inexplorés de la science et de l’espace, des problèmes non résolus de paix et de guerre, des poches d’ignorance et de préjugés non encore ré- duites, et les questions laissées sans ré- ponse de la pauvreté et des surplus.»

Mais aujourd’hui, quand Donald Trump parle de frontière lors de l’élection prési- dentielle américaine, c’est pour construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique, pour fermer la porte aux musulmans cri- minels et pour expulser les immigrés illé- gaux. Bref, c’est le grand retour sur terre.

Trump n’est d’ailleurs pas le seul à re- mettre sur la table ces questions de voi- sinage. Lors de la campagne présiden- tielle américaine, mais dans le camp d’en face, Bernie Sanders a très durement chal- lengé Hillary Clinton en proposant des politiques plus isolationnistes à des élec- teurs qui ont perdu leur emploi à cause des délocalisations, ou qui ont vu leurs économies et leurs maisons partir en fu- mée durant la crise financière. Au grand étonnement des commentateurs, ces ar- guments ont trouvé un écho auprès des citoyens, puisque le «frondeur» Sanders comme le «populiste» Trump ont séduit bien plus d’Américains qu’on l’avait ima-

giné, comme vous le lirez en page 16 de ce magazine.

Cette présidentielle américaine n’est d’ailleurs pas la seule à se jouer sur ces thématiques. A ce stade, «la mondialisa- tion heureuse» reste une promesse, et des politiciens de tous pays relancent le débat sur le degré d’ouverture des frontières qui serait préférable pour leur Etat. Cette ques- tion, que l’on avait pu croire tranchée à l’heure européenne, divise les grands par- tis traditionnels de nombreuses nations où l’on s’écharpe désormais sur des sujets comme la place de l’islam, les migrants, la criminalité étrangère, la mendicité, le nombre des frontaliers, les avantages ou les inconvénients de Schengen, la tenta- tion du Brexit, etc.

La nouveauté, c’est que ces débats fron- taliers divisent désormais les militants à l’intérieur même des partis traditionnels. A tel point que l’on assiste à l’émergence d’un nouveau clivage en politique, différent de la fracture classique «gauche/droite». Il op- pose ceux qui rêvent d’un pays «fermé», où l’on reprendrait le contrôle des frontières, à ceux qui préfèrent un pays «ouvert».

A ce stade, une certitude. Ces débats fratricides vont faire des dégâts. Aux Etats- Unis, Donald Trump a plongé les Républi- cains dans la confusion. Et en Autriche, les partis traditionnels, qu’ils soient de gauche ou de droite, ont perdu l’élection présiden- tielle qui s’est jouée entre un écologiste et un nationaliste. L’avenir nous dira si les Autrichiens et Donald Trump annoncent la tendance, mais, que nous le voulions ou pas, ces questions vont nous poursuivre dans les années qui viennent. 

JOCELYN ROCHAT Rédaction en chef

UN NOUVEAU CLIVAGE EN

POLITIQUE OPPOSE CEUX QUI RÊVENT D’UN PAYS FERMÉ À CEUX QUI

PRÉFÈRENT UN PAYS

OUVERT.

(4)

NOM / PRÉNOM ADRESSE

CODE POSTAL / LOCALITÉ

TÉLÉPHONE E-MAIL

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Pour s’abonner gratuitement à la version imprimée, il suffit de remplir le coupon ci-dessous et de l’envoyer par courrier à : Université   de Lausanne, UNICOM, Amphimax, 1015 Lausanne. Par fax au 021 692 22 05. Ou par courrier électronique à allezsavoir@unil.ch

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RELIGION Ananias, ce chrétien oublié par qui tout est arrivé.

SOMMAIRE

BRÈVES L’actualité de l’UNIL : formation, international, recherche, distinctions.

PORTFOLIO Cuivre, génomique et chauve-souris.

HISTOIRE Des animaux plus

fantastiques que nature !

CRIMINALITÉ La drogue de la série TV

« Breaking Bad » débarque en Suisse.

Plongées en eau trouble.

GÉOLOGIE Quand les volcans bouleversent la vie sur terre.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL Michel Roulet, pédiatre d’ici et d’ailleurs.

LIVRE Les utopies

au siècle des Lumières.

RENDEZ-VOUS Evènements, conférences, sorties et expositions.

FORMATION

La nouvelle carte de la formation des médecins. Les étudiants veulent-ils devenir généralistes ?

FORMATION CONTINUE La durabilité, une clé pour l’innovation dans le tourisme.

Nutrition et activités sportives.

LIVRES

Photographie, histoire, roman, comics, football et architecture gothique.

CAFÉ GOURMAND L’histoire pour (se) comprendre.

Avec Jacques Ehrenfreund.

46 51 52 60 62 64 66

POLITIQUE Clinton-Trump : pays ouvert ou pays fermé ?

6 12 16 21 22 28 34 39 40 45

ÉCONOMIE Faut-il abolir l’âge de la retraite ? RÉFLEXION La chimie : entre utilité et

risque au quotidien.

Par Nathalie Chèvre.

LIVRES

Guy de Pourtalès,

Louis XIV et « Que sais-je ? » sur la mort.

SAVOIR

Le magazine de l’UNIL | Septembre 2016 | Gratuit

ALLEZ !

(6)

LA GRANDE FAMILLE DU CUIVRE

Jusqu’au 19 mars 2017, le Musée cantonal de géologie, lié à l’UNIL, propose une exposition thématique sur le cuivre. L’Homme utilise ce métal depuis 10 000 ans. S’il a longtemps servi à fabriquer des bijoux, des outils ou des pièces de monnaie, cet élément se trouve aujourd’hui partout, notamment grâce à ses hautes conductivités électrique et thermique, ainsi que sa résistance à la corrosion. Chaque Occidental en « consomme » ainsi 400 kg au cours de sa vie.

Ce métal possède de très

nombreuses formes. Une sélection de minerais de cuivre, tirée des riches collections du Musée, est présentée ici. (1) Trouvée en Tasmanie, cette chalcanthite est composée de sulfate de cuivre.

(2) Cette cyanotrichite d’un bleu intense vient d’Arizona.

(3) Une rare cornétite, dénichée en République démocratique du Congo. (4) Cette binnite (grise) tire son nom du Binntal, en Valais.

Nanti d’une pyrite, ce minerai est posé sur des cristaux de dolomite blanche (carbonate de calcium et magnésium). (5) L’azurite est un carbonate de cuivre instable, employé comme pigment au Moyen Age sous le nom de « bleu de montagne ». Cet échantillon vient du Maroc. (6) Bel exemple de cuivre natif du Kazakhstan. (7) Trouvée en Grèce, cette conichalcite d’un vert vénéneux contient de l’arsenic. DS

PHOTOS © STEFAN ANSERMET /  MUSÉE CANTONAL DE GÉOLOGIE

1

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COMBIEN VOYEZ- VOUS DE CHÊNES?

Sorti de sa graine vers 1778, le Chêne dit « de Napoléon » est l’un des emblèmes du campus de l’Université de Lausanne. Apprécié des promeneurs, ce végétal soutient le projet de science participative « Napoleome ». Une équipe de chercheurs de l’UNIL s’est intéressée au génome de cet arbre. En effet, entre la feuille qui pousse tout en bas à gauche de l’arbre et sa consœur qui se dore à son faîte, plus de 400 ans d’évolution se sont déroulés.

Y a-t-il des mutations, c’est-à-dire une certaine diversité dans l’ADN de ce géant ? Est-il vraiment seul dans ses racines ? 66 échantillons ont été prélevés afin d’en

apprendre davantage. Les travaux sont en cours.

De son côté, le public est invité à participer à la recherche, ainsi qu’à s’informer sur les enjeux du séquençage de l’ADN et de la génétique en général, grâce à deux ateliers qui mêlent théorie et pratique. Cette médiation scientifique est ouverte à tous, dès 10 ans, et ne nécessite aucun prérequis, à part de la curiosité pour le vivant. DS

www.napoleome.ch PHOTOS NICOLE CHUARD © UNIL

(10)

ATTRAPE-MOI SI TU PEUX !

Anciennes mines de Baulmes, dans le Nord vaudois. Dans la nuit du 22 au 23 juin, des biologistes du Département d’écologie et évolution capturent (puis libèrent) quarante chauves-souris. Depuis quinze ans, ils effectuent un suivi et observent la manière dont les populations de chiroptères varient et évoluent.

Ci-contre, un grand murin tombé dans les filets des chercheurs. La bague visible sur l’avant-bras droit a été posée en 2002. L’aile gauche laisse entrevoir les cinq doigts, dont le pouce (en haut) que l’animal utilise pour s’accrocher et grimper sur des troncs et des rochers. A droite, une petite cicatrice blanche.

Le murin chasse au sol et se blesse souvent. Il se nourrit de coléoptères dont la carapace, très dure, lui use les dents. «Sa bouche ouverte ne signifie pas qu’il veut mordre. Il émet des ultrasons pour se repérer dans l’espace», explique le responsable du groupe Philippe Christe.

Durant près de quatre heures, les biologistes inventorient les critères morphologiques (poids, taille de l’avant-bras) et prélèvent différentes bêtes qui vivent sur les chauves-souris, notamment des acariens et des mouches qui transmettent la malaria. Le but : étudier les liens entre ces parasites et leurs hôtes. MA

www.unil.ch/dee

Reportage photo complet sur unil.ch/

allezsavoir

PHOTO FABRICE DUCREST © UNIL

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12 Allez savoir ! N° 64 Septembre 2016 UNIL | Université de Lausanne

BRÈVES

Concoctés par la Faculté des géosciences et de l’environnement, les «GéoGuides» proposent des itinéraires didactiques, qui mêlent promenade et informations sur l’environnement (qu’il soit urbain ou montagnard).

Ainsi, le guide consacré à Lausanne nous ap- prend que la colline sur laquelle s’appuie la «Ba- nane», à Dorigny, est une moraine laissée là lors

du dernier passage du glacier du Rhône. Quatre autres lieux ont été traités : le Val d'Hérens en Va- lais, le Vallon de Nant dans les Alpes vaudoises, Thonon-les-Bains et enfin Rome.

Electroniques, ces guides sont disponibles gra- tuitement pour les smartphones. (RÉD.)

http://igd.unil.ch/geoguide/fr/

RANDONNÉES FUTÉES

LE SITE

SCIENCE ET SOCIÉTÉ LE CHIFFRE

850

Le nombre de parti- cipants au cours en ligne gratuit Dopage :  Sports, Organisations et Sciences.

Piloté par Fabien Ohl, profes- seur de Sociologie du sport, ce MOOC (pour Massive Open  Online Course) mobilise plusieurs chercheurs de l'UNIL, ainsi que des professionnels concernés par le phénomène. Des experts de l'UEFA, de l'Agence mondiale antidopage, du Tribunal arbitral du sport et du Laboratoire suisse d'analyse du dopage apportent leurs compétences et leurs expériences. Les aspects histo- riques et culturels, le paysage des organisations internationales concernées et la question des contrôles figurent également au programme. Sous le titre Doping : Sports, Organizations and  Sciences, la version anglaise de ce cursus accessible à tous a ras- semblé 1645 participants. (RÉD.) http://bit.ly/MOOCdopage

www.facebook.com/groups/MOOCdoping

INTERNATIONAL

COLLABORATION RENFORCÉE ENTRE LAUSANNE ET QUÉBEC

Les liens entre l’UNIL et l'Université Laval s'inten- sifient, avec le lancement d’une unité mixte inter- nationale en Neuro-développement et Psychiatrie de l'enfant. La mise en place de ce projet fait suite à la nomination de Pierre Marquet (UNIL) comme titulaire de la chaire d'excellence canadienne en Neurophotonique et Psychiatrie, basée à Québec.

Les recherches visent à améliorer les connaissances dans le domaine de l'identification d'endophénotypes et de biomarqueurs de risque des grandes maladies

psychiatriques. Cet accord a été signé par Domi- nique Arlettaz (recteur jusqu’au 31 juillet dernier) et Nicole Lacasse, vice-rectrice adjointe aux Etudes et aux Activités internationales à l'Université Laval.

Il s’inscrit dans le cadre d’une visite d'une délégation québecoise, qui a permis des échanges entre des scientifiques des deux institutions en Géosciences, Médecine, Sciences infirmières, Psychologie et Sport, ainsi qu’au niveau de la gouvernance (durabilité et relations internationales). (RÉD.)

LA BCU BLOGUE

Depuis le mois de mai, la Biblio- thèque cantonale et universitaire a choisi de s’adresser au public sur un ton plus léger et moins institu- tionnel à travers son tout nouveau blog. Une dizaine de collaborateurs propose notamment des coups de cœur, des petites astuces ou des sélections documentaires sur des sujets d’actualité ou thématiques approfondies. Une plate-forme à découvrir sur blog-bcul.ch. (DTR)

Fabrice Ducrest © UNIL Fabrice Ducrest © UNIL

(13)

Le 9 juin dernier, l’UNIL accueillait la première finale suisse du concours «Ma thèse en 180 se- condes», organisée par la Conférence univer- sitaire de Suisse occidentale (CUSO). A cette occasion, des doctorants issus des universités romandes devaient présenter, sur scène, leur recherche de manière claire, vulgarisée et lu- dique. Le tout en français et en 3 minutes maxi-

mum. Lors de la soirée, le Prix du public a été décerné à Paolo Schumacher (Faculté de biolo- gie et de médecine de l’UNIL). Sa recherche ? La régulation du phototropisme par PKS4 chez Arabidopsis thaliana. Les trois autres lauréats, distingués par un jury, ont gagné leur ticket pour la finale internationale. (RÉD.)

www.mt180.ch/finale2016

QUAND LA SCIENCE BRÛLE LES PLANCHES

VULGARISATION SCIENTIFIQUE SCIENCES ÉCONOMIQUES

DEUX CHERCHEURS À LA TÊTE DE REVUES

Professeur en comportement organisationnel à la Faculté des Hautes études commerciales, John Antonakis a été nommé rédacteur en chef de The Leadership Quarterly.

Cette revue est une référence reconnue dans le domaine et son responsable exerce une certaine influence sur la recherche en cours. Une autre professeure de la Faculté des HEC entre dans les instances dirigeantes d’un pério- dique scientifique. Suzanne de Treville a été nommée au sein du Comité éditorial du Journal of Operations  Management. L'expertise de cette chercheuse porte notamment sur les questions en lien avec la production compétitive dans un contexte de coûts élevés ou sur la manière de réduire le délai de production pour augmen- ter la capacité de répondre à une demande volatile. Avec ses collègues, elle a également mis au point un outil per- mettant de calculer le coût réel résultant d'une déloca- lisation de la production. ( Lire Allez savoir ! 62 ). (RÉD.)

lix Imhof © UNIL© Alain Kilar

Les Universités de Genève et de Lausanne pro- posent une maîtrise en Théologie, en présence et à distance. Une manière d’adapter les études aux besoins professionnels et personnels. Le pro- gramme comprend 7 disciplines : Ancien Testa- ment / Bible hébraïque, Nouveau Testament, His- toire du christianisme, Théologie systématique, Ethique, Théologie pratique et Science des reli-

gions. Ouvert aux détenteurs d’un bachelor en Théologie (ou d’un titre équivalent), ce cursus dure normalement deux ans (120 crédits ECTS) et implique la réalisation d’un mémoire de master. Il ouvre sur des carrières dans les professions ecclé- siastiques (pasteur, aumônier, etc.), la formation d’adultes, les ONG ou dans le domaine social. (RÉD.) www.unige.ch/collegetheologie

LA THÉOLOGIE S’ÉTUDIE AUSSI À DISTANCE

FORMATION

L’ÉDUCATION ET LA RECHERCHE NE SONT PAS DE BONS ENDROITS OÙ ÉCONOMISER. CE SONT LES SOURCES VIVES D’UN PAYS COMME LA SUISSE.

Nouria Hernandez, rectrice de l’UNIL depuis le 1er août 2016. Dans Le Temps du 4 juin.

UN CURSUS ADAPTÉ AUX BESOINS

PROFESSIONNELS ET PERSONNELS

© DR Nicole Chuard © UNIL

(14)

14 Allez savoir ! N° 64 Septembre 2016 UNIL | Université de Lausanne

BRÈVES

3710

Le nombre de références faites à l’Université de Lausanne et au CHUV dans les médias romands en 2016, selon la revue de presse Argus, au 23 août.

Fin mai, une étude du Centre universitaire romand de médecine légale, publiée dans la revue Scientific Reports, a suscité un retentissement international. Elle suggère que le vapotage de cannabis au moyen de cigarettes élec- troniques pourrait représenter une alternative intéres- sante pour la prescription de cannabis à usage médical.

Le 14 juin, le Washington Post publiait une infogra- phie réalisée par Martin Grandjean, assistant diplômé en Section d’histoire. Elle montre de manière frappante que depuis 1968, les Etats-Unis ont compté davantage de morts par armes à feu ( 1 516 863 ) que dans toutes leurs guerres depuis 1775 ( 1 396 733 ).

Quelques jours plus tard, une étude menée par une équipe du Centre intégratif de génomique ( CIG ) de l’UNIL et des chercheurs du Centre de neurosciences psychia- triques du CHUV a porté un coup aux édulcorants. En effet, ces derniers ne suppriment pas le désir de consom- mer du sucré. Une découverte à mettre en parallèle « avec le constat que l’introduction d’aliments édulcorés n’a mal- heureusement pas permis de diminuer l’épidémie d’obé- sité qui sévit dans tous les pays industrialisés », note Ber- nard Thorens, professeur au CIG et directeur de l’étude.

Enfin, début août, l’Autorité bancaire européenne ( EBA ) a publié les résultats de son stress test qui mesure le niveau de résistance des banques de la zone euro face à un choc potentiel. Cette étude comparative a été conduite par Diane Pierret, professeure en Finance à la Faculté des HEC. Elle avertit que « le contribuable pourrait une nouvelle fois être appelé à renflouer des banques en difficulté ». DS

ARMES, SUCRE, SANTÉ ET BANQUES

L’UNIL DANS LES MÉDIAS

© DR

1414

Le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître dans des revues scientifiques en 2016 ( d’après Serval, au 23 août ).

Entre diplomatie, promotion de la paix et biologie, c’est à une recherche tout à fait origi- nale et prometteuse que participe Alexandre Roulin, professeur ordinaire au Départe- ment d’écologie et évolution et spécialiste des chouettes ( lire Allez savoir ! 53, janvier 2013 ).

Bordée par la Jordanie, Israël, et les Terri- toires palestiniens, la vallée du Jourdain est un lieu de passage très important au monde pour les oiseaux migrateurs. Afin de proté- ger leurs récoltes et leurs arbres, les paysans de cette région éliminent les rongeurs avec des pesticides toxiques qui empoisonnent les volatiles et polluent les eaux. Le projet

« Barn owls know no boundaries », lancé par le professeur Yossi Leshem de l’Université de Tel-Aviv dans les années 80, cherche à rem- placer la chimie par la lutte biologique, grâce aux faucons crécerelles et aux chouettes ef- fraies. Un couple de ces dernières dévore en effet de 2000 à 6000 rongeurs par an.

Après un patient travail de conviction, des agriculteurs des trois pays ont installé des nichoirs à rapaces dans leurs champs.

Il en existe actuellement 3000 en Israël, 270 dans les Territoires palestiniens et au- tant en Jordanie. Il a fallu surmonter bien des craintes. « Mes parents disaient que les chouettes portaient malheur, et les éloi- gnaient en faisant du bruit la nuit», explique Abu Rashid Mansour, président du Amman Center for Peace and Development. Ce géné- ral jordanien à la retraite est très impliqué dans le projet.

«Barn owls know no boundaries » permet des rencontres, sur le terrain. Ainsi, des fer- miers israéliens ont présenté les bénéfices de la lutte ornithologique à leurs homologues jordaniens. « Grâce au projet, des membres de la société civile se parlent par-dessus les frontières », ajoute Abu Rashid Mansour.

Des limites politiques dont les chouettes se moquent. En effet, un suivi par GPS a mon- tré qu’elles survolent les lignes, nichant d’un côté et chassant de l’autre. Un couple de ra- paces israélo-jordanien a même eu des petits.

Comme l’indique Yossi Leshem, « nous ne savons pas s’ils sont juifs ou musulmans ! »

Respect de la nature

Plus largement, « Barn owls know no boun- daries » réunit des populations séparées par la guerre et la méfiance autour d’un souci commun : le respect de la nature. Le projet comprend des aspects éducatifs ( avec des cours donnés dans les écoles et par internet ), ainsi que des rencontres entre enfants juifs, chrétiens et musulmans autour de l’environ- nement. Des compétitions sportives trans- frontalières, la mobilisation de femmes de plusieurs pays et un important travail auprès des Autorités militaires et politiques ( Shi- mon Peres soutient le projet ) ont été menés.

Artisan du Traité de paix israélo-jorda- nien de 1994, Abu Rashid Mansour exprime son désir de voir le dialogue se rétablir entre les deux populations. Ce général a « com- battu les Israéliens de 1965 à 1994 », et a même été fait prisonnier pendant la guerre des Six Jours. Un conflit auquel a participé Yossi Leshem... dans le camp d’en face. Au- jourd’hui, les deux hommes travaillent en- semble pour la paix. DS

LES CHOUETTES FONT LA PAIX

PASSAGE EN REVUE

© Amir Ezer

(15)

À L’HONNEUR

ART

Des sculptures d’artistes contemporains suisses forment un parcours sur le campus. Pour sa deuxième édition, la Triennale UNIL accueille les œuvres de 19 plasticiens, sé- lectionnés par un jury. Cette exposition collective en plein air, accessible librement en tous temps, durera jusqu’à l’au- tomne 2017. Ensuite, dès mars 2018, le gagnant du concours investira le campus avec une exposition monographique.

Le lauréat de l’édition précédente était Tarik Hayward, dont le travail New Extremes of Immobility ( photo ) se trouve en lisière de forêt, vers le Biophore. (RÉD.)

www.unil.ch/triennale

TRIENNALE UNIL, DEUXIÈME ÉDITION

lix Imhof © UNIL

PLÂTRE ET CIMENT

CURE DE JOUVENCE POUR L’AMPHIPÔLE

Conçu par Guido Cocchi, l’Amphipôle est le premier bâtiment de l’Université de Lausanne à Dorigny. Mis en service en 1970, l’ancien « Collège propédeutique » va faire peau neuve. Le SIB – Institut suisse de bioinformatique, la biologie computa- tionnelle de la Faculté de biologie et de médecine, ainsi que l’Ecole des sciences criminelles de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration pu- blique intégreront le bâtiment refait à neuf. Le montant global des travaux de réno- vation des façades et de transformation du bâtiment est devisé à 43,9 millions de francs. Le concours d’architecture a été remporté par le bureau Aeby Perneger et Associés SA, en collaboration avec la société d’ingénierie Ingeni SA et la société spécialisée Estia SA. (RÉD.)

DR

LITTÉRATURE, MÉDECINE ET GESTION DES RISQUES

Le Prix David Solomons 2015, décerné par la revue scienti- fique Management Accounting Re- search, a été attribué à Anette  Mikes, professeure en compta- bilité à la Faculté des HEC, ainsi qu’à ses deux co auteurs, Mat- thew Hall ( London School of Eco- nomics ) et Yuval Millo ( Université de Leicester ). L’article récom- pensé, How do risk managers be- come influential ? A field study of  toolmaking in two financial institu- tions, cherche à comprendre com- ment et pourquoi les groupes en charge de la gestion des risques ont gagné – ou non – de l’influence au sein de grandes banques lon- doniennes, avant, pendant et après la crise financière. (RÉD.)

Le Prix Robert Bing est décerné tous les deux ans par l’Acadé- mie Suisse des Sciences médi- cales. Il récompense des travaux d’excellence dans le domaine des Sciences neurologiques. Cette année, il a été attribué à égalité à Caroline Pot, professeure as- sistante boursière FNS à la Fa- culté de biologie et de médecine et chercheuse au CHUV, ainsi qu’à Sebastian Jessberger de l’Univer- sité de Zurich. Médecin neuro- logue et clinicienne chercheuse, Caroline Pot dirige une équipe qui étudie le rôle des métabolites du cholestérol et leurs interactions avec la flore et l’immunité intes- tinales, dans le développement de la sclérose en plaques. (RÉD.)

Chargée de projet au Départe- ment de microbiologie fondamen- tale, Sandra Sulser a remporté le prix Isabelle Musy, doté de 50 000 francs, pour son projet de start- up BioMe. Son idée ? Développer un nouveau traitement pour lutter contre les infections intestinales. En se basant sur la méthode de trans- plantation de microbiome fécal, il s’agit de proposer aux patients, sous forme de suppositoire ou de pilule, une communauté d’une cen- taine de bactéries différentes et utiles. A ce stade des recherches, aucun produit fini n’existe. Mais le potentiel thérapeutique est impor- tant. Davantage de détails dans l’édition 615 de l’uniscope, le ma- gazine du campus de l’UNIL. (RÉD.)

Etudiante à la Faculté des lettres, Elisa Shua Dusapin a reçu le prix Robert Walser pour son premier ro- man, Hiver à Sokcho ( Editions Zoé ).

Le jury, qui qualifie le texte de « pe- tit chef-d’œuvre », indique que

« le récit nous plonge dans l’hiver d’une station balnéaire dépeuplée en Corée du Sud. La narratrice, fille de mère coréenne et de père français, travaille dans une pen- sion modeste où vient s’installer Kerrand, auteur de bande dessinée français. Ces deux êtres solitaires s’épient, se croisent, se cherchent et ne se trouvent pas. Une pas- sion cachée est à la base de leurs rencontres manquées et de leurs dialogues laconiques et crée la ten- sion continue de l’histoire. » (RÉD.)

lix Imhof © UNIL lix Imhof © UNIL lix Imhof © UNIL

Yvonne Böhler © Editions Z

(16)

16 Allez savoir ! N° 64 Septembre 2016 UNIL | Université de Lausanne

POLITIQUE

(17)

O

n pensait connaître tout le répertoire du politicien qui promet de fermer les frontières. C’était compter sans Donald Trump, qui a proposé de construire un mur de 1600 kilomètres pour stopper l’immigration clandestine en provenance du Mexique. Le même candidat a suggéré, durant la campagne présidentielle amé- ricaine, « l’arrêt total et complet de l’entrée des musulmans » sur le territoire après un attentat terroriste. Enfin, lors d’un voyage en Ecosse, au lendemain du référendum sur le Brexit, Donald Trump a trouvé « fantastique » que les Britanniques reprennent « le contrôle de leur pays ». Difficile de faire plus musclé quand on s’est donné pour programme de « rendre l’Amérique aux Américains ».

Face à lui, Hillary Clinton est son opposé quasi caricatu- ral. Elle est tout aussi représentative de ces politiciens de carrière, expérimentés, rationnels, ouverts au monde et capables de placer le Kosovo, l’Irak et la Syrie sur un pla- nisphère sans se tromper. C’est l’une de ces figures de l’es- tablishment politique qui évolue dans un monde globalisé, qui en voit les avantages économiques et politiques, bref qui a tout pour rassurer son camp comme pour agacer les nombreux perdants de la mondialisation qui se cherchent un sauveur.

En attendant le 8 novembre, lorsque les électeurs amé- ricains arbitreront ce duel des extrêmes, on ne peut s’em- pêcher de trouver un air de « déjà-vu » à cette campagne

L’élection présidentielle américaine, qui se joue entre Hillary Clinton et Donald Trump, illustre le nouveau débat qui divise les démocraties occidentales. Il oppose ceux qui vivent volontiers dans un monde globalisé et ceux qui voudraient remettre des frontières.

TEXTEJOCELYN ROCHAT

PAYS OUVERT OU

DUEL

Le 8 novembre, les électeurs américains arbitreront un match entre l’isolationnisme et la globalisation.

© Thinkstock

PAYS FERME

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18 Allez savoir ! N° 64 Septembre 2016 UNIL | Université de Lausanne

électorale. Difficile, vu d’Europe, de suivre les échanges Clinton-Trump sans penser à l’élection présidentielle autri- chienne qui s’est jouée, au final, sans les partis classiques, entre un écologiste et le candidat du Parti de la liberté ( FPÖ ), une formation nationaliste qui veut reprendre le contrôle de l’immigration et des frontières.

Difficile de ne pas penser au référendum à propos du Brexit, où l’on a vu les Britanniques se déchirer jusque dans leurs familles politiques historiques, qu’elles soient de gauche ( le Labour ) ou de droite ( les Conservateurs ) sur ces mêmes questions. Difficile de ne pas penser à la prochaine élection présidentielle française de 2017, où la candidate anti-euro- péenne, Marine Le Pen, pourrait se retrouver au second tour face à un représentant des partis traditionnellement euro- philes. Difficile de ne pas penser à la Suisse, où l’UDC a trans- formé les questions migratoires en arguments électoraux...

Difficile de ne pas penser que cet affrontement entre les adeptes d’un pays ouvert, et ceux qui veulent remettre des frontières, est en passe de se généraliser dans les grandes démocraties occidentales. Et qu’il atteint même les Etats- Unis, pays symbole de l’immigration. Certains observateurs, comme le politologue français Pascal Perrineau, estiment d’ailleurs que le clivage « pays ouvert / pays fermé » est en passe de remplacer le traditionnel clivage « gauche / droite », qui a longtemps constitué la grande ligne de fracture en politique.

« Il y a des similitudes, c’est vrai, observe Boris Vejdovsky, qui enseigne la littérature et la culture américaines à l’UNIL, et qui a parcouru les Etats-Unis l’été dernier pour suivre l’élec- tion présidentielle. Mais, si les comparaisons sont tentantes

et qu’elles fonctionnent dans un certain sens, il ne faut pas oublier qu’il y a des différences importantes entre l’Europe et l’Amérique. Aux Etats-Unis, il n’y a pas vraiment de parti de gauche qui arrive à s’imposer comme une force importante au plan national. Nous avons deux partis, le Républicain et le Démocrate, qui couvrent tout le spectre politique, du Tea Party de la droite ultraconservatrice, jusqu’aux utopistes du Vermont. » C’est donc normal qu’on décèle des fractures idéo- logiques profondes à l’intérieur de ces deux grands camps qui regroupent des courants politiques forcément très divers.

Société américaine clivée

Ce qui est nouveau, en revanche, c’est la force des passions qui ont été déchaînées chez les Républicains comme chez les Démocrates au sujet de ces questions de fermeture des fron- tières. « Cette campagne est en train de remodeler le paysage politique : elle pose des questions sur la manière de faire de la politique dans ce pays, et elle nous a fait découvrir une société bien plus clivée qu’on ne pouvait l’imaginer sur des questions sociétales profondes comme l’immigration, l’éco- nomie, la sécurité, la place des femmes et de la religion, mais encore le rôle de l’Amérique dans le monde », estime le cher- cheur de l’UNIL.

Les responsables de cet électrochoc ? Deux candidats aty- piques dont personne n’avait prévu l’influence. « J’imaginais, comme tous les observateurs, que Bernie Sanders chez les Démocrates et Donald Trump chez les Républicains allaient être utilisés pour lancer des arguments que les candidats offi- ciels ne peuvent pas utiliser. On s’attendait à ce que Donald Trump dise des choses épouvantables sur les Mexicains, les

PRO-CLINTON

Des supporters acclament la candidate démocrate à Phoenix, en Arizona, le 21 mars 2016.

© Reuters/Mario Anzuoni

«POUR LA PREMIÈRE FOIS, ON VOIT UNE GÉNÉRATION VIVRE MOINS BIEN QUE LA PRÉCÉDENTE, ET ELLE PEUT CRAINDRE QUE CE SOIT ENCORE PLUS DIFFICILE POUR SES ENFANTS.»

BORIS VEJDOVSKY

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Noirs, les musulmans et les femmes, et à ce que Bernie San- ders explique que l’économie est pourrie, que les patrons sont pourris, qu’il faut abolir tout cela et rendre l’université gratuite. Ce que personne n’avait imaginé, et je dis bien per- sonne, parce que j’ai été relire les commentaires publiés à l’époque, c’est que les électeurs écouteraient ces candidats.

Parce que tout le monde a sous-estimé la peur qui monte dans la population. »

La peur ? Le sujet «est difficile à aborder, parce qu’il faut dire deux choses à la fois. On ne peut pas juste expliquer que des discours démagogiques, populistes et souvent nauséabonds ont réussi à toucher les électeurs, ce qui est vrai. Il faut dire en même temps que ces électeurs inquiets, qui se recrutent très largement chez les Blancs de la classe moyenne, n’ont pas l’impression que les choses vont mal : les choses vont vraiment mal. Ils perdent leurs emplois, leurs maisons, leur sécurité. Pour la première fois, on voit une génération vivre moins bien que la précédente, et elle peut craindre que ce soit encore plus difficile pour ses enfants. Du coup, ces gens se retrouvent terriblement désabusés et ils ont l’impression que plus personne ne les écoute. »

Pendant longtemps, ces électeurs populaires ont constitué l’électorat de base des Républicains. « Ce parti se targuait de représenter le gars de la rue, le Joe Block, mais ses élus ont abandonné cette classe moyenne pour soutenir les milieux financiers, qui ont amassé les gains de la globalisation. Et c’est cet électorat perdu que Donald Trump essaie de recon- quérir. C’est même devenu l’enjeu de la campagne, parce que ces voix peuvent lui permettre de gagner des Etats qui feront basculer l’élection. »

Victimes de la mondialisation

Donald Trump n’est d’ailleurs pas le seul à s’adresser à cet électorat perdu. Dans un style nettement plus policé, le can- didat démocrate Bernie Sanders a lui aussi parlé aux vic- times de la mondialisation. « Sanders et Trump ne disent pas la même chose, mais tous les deux avancent des arguments qui touchent des gens qui ont perdu leur emploi. Sanders rejoint notamment Trump quand il propose une Amérique plus isolationniste que ne le voudrait l’establishment. Mais il n’a pas parlé du « viol du pays » par les accords commer- ciaux, comme l’a fait Trump. »

Ce succès des outsiders isolationnistes était tout simple- ment inimaginable au début de la campagne, quand cette élection présidentielle 2016 s’annonçait comme un nouvel affrontement entre les dynasties Bush et Clinton, avec le match programmé entre Jeb Bush ( le frère de George W. et ex-gou- verneur de Floride ) et Hillary Clinton ( la femme de Bill, ex- président populaire ). Mais ce scénario a été totalement réé- crit par l’irruption tonitruante de Donald Trump, qui a créé des tensions inimaginables au sein de son parti. « On a même vu Paul Ryan, le représentant de la majorité républicaine au sénat, condamner les remarques racistes de Trump, tout en disant qu’il allait voter pour lui », raconte Boris Vejdovsky.

Dans un premier temps, cet embarras républicain a pu

« réjouir tous ceux qui votent à gauche, avant qu’ils ne réalisent que ce déchirement au cœur du parti peut changer le pays.

Tous les milieux économiques, évangéliques et même média- tiques, comme Fox News, qui roulent habituellement pour les Républicains sont incroyablement divisés à l’interne, et ils ne savent pas comment jouer le coup d’après. On se rend bien

PRO-TRUMP

Soutiens au can didat républicain à Kissimmee, en Floride, le 11 août 2016.

© Reuters/Eric Thayer

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20 Allez savoir ! N° 64 Septembre 2016 UNIL | Université de Lausanne

compte que cette campagne va changer les lignes, et on se demande comment se fera la recomposition du Parti républi- cain et du pays dans les mois qui suivront l’élection », note le chercheur de l’UNIL.

Interventions systématiques ou repli tactique ? Ce débat sur la place des Etats-Unis dans le monde aura encore des conséquences importantes un peu partout sur la planète, vu le rôle de « gendarme » que joue régulièrement ce pays dans de nombreux conflits à l’étranger. Et là encore, le débat est féroce entre les adeptes du pays ouvert, ou interventionnistes, et ceux qui « veulent ramener les boys à la maison ».

En matière « de politique étrangère, les Etats-Unis ont tou- jours hésité entre deux grandes options », expliquait l’expert en géostratégie Hubert Védrine, au dernier Forum des 100 de L’Hebdo, en mai dernier à l’UNIL. Le premier scénario consiste à « s’assurer de leur propre sécurité en contrôlant le monde entier, avec des bases militaires partout et un budget de la Défense qui, à lui seul, pèse autant que la moitié de tous les budgets de la Défense des pays du monde entier ». Le scénario alternatif consiste à penser que l’on « sera mieux protégé en s’isolant davantage, mais pas totalement, puisque l’isolation- nisme américain ne peut jamais être complet ».

Le géostratège français, qui fut ministre socialiste de Lionel Jospin et de Jacques Chirac, avait inventé le terme d’« hyper- puissance » pour qualifier la politique américaine dans les années 90. Il n’a pas manqué de relever que les Etats-Unis du XXIe siècle sont désormais « challengés » par des concurrents, mêmes s’ils « restent la puissance Numéro 1 ». Du coup, des divergences très fortes se font entendre à propos de la politique étrangère que doivent mener les Etats-Unis.

« Très curieusement, si vous oubliez un instant sa vulgarité insensée et ses provocations systématiques, vous découvrez dans ce que dit Donald Trump des éléments communs avec ce que dit Barack Obama », a encore observé Hubert Védrine lors de son passage à l’UNIL. Par exemple quand il estime que

« les Etats-Unis n’ont pas à prendre en charge la sécurité de l’ensemble de leurs alliés qui devraient faire beaucoup plus ».

Du coup, cette campagne témoigne d’« oscillations » entre la tentation de l’intervention systématique, traditionnellement plus forte chez les Démocrates, et le repli tactique. « Vers quoi les Etats-Unis vont-ils aller? La ligne Obama ne pourra proba- blement pas être totalement abandonnée, même si Clinton a des gènes interventionnistes », pronostique le géostratège. Et si Donald Trump gagne? « Là, personne ne le sait, même pas lui-même », répond Boris Vejdovsky.

Les Américains aiment la nouveauté

Pour cruciales qu’elles soient, ces questions géostratégiques ne décideront pas de l’issue de cette élection américaine, qui se jouera probablement sur des arguments moins rationnels,

« très profondément inscrits dans la culture américaine, estime le chercheur. Mes amis européens me disent qu’ils ne com- prennent pas le phénomène Trump. Ce qu’ils ne voient pas, c’est

que ce candidat a l’avantage de l’inexpérience ! Hillary Clinton a des caractéristiques qui, pour un Européen, devraient immé- diatement faire pencher la balance de son côté. Elle a passé douze années dans le fauteuil du copilote, huit à côté de son président de mari, et quatre autres avec Barack Obama. Elle a eu accès à toutes les arcanes, elle a une expérience du pou- voir qu’aucun candidat américain à la présidence n’a jamais eue avant elle».

Et pourtant, ce qui devrait jouer en sa faveur peut jouer en sa défaveur, parce que les Américains « aiment le nouveau. Ça pourrait être un cliché épouvantable, mais c’est vrai, explique Boris Vejdovsky. Aux Etats-Unis, le concept de nouveauté est aussi une question morale. Nouveau, c’est moralement bien, comme ancien, c’est moralement mal».

A cela s’ajoute un côté « messianique de la politique amé- ricaine, ce besoin de trouver un homme providentiel qui est également inscrit profondément dans la culture locale, et qui fait que les électeurs désabusés vont hésiter longtemps entre la personne qui promet de transformer le pays d’un coup de téléphone, en décidant de construire un mur, et la candidate qui donne des garanties pour le bien commun », estime le chercheur.

Cela rend ce scrutin aussi passionnant qu’inquiétant. C’est également ce qui fait que, « quel que soit le résultat de cette élection, elle aura des conséquences très importantes pour la politique américaine, mais aussi pour le reste du monde. »  BORIS VEJDOVSKY

Maître d’enseignement et de recherche en Section d’anglais.

Nicole Chuard © UNIL

POLITIQUE

Nouvelles études américaines www.unil.ch/newamericanstudies

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RÉFLEXION

ACTUELLEMENT, IL Y A ENVIRON 120 000 SUBS- TANCES SUR LE MARCHÉ EN EUROPE DONT 2000 MÉDICA- MENTS ET 6000 COSMÉTIQUES.

ELLES PEUVENT TOUTES UN JOUR OU L’AUTRE SE RETROUVER DANS LE MILIEU NATUREL.

L

a chimie a présenté un côté magique : grâce à elle, nous ne mourions plus de faim, nos aliments se conservaient plus longtemps, nous guérissions de maladies graves, voire restions jeunes plus longtemps. Depuis dix ans, cette même chimie a mauvaise presse : on parle de baisse de la fer- tilité chez l’homme, de féminisation des poissons, d’augmentation des cancers...

Les études menées par les cher- cheurs et par les associations de consommateurs montrent que les molécules de synthèse (pesticides, médicaments, cosmétiques, etc.) se retrouvent dans tous les comparti- ments de l’environnement, l’eau, l’air ou le sol. Précisons que l’utilisation des molécules chimiques augmente continuellement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : 112 mil- lions de composés organiques et inor- ganiques sont enregistrés dans la grande base de données du Chemi- cal Abstracts Service. Tous ne sont pas commercialisés, mais ce chiffre montre combien les substances chimiques occupent une place impor- tante dans notre monde.

Actuellement, il y en a environ 120 000 sur le marché en Europe, dont 2000 médicaments et 6000 cosmétiques. Elles peuvent toutes un jour ou l’autre se retrouver dans le milieu naturel. Et se transfor- mer ensuite sous l’action du soleil ou des micro-organismes, donnant

LA CHIMIE : ENTRE UTILITÉ ET RISQUE AU QUOTIDIEN

naissance à de nouvelles molé- cules. Dans notre environnement existent aussi des substances inter- dites depuis longtemps, mais très stables ou encore des composés non autorisés mais importés, comme cer- tains détergents contenus dans les vêtements.

Les méthodes de détection analy- tiques ayant fait des progrès consi- dérables ces dix dernières années (nous sommes capables de chercher simultanément des dizaines de com- posés à des concentrations très très faibles, sous forme de traces), il n’est pas étonnant de déceler des subs- tances chimiques partout. La ques- tion est donc de savoir si elles repré- sentent un risque pour l’homme et l’environnement .

Régulièrement, des molécules sont mises sur la sellette, comme le bisphénol A ou actuellement le glyphosate. Mais évaluer un risque est complexe, sujet à controverse, avec des débats interminables entre les experts. A mon sens, dans nos régions, le risque majeur pour l’homme et l’environnement n’est pas lié à une matière particulière, mais vient du fait que les organismes vivants sont exposés continuellement à de faibles concentrations de mul- tiples composés dont on ne connaît pas les interactions. Interdire une substance particulière n’aura donc qu’un effet restreint, sachant qu’elle sera souvent remplacée par une autre peut-être plus problématique.

Que faire alors, sinon réaliser que l’on ne peut pas échapper aux subs- tances chimiques ? Se laver, respirer, s’habiller revient à s’exposer. Mais nous pouvons réduire notre expo- sition et celle de l’environnement.

Quelques trucs ? Réfléchir à nos cos- métiques, qui contiennent de nom- breux composants peu recomman- dables et finissent le plus souvent dans les eaux. Nous pouvons mieux les choisir et en utiliser moins. Dimi- nuer les quantités de produits utili- sés, notamment pour les détergents.

Eviter l’utilisation de matières inu- tiles comme celles contenues dans les désodorisants d’air intérieur, polluantes et pour certaines allergi- santes. Bien sûr aussi, réfléchir à l’ali- mentation : manger local, sans pesti- cides, de saison, et si possible des produits non transformés.

Des mesures collectives peuvent également être prises. La Suisse a décidé d’équiper ses stations d’épu- ration principales pour réduire les émissions de substances chimiques dans les eaux. C’est un pas en avant.

Ce printemps, différentes organi- sations ont proposé des mesures concrètes pour réduire de 50 % l’uti- lisation des pesticides en Suisse. Ce serait un autre pas.

De petites actions, locales, mais gageons qu’elles permettront de limi- ter l’impact des éléments chimiques sur notre environnement et notre santé, ainsi que sur celle des géné- rations futures. 

NATHALIE CHÈVRE Ecotoxicologue, chercheuse à l’UNIL

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HISTOIRE

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UN MONSTRE SUISSE

Dragon vu au lieu-dit In der Hauwelen, Frumsen- berg, canton de Zurich.

Illustration tirée de Oure- siphoites Helveticus, sive itinera per Helvetiae alpi- nas regiones (1723), de Johann Jakob Scheuchzer.

© Viatimages/Bibliothèque cantonale et universitaire – Lausanne

Si le monde de Harry Potter regorge de créatures bizarres, comme on le verra au cinéma dès le 16 novembre, avec la sortie du film Les animaux fantastiques, les Alpes suisses ont aussi leur lot de monstres, comme on peut le découvrir sur la plateforme multimédia Viaticalpes, pilotée par des chercheurs de l’UNIL.

TEXTESASKIA GALITCH

DES ANIMAUX PLUS

QUE NATURE !

I

ls s’appellent serpencendre, occamy, oiseau-tonnerre ou démonzémerveille. Ce ne sont pas des Pokémons, mais des héros du film Les animaux fantastiques, un dérivé de la saga Harry Potter qui débarquera dès le 16 novembre dans les salles de cinéma romandes. Tous sortent évidemment du bestiaire magique imaginé par l’auteure britannique J. K. Rowling. Imaginé ? Vraiment ? Peut-être pas... ou, du moins, pas complètement.

Car nombre de créatures évoquées dans la saga Harry Potter, bien que parfois légèrement modifiées par rapport à celles qui les ont inspirées, ont « existé » dans le monde des simples mortels. Et certaines ont même été repérées

en Suisse, comme on le constate en se plongeant dans la plateforme multimédia Viaticalpes ou dans l’application WonderAlp, qui ont été conçues comme de véritables cabi- nets de curiosités 2.0, et qui permettent de découvrir toutes sortes de choses admirables et étonnantes.

Passage en revue, en compagnie des deux pilotes de ce fabuleux projet, soit Daniela Vaj, responsable de la base de données Viatimages et coordinatrice scientifique de ce site, ainsi que Claude Reichler, professeur honoraire à la Faculté des lettres, chercheur et auteur des textes et de l’ouvrage de référence Les Alpes et leurs imagiers. Voyage et histoire du regard.

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24 Allez savoir ! N° 64 Septembre 2016 UNIL | Université de Lausanne LES DRAGONS

Si J. K. Rowling donne vie au « Norvégien à crête », au

« Boutefeu Chinois » ou au « Magyar à pointes » dans ses livres, les communautés alpines qui ont habité dans les Alpes ont côtoyé pour leur part des bestioles peu amènes tels le « Volant de Lucerne », le « Erlawäldli », le « Dragon In der Hauwelen » ou encore le « Wangserberg ».

A en croire le très sérieux naturaliste Johann Jakob Scheuchzer dans son Itinera per Helvetiae alpinas regiones, publié en 1723 et qui constitue la documentation princi- pale de WonderAlp, certaines de ces créatures ont même provoqué de gros soucis dans les populations. Ainsi le

« Wellerscher Gang », qui, en été 1658, a presque aveuglé un vieux paysan en lui soufflant dessus. Ou le « Quinten », jugé responsable d’une « tempête de grêle » en 1670.

« Le dragon est un mythe universel que l’on retrouve aussi bien en Chine que dans la Grèce antique, note le professeur de l’UNIL. Comment est-il né et d’où vient-il ? Nous n’avons pas de certitudes concernant sa genèse. Ces légendes sont-elles apparues après qu’on a trouvé des osse- ments de dinosaures ? Les naturalistes étant fixistes, ils estimaient que chaque espèce était apparue telle quelle au cours des temps géologiques et n’envisageaient donc pas que la nature pouvait changer ni que des espèces pouvaient disparaître. Si bien que lorsque l’on retrouvait des ossements préhistoriques, certains pouvaient parfaitement passer pour des parties de squelettes de dragons ! » Si cette explication la convainc, Daniela Vaj ajoute néanmoins : « Leur présence dans les Alpes peut aussi être liée aux vipères, dont la morsure peut être mortelle : a-t-on eu honte de redouter un être si petit et, pour le coup, a-t-on amplifié et exagéré sa taille dans le but de rendre cette peur moins infamante ? »

Récits populaires

Quoi qu’il en soit, reprend le professeur Reichler, « une chose est sûre : quand Scheuchzer entend des récits populaires attestant la présence de ces animaux dans les régions alpines et qu’il sait, par ailleurs, que de grands savants comme Pline s’y sont intéressés, il ne peut évidemment pas les ignorer. Il va donc faire l’histoire des dragons sur le modèle de Conrad Gessner, avec son fameux Historiae Animalium, publié entre 1551 et 1558, un ouvrage fondateur en matière de zoologie. »

Concrètement, Scheuchzer se déplace, recueille des témoignages de toutes sortes, puise dans une vaste culture scientifique et littéraire, réunit un corpus de textes qui représentent pour lui l’ensemble des auteurs faisant autorité en matière de dragons et examine soigneusement les os, les dents ou les griffes qu’on lui dit appartenir à ces créatures.

Dans sa description du « Dragon du mont Pilate », mise en ligne par Claude Reichler, Scheuchzer rapporte : « Le 9 juillet 1689, on m’apporta des ossements qui avaient été sortis de terre, et précisément :

1. la moitié d’une mâchoire inférieure de dragon avec une énorme dent de devant; la longueur fait un quart et demi

d’aune plus un demi-douzième, et elle pèse sept onces et demie.

2. Une sorte de dentition extraordinaire, sortant par paires des mâchoires supérieure et inférieure. Leur longueur est de un quart et demi d’aune, l’épaisseur d’un demi- quart, le poids s’élève à 2 onces et 3 drachmes. La cou- leur est blanche et brillante, comme les dents d’un cheval.

3. et 4. Deux molaires, large chacune d’un demi-quart d’aune, et pesant une demi-once plus un drachme. La racine de ces dents-là est jaune, mais leur couronne blanche.

5. et 6. Deux griffes de doigt de pied, émoussées et de couleur cendre, pesant chacune un drachme.

7. Un os fémoral de couleur boueuse, ayant perdu ses deux têtes et long d’un quart et demi d’aune, dont le poids atteint deux onces trois drachmes. »

CLAUDE REICHLER Professeur honoraire.

Nicole Chuard © UNIL

HISTOIRE

LES ALPES ET LEURS IMAGIERS. VOYAGE ET HISTOIRE DU REGARD.

Par Claude Reichler.

Presses polytechniques et universitaires romandes – Le savoir suisse (2013), 144 p.

La plateforme Viaticalpes www.unil.ch/viaticalpes

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Claude Reichler relève que si « certains de ces restes appa- raissent au naturaliste comme étant ceux d’ours géants morts dans leur caverne, il estime tout de même que, parfois, il est bel et bien en présence d’ossements de dragons. En d’autres termes, il valide leur existence. »

Et le professeur de préciser : « Cela peut paraître étrange, aujourd’hui, mais il faut comprendre que les naturalistes, jusqu’au XVIIe et parfois jusqu’au début du XVIIIe siècle, ne mettaient pas en doute les témoignages de leurs prédé- cesseurs et tenaient leurs découvertes pour certaines. Par ailleurs, il faut impérativement déplacer la limite mentale et culturelle qui sépare l’ordinaire de l’extraordinaire. Notre potentialité d’étonnement est maintenant limitée par des cadres rationnels très puissants. A la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe, cette frontière n’était pas située au même endroit et la rationalité d’antan accueillait des phénomènes

« curieux » que nous rejetons complètement de nos jours.

Pour comprendre des scientifiques comme Scheuchzer, nous devons accepter de décaler la barrière qui sépare le rationnel du merveilleux ! »

LE RAT DES MONTAGNES

Difficile de ne pas voir des ressemblances entre la mar- motte et le veau de lune imaginé par J.K. Rowling, puisque ces deux espèces hyperdiscrètes se caractérisent par une capacité à dormir hors du commun et une tendance tout à fait particulière à se dresser sur leurs pattes arrière. Cela dit, quand la créature littéraire de la saga Harry Potter n’émerge de son terrier qu’à la pleine lune pour se livrer à des danses folles, le rat des montagnes, lui, se montre doté d’un esprit pratique redoutable.

Citant une étude menée par la Neuchâteloise Aurélie Luther, le professeur Reichler raconte ainsi que les « sif- fleux » firent l’objet de légendes surprenantes : « Lorsqu’elles sentaient l’hiver arriver, les marmottes devaient construire leur terrier et s’y prenaient de manière très singulière. En gros, l’une d’elles se couchait sur le dos et les autres lui mettaient sur le ventre du foin, de l’herbe ou tout ce qui pouvait tapisser leur logement hivernal. Ensuite, elle se laissait traîner jusqu’au terrier par ses congénères,

MARMOTTE...

Ce « rat de montaigne » possède de nombreux points communs avec le « veau de lune » imaginé par J.K. Rowling.

Illustration tirée De la cosmographie universelle, de Sebastien Münster (XVIe siècle).

© Viatimages/Médiathèque Valais.

... ET CAPRICORNE

Cet animal était paré du pouvoir quasi magique de grimper n’importe où.

Illustration tirée De la cosmographie universelle, de Sebastien Münster (XVIe siècle).

© Viatimages/Médiathèque Valais.

Le Centre des sciences historiques de la culture www.unil.ch/shc

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26 Allez savoir ! N° 64 Septembre 2016 UNIL | Université de Lausanne

servant ainsi de charrette ! Renforcée par l’assertion que ce comportement avait été observé, cette croyance a eu cours jusqu’au XVIIIe siècle ! »

LES MONSTRES

Croisements étranges et mélanges détonants entre espèces : les innombrables monstres qui peuplent l’univers littéraire de J. K. Rowling sont ce que Claude Reichler qualifie de

« constantes du rapport des hommes aux règnes animal et végétal ». Il précise : « De grands savants du XVIIIe essayaient de croiser le coq et le lapin, juste pour voir si ça fonction- nait. A vrai dire, les expériences d’hybridation ont perduré très longtemps et, d’une certaine manière, se poursuivent aujourd’hui encore avec la génétique. Pour en revenir à une créature déjà évoquée, le dragon est typiquement un monstre au sens des naturalistes puisqu’il est le fruit d’une copulation qu’on n’a pas pu observer mais que l’on postule entre la vipère et l’aigle ou entre le chat et le serpent, par exemple. »

Dans cette catégorie « monstrueuse », on peut ainsi inclure la bête de la montagne Joppatsch, repérée en août 1696 et évidemment répertoriée dans le bestiaire drago- nesque de l’appli WonderAlp : pourvue d’une tête de chat, un peu chafouine, poilue et rouge, avec des yeux scintillants, une sorte de collier blanc autour du cou et une langue qui ressemble à celle d’un serpent, elle a une peau de couleur rouge brillant « magnifiquement aux rayons du soleil ». Elle

mesure « à peu près deux aunes » et, en lieu et place de pieds, est « munie d’appendices écailleux comme un poisson » et d’une queue fourchue...

LE BASILIC

Revisité par J. K. Rowling dans La chambre des secrets, deuxième épisode des aventures de Harry Potter, le basilic a vu le jour dans l’Antiquité. Réputé, selon Pline, pour son venin et son regard mortels, il a été repéré dès le XIIIe siècle au-dessus du village de Wyl (Unterwald), comme en atteste ce passage de l’ouvrage Itinera per Helvetiae alpinas regiones :

« Ce monstre tuait le bétail comme les hommes, si bien qu’on appelait le bourg Oedwyler, ce qui signifie le village désert.

Un nommé Winkelried, qui venait de ce village, mais en avait été banni pour meurtre, s’engagea à le tuer si on le graciait et qu’on lui permette de revenir dans sa patrie. Cela lui fut accordé avec joie. Il réussit à le vaincre. Sitôt le combat fini, il leva son bras qui tenait encore l’épée sanglante, pour se féliciter de sa prouesse, et avec lui ses compatriotes. C’est alors que quelques gouttes du sang du basilic, qui tombèrent sur son corps, le firent mourir sur place. »

L’HYDRE

Bizarrement non mentionnée dans Les Animaux fantas- tiques, comme dédaignée par J. K. Rowling, l’hydre n’en a pas moins hanté Lucerne, ainsi que l’ont trouvé Daniela

AU CINÉMA

Ces créatures appa- raissent dans le film Les animaux fantastiques.

Ce dérivé de la saga Harry Potter sort le 16 novembre. (De g.

à dr. et de haut en bas) Norbert Dragonneau, magizoologiste, un botruc, un gobelin, un demiguise, un oiseau-tonnerre et un elfe de maison.

© 2016 Warner Bros. Ent.

All Rights Reserved.

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Vaj et Claude Reichler au fil de leurs recherches textuelles et iconographiques. De fait, selon Scheuchzer, qui se base sur différentes chroniques suisses du XVIe siècle, la bête, d’une longueur de près de 4 m, avec de grandes oreilles et un corps « gros comme un veau », a été vue le 26 mai 1499 à Lucerne, alors qu’elle « suivait le courant en quittant le lac en direction du pont sur la Reuss ».

LE CAPRICORNE OU BOUC SAUVAGE

Décrit avec ce que Claude Reichler qualifie de « sens du merveilleux » dans l’ouvrage De la cosmographie univer- selle, le roi des montagnes était réputé pour de prétendues

« propriétés thérapeutiques ». Il était aussi, surtout, paré du pouvoir quasi magique de grimper n’importe où. Dans le texte rédigé par Sebastien Münster, dont les premières éditions remontent à 1544, il est dit de lui : qu’il « n’y a ro- cher si haut et si raide auquel cette bête ne puisse parve- nir par un saut ». Cette caractéristique, il la partage d’ail- leurs avec son frère de fiction, le Grapcorne, un bovidé au caractère également irascible et indomptable.

LES OISEAUX

Entre phénix, hippogriffes et démonzémerveilles, l’univers pottérien ne manque pas de créatures ailées et générale- ment majestueuses. Dans le catalogue animalier élaboré par Daniela Vaj et Claude Reichler, les volatiles ne sont en

revanche que peu représentés. Outre le somptueux gypaète barbu ou le ravissant pinson, on peut toutefois mentionner la gelinotte – un être délicieux (à tout point de vue !) si l’on en juge par la description poétique dont elle fait l’objet dans De la cosmographie universelle.

LES INSECTES

Visiblement arachno- et insectophobe, J. K. Rowling donne une image peu glorieuse des araignées et divers grouil- lants qui hantent ses histoires : nuisibles, laids et veni- meux, ils n’ont rien pour plaire.

Et dans la réalité ? S’ils sont souvent mal aimés au- jourd’hui, « les insectes ont fait autrefois l’objet de re- cherches curieuses, souvent inspirées par l’Histoire na- turelle de Pline. L’ouvrage le plus connu, dû à l’artiste et naturaliste Anna Maria Sibylla Merian, porte sur les in- sectes du Surinam. Paru en 1705, il est illustré d’aqua- relles superbes de style rococo. A l’époque des Lumières, le grand naturaliste que fut Réaumur publia un Mémoires pour servir à l’histoire des insectes. Scheuchzer s’intéresse, quant à lui, aux insectes fossiles dont on trouvait des restes dans les cristaux, les dendrites ou les ambres. »

Quant aux loups-garous, goules, griffons et autres vouivres, on attend impatiemment les témoignages ico- nographiques originaux et les manuscrits incontestables qui seront sûrement exhumés bientôt : comme on le voit, les démons émerveillent... 

«LA RATIONA- LITÉ D’ANTAN ACCUEILLAIT DES PHÉNOMÈNES

«CURIEUX» QUE NOUS REJETONS COMPLÈTEMENT DE NOS JOURS.»

CLAUDE REICHLER

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28 Allez savoir ! N° 64 Septembre 2016 UNIL | Université de Lausanne

CRIMINALITÉ

L’Ecole des sciences criminelles de l’UNIL www.unil.ch/esc

B

reaking Bad, c’est l’histoire de Walter White, un petit prof de chimie d’Albuquerque ( Nouveau-Mexique ) atteint d’un cancer, qui décide de produire du crys- tal pour mettre sa femme enceinte et son fils han- dicapé à l’abri. C’est encore la saga américaine d’un gentil papa Walt qui se métamorphose en Heisenberg, l’em- pereur de la méthamphétamine de qualité.

Sur cinq saisons, Breaking Bad a causé une dépendance sévère chez des millions de téléspectateurs, passés de la pitié à la haine envers le pauvre père de famille malade devenu

psychopathe, et désireux de savoir le sort que lui réservaient les scénaristes. De la même manière que la meth qui, comme la série, est extrêmement addictive. Cette drogue de synthèse rend en effet accro dès la première prise et transforme mon- sieur et madame Tout-le-monde en voleurs surexcités agres- sifs. Car pour consommer plusieurs fois par jour 1 gramme de meth vendu à 500 francs, il faut beaucoup d’argent...

Et ce fléau s’installe chez nous, en Suisse, non pas comme une traînée de poudre, mais progressivement, sans que cela ne trouble réellement la Confédération.

LA DROGUE DE LA SÉRIE TV

Popularisée par la série TV, la méthamphétamine s’est installée insidieusement en Suisse, où cette ex-cocaïne du pauvre se vend à 500 francs le gramme à Neuchâtel. L’UNIL enquête sur ce phénomène menaçant.

TEXTEVIRGINIE JOBÉ

BREAKING BAD

WALTER WHITE

Dans «Breaking Bad», un professeur de chimie (in- carné par Brian Cranston) est atteint d’un cancer.

Il fabrique et vend de la drogue pour mettre sa fa- mille à l’abri du besoin.

© Ursula Coyote / © AMC / Everett Collection / Keystone

DEBARQUE EN SUISSE

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DEBARQUE EN SUISSE

Références

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Ekaterina Vorochilova (1887- 1959) est née dans une fa- mille juive pauvre d’Odessa. En 1910, elle épouse Kliment Vorochilov. Adoré par les soldats de l’Armée rouge – il existe