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Des «hommes en blanc» au «Dr House» (2)

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724 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 30 mars 2011

actualité, info

Des «hommes en blanc»  

au «Dr House» (2)

Mais qui sont donc les docteurs en méde- cine ? Des sujets mi-héroïques, mi-maléfi ques ? De simples citoyens qui ne sauraient plus désormais – pas plus que les prêtres ou les guerriers – réclamer de sortir de l’ordre du commun ? Il est vrai que nous vivons des temps étranges où prêtres et soutanes s’éva- porent quand renaissent les mercenaires et les outils de mort dont on les pare.

S’intéresser à l’usage qui a pu (qui peut) être fait du médecin dans les sphères théâ- trale, littéraire, radiophonique ou télévisuelle c’est, immanquablement, découvrir quelles ont été les évolutions de la position sociale des médecins. Nous avons vu (Revue médi- cale suisse du 23 mars) ce qu’il put en être, dans la seconde moitié du dernier siècle avec l’œuvre prolifique signée par André Soubiran.

A dire vrai l’affaire commence évidemment

bien plus tôt. On pourrait la faire débuter avec Molière, la poursuivre sous de mul- tiples plumes du XIXe avant de traiter de l’impitoyable (et à dire vrai indépassable) Knock de Jules Romains.

Tout ceci serait bel et beau, ri che d’ensei- gnements. Mais le temps court, chaque jour un peu plus vite. Et l’observateur pressé se doit de précipiter le rythme de

pro jection des bobi nes. La chose nous est rendue possi ble grâce au travail, publié il y a peu sur le site Slate.fr ; travail signé de Pierre An cery et Clément Guillet. Pour

faire court, on peut dire que durant une épo que récente le médecin fut un person- nage populaire à l’égal du cow-boy ou du détective privé. Vint ensuite sa migration vers la radio et le cinéma avant son installation à la télévision où il vit désormais (autonome ou mis en pâture) sous la forme de séries où (en termes de taux d’audience) il écrase jour après jour l’anti que cow-boy et le détec- tive privé.

Le rideau est tombé sur la scène du bon docteur humain infaillible guérissant (pres que) toujours ses patients avec l’aide précieuse d’une infirmière toute dévouée – sou- vent secrètement amoureuse – et réciproquement ; avant les premiè- res flammes. Le rideau est tombé aussi sur les gentils patients à la confiance aveugle volontairement inscrits dans une formidable rela- tion infantile, le couple médecin- infirmière reprenant la place du père et de la mère. Certes les cieux n’étaient pas toujours bleus ; on pou- vait ici ou là découvrir d’autres mises en scène : le médecin (déchu ou génial) aux prises avec toutes les assuétudes et abusant (de temps à autre) de ses patient(e)s ; ou en- core la perverse infirmière tentant (parfois en vain) de briser le gentil ménage du médecin ; sans parler du malade moderne contestant (dé- jà) bec et ongles le diagnostic et la thérapeutique.

Et aujourd’hui ? Pierre Ancery et Clément Guillet prennent soin de rappeler que les premières séries

américaines dites «médica les» utilisaient déjà les mêmes ressorts : bons sentiments, roman- ces larmoyantes et empathie envers les pa- tients étaient déjà au centre d’une série (Ge- neral Hospital) diffusée sur le réseau ABC à compter de 1963 ; idem pour Dr Quinn, femme médecin (diffusée sur CBS entre 1993 et 1998).

Les médecins de ces séries étaient alors des

«êtres purs, dépourvus d’am bivalence». Pas de cynisme, pas de perversité, pas – surtout pas – de lubricité. Puis vinrent, avec MASH (Mobile army surgical hospital) des chirur- giens militaires engagés mais insubordon- nés, consciencieux et «rabe laisiens», «égril- lards» et supposés «penseurs libres».

«Dans les années 1990, Urgences change la donne : en effaçant l’empathie kitsch et les blagues potaches, elle ramène la série médi- cale dans la sordide réalité d’un hôpital de Chicago. Le scénario se veut le plus réaliste possible : les thoracotomies sont filmées en gros plan et les répliques jargonneuses fu- sent à toute allure, soulignent Pierre Ancery et Clément Guillet. Malgré les termes tech- niques ou justement à cause d’eux, le télés- pectateur est scotché à son fauteuil, fasciné quand l’action prend le relais des dialogues.

(…) Mais le réalisme d’Urgences a ses limi- tes, puisque les médecins, une fois encore, sont présentés quasi exclusivement sous un jour positif et désintéressé.»

Autant dire que la voie était ouverte à d’autres séries à la fois «plus audacieuses»

et «moins morales». L’«image télévisée» du médecin change radicalement de registre au début des années 2000 avec Nip/Tuck ; série qui met en scène deux «chirurgiens plasti- ques» en Floride et en Californie. Cyniques et hypocrites, les deux praticiens ont pour principaux centres d’intérêt les profits finan- ciers et les plaisirs inhérents à la sexualité.

«Le médecin, désormais complètement dé- sacralisé, devient la charnière ouvrière d’une société de consommation où le corps est une simple marchandise qui nécessite des rava- lements réguliers», résument Pierre Ancery et Clément Guillet.

Puis vint le Dr House, sa canne à la main, son indéfinissable cynisme lui collant à la peau ; cynisme que l’on pourrait tenir com me antidote au désespoir. Qui sait ? Dr House aux antipodes du Dr Quinn. L’empathie sans la compétence et l’humanisme sans la techni- que versus l’absolue compétence débarrassée de l’empathie. Un interniste-chirurgien en en marge

… Les séries

Dr House

et

Nip/Tuck

ont su nous rappeler que derrière chaque médecin se cache un être humain lambda parfois lâche, intéressé ou faillible …

D.R.

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 30 mars 2011 725 somme. L’antihéros parfait arpentant le champ

médical dans l’attente d’un dossier impos- sible, seule justification, chez lui, d’un pos- sible élan d’humanisme.

«Avec Dr House le tournant est pris. D’au- tant plus que le succès est au rendez-vous.

Les producteurs de séries ont compris la le- çon, Nurse Jacquie plante une infirmière dé- sabusée et dépendante à ses médicaments, l’équivalent féminin du Dr House. Désor- mais, le médecin de série présente aussi des défauts, des tares... qui finalement le ren- dent plus humains» estiment Pierre Ancery et Clément Guillet. Selon eux, cette évolu- tion s’inscrit dans une dynamique plus gé- nérale qui est marquée par l’avènement des

«antihéros» dans les spectacles télévisés et numérisés.

Ecoutons-les : «L’époque est postmoderne, ses archétypes narratifs aussi. Finie l’abné- gation, les médecins des séries agissent par- delà le bien et le mal, en quête de leur propre bonheur – par l’argent ou la réussite profes- sionnelle. Du coup, l’arrivée d’un médecin télévisuel moins monolithique permet une représentation plus juste de la réalité du mi- lieu médical. Ce qui choque et amuse chez Dr House (…), c’est de voir un médecin ne pas fonctionner à la compassion.»

Progrès ou régression ? Les médecins ne seraient-ils que des hommes comme les au- tres ? Plus précisément le seront-ils bientôt ?

«Parmi les étudiants en médecine, l’identifi- cation aux héros de série fonctionne à fond : sur les campus, les tee-shirts à l’effigie du Dr House et porteurs de sa fameuse réplique

«It’s not lupus» fleurissent. De même que la série Scrubs, qui montre sous un angle sou- vent comique les difficultés d’un jeune mé- decin à affronter les responsabilités de son métier, a dès ses débuts remporté un franc succès auprès d’eux, assurent les auteurs de la publication de Slate.fr. Finalement, en s’éloignant du manichéisme béat et en met- tant en scène des caractères plus ambigus – médecins exécrables, chirurgiens cupides ou infirmières désabusées, les séries Dr House et Nip/Tuck ont introduit dans le genre mé- dical un réalisme beaucoup plus subtil que les gros plans d’Urgences. D’où leur succès : elles ont su nous rappeler, tout simplement, que derrière chaque médecin se cache un être humain lambda parfois lâche, intéressé ou faillible. Il était temps de s’en rendre compte.»

Vraiment ? (Fin)

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

La dignité

Les patients sont les porteurs saints de la di- gnité humaine.

Elle saute aux yeux en regardant leurs vi- sages singuliers quand on prend le temps de se rendre disponible et d’en ressentir la présence. C’est un peu comme lorsqu’on contemple le buste de Diego, modelé par son frère, le grand sculpteur Giacometti. En attribuant à chaque être une valeur propre, a priori, qui dépend exclusivement du fait qu’il est (et non de ce qu’il fait), on découvre que l’inutilité de l’être est la preuve patente de sa dignité intrinsèque.

Demeurez face à une personne en pre- nant quelques secondes d’attention pour laisser chacun s’installer dans un face-à- face silencieux. Con dition pour que l’idée que nous existons sans but, sans raison, sans nécessité fasse petit à petit son nid.

Cette expérien ce devient confortable, c’est- à-dire forte et agréable. L’attention sur «être»

écarte toute autre justification ou motif que pourrait parasiter une attente ou une vision quelconque comme souci de se rendre utile.

Je vous recommande cette expérience pour mettre à l’épreu ve cette intuition. Elle passe par les sens. Elle nous habite et nous contient. Elle n’est pas idée mais énergie : insaisissable lumière qui baigne les corps comme une sorte de rayonnement primor- dial, continu, omniprésent, universel, sans borne, gratuit. Or nos clients ne sont pas des statues. Ils s’agitent. Ils ne semblent pas toujours évaluer l’amplitude et la densité de cette valeur. Ils l’oublient en s’oubliant, occu- pés qu’ils sont à vouloir se rendre utiles. Et moi je m’oublie et les oublie en voulant leur être utile. Or la dignité dont je parle n’est pas un outil, ni l’instrument de personne. Elle n’a pas de raison d’être, parce qu’elle ne se ré- fère qu’à elle-même. Elle ne peut se perdre et nul ne peut nous l’enlever. Elle est iden- tique pour chacun et résiste à ses détrac- teurs (qui possèdent la même que leur proie).

Si un jour nous nous retrouvons sans dé-

fense face à la maladie et que nous ne pou- vons plus lutter pour nous-même, notre di- gnité fonctionnera comme protection der- nière. Il est important de savoir qu’il existe des personnes habitées par ce même ins- tinct qui prendront soin de nous un jour. Si elles me rencontrent, je sais que je serai soigné, nourri, lavé, touché, caressé, coiffé, écouté, entendu, interpellé. On respectera ma pudeur, mes biens, mes liens, l’intégrité de mon corps, de mon ventre, de mon dos.

Je suis certain que l’on tendra mes draps pour effacer les plis qui pourraient me gê- ner, que l’on massera mes talons afin qu’ils ne s’ulcèrent pas. Il se trouvera quelqu’un

pour parfumer mon corps et le rendre pré- sentable aux visites amicales, jusque et y compris sur le seuil de la mort. On me lais- sera partir au bon moment. On prendra soin de ma dépouille, ajustera une fleur entre mes doigts. Des officiers des pompes funèbres apprêteront mon cadavre dans le cercueil.

Je serai respecté jusque dans le four et mes cendres dans l’urne. Ma dignité sera devenue l’ultime clarté au-delà de la peur du «rien».

Car elle possède la même étendue que ce

«rien».

carte blanche

Dr Christian Danthe Rue de l’Ancienne poste 61 1337 Vallorbe

cdanthe@worldcom.ch

D.R.

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