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Temps et Récit de Paul Ricœur au miroir de ses traductions

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Academic year: 2022

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L’œuvre de Paul Ricœur a été traduite dans de nombreuses langues. Il nous a semblé intéressant de rassembler quelques traductions et de leur confier le soin de nous dire l’immense richesse de cette œuvre. Nous voudrions entendre ce que les potentialités des langues de traduction nous révèlent d’un texte, dont certains trésors peuvent être discrètement gardés sous l’épaisseur de la familiarité de la langue partagée.

L’exercice exploratoire que nous proposons, rapidement ébauché déjà dans le cadre du séminaire d’ARTESS pour quelques langues européennes, se limitera à l’étude d’un chapitre de Temps et Récit : le chapitre 2 du tome I.

A – Le choix de ce texte n’est cependant ni le résultat d’un choix au hasard, au titre d’un premier exercice ou d’une représentativité. Ce chapitre est déjà lui-même un texte plurilingue. Il s’articule en effet autour d’une présentation de La Poétique d’Aristote et P.

Ricœur emprunte à plusieurs traductions dont il commente les écarts, afin d’en dégager l’armature du texte aristotélicien qu’il retiendra. Il convient de noter que le tome I de Temps et Récit a été écrit peu de temps après la publication d’une nouvelle traduction de La Poétique en français par Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot (1980) et la réflexion de P. Ricœur est traversée par les argumentations qui ont conduit aux choix terminologiques de cette nouvelle édition.

Quelles sont les traces de cet événement – la retraduction de La Poétique – dans les traductions de Temps et Récit ? En quoi et comment la (ou les) traduction de La Poétique déjà disponible dans la langue d'arrivée, a affecté la traduction et la réception de la réflexion de Ricœur sur les changements introduits par Dupont-Roc et Lallot ?

Comment les traducteurs ont-ils travaillé ? Le lecteur français peut facilement consulter cette traduction, la comparer avec d'autres également disponibles, et ainsi percevoir le travail de la pensée de Paul Ricœur, la circulation entre des termes voisins mais non identiques (imitation et représentation, par exemple). Transmettre cette réflexion doit sans doute tenir compte des choix de traduction de La Poétique disponibles dans l'espace éditorial de la langue d'arrivée. Quel est le corpus disponible que le lecteur de P.

Ricœur est supposé connaître ? En espagnol, par exemple, muthos peut-être traduit par fabula dans la traduction de La Poétique, mais il est traduit par trama dans celle de Temps et Récit. Mais on trouve également intrigue, mythe, histoire…Quels sont les effets de ces écarts sur la réception de Temps et Récit ?

B – Par ailleurs, en-deçà des concepts thématiques sur lesquels se concentre la pensée de l’auteur (mimésis et muthos principalement), un réseau de concepts de second rang relevant du champ de l’incertitude et du temps est utilisé pour les expliciter : persuasif, vraisemblance, fait, récit, dénouement, épisode, agencement, probabilité, etc.

soutiennent le raisonnement de P. Ricœur et préparent la lecture du reste de l’ouvrage.

Comment ces concepts opératoires ont-ils été traduits ? Les ressources et les usages de chaque langue sont différents, les choix du traducteur contraints par celle-ci. En allemand, anglais et français, les usages des notions de probabilité et de vraisemblance par exemple, ne semblent pas identiques (probable se dit wahrscheinlich en allemand, tout comme vraisemblable). La compréhension des enjeux de la nouvelle traduction de La Poétique (et partant de la réflexion de P. Ricœur) s'en trouve-t-elle affectée ? Que fait- on, en anglais, en arabe, en allemand et en espagnol du terme "persuasif" qui remplace

"croyable" dans les premières traductions d'Aristote en français ?

Peut-on considérer que la nouvelle traduction de La Poétique par Dupont-Roc et Lallot, tout en jouant un rôle central dans l’exposé de la problématique de P. Ricœur, a en même temps parfois rendu plus obscures les traductions de Temps et Récit ? Comment la

« traçabilité » des concepts s’en trouve altérée voire suspendue ? Il nous semble que la

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mise au jour de ces opacités et de ces différences d'une traduction à l'autre, pourrait apporter un éclairage original au texte de Paul Ricœur.

Par ailleurs, à rapporter ainsi le texte de Ricœur presque exclusivement à La Poétique et aux variations thématiques suggérées par cette nouvelle traduction, il se peut que l’on manque d’autres sources aristotéliciennes dont la convocation permettrait peut-être de soustraire les traductions de Temps et Récit à cet écueil.

C – Faisant fond sur ces analyses comparatives, au plus près de la lettre des traductions du corpus, on pourra se demander comment les choix des traducteurs et les contraintes de la langue d’arrivée ont contribué à faire émerger des significations du texte ricœurien jusque là enfouies sous l’évidence de la langue. Comment ces choix ont-ils, à leur tour, orienté la réception de l’œuvre dans le champ intellectuel où elle s’est ainsi introduite ? Cette journée d'étude présente un caractère relativement expérimental, en ce que nous avons choisi de travailler sur plusieurs traductions en même temps. Il nous semble que cet examen comparatif (contrastif ?), non seulement avec l’original, mais aussi et surtout entre elles, est de nature à faire émerger des potentialités du texte ricœurien, voire même peut-être de renouveler les questions qui sont adressées tant à La Poétique qu’à Temps et Récit. Nous tenterons, dans un mouvement réflexif sur ce qui aura été entrepris, d’examiner si cet exercice met au jour des exigences inaperçues pour toute traduction soucieuse de « traçabilité », et s’il conduit à reprendre à nouveaux frais les proximités et différences entre une lecture herméneutique et une lecture « en vue » d’une traduction.

Cette rencontre, à l’image de l’intrication des textes et des langues déjà présente dans le texte de P. Ricœur, est conçue comme un moment de travail partagé, et non comme un colloque où se juxtaposeraient des communications abouties et closes sur elles-mêmes.

Le lecteur inscrit dans le texte de Ricœur est un lecteur qui est invité à circuler entre les œuvres convoquées et leurs différentes traductions (de là notre attention à la traçabilité des concepts) dont la diversité est avant tout accueillie comme une ressource pour la pensée avant d’être un indice d’erreur à corriger.

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