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Syllogomanie, symptômes ou syndrome ? A propos d’un cas clinique

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Academic year: 2022

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(1)

A. Henzen A. Zermatten O. Sentissi

introduction

Epargner, amasser et collectionner font partie des comporte­

ments humains connus et encouragés en tout temps dans nos sociétés. Comme tous les comportements humains, ils peu­

vent varier d’un processus de fonctionnement et d’adaptation normal à des mécanismes excessifs ou pathologiques.

La syllogomanie (étymologiquement : goût immodéré pour l’ac­

cu mulation) est un trouble psychique assez peu connu, où un individu accumule les objets, sans les utiliser, avec une difficulté majeure à s’en débarrasser, même si ceux­ci sont inutiles, encombrants, dangereux et insalubres.

Cette accumulation affecte l’espace de vie et la mobilité du sujet et de ses pro­

ches, pouvant être source d’incendie, de conditions insalubres, de blessures, mais aussi d’un appauvrissement du fonctionnement social et d’une péjoration des relations familiales.1

Nous avons constaté, après avoir effectué une recherche bibliographique Med­

line, l’intérêt croissant de la communauté scientifique concernant ce trouble. On le retrouve dans des troubles mentaux organiques, dans la schizophrénie,2 le stress post­traumatique, ou le trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention.3 Il peut constituer un symptôme du syndrome de Diogène.4 Ce trouble peut éga­

lement faire partie du tableau clinique des troubles obsessionnels compulsifs,5 car c’est un comportement répétitif (accumulation), mais l’absence fréquente de sentiment de honte et de culpabilité ainsi que de lutte anxieuse, questionne sur son appartenance au spectre du TOC. La syllogomanie a une prévalence de 2,3 à 4,6% selon des études récentes,6,7 concerne plus les hommes que les femmes et sa fréquence augmente avec l’âge.

La syllogomanie a été définie par Frost et ses collaborateurs par trois critères :1 l’accumulation volontaire ou l’incapacité à jeter un grand nombre de possessions qui semblent à toute autre personne inutile ou d’un intérêt très limité, la mobilité réduite induite par le trouble au domicile, et la souffrance psychique générée par le trouble. Les données de recherche récentes plaident pour définir une entité clinique qui peut être aussi dissociée du TOC. Le groupe qui est mandaté pour réfléchir sur le spectre des troubles obsessionnels et compulsifs pour le futur Hoarding disorder, symptom or separate

disorder ? Case report

Hoarding or compulsive hoarding, a severe form of collectionism, is currently described in various psychiatric disorders, including the fa­

mous Diogenes syndrome. The lack of remis­

sion despite a correct treatment in a patient that we have followed in the brief therapy cen ter in Geneva, has led us to carry out an extensive Medline review, which revealed se­

veral interesting points. It seems that exces­

sive hoarding, with a prevalence of 2,3 to 4,6%, has received increasing interest and there is an actual debate of distinguishing hoarding from other disorders. Thus, this field requires further attention to better understand its phenomenology.

This case report describes an excessive hoar­

ding disorder confirming the complexity of this trouble and the possibility to consider it as an independent diagnosis.

Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 951-5

La syllogomanie, ou accumulation pathologique, est décrite dans diverses pathologies psychiatriques, notamment dans le célè bre syndrome de Diogène. L’absence de rémission malgré un traitement bien conduit chez un patient suivi dans un cen tre de thérapie brève à Genève, nous a conduits à faire une revue de la littérature qui nous a permis de mettre en évidence plu­

sieurs points intéressants. Nous avons pu ainsi observer l’inté­

rêt croissant de la communauté scientifique concernant ce trou­

ble dont la prévalence est de 2,3 à 4,6% et qui suscite un débat actuel concernant son statut nosographique dans les prochai nes classifications internationales. Dans cet article, nous présentons une étude de cas qui confirme la complexité de ce trouble et qui évoque la possibilité de l’existence de la syllogomanie com me entité diagnostique indépendante.

Syllogomanie , symptômes ou

syndrome ? A propos d’un cas clinique

le point sur…

Drs Alexandre Henzen et Othman Sentissi

Ariane Zermatten, psychologue Service de psychiatrie générale Département de santé mentale et de psychiatrie

CTB du secteur Jonction – HUG Rue des Bains 35, 1205 Genève alexandre.henzen@hcuge.ch ariane.zermatten@hcuge.ch o.sentissi@hcuge.ch

(2)

DSM­V, conclut à l’existence d’un trouble indépendant d’autres maladies psychia triques ou neurologiques avec la mise en place de symptômes plus spécifiques (tableau 1).8

Dans une démarche de compréhension de l’étiopatho­

génie de ce trouble, nous pouvons rappeler ici les diffé­

rentes hypothèses psychanalytiques, comportementales et génétiques s’y référant.

théoriespsychanalytiques

Une première hypothèse psychanalytique est que la syllogomanie entraîne une inertie, une immobilité, une mise à distance de l’autre. Le sujet devient ainsi peu accessible pour autrui. En 1909, Freud, dans ses considérations géné­

rales sur l’hystérie, écrit «le langage moteur est projeté sur la mobilité», ici, une mobilité qui fait barrière, protège contre autrui. Le comportement a un potentiel symbolique, probablement lié à des traumatismes au niveau des expé­

riences préverbales, avant le langage. D’autres pistes de réflexion peuvent être formulées, par exemple l’hypothèse d’une fixation au stade anal ou en se référant aux diffé­

rentes théories du Moi­peau de Didier Anzieu : toute fonc­

tion psychique et la construction du moi se développent en s’étayant sur une fonction corporelle. La peau est un lieu d’échange, de protection et de contenance, à la fois bar­

rière et filtre. Lorsque le sujet est blessé narcissiquement, le Moi­peau peut s’altérer et perdre la fonction contenante.

L’accumulation d’objets est une suture de ce Moi­peau. Le logement devient à nouveau étanche.9,10

théoriescognitivo

-

comportementales Frost et ses collaborateurs 1,11 ont proposé un modèle de la syllogomanie qui postule la présence de plusieurs déficits

dans le traitement de l’information chez les personnes qui accumulent. Tout d’abord, ces auteurs font l’hypothèse d’un déficit dans le processus de prise de décision : les patients éviteraient toute prise de décision par crainte de faire une erreur dans le choix de garder ou de jeter un objet. Les su­

jets accumulateurs surestimeraient en effet la gravité des conséquences d’avoir jeté un objet, qui pourrait s’avérer utile ultérieurement. Par ailleurs, un processus de sur­caté­

gorisation pourrait conduire les accumulateurs à considérer que chaque objet est unique, et donc irremplaçable. De plus, l’absence de confiance du patient dans ses capacités mnésiques et la surestimation de l’importance de se sou­

venir ou d’enregistrer une information, pourraient jouer un rôle dans le maintien des symptômes. Enfin, les auteurs postulent un attachement excessif aux biens (l’objet à va­

leur de repère identitaire, jeter l’objet revient à perdre une partie de soi), des croyances dysfonctionnelles concernant la possession (par exemple «sans mes possessions, je serais vulnérable») et un évitement du sentiment de perte.

génétique

Plusieurs études ont observé que l’accumulation pa­

thologique a un taux d’héritabilité important et une étude récente 11 a rapporté que 50% des accumulateurs sévères avaient un parent avec des difficultés d’accumulation. Il est toutefois utile de remarquer que les études de génétique moléculaire ont été conduites dans un contexte où la syl­

logomanie n’est qu’un symptôme de TOC ou d’autres pa­

thologies.

neuro

-

imagerie

Selon certains travaux, le centre du comportement d’ac­

cumulation se trouverait dans une aire cérébrale corticale différente de celle du TOC.12,13 A noter, le cas décrit de l’apparition de ce trouble en 2001 chez un homme coréen de 46 ans après une rupture d’anévrisme.14

Une étude récente 13 a par ailleurs montré que les pa­

tients avec des compulsions d’accumulation avaient un taux de métabolisme du glucose significativement plus bas dans le cortex cingulaire ventral et antérieur comparés à des témoins. Dans la même étude, il a été retrouvé que la sévérité de l’accumulation était corrélée à un métabolisme plus bas dans le cortex cingulaire dorsal antérieur droit, dans le cortex cingulaire postérieur et dans le putamen.

histoire clinique

Monsieur A. est âgé de 42 ans. Il a été adressé au Centre de thérapie brève (CTB) du secteur Jonction à Genève, par son psychiatre traitant dans le cadre d’une péjoration dépressive, avec un traitement antidépres­

seur (venlafaxine 600 mg/jour) et un traitement anxioly­

tique (clonazepam 6 mg/jour), traitement pris d’une ma­

nière irrégulière depuis quelques mois.

Il est père d’une fille de vingt ans qui souffrirait d’un TOC, et d’un fils de six ans, issu d’un deuxième mariage.

Il vit avec son épouse actuelle et son fils. Il bénéficie de

• Difficultés persistantes d’accumulations d’objets, même inutiles ou de valeurs moindres, associées à un besoin urgent de les conserver, une détresse et/ou une difficulté à faire le tri

• Les symptômes sont la conséquence de l’accumulation d’un grand nombre d’objets qui envahissent les espaces de vie du domicile, du lieu de travail ou autres (voiture par exemple) et empêchent l’utilisation de ces mêmes espaces. Si ces espaces ne sont pas utilisés, c’est uniquement par l’intervention de tiers (membres famille, autorité)

• La symptomatologie est à l’origine d’une détresse, de problèmes sociaux et autres

• Les troubles sont présents depuis au moins six mois

• La symptomatologie ne s’explique pas par une affection médicale (rupture d’anévrisme par exemple)

• La symptomatologie ne s’explique pas par une autre maladie mentale (TOC, schizophrénie, démence, autisme, syndrome de Prader-Willi)

Spécifier si présence d’acquisition excessive d’objets par achats ou vols, si les objets accumulés sont inutiles, s’il y a un manque de place pour ceux-ci et s’il y a une difficulté à les jeter. Spécifier également la conscience morbide du sujet qui peut être pauvre, bonne ou délirante

Tableau 1. Critères de la syllogomanie (Selon Frost et coll.1).

(3)

l’AI depuis des années.

Le patient exprime sa détresse psychique actuelle par sa propension irrépressible à accumuler depuis plusieurs années, à domicile, des objets (soit en les volant ou en les trouvant dans la rue). Ces objets sont peu uti les, mais ont de la valeur à ses yeux, et il les accumule dans l’op­

tique éventuelle de les revendre ultérieurement, avec le désir parfois d’en réparer certains. Les objets accu­

mulés sont encombrants, envahissent tout l’espace dis­

ponible, dont sa chambre à coucher ou la cuisine. Le pa­

tient dit avoir peu de culpabilité à accumuler ces objets, mais ce comportement est source de souffrances pour ses proches et devient de plus en plus gênant notamment dans la vie de famille du patient.

Monsieur A. collectionnait par le passé des voitures Opel Manta, des Lancia Kappa et avait loué un grand jar­

din pour les stocker à cet effet, avant que la commune le lui retire. Il collectionne également certains habits, des modèles réduits, des voitures miniatures Ferrari (plus d’une centaine) et des appareils audio japonais d’une marque et d’une couleur précise.

Il dépose depuis quelques mois également des objets dans le couloir de son immeuble (débordement en de­

hors de sa propriété), ce qui est à l’origine de multiples plaintes et disputes avec son voisinage. Afin de satis­

faire cette tendance à accumuler les objets, le patient vole également des objets dans des magasins, assez ré­

gulièrement, avec satisfaction, parfois un sentiment de culpabilité modérée, mais sans anxiété.

Monsieur A. se plaint également depuis plusieurs an­

nées de troubles somatoformes, par exemple de vertiges et de douleurs articulaires. Il se plaint aussi de sensibi­

lité accrue à certains types de sons, associée à une irri­

tabilité, comme le bruit des enfants, les travaux, les si­

rènes, con vaincu qu’il a une audition plus développée qu’autrui. Toutes ses plaintes ont fait l’objet d’un bilan et aucun substrat organique n’a été retrouvé.

Au niveau de sa personnalité, il se décrit comme colé­

rique, impulsif, non violent, peu tolérant à la frustration, et se disputant fréquemment avec ses proches et voi­

sins. A noter qu’aucun problème avec la justice n’a été retrouvé.

Au niveau cognitif, Monsieur A. se plaint de troubles de la concentration, avec des oublis fréquents (par exem ple il oublie des rendez­vous, des factures à payer, ou d’al­

ler chercher son fils à l’école) et ceci depuis des années.

Le patient signale, de plus, des éléments à caractéris­

ti que psychotique qui nous semblent toutefois sub syn­

dromi ques, car ayant peu de retentissement sur son fonctionnement : il décrit ainsi la vision occasionnelle de scintillement lumineux à domicile invisible pour au­

trui, et semble par moments convaincu d’avoir été en­

voûté par son ex­femme à l’aide d’un sorcier.

statuspsychiatrique

Le patient se présente avec une tenue hygiéno­vesti­

mentaire correcte et simple, orienté aux différents modes, sans anxiété ressentie subjectivement. Il est légèrement

apathique mais collaborant.

Sur le plan de l’humeur, il exprime une tristesse, non per­

çue cliniquement, avec absence d’anhédonie et d’aboulie.

Le contenu du discours est pauvre. Le cours du discours est parfois désorganisé. Nous ne mettons pas en évidence de barrage. La sémantique et la syntaxe sont préservées.

Le patient a une conscience morbide faible, venant à la de­

mande de sa femme, très rationalisant et peu conscient de ses troubles et de leur impact sur son fonctionnement et sur la dynamique familiale. Il ne présente pas de trouble de la perception ou d’automatismes mentaux comme des échos de la pensée, ni un syndrome d’influence.

evaluation psychométrique

• L’Inventaire d’Anxiété état-trait (STAI),15 évaluant l’anxié­

té du patient révèle un score d’anxiété­état de 61 et un score d’anxiété­trait de 62, ce qui est largement au­dessus des normes (la moyenne pour un échantillon contrôle d’hom­

mes âgés de 40 à 49 ans est de 35,88 avec un écart­type de 10,52 pour l’anxiété­état et de 35,06 avec un écart­type de 8,88 pour l’anxiété­trait).

• L’échelle de Padoue révisée,16 évaluant le trouble obses­

sionnel­compulsif, indique un score de 79, ce qui est large­

ment au­dessus des normes (la moyenne pour un échantil­

lon contrôle est à 21,78 avec un écart­type de 16,33), avec un score élevé sur les sous­échelles de «contamination et lavage» (score de 23 sur 40), de «vérification» (score de 19 sur 40), de «pensées obsessionnelles concernant le fait de se blesser ou de blesser autrui» (score de 15 sur 28) et d’«im­

pulsions de se blesser ou de blesser les autres» (score de 21 sur 40).

• L’Inventaire d’Obsession-compulsion révisé (OCI-R)17 ré­

vèle un score de 44, avec des scores largement au­dessus des normes pour les sous­échelles «obsessions» (score de 12 sur 12 ; les scores moyens pour des contrôles sont de 2,86 avec un écart­type de 2,72), «collectionnisme» (score de 12 sur 12 ; les scores moyens pour des contrôles sont de 4,41 avec un écart­type de 2,67) et «rangement» (score de 11 sur 12 ; les scores moyens pour des contrôles sont de 4,40 avec un écart­type de 3,03).

• Enfin, l’échelle d’obsessions-compulsions de Yale Brown (Y-BOCS)18 ne met pas en avant de réelles obsessions, mais l’évaluation des compulsions d’accumulation permet de calculer un score de 9 sur un maximum de 20.

• Le Mini-entretien neuropsychiatrique international (MINI- DSM IV-R)19 est positif pour des épisodes dépressifs ma­

jeurs récurrents, un risque suicidaire actuel faible, un trouble obsessionnel­compulsif sans obsessions mais avec compul­

sions (collectionnisme) et quelques symptômes psycho­

tiques occasionnels, en dehors des périodes de troubles de l’humeur.

• Le MMSE (Minimal Mental State Evaluation) 20 est à 26/30, ce qui indique une performance normale (compétences in­

tactes pour un score de 25 et plus).

• Le Saving inventory revised développé par Frost,21 en 2006, pour évaluer l’intensité de l’accumulation est à 97/104, ce qui représente un score largement au­dessus des normes (moyenne pour un échantillon contrôle de 24 avec un écart­

type de 12).

(4)

bilan neuropsychologique

A la WAIS­III (Wechsler adult intelligence scale – third edition),22 les résultats sont très faibles au niveau de l’échel le verbale et de performance. Le patient obtient un meilleur score pour l’indice de vitesse de traitement, score qui se situe dans la catégorie «Limite». Concernant les plaintes du pa­

tient par rapport à ses capacités attentionnelles et de concentration, il n’y a pas de troubles cognitifs constatés. Il démontre la présence d’une certaine logique, notamment dans les sous­tests «Matrices» et «Arrangement d’images».

bilan somatique

Nous avons exclu une affection somatique : VIH, anticorps syphilis et borréliose sont négatifs. Cyanocobalamine, fola tes, TSH, hémogramme, chimie, temps de Quick et INR sont dans les normes. Une imagerie par résonance magnétique céré­

brale (IRM), effectuée en 2006 dans le cadre de la mise au point des troubles somatoformes, s’est révélée sans parti­

cularité. Nous n’avons pas jugé nécessaire de répéter cet examen.

discussion

La complexité diagnostique et la non­rémission, malgré une posologie de venlafaxine de 600 mg/j chez ce patient, nous ont amenés à faire un bilan somatique complet, à ap­

profondir l’évaluation psychiatrique et à nous intéresser à la symptomatologie de syllogomanie qui est en avant­plan.

La revue de la littérature nous a permis de constater que ce trouble a fait l’objet de plusieurs études récentes.8,11

Monsieur A., qui présente depuis des années une symp­

tomatologie dépressive récurrente, des troubles somato­

formes, des difficultés neurocognitives et une syllogomanie, n’a que peu bénéficié d’un diagnostic précis et d’une prise en charge adaptée concernant ce dernier trouble.

Notre évaluation clinique ne semble pas tout à fait com­

patible avec la symptomatologie classique du TOC (DSM­IV), puisque nous n’avons pas retrouvé d’obsessions. De plus, le patient ne tente pas de réprimer l’accumulation d’objets et n’éprouve que peu d’anxiété à le faire. Il est intéressant de remarquer que cette constatation clinique ne corres­

pond pas à la psychométrie, qui retrouvait un TOC et une anxiété massive. Plus précisément, concernant les scores à la psychométrie, on note que les scores élevés pour les questionnaires Y-BOCS et OCI-R évaluant le TOC sont par­

tiellement expliqués par les comportements probléma­

tiques d’accumulation. Il faut toutefois noter que l’échelle de Padoue, évaluant le TOC, est également élevée alors qu’elle n’évalue pas les symptômes d’accumulation. Ce­

pendant, en reprenant les items de cette échelle avec le patient en séance et en lui demandant des exemples, il apparaît que le patient a clairement tendance à surévaluer ses difficultés, et que les scores ne correspondent pas aux observations cliniques. De plus, les scores ne sont pas si­

milaires entre l’échelle de Padoue et l’échelle OCI-R, ce qui pourrait indiquer une certaine incohérence entre les réponses du patient. La surévaluation dont fait preuve le patient pourrait également expliquer les scores particuliè­

rement élevés d’anxiété (STAI), qui ne correspondent pas du tout au status clinique que nous avons pu avoir du patient.

Malgré les vols réguliers, nous avons par ailleurs exclu un diagnostic de cleptomanie associée,20 c’est­à­dire un trou ble du contrôle des impulsions (vols, de façon répétitive et in­

contrôlable, des objets de peu de valeur commerciale). En effet, Monsieur A. n’a pas les critères symptomatiques typi­

ques de sensation croissante de tension juste avant de commettre le vol, et de plaisir et de gratification ou soula­

gement au moment de commettre le vol (DSM-IV-TR).23 A noter que Monsieur A. n’a pas de compulsions d’achat as­

sociées. Nous pouvons de plus éliminer le diagnostic de syndrome de Diogène chez ce patient, qui n’apparaît d’ail­

leurs pas dans le DSM­IV. Les études qui le décrivent, se réfèrent en effet à une population généralement âgée pré­

sentant des troubles neurocognitifs associés.5 Au bilan neuropsychologique, Monsieur A. présente un fonctionne­

ment intellectuel homo gène et de faible niveau, qui peut s’expliquer par le faible nombre d’années d’études que le patient a effectué.

Les incohérences ou les insuffisances de l’évaluation psy chométrique sont en faveur des nouvelles données de la littérature scientifique, qui plaident pour l’existence d’une entité médicale de syllogomanie indépendante du TOC (tableau 2).8

conclusion

Le patient présente, comme symptomatologie principale, une accumulation d’objets souvent inutiles, qui n’est pas secondaire à une affection médicale et qui ne semble pas s’inscrire dans la symptomatologie typique du TOC. Cet exemple clinique nous permet de penser que la syllogo­

Syllogomanie TOC

Présence d’obsessions • La peur de perdre des objets ressemble à des obsessions • Oui, dans la majorité des cas (DSM-IV) • L’absence de pensées intrusives, non désirées et gênantes,

d’impulsions contre lesquelles le patient résiste

• La détresse apparaît lorsque le patient est contraint de jeter les objets, par exemple par une autorité

Présence de compulsions • La difficulté de jeter les objets et les comportements • Oui, dans la majorité des cas (DSM-IV) d’acquisition ressemblent à des compulsions

Capacité d’insight • Généralement pauvre • Généralement bonne Tableau 2. Différences symptomatiques entre syllogomanie et TOC

(Selon Mataix-Cols et coll. 8).

(5)

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Washington, DC : American Psychiatric Association, 1994.

* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

manie par acquisition d’objets de manière excessive, notam­

ment par vol, pourrait constituer une nouvelle entité diag­

nostique dans le futur DSM­V. Cela pourrait contribuer à susciter encore plus l’intérêt des cliniciens, des chercheurs et du public sur ce dysfonctionnement, et à développer la recherche pour trouver des stratégies thérapeutiques plus adaptées à ces patients.

Recherche Medline

Les données utilisées pour cette brève revue ont été identi- fiées par une recherche Medline des articles publiés en anglais ou en français depuis 1975 dans le domaine de la syllogoma- nie. Les articles ont été inclus dans la liste des références s’ils présentaient une approche originale, une bonne qualité scien- tifique et un intérêt patent pour ce trouble de l’accumulation pathologique.

Les quatre mots-clés principaux étaient : «Syllogomanie»,

«Syn drome de Diogène», «Trouble obsessionnel compulsif»,

«Clep tomanie».

Références

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