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Nouvelles représentations de la vie en biologie et philosophie du vivant. La sculpture du vivant à l épreuve de l interdisciplinarité

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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L

e titre de cet ouvrage Nouvelles représentations de la vie en biologie et philosophie du vivantsouligne une certaine maturité de la relation entre philosophie et biologie. Il s’agit aussi de rendre compte du premier volet d’un travail en philosophie de la biologie mené de 2008 à 2010 au Centre d’études du vivant – Institut des humanités de Paris (Université Paris Diderot Paris 7) en s'adressant principalement aux étudiants en biologie et en philosophie, notamment en philosophie des sciences de la vie, mais également aux chercheurs et acteurs impliqués dans une réflexion épistémologique.

Son enjeu est la représentation du vivant interrogée à partir de l’imbrication des notions de vie et de mort. Au croisement de la biologie et de la philoso- phie du vivant, il s’agit d’interroger de façon interdisciplinaire, en partant du milieu cellulaire et intracellulaire mais sans s’y enfermer, l’idée même de

« sculpture du vivant ».

Toutefois, ce livre n’entend nullement se priver des méthodes d’analyse propres à la tradition canguilhemienne de l’histoire et de l’épistémolo- gie de la biologie. Il ne renonce pas non plus à solliciter l’inspiration créatrice d'une philosophie de la vie. Mais il propose aussi d’ouvrir un véritable dialogue entre, d’une part les différents présupposés sur le vivant mis en œuvre au sein de champs de recherchesa priori hétérogènes entre eux voire extérieurs à la biologie (phénoménologie, histoire de la philosophie, philosophie de la médecine et du soin et même théologie), et d’autre part les concepts vie-mort mis en œuvre au sein des diverses disciplines de la bio- logie (biologie cellulaire, génétique moléculaire, biologie du développement, immunologie, cancérologie, neurobiologie) en tant qu’elle est aujourd’hui marquée voire sommée de se renouveler à partir des recherches sur la

« régulation » de la vie et de la mort et des notions de mort cellulaire « pro- grammée » ou d’apoptose.

Sous la direction de Laurent Cherlonneix, philosophe - auteur d'articles en phi- losophie de la biologie, de deux ouvrages sur la philosophie médicale de Nietzsche (2002), d'un ouvrage sur une nouvelle représentation du vivant : L'équivocité vive (2008) -, avec la participation de Jean Claude Ameisen, méde- cin, professeur d'immunologie à l’université Paris Diderot, membre du comité consultatif national d’éthique lors du séminaire, et d'après une idée de Pascal Nouvel, professeur à l'université Paul Valéry, directeur du centre d'éthique contemporaine.

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Conception graphique : Primo&Primo

VIBIPH

N O UV ELLE S R EP R É SEN TA T IO N S DE L A V IE E N BI O LO G IE E T P H IL OS OP H IE D U V IV A N T

SOUS LA DIRECTION DE LAURENT CHERLONNEIX AVEC LA PARTICIPATION DE JEAN CLAUDE AMEISEN

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Nouvelles représentations de la vie en biologie et philosophie du vivant

La sculpture du vivant

à l’épreuve de l’interdisciplinarité

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Nouvelles représentations de la vie en biologie et philosophie du vivant

La sculpture du vivant

à l’épreuve de l’interdisciplinarité

sous la direction de Laurent Cherlonneix avec la participation de Jean Claude Ameisen

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Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web :

www.deboeck.com

© Groupe De Boeck s.a., 2013 Éditions De Boeck Université Rue des Minimes, 39 B-1000 Bruxelles

Maquette intérieure : Softwin

Tous droits réservés pour tout pays.

Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Imprimé en Belgique Dépôt légal :

Bibliothèque nationale, Paris : avril 2013

Bibliothèque royale de Belgique : 2012/0074/036 ISBN : 978-2-8041-6900-8

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Remerciements

Je remercie chaleureusement Jean Claude Ameisen pour sa participa- tion sur les trois années 2008-2009-2010 au séminaire que nous avons aujourd’hui le plaisir de rendre accessible à un public plus large. Au- delà de sa conférence, reprise ici sous une forme très voisine de celle qu’il nous a donnée, il a animé avec toute sa générosité et l’ampleur de son regard transdisciplinaire les discussions qui ont suivi les contribu- tions des différents intervenants.

Celles-ci ont eu lieu dans un esprit d’ouverture que nous avons tous hautement apprécié et ne figurent malheureusement pas ici, muta- tis mutandis, telles les objections et les réponses que Descartes avait livrées à la fin des Méditations Métaphysiques. Mais elles demeurent témoins en direct de la nécessité d’une réelle et profonde transdiscipli- narité encore à construire et écrire à travers la poursuite de ce séminaire.

Je remercie très sincèrement tous les intervenants qui nous ont fait l’amitié de préparer une communication puis un texte, qu’ils ont en outre aimablement accepté de discuter et parfois de reprendre à l’occa- sion d’une relecture.

Je remercie Monique David-Ménard qui a accueilli en tant que directrice notre séminaire au Centre d’études du vivant (dont Jean Claude Ameisen assure maintenant la direction) et qui a également pro- posé une intervention ; comme elle, Michel Morange est intervenu ; une version écrite de ces deux contributions n’a cependant pu être publiée.

Notre gratitude s’adresse tout spécialement à Fabrice Chrétien des éditions de Boeck qui a tout de suite accueilli favorablement et encouragé notre projet et grâce à la très grande patience et à la colla- boration duquel cet ouvrage peut aujourd’hui voir le jour. Je remercie tout particuli èrement Emilie Roche pour la qualité et le soin apportés à la mise en page.

Enfin, que Marthe Tournou et Ariane Bréhier soient amicalement saluées et remerciées pour le fidèle soutien qu’elles ont apporté à l’orga- nisation de ce séminaire.

Laurent Cherlonneix

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Présentation des auteurs

Jean Claude Ameisen

Jean Claude Ameisen est médecin et chercheur, professeur d’immunolo- gie à l’université Paris Diderot. Ses recherches depuis plus de vingt ans concernent l’origine des phénomènes d’autodestruction cellulaire au cours de l’évolution du vivant et le rôle de la « mort cellulaire program- mée  » dans le développement des maladies. Engagé dans la réflexion éthique, il est président du Comité d’éthique et du conseil scientifique de la Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap (FIRAH), et a été président du Comité d’éthique de l’Inserm et membre du Comité consultatif national d’éthique dont il est devenu président le 9 novembre 2012. Impliqué dans le développement des relations entre science, culture et société, il est directeur du Centre d’études du vivant (Institut des Humanités de Paris – Université Paris Diderot), et membre du conseil scientifique du Collège international de philosophie.

Laurent Cherlonneix

Chercheur associé au Centre Marc Bloch

CNRS/MAE, USR 3130 – Humboldt Universität – Berlin Professeur en CPGE

Nicolas Aumonier

Maître de conférences en Histoire et philosophie des sciences à l’Université Joseph Fourier-Grenoble I, chargé de cours à l’Institut national polytechnique de Grenoble

Nicolas.Aumonier@ujf-grenoble.fr Éric Fiat

Maître de conférences à l’université de Marne-la-Vallée - Professeur de  philosophie au Centre de Formation Continue du Personnel Hospitalier de l’AP-HP

Paul-Antoine Miquel

Professeur de philosophie contemporaine à l’Université de Toulouse 2.

Laboratoire Erraphis Jeanne Roland

Docteur en philosophie de l’université Paris Ouest Nanterre Professeur agrégé en Lycée

Éric Pommier

Docteur de l’Université Paris-Sorbonne Chercheur associé au CERSES Paris V-CNRS

Chercheur à la Pontifica Universidad Católica de Santiago, Chili

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Jean-Yves Heurtebise

Professeur Assistant Invité, Université Nationale de Dong Hua, Taiwan Membre associé du CEPERC

(Aix-Marseille I, Université de Provence – UMR 6059) Chercheur associé du KGC, Université de Stanford Jean-Hugues Barthélémy

ENIB/MSH Paris-Nord/Paris VIII Frédéric Worms

Professeur de philosophie à l’Université de Lille III - Directeur du Centre international d’étude de la philosophie française contemporaine (CIEPFC-ENS Paris)

Éric Charmetant

Maître de conférences en philosophie (Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris) Georges Chapouthier

Directeur de recherche émérite en pharmacologie, CNRS

Ancien chargé d’enseignement à l’UFR de philosophie de l’Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

Michael Azagury

Médecin, chef du département de cancérologie du Centre hospitalier de Poissy Saint-Germain, Réseau Cancer Yvelines Nord. 1, rue du Fort.

78250 MEULAN.

michaelazagury@hotmail.fr Pascal Nouvel

Professeur à l’Université Paul Valéry – Montpellier – France Département de philosophie

Directeur du Centre d’Ethique Contemporaine

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IX

Avant-propos :

d’une certaine maturité des relations entre philosophie de la vie et biologie

Nous indiquons ici l’esprit de l’intitulé sous lequel figurent les contribu- tions aujourd’hui publiées, lesquelles ont d’abord constitué le contenu d’un séminaire interdisciplinaire qui s’est tenu au Centre d’études du vivant de l’université Denis Diderot durant le premier semestre univer- sitaire des années 2008, 2009 et 2010.

Nouvelles représentations de la vie en biologie et philosophie du vivant est le titre-indice d’une certaine maturité des relations entre phi- losophie et biologie. Saluer une telle maturité implique de commen- cer par rappeler qu’elle n’a pas toujours été de soi et souligner le para- doxe qu’il y a encore, pour la philosophie, à prétendre se tourner vers le vivant, et pour la biologie à reconnaître, qu’elle aussi, est concernée par la vie.

Traditionnellement et depuis que la philosophie est travaillée par les précurseurs d’une métabiologie visant à remplacer la «  métaphy- sique générale » (ou « science de l’être en tant qu’être » ou « ontologie », si l’on reprend l’ancienne classification des disciplines philosophiques de Christian von Wolff), la vie « appartient » plutôt aux philosophes.

Nietzsche notamment le suggère en déclarant contre l’approche ontologique :

« Das Sein – wir haben keine andere Vorstellung davon als “leben”. L’“être” – nous n’en avons pas d’autre représentation que “vivre”. »

Et le vivant, à l’inverse de la vie, « appartient » plutôt à la biologie.

Pour, en effet, se démarquer du vitalisme et, plus généralement, de la phi- losophie en tant que métaphysique (laquelle a longtemps été pour la bio- logie et est finalement devenue pour nombre de philosophes eux-mêmes une sorte de gros mot), la biologie moderne ne s’intéresse qu’au vivant dans la mesure où, depuis La logique du vivant de François Jacob, elle…

« (…) a l’ambition d’interpréter les propriétés de l’organisme par la structure des molécules qui le constituent ».

Il y aurait donc le côté du holisme, celui de la philosophie, où le concept de vie serait le concept le plus général. Et il y aurait le côté

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X

Avant-propos

de l’analyse moléculaire qui renoncerait par méthode et par principe à poser les questions les plus générales :

Pourquoi y a-t-il telles formes de l’être (de la vie) plutôt que telles autres ? Pourquoi existe-t-il quelque chose telle la vie ? Pourquoi la vie, au moins ici et maintenant, l’emporte-t-elle sur la mort ?

Mais l’on aurait peut-être tort de croire qu’une telle opposition entre biologie moderne et philosophie de la vie ne relèverait que des mauvais souvenirs ou de la caricature de positions archaïques et exces- sives… Il pourrait se faire, en-deçà d’un certain nombre de travaux qui, de part et d’autre, ont déjà heureusement outrepassé l’ancienne fron- tière, que celle-ci demeurât dans les esprits tel le fantôme du mur de Berlin – sinon profonde du moins rémanente.

Ainsi dans L’origine des espèces, Charles Darwin – et, dans La vie expliquée, Michel Morange a souligné le caractère aujourd’hui pro- blématique de ce présupposé –, ne semble nullement gêné d’admettre que…

« Ce n’est pas une objection valable que de dire que, jusqu’à présent, la science ne jette aucune lumière sur le problème bien plus élevé de l’essence ou de l’ori- gine de la vie. »

C’est d’ailleurs ce à quoi, sans difficulté ni complexe, François Jacob dans La logique du vivant fait écho avec son fameux…

« On n’interroge plus la vie aujourd’hui dans les laboratoires. »

Chez les philosophes, le “dialogue de sourd” est particulièrement marqué chez le Heidegger du paragraphe 10 de Être et Temps. À l’op- posé du grand commencement nietzschéen et au moment même où Heidegger pense en visionnaire l’inhérence de la finitude en ce qu’il y a de plus « authentique » et de plus dynamique et « décidé » dans l’être de l’homme, il évacue la vie au prétexte qu’elle est l’objet de la biologie, que la prendre au sérieux consisterait à reproduire l’erreur métaphysique de tous les temps. Ainsi tombe le couperet : la vie est le vivant, donc un étant, donc elle suppose la réduction de l’être à l’étant, donc elle entre- tient l’ignorance et l’oubli de l’être :

« (…) la tendance bien comprise de toute “philosophie de la vie” scientifique et sérieuse – l’expression a autant de sens que “botanique des plantes” – contient implicitement la tendance à une compréhension de l’être du Dasein. Mais l’on ne peut pas ne pas remarquer, et c’est là un défaut fondamental de cette phi- losophie, que la “vie” elle-même n’y est point prise comme problème ontolo- gique en tant que mode d’être déterminé. »

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XI Avant-propos

Le phénoménologue de la vie, Michel Henry, tente avec ténacité de rallumer la flamme de la vie en philosophie. Pourtant il reste sous l’autorité de Heidegger, lequel, à la fin du texte à l’instant cité, donne quelque légitimité à cette question (allant même plus loin à cet égard dans Les concepts fondamentaux de la métaphysique) tout en l’imagi- nant n’être accessible qu’en l’homme :

« La vie est eine eigene Seinsart, un mode d’être spécifique, mais il n’est essen- tiellement accessible que dans le Dasein »

C’est là un principe qui commande la philosophie de la vie de Henry mais qui, avec Heidegger, condamne la philosophie à conti- nuer de demeurer assez sourde à la biologie - au détriment de ce que Nietzsche avait initié et Canguilhem prolongé. Ce qui affaiblit par avance considérablement la portée, au sein de la philosophie de la vie inhérente à L’essence de la manifestation, de ce qu’il peut y avoir de plus décisif mais aussi de plus fidèle à ce que Nietzsche avait rendu possible et que Henry, à son tour, a voulu transmettre :

« Vivre, comme l’avaient déjà aperçu les Grecs et comme, plus près de nous, devaient le reconnaître à leur tour Nietzsche, Heidegger, signifie être, de telle manière qu’il ne s’agit pas (…) d’un mode particulier et arbitrairement choisi de réalisation de celle-ci, mais de la structure de tout ce qui est. »

Ou encore :

« (…) l’événement décisif de la philosophie moderne » est, dit-il, « (…) le fait que (…) l’être reçoît pour la première fois le sens d’être la vie (…). »

Aujourd’hui et depuis Canguilhem et d’autres tels, en France, Anne Fagot-Largeault, Michel Morange, Georges Chapouthier, Claude Debru, Jean Gayon, ce malentendu voire ce « dialogue de sourd » laisse désormais la place à des échanges réels et profonds. C’est aussi ce qu’in- dique l’intitulé de notre séminaire et ce à quoi participe et que propose la présente livraison de nos travaux.

S’agissant donc de La sculpture du vivant, les lecteurs savent depuis sa parution en 1999 que Jean Claude Ameisen a souhaité y pen- ser le vivant et la vie… L’ouvrage propose et constitue de lui-même en même temps qu’il interroge une nouvelle représentation de la vie…

la sculpture du vivant. C’est notamment une telle ouverture d’esprit, depuis la biologie elle-même, qui fait le succès de ce travail. S’adressant à tous afin d’offrir des outils de compréhension, l’auteur a également l’audace, dans le même geste, d’avoir recours à un vocabulaire holiste,

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XII

d’adopter en quelque sorte une position d’intellectuel à la charnière entre science et culture, mais encore de s’ouvrir à la conceptualisation, de proposer un travail conscient du fait qu’il s’agit avant tout, y compris en science, de porter un regard sur son objet. Ceci a contribué, je le reconnais personnellement, à me faire aller vers des études de biologie après un cursus complet en philosophie : avec une telle ouverture, il n’était plus possible de se dérober à la discussion et à l’effort nécessaire pour pouvoir la proposer. Maintenant, avec le présent ouvrage, collec- tif, l’effort que j’ai pu produire il y a quelques temps pour répondre en philosophie à La sculpture du vivant n’est désormais plus l’apanage de L’équivocité Vive. Une nouvelle représentation du Vivant ; le lecteur fera donc dans les prochaines pages l’expérience de l’intervention, outre de philosophes (Nicolas Aumonier, Jean-Hugues Bathélémy, Éric Fiat, Jean-Yves Heurtebise, Paul-Antoine Miquel, Éric Pommier, Jeanne Roland, Frédéric Worms) et de biologistes (Jean Claude Ameisen, Georges Chapouthier, Pascal Nouvel), d’un médecin chef du départe- ment de cancérologie du Centre hospitalier de Poissy Saint-Germain, Michael Azagury, mais aussi d’un théologien, Éric Charmetant, maître- assistant au Centre Sèvres des facultés jésuites de Paris, docteur en phi- losophie des sciences à l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques de Paris 1.

Plus concrètement, l’esprit de cette première livraison consiste à partir de la présentation au niveau cellulaire dans La sculpture du vivant de l’imbrication vie-mort et à intégrer autant que nécessaire la techni- cité du vocabulaire, des outils et des modèles de la biologie de l’apop- tose, afin de rendre possible l’espace intellectuel où il s’agit de forger un regard interdisciplinaire sur ces relations vie-mort.

L’hypothèse de travail interrogée – et nous ne sommes pas tous d’accord sur les réponses…–, est qu’un renversement de paradigme concernant les représentations du vivant est à l’œuvre en biologie. L’ef- fort de l’analyse porte alors sur la comparaison entre les différents pré- supposés sur le vivant mis en œuvre au sein de champs de recherches a priori extérieurs à la recherche en biologie (phénoménologie, philoso- phie de la vie/métabiologie, philosophie de la médecine, histoire de la philosophie, théologie) et les concepts vie-mort épistémologiquement exploitables à partir de la biologie en tant qu’elle est aujourd’hui mar- quée voire modifiée par les recherches sur l’auto-effacement cellulaire - mort cellulaire « programmée » ou apoptose.

Avant-propos

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XIII

Un premier volet (correspondant aux séminaires de l’année 2008) propose une perspective assez large : biologique, épistémologique, méta- biologique (pour une définition de ce dernier terme, voyez la note p. 52 de notre contribution en anglais). Après l’exposé fondateur de l’auteur de La sculpture du vivant, Jean Claude Ameisen, nous interrogeons, dans une perspective de clarification, les nouvelles notions mises en avant par la biologie de l’apoptose. Cette interrogation vise, d’une part, la question (et non l’apparente évidence) de l’insertion de ce champ de recherche dans la pensée évolutionniste (Laurent Cherlonneix), d’autre part et plu- tôt à l’inverse la cohérence totale de ce nouveau champ de recherche avec le vocabulaire de la régulation mis en avant depuis les années 60 par la biologie moléculaire (Nicolas Aumonier). Paul-Antoine Miquel propose en contrepoint une approche critique de la question du vieillissement, que Jean Claude Ameisen, dans La sculpture du vivant et ici même, asso- cie à une augmentation de la concentration des « exécuteurs » et des

« activateurs » dans le corps vieillissant. Michael Azagury revient, dans la troisième partie, sur cette question en lien avec sa réflexion, inspirée par la cancérologie, sur la notion d’immortalité.

Nous confrontons ensuite ces concepts et ce vocabulaire, opéra- toires à un niveau cellulaire, à d’autres niveaux de discours ayant des objets a priori tout à fait distincts, et qui, a posteriori, valident en effet leur hétérogénéité vis-à-vis du vocabulaire biologique : la pulsion freu- dienne de mort d’une part (Monique David-Ménard, texte non publié), l’accompagnement des mourants et la relation patient-médecin tels que l’éthique peut les envisager dans le contexte médical contemporain d’autre part (Éric Fiat).

Un second volet (correspondant aux séminaires de l’année 2009) entame le dialogue philosophie de la vie/biologie de l’apoptose à partir de quelques philosophes appréhendés comme de possibles candidats pour une approche transdisciplinaire du couple vie-mort. Une question nous anime alors principalement : peut-il y avoir une discussion entre la biologie de l’apoptose et sept propositions relevant d’une philosophie de la vie/du vivant ? Est-ce qu’en effet, de Leibniz (Jeanne Roland) à Heidegger et Jonas (Éric Pommier), de Simondon (Jean-Hugues Bar- thélémy) à Deleuze (Jean-Yves Heurtebise) et à Frédéric Worms, des conceptualisations philosophiques de la vie ou du vivant sont suscep- tibles d’entendre voire éventuellement de rétroagir sur et d’interroger le vocabulaire de la mort cellulaire « programmée » en tant qu’il mettrait en jeu une nouvelle représentation du vivant ?

Avant-propos

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XIV

À l’occasion de ce second volet, nous poussons le geste en direc- tion de la théologie avec une communication d’Éric Charmetant sur les modalités de la comparaison entre les concepts vie-mort de la théologie chrétienne et ceux que développe Jean Claude Ameisen dans La sculp- ture du vivant à partir de la biologie cellulaire, notamment dans son interprétation du passage tiré de la Genèse 2-3 sur les effets des « fruits » de « l’arbre de vie » et sur les conséquences du fait que « le péché origi- nel » coupe Adam et Eve de l’accès à ces fruits.

Le troisième volet (au cours du premier semestre 2010) réfléchit non plus tant à partir de discours produits par des épistémologues, phi- losophes ou même théologien, qu’à partir de celui de chercheurs en bio- logie ou en biomédecine : Michel Morange (texte non publié), Georges Chapouthier, Pascal Nouvel, Michael Azagury. Il s’agit, pour eux, de se pencher, d’une autre et plus générale manière, sur les phénomènes d’initiation et de suspension de la mort cellulaire qu’ils connaissent très bien. Confirment-ils, nuancent-ils ou s’opposent-ils à l’idée que ces recherches supposent et produisent aujourd’hui sous nos yeux une

« nouvelle représentation de la vie » ?  Bibliographie

Ameisen (Jean Claude), 1999, La sculpture du vivant. Le suicide cellulaire ou la mort créatrice, Paris, Le Seuil.

Cherlonneix (Laurent), 2008, L’équivocité vive. Une nouvelle représentation du vivant, Paris, L’Harmattan

Darwin (Charles), [1859], L’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la lutte pour l’existence dans la nature, édition de 1876, trad. Ed. Barbier, Paris, C. Reinwald, p. 565

Heidegger (Martin), [1927], Être et Temps, trad. Emmanuel Martineau, Paris, Authen- tica, 1985, p. 56sq., p. 59

Henry (Michel), 1963, L’essence de la manifestation, Paris, Puf, § 53, p. 596 Jacob (François), 1970, La logique du vivant, Paris, Tel-Gallimard n° 2, p. 320 Nietzsche (Friedrich), § 582 de La volonté de puissance = œuvres philosophiques com-

plètes, éd. Colli et Montinari, tome XII, Fragment 2 [172], trad. Julien Hervier, Paris, NRF-Gallimard, p. 153 = Kritische Studienausgabe 12, Berlin-New-York, De Gruyter, p. 153.

Avant-propos

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Partie 1

Biologie, épistémologie,

métabiologie

(18)
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3

Chapitre 1.

La mort et la sculpture du vivant

1

« Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses… »

Jean Claude Ameisen

2

J’ai choisi pour titre un vers de Paul Éluard. J’aurais pu choisir un vers du poème de Federico Garcia Lorca, J’aimerais laisser dans ce livre3 :

On y voit la vie et la mort – la synthèse du monde – qui dans l’espace profond se regardent et s’enlacent

ou un vers du poème de Paul Celan, Parle toi aussi4 :

[…] Parle –

Mais ne sépare pas le Non du Oui Donne à ta parole aussi le sens

donne-lui l’ombre.

Donne-lui assez d’ombre, donne-lui autant,

1 Texte de la 29e conférence Marc Bloch (EHESS), Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, 12  juin  2007, publié dans Annales, Histoire, Sciences Sociales, n° 62-6, novembre-décembre 2007 ; texte publié en ligne sur le site : http://cmb.ehess.fr/233

2 Jean Claude Ameisen  est médecin et chercheur, professeur d’immunologie à l’université Paris Diderot. Ses recherches depuis plus de vingt ans concernent l’origine des phénomènes d’autodestruction cellulaire au cours de l’évolution du vivant et le rôle de la « mort cellulaire programmée » dans le développement des maladies.

Engagé dans la réflexion éthique, il est président du Comité d’éthique et du conseil scientifique de la Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap (FIRAH), et a été président du Comité d’éthique de l’Inserm et membre du Comité consultatif national d’éthique dont il est devenu président le 9 novembre 2012. Impliqué dans le développement des rela- tions entre science, culture et société, il est directeur du Centre d’études du vivant (Institut des Humanités de Paris – Université Paris Diderot), et membre du conseil scientifique du Collège international de philosophie.

Il est l’auteur  notamment  de La sculpture du vivant. Le suicide cellulaire ou la mort créa- trice  (Points Seuil),  prix Jean Rostand, et prix Biguet  de  philosophie  de l’Académie fran- çaise ; Dans la lumière et les ombres. Darwin et le bouleversement du monde (Points Seuil) ; Les couleurs de l’oubli (avec François Arnold. L’Atelier) et de Quand l’art rencontre la science (avec Yvan Brohard. La Martinière). Il est aussi l’auteur de l’émission de radio Sur les épaules de Darwin (France Inter).

3 Garcia Lorca, F. « J’aimerais laisser dans ce livre ». Œuvres complètes. Tome 1 : Poésie. La Pléiade. Gallimard 1981.

4 Celan, P. « Sprich auch Du », in Von Schwelle zu Schwelle, Gesammelte Werke in sieben Bänden, Suhrkamp, 2003.

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4

Partie 1 – Biologie, épistémologie, métabiologie

qu’autour de toi tu sais partagée entre Minuit et Midi et Minuit.

Regarde tout autour :

vois, comme cela devient vivant à la ronde – Auprès de la mort ! Vivant ! Il parle Vrai, celui qui dit l’Ombre.

Vie et mort, affirmation et négation, enlacement, ombre, oubli…

métamorphoses. « Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses » dit Paul Éluard dans Le dur désir de durer1. L’une des plus grandes révo- lutions scientifiques des cent cinquante dernières années a probable- ment été l’idée que l’ensemble de l’univers, y compris l’univers vivant qui nous entoure et nous inclut, est émergence, devenir, transformation – métamorphoses. Qu’il s’est construit et a évolué à partir d’interac- tions entre les composants élémentaires de la matière, d’un mélange de contingences et de contraintes, de relations de causalité auxquelles nous donnons le nom de lois de la nature.

La science moderne a (re)découvert à partir du milieu du XIXe  siècle, près de deux millénaires après le De Natura Rerum de Lucrèce, l’idée que l’univers vivant a émergé et évolué en dehors de tout projet, de toute intentionnalité et de toute finalité.

Car ce n’est pas par réflexion, ni sous l’empire d’une pensée intelligente, écrivait Lucrèce, que les atomes ont su occuper leur place ; ils n’ont pas concerté entre eux leurs mouvements. Mais comme ils sont innombrables et mus de mille manières […] et qu’ils s’abordent et s’unissent de toutes façons pour faire incessamment l’essai de tout ce que peuvent engendrer leurs combinaisons, il est arrivé qu’après avoir […] tenté unions et mouvements à l’infini, ils ont abouti enfin aux sou- daines formations massives d’où tirèrent leur origine ces grands aspects de la vie : la terre, la mer, le ciel, les espèces vivantes2.

Cette notion a souvent été source de confusion : la science n’a évidemment jamais apporté la preuve de l’absence de projet à l’œuvre dans l’univers. Elle a tout simplement découvert qu’elle était capable de beaucoup mieux comprendre, prévoir et manipuler ce que nous perce- vons de la réalité en faisant l’économie de toute idée de projet, d’inten- tionnalité et de finalité.

Si le vivant est nature, et la nature, natura, littéralement « ce qui est en train de naître », cela fait entre trois et quatre milliards d’années que

1 Eluard, P. « Notre mouvement, Le Dur Désir de durer » (1946), in Œuvres complètes, tome II, La Pléiade, Gallimard, 1968.

2 Lucrèce, De Natura Rerum. De la Nature. Traduction H. Clouard, Garnier-Flammarion, 1954.

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5 La mort et la sculpture du vivant

le vivant est en train de naître et de se métamorphoser, faisant émerger, selon les mots de Charles Darwin, « à partir d’un début si simple », le foi- sonnement « sans fin des formes les plus belles et les plus merveilleuses1 ».

Et, depuis son origine, la vie n’a jamais cessé, n’a jamais disparu, ne s’est jamais interrompue. La vie, en tant que telle, n’est jamais morte.

Mais nous savons aussi que cet extraordinaire voyage à travers le temps s’est déroulé sur un fond incessant d’hécatombes, que chacun de nos ancêtres est mort après avoir donné naissance à une descendance, et que plus de 99 % des espèces qui sont un jour apparues sur notre pla- nète ont disparu. La trame de la continuité de la vie est tissée d’innom- brables discontinuités : d’une succession de fins de mondes dont nous sommes, aujourd’hui, avec tous les êtres vivants qui nous entourent, les seuls témoins et les seuls rescapés.

1. « Quand la forme en une autre s’en va »

Quelle est la nature des relations que la vie entretient avec le temps ? Quelle est la nature des relations que la vie entretient avec la mort ? C’est une question qui entre en résonance avec nos interrogations les plus intimes. C’est une question qui traverse l’histoire des sciences du vivant.

Il y a plus de deux siècles, le physiologiste Xavier Bichat définis- sait la vie comme « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort2 ». Et plus près de nous, le philosophe Vladimir Jankélévitch poursuivait cette idée d’opposition radicale en écrivant : « quant à la mort, elle n’implique aucune positivité d’aucune sorte : le vivant est aux prises avec la stérile et mortelle antithèse, et se défend désespérément contre le non-être ; la mort est le pur, l’absolu empêchement de se réaliser3 ».

Cette antinomie traduit-elle à elle seule cet enchevêtrement de continuité et de discontinuités qui caractérise la vie ? De qui ou de quoi parlons-nous quand nous parlons de « la » vie et de « la » mort. De quoi ou de qui s’agit-il ? Quel est le sujet que nous attribuons au verbe vivre et au verbe mourir ? Et se pourrait-il que le choix d’un sujet particulier, plutôt que d’un autre, puisse influer sur la perception que nous avons des relations entre la vie et la mort ?

1 Darwin, C., The Origin of species. John Murray, 1859, L’Origine des espèces, Flammarion, 1992.

2 Bichat, X. Recherches Physiologiques sur la vie et la mort, Flammarion, 1994.

3 Jankélévitch, V., La Mort, Flammarion, 1977.

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6

Partie 1 – Biologie, épistémologie, métabiologie

Si le sujet du verbe vivre et du verbe mourir est une personne humaine – si c’est de nous qu’il s’agit – alors c’est notre conscience qui définit notre existence. En témoigne le fait que c’est la cessation de toute activité mentale détectable, de toute activité cérébrale détectable qui définit aujourd’hui la mort d’une personne humaine. Il y a là comme un contrepoint extrême au cogito ergo sum de René Descartes, « je pense donc je suis », dont la formulation serait « si je ne pense plus, alors je ne suis plus », formulation impossible qui se traduit de la manière sui- vante « si je ne peux plus percevoir que tu penses, alors tu n’es plus ».

Mais quand il s’agit d’un être vivant auquel nous ne prêtons aucune conscience, comme un minuscule animal ou une plante, un arbre, une fleur  ? Sommes-nous toujours absolument sûrs que ce qui disparaît d’une fleur est si radicalement différent de ce qui en persiste – une nou- velle fleur – que cette transformation mérite le terme de mort plutôt que celui de transformation ou de métamorphose ? Ne projetons-nous pas implicitement sur l’ensemble du monde vivant, dans une vision anthro- pomorphique, une notion d’identité, de conscience et d’individualité qui se réfère à la nôtre ? Bien sûr, la reproduction sexuée introduit une différence de nature génétique entre les descendants et les parents. Mais lorsqu’il s’agit de reproduction clonale, asexuée, de parthénogenèse, comme dans certaines plantes et chez certains tout petits animaux, où l’identité génétique des descendants demeure inchangée par rapport à celle des parents, sommes-nous toujours aussi sûrs du caractère radical de la frontière que nous traçons entre les générations ?

Ce qui fut se refait ; tout coule comme une eau, Et rien dessous le Ciel ne se voit de nouveau ; Mais la forme se change en une autre nouvelle Et ce changement-là, Vivre, au monde s’appelle, Et Mourir quand la forme en une autre s’en va.

chantait Ronsard dans son Hymne de la Mort1. Sommes-nous toujours absolument sûrs de pouvoir distinguer clairement si une forme vivante s’est changée en une autre nouvelle ou si en une autre elle s’en est allée ?

1 Ronsard, Œuvres Complètes, Tome VIII, Les Hymnes de 1555, Marcel Didier, 1973. 

(23)

7 La mort et la sculpture du vivant

2. « Aussi nombreux que les étoiles dans le ciel »

Je vais maintenant changer de perspective, et prendre pour sujet des verbes vivre et mourir, non plus la vie en tant que telle, non plus les espèces vivantes, une personne humaine, un animal, une plante, mais les composants les plus élémentaires et les plus universels du vivant.

Depuis son origine, c’est sous forme de cellules que le vivant s’est pro- pagé à travers le temps. Et nous ne représentons que l’une des innom- brables variations que les cellules ont réalisées sur le thème de la com- plexité. La véritable généalogie qui sous-tend la continuité du vivant est une généalogie cellulaire. Et chacun d’entre nous est lui-même une généalogie, une succession de générations, « un microcosme » écrivait Charles Darwin, « un petit univers, constitué d’une multitude d’orga- nismes qui se reproduisent, incroyablement petits, et aussi nombreux que les étoiles dans le ciel1. » Nous naissons, chacun, d’une cellule unique – la cellule œuf – elle-même née de la fusion de deux cellules, un sper- matozoïde et un ovule, et nous nous transformons progressivement en une constellation vivante, constituée de plusieurs dizaines de milliers de milliards de cellules, dont les interactions engendrent notre corps et notre esprit. Et pour cette raison, toute interrogation sur la vie et la mort, sur notre vie et notre mort, nous renvoie aussi à une interrogation sur la vie et la mort des cellules qui nous composent2.

Une idée longtemps prédominante en biologie a été que la dispa- rition de nos cellules – comme notre propre disparition en tant qu’indi- vidus – ne pouvait résulter que d’agressions de l’environnement, d’acci- dents, de destructions, de famines, d’une incapacité intrinsèque à résister au passage du temps, à l’usure et au vieillissement. Mais au long de cent cinquante ans d’interrogations, de perplexité et de recherches, la réalité s’est révélée de nature plus complexe et plus paradoxale. Aujourd’hui nous savons que toutes nos cellules possèdent, à tout moment, la capa- cité de déclencher leur autodestruction, leur mort prématurée, avant que rien, de l’extérieur, ne les détruise. C’est à partir de leurs gènes – de nos gènes – que nos cellules produisent les « exécuteurs » moléculaires capables de précipiter leur fin, et les « protecteurs » capables, un temps, de neutraliser ces exécuteurs. Et la survie de chacune de nos cellules

1 Darwin, C., The Variations of animals and plants under domestication, John Murray, 1868.

2 Ameisen, JC., La Sculpture du vivant. Le suicide cellulaire ou la mort créatrice, Editions du Seuil, 1999, Points Seuil, 2007.

(24)

8

Partie 1 – Biologie, épistémologie, métabiologie

dépend, jour après jour, de la nature des interactions provisoires qu’elle est capable d’engager avec d’autres cellules de notre corps, interactions qui seules lui permettent de réprimer le déclenchement de l’autodes- truction. Une cellule qui a vécu un jour, un mois, ou un an dans notre corps est une cellule qui, pendant un jour, un mois ou un an, a réussi à trouver dans son environnement les molécules, fabriquées par d’autres cellules, qui lui ont permis de réprimer son autodestruction. Une cellule qui commence à mourir dans notre corps est, le plus souvent, une cel- lule qui, pour la première fois, depuis un jour, un mois, ou un an vient de cesser de trouver dans son environnement les molécules nécessaires à la répression de son autodestruction.

Ces données ont commencé à modifier les représentations que nous nous faisons de la mort. À l’image ancienne de la mort comme une faucheuse, surgissant du dehors pour détruire, s’est surimposée, au niveau cellulaire tout du moins, une image nouvelle, celle d’un sculp- teur, au cœur du vivant, à l’œuvre dans l’émergence de sa forme et de sa complexité. Et ces données ont aussi commencé à modifier les repré- sentations que nous nous faisons de la vie, au niveau tout du moins des cellules qui nous composent1. Nous percevons habituellement la vie comme un phénomène positif, qui va de soi, mais ces notions que je viens d’évoquer suggèrent qu’elle résulte de la négation continuelle d’un événement négatif, de la répression continuelle d’une autodestruction.

Nous percevons habituellement la vie comme un phénomène indivi- duel – une cellule vit – mais les notions que je viens d’évoquer suggèrent que la vie a aussi une dimension collective. En d’autres termes, lorsque nous observons une cellule et que nous nous demandons quels sont les éléments qui sont à la fois nécessaires et suffisants à sa survie, nous ne pouvons pas véritablement répondre si nous oublions qu’une partie de la réponse est « la présence d’autres cellules ». Nous sommes des sociétés cellulaires dont chacune des composantes vit en sursis, et dont aucune ne peut survivre seule. Et c’est de cette précarité même, de cette fragilité, de cette vulnérabilité et de l’interdépendance absolue qu’elles font naître que dépend notre existence en tant qu’individu.

Si la présence de la collectivité qui l’entoure est nécessaire à la survie de chaque cellule, elle n’est souvent pas suffisante. Et la dispari- tion prématurée d’un grand nombre de cellules permet à notre corps de se construire. Dès les premiers jours qui suivent notre conception, alors que nous ne sommes qu’une petite sphère contenant une centaine

1 Ameisen, JC., La Sculpture du vivant, opus cit.

(25)

369

Table des matières

Avant-propos : d’une certaine maturité des relations entre philosophie de la vie et biologie ... IX

Partie 1. Biologie, épistémologie, métabiologie

Chapitre 1. « Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses… » La mort et la sculpture du vivant

par Jean Claude Ameisen ...3

1. « Quand la forme en une autre s’en va » ...5

2. « Aussi nombreux que les étoiles dans le ciel » ...7

3. Pour partie en train de mourir, pour partie en train de renaître ...11

4. Le contrôle social de la vie et de la mort ...14

5. De la santé aux maladies ...17

6. La course de la Reine Rouge ...20

7. Le Chant des Sirènes et le chant d’Orphée...23

8. Aux origines du suicide cellulaire ...26

9. « La force qui rénove le monde » ...33

Chapitre 2. Life-related consequences of self-suspension and initiation of cell Death A philosophical & historical view on ‘programmed’ cell Death par Laurent Cherlonneix...43

1. Discovery of cell Death in the 19th century ...44

2. Increasing popularity : The Genetics of Caenorhabditis elegans and the success of the concept of apoptosis ...47

3. The originality : How far is the self-initiation and self- suspension of cell Death soluble in  evolutionary thinking ? ...49

(26)

370

Table des matières

4. Intranuclear import of this new biology of cell Death. The cell ‘decision’ to Live or to Die is also determined prior to the cytoplasmic

‘confrontation’ of different products of genetic

expression ...59

Chapitre 3. L’apoptose modifie-t-elle les concepts de milieu intérieur et de régulation ? par Nicolas Aumonier ...73

1. L’émergence a-t-elle pour cause la vie ou la mort ? ...74

2. Un vitalisme de la mort ? ...77

3. L’équilibre du concept de régulation ...79

Chapitre 4. Nouvelles recherches sur le mourant : du démon de l’analogie par Éric Fiat ...89

1. Individualité humaine et individualité cellulaire : du singulier et du particulier ...91

2. Le moi s’éveille par la grâce du toi ...95

3. Le moi veille par la grâce du toi ...100

4. Hegel plutôt que Spinoza ...104

5. Du démon de l’analogie ...110

Chapitre 5. Les paysages de l’âge par Paul-Antoine Miquel .115 Introduction ...115

1. Les limites de l’épigénétique ...118

2. Les cercles vicieux moléculaires ...120

3. Les protéines de retard...127

Conclusion ...130

Partie 2. Philosophie de la vie, théologie, biologie

Chapitre 6. Leibniz et La sculpture du vivant (J. C. Ameisen) Programme, effacement, métaphore par Jeanne Roland ...135

1. Le « programme » ...137

2. L’effacement ...145

3. La métaphore ...150

(27)

371 Table des matières

Chapitre 7. La mort est-elle la possibilité la plus propre de la vie ? Heidegger et Jonas face

à la théorie de l’apoptose par Éric Pommier ...157

1. La théorie scientifique de l’apoptose ...159

2. L’analytique existentiale du Dasein ...168

3. L’ontologie de la vie de Hans Jonas ...176

Chapitre 8. Lignes de fuite et négativité : de l’apoptose dans une perspective deleuzienne par Jean-Yves Heurtebise ...193

1. Introduction : des rapports entre Science et Philosophie ...193

2. Tentative de description des principales articulations de l’œuvre deleuzienne ...196

3. Redéfinition du « Vitalisme » dans une perspective deleuzienne ...199

4. La pensée deleuzienne de la Mort ...205

5. Deleuze et la Biologie : sources et contacts ...209

6. Biologie de la vie et biologie de la mort : penser l’apoptose avec Ameisen ...213

7. Toute vie est bien entendu un processus apoptotique : Mort et Différence ...214

8. Conclusion : un vitalisme nouveau ...216

Chapitre 9. Individuation et apoptose : repenser l’adaptation ? (Simondon, le vivant et l’information) par Jean-Hugues Barthélémy ...225

1. Introduction ...225

2. Situation de la pensée du vivant au sein de l’Encyclopédisme génétique ...226

3. Individuation et individualisation : la vie comme genèse continuée...229

4. Le problème de l’adaptation ...234

5. Information et organisation ...237

6. Apoptose et ontogenèse permanente ...241

(28)

372

Table des matières

Chapitre 10. Du « suicide » cellulaire au deuil humain : les relations vitales à l’épreuve de la mort

par Frédéric Worms ...251

1. Une dimension relationnelle, au cœur du vivant ? ...252

2. Une difficulté de pensée, dans nos vies, et ses enseignements ...253

3. Une conversion du regard, et ses enjeux ...256

4. Polarités et relations dans le vivant : à travers  le cas de l’apoptose ...258

5. En guise de conclusions ...260

Chapitre 11. De la Vie cellulaire à la Vie humaine Résonances mythologique, plastique et littéraire par Laurent Cherlonneix ...263

1. La régulation Vie-Mort dans le sacrifice d’Abraham ...264

2. Sur l’invisibilité de la cause mystérieuse qui serait niée par une vision cellulaire et microbiologique ...269

3. Sur le Dieu qui donne sens - qui finalise l’histoire, tandis qu’un tel finalisme en biologie n’aurait aucun sens ...270

4. L’impossibilité de la Vie de Louise Bourgeois ...274

5. Les configurations pro-Vie et pro-Mort dans Les mystères de Paris ...275

Chapitre 12. Mort cellulaire par apoptose et métaphores religieuses dans La sculpture du vivant par Éric Charmetant ...289

Introduction ...289

1. Penser les relations entre science et religion ...290

2. Métaphore et langage scientifique...292

3. La protéine p53 comme ange gardien ...294

4. Péché originel et mort cellulaire par apoptose ...295

4.1. Une référence ornementale au péché originel ? ...295

4.2. La doctrine du péché originel ...297

4.3. Le cadre d’interprétation de Genèse 1-3 ...299

4.4. Les deux récits de la Création ...300

4.5. L’interprétation de Genèse 2-3 par Ameisen ...305

Conclusion ...308

(29)

373 Table des matières

Partie 3. Biologie, philosophie de la vie

Chapitre 13. Complexité en mosaïque, processus

darwiniens et dialectique de la vie

par Georges Chapouthier ...313

Introduction ...313

1. La révolution de l’apoptose face à la révolution darwinienne ...313

2. Des principes constants dans la construction du complexe ...316

3. Mosaïques et dialectique de la vie ...320

Chapitre 14. La cellule cancéreuse : un modèle d’immortalité. Et pourtant… par Michael Azagury ...325

1. Introduction ...325

2. L’immortalité. Comment la définir ? ...326

3. L’immortalité cellulaire peut-elle exister ? ...328

3.1. Historique du concept ...328

3.2. Vieillissement et mort cellulaire programmée ...329

3.3. Quelle place reste-t-il donc à l’immortalité ? ...331

3.4. Existe-t-il au niveau cellulaire une capacité d’immortalité ? ...332

4. Cellules cancéreuses et immortalité ...334

4.1. Existe-t-il un potentiel d’immortalité des cellules cancéreuses ? ...334

4.2. La cellule cancéreuse. Une cellule « pathologique » ? ..336

5. Hela. Une passerelle entre immortalité cancéreuse et … immortalité tout court ...338

Chapitre 15. Vie et mort des sentiments. Spinoza, Proust, Damasio par Pascal Nouvel ...341

1. Antonio Damasio ...344

2. Spinoza ...348

3. Compatibilité de Spinoza et de la biologie ...351

4. Signification de la notion d’universalité ...352

Index ...359

(30)

L

e titre de cet ouvrage Nouvelles représentations de la vie en biologie et philosophie du vivantsouligne une certaine maturité de la relation entre philosophie et biologie. Il s’agit aussi de rendre compte du premier volet d’un travail en philosophie de la biologie mené de 2008 à 2010 au Centre d’études du vivant – Institut des humanités de Paris (Université Paris Diderot Paris 7) en s'adressant principalement aux étudiants en biologie et en philosophie, notamment en philosophie des sciences de la vie, mais également aux chercheurs et acteurs impliqués dans une réflexion épistémologique.

Son enjeu est la représentation du vivant interrogée à partir de l’imbrication des notions de vie et de mort. Au croisement de la biologie et de la philoso- phie du vivant, il s’agit d’interroger de façon interdisciplinaire, en partant du milieu cellulaire et intracellulaire mais sans s’y enfermer, l’idée même de

« sculpture du vivant ».

Toutefois, ce livre n’entend nullement se priver des méthodes d’analyse propres à la tradition canguilhemienne de l’histoire et de l’épistémolo- gie de la biologie. Il ne renonce pas non plus à solliciter l’inspiration créatrice d'une philosophie de la vie. Mais il propose aussi d’ouvrir un véritable dialogue entre, d’une part les différents présupposés sur le vivant mis en œuvre au sein de champs de recherchesa priori hétérogènes entre eux voire extérieurs à la biologie (phénoménologie, histoire de la philosophie, philosophie de la médecine et du soin et même théologie), et d’autre part les concepts vie-mort mis en œuvre au sein des diverses disciplines de la bio- logie (biologie cellulaire, génétique moléculaire, biologie du développement, immunologie, cancérologie, neurobiologie) en tant qu’elle est aujourd’hui marquée voire sommée de se renouveler à partir des recherches sur la

« régulation » de la vie et de la mort et des notions de mort cellulaire « pro- grammée » ou d’apoptose.

Sous la direction de Laurent Cherlonneix, philosophe - auteur d'articles en phi- losophie de la biologie, de deux ouvrages sur la philosophie médicale de Nietzsche (2002), d'un ouvrage sur une nouvelle représentation du vivant : L'équivocité vive (2008) -, avec la participation de Jean Claude Ameisen, méde- cin, professeur d'immunologie à l’université Paris Diderot, membre du comité consultatif national d’éthique lors du séminaire, et d'après une idée de Pascal Nouvel, professeur à l'université Paul Valéry, directeur du centre d'éthique contemporaine.

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