Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 26 octobre 2011 2109
Qualité de vie des personnes âgées et désir de mort
«Une ligne de recherche avec une priorité forte : la perception par les personnes âgées de leur propre qualité de vie.» Le 27 septem
bre dernier à Lausanne, le sociologue Erwin Zimmermann décrivait en ces termes l’appel à projets «Qualité de vie des personnes âgées»
de la Fondation Leenaards. A l’issue d’un col
loque organisé à la Haute école de santé La Source, les lauréats 2011 en ont ensuite été dévoilés.
Plus d’une trentaine de dossiers ont été exa
minés par le jury que présidait M. Zimmer
mann. A la clé pour les différentes candida
tures genevoises et vaudoises, des finance
ments de recherche qui totalisent, en cette première année, environ 500 000 francs.
Au cours d’une cérémonie où ont été éga
lement remises trois bourses doctorales, six projets ont été primés. Deux d’entre eux cher
chent à identifier les facteurs qui permettent une bonne qualité de vie, un autre évalue un outil de planification de la fin de vie. Les trois restants examinent, eux, des situations plus critiques, qu’il s’agisse de la découverte d’un trouble cognitif léger, d’une sortie d’hospitali
sation ou du lien entre qualité de vie et désir de mort.
Récompensée pour ce dernier projet, le
docteur Stéfanie Monod, médecin associé au Service de gériatrie du CHUV en évoque les enjeux.
Le désir de mort chez la personne âgée, cela n’a jamais été investigué ?
Stéfanie Monod : Non. On l’a étudié chez des personnes en soins palliatifs, des malades du sida ou en phase terminale de cancer, mais pas chez la personne âgée qui ne serait pas en phase terminale d’une maladie. Dans cette dernière population, nous postulons que le dé
sir de mort n’est pas forcément synonyme de détresse. C’est aller contre la théorie admise selon laquelle le désir de mort ne saurait être que le produit d’une dépression ou d’un dés
espoir.
Néanmoins, une personne âgée exprimant un désir de mort, ce n’est pas anodin.
C’est en effet chez les plus de 80 ans qu’on connaît la plus grande incidence du suicide, sans compter que les personnes âgées sont sensibles à un discours social dominant qui les considère comme des charges, des indi
vidus qui ne sont plus productifs. Dans ces caslà, un désir de mort pourrait bien être le produit d’une détresse.
A contrario, il existe chez les personnes âgées une expression plus retenue d’une telle volonté qui, sans aller jusqu’à la demande d’un suicide assisté, serait plutôt l’expression d’une sagesse ou d’une sérénité. Appelons cela un aboutissement ou un accomplissement. La mort est alors vécue seulement comme la suite de la vie, quelque chose auquel on peut aspirer parce que c’est la fin.
A quelles mesures procéderez-vous ? Nous solliciterons une centaine de patients en réadaptation gériatrique et nous leur ferons passer trois questionnaires : un instrument uti
lisé dans les soins palliatifs que nous aurons traduit et adapté à la population âgée, un outil de mesure de la qualité de vie de l’OMS (le WHOQOLOLD) et une catégorisation du dé
sir de mort adaptée d’une étude qualitative développée par Tracy Schroepfer. Celleci grade progressivement l’intensité du désir de mort de «je ne veux pas mourir et je ne suis pas prêt à mourir» jusqu’à «je suis prêt à mourir et je voudrais hâter la survenue de mon décès».
Si notre hypothèse concernant les person
nes âgées est juste, nous devrions déceler un désir de mort à la fois chez des individus en détresse et chez des personnes qui jugent que leur qualité de vie est très haute.
Benoît Perrier
prix Leenaards
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