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Production architecturale et identité culturelle

VIARO, Mario Alain

VIARO, Mario Alain. Production architecturale et identité culturelle. In: Lectures anthropologiques de l'espace et pédagogie de l'architecture. 1987. p. 9-28

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:25076

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Séminaire Architecture/ Anthropologie

Lectures Anthropologiques de l'Espace et

Pédagogie de l'Architecture

Sous la direction de

Sylviane LEPRUN & Christelle ROBIN

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AVERTISSEMENT

Ce texte constitue une version provisoire du séminaire organisé par le Réseau de la Architecturale : Architecture/Anthropologie, déroulé les 4 et 5 juin 1987.

des actes Recherche qui s'est

On notera que 14 présentation y est provisoire et que la retranscription des discussions effectuée à partir de leur enregistrement reste incomplète à cause des difficultés inhérentes à ce type d'opération.

Il est donc fait appel à vos critiques, remarques et compléments d'information pour enrichir ces textes afin d'en permettre une diffusion plus élaborée.

Christophe CAMUS

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PRODUCTION ARCHITECTURALE ET IDENTITE CULTURELLE

Alain Viaro, chargé de cours à l'Ecole d'architecture de l' Université de Genève, architecte-urbaniste.

juin 1987.

INTRODUCTION

Après plusieurs décennies d'une architecture dite "internatio- nale" ou "moderne", de nombreux architectes travaillant dans des pays non-européens commencent à s'interroger et essayent de développer un langage contemporain traduisant les spécifi- cités culturelles de chaque r~gion. Quel est l'intérêt de cet- te démarche, et en quoi l'anthropologie peut-elle être un ou- til d'analyse utile pour les architectes qui se lancent dans cette voie ?

Tout d'abord, y a-t-il une architecture "internationale" à

valeur universelle, ou bien s'agit-il d'une production cultu- relle, expression de notre culture ? Ensuite que recouvre le terme "régionalisme" ? Enfin, quelles sont les conclusions qu' on peut en tirer pour l'enseignement de l'architecture ?

Avant de poursuivre, il me semble utile de préciser quelques définitions:

La "production architecturale" est la production de l'ensem- ble de l'environnement bâti, qu'il soit ou non le fait des architectes. Dans .l'architecture traditionnelle, oeuvre d'ar- tisans ou d'une collectivité, l'adéquation entre production du bâti et identité culturelle semble· évidente. L'architec- ture est un miroir de la société, elle constitue la norme.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, elle n'est pas figée, mais en constante évolution, même si cette évolution n'est pas forcément mesurable selon nos critières occiden- taux ou professionnels. Elle n'a pas besoin d'architectes, pui.squ ''elle est un produit de la société elle-même, dans sa

cont±nui.té historique et cui..turelle U). Ceci posé, je me limit:e:r.ai ici à ~a pr.od:action des arclrl.te.ctes, en tant que professionnels fo:l:més dans des écoles d~ch..±tecture, chargés

de réaliser des ouvrages d •1me qrande comp-lexité cC'IIIIaalldés par des acteurs privé-s ou publics; ±.ci.. don<:: les acteurs so- ciaux confient mandat à des spécialistes pour construire leur cadre bâti.

En ce qui concerne "l'identité culturelle", une dériniti.on est moins simple, puisqu'en réalité chaque autaur a la si.enne, implicite ou explicite. Néanmoins si cette identité renvoie à celle résultant de !'"ensemble des comportements, savoirs et savoir-faire, caractériatiques d'un groupe humain, qui sont acquis par apprentissage et transmis socialement", on peut admettre que cette définition, bien que large, peut être prise comme base de di.scuss.ion dans le cadre de la prodiiction archi-

tecturale.

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UNE HYPOTHESE SUR LES FONDEMENTS DE NOTRE IDENTITE CULTURELLE DANS LE CADRE DE LA PRODUCTION ARCHITECTURALE D'AUJOURD 'HUI .

Rappelons tout d'abord que la notion d'identité culturelle n' est pas seulement applicable aux sociétés autres. La discuter dans le cadre de la civilisation machiniste nous amène à nous interroger sur les fondements culturels qui sont à l'origine de celle-ci. ·

Dans ce sens, en cette année commémorative du centenaire de la naissance de Le Corbusier, i l peut être intéressant qe re- prendre certains des termes de son discours, et plus précisé- ment le texte de la Déclaration de la Sarraz, ainsi que les résolutions des Congrès des CIAM (2).

"les oeuvres architecturales ne peuvent relever que du temps présent.

Les architectes sous-signés se refusent donc catégoriquement à appliquer dans leur méthode de travail les moyens qui ont pu illustrer les sociétés passées; ils affirment aujourd'hui la nécessité d'une conception nouvelle de l'architecture, sa- tisfaisant aux exigences spirituelles, intellectuelles et ma- térielles de la vie présente.

Conscients des perturbations pro§ondes apportées à ·la struc-- ture sociale par le machinisme, ils reconnaissent que la trans- formation de l'ordre économique et de la vie sociale entra1ne fatalement une transformation correspondante du ;phénomène ar- chitectural.

Il est urgent que l'architecte, abandonnant les conceptions surannées attachées à l'artisanat, s'appuie dorénavant sur les réalités présentes de la technique industrielle, quand bien même une telle attitude devrait aboutir à des réalisa~

tions foncièrement différentes de celles des époques passées. H

L'architecture est ainsi résolument placée en rupture avec le passé, dans le champ du social, dans la mouvance du progrès de l'h.,~ité au tra-vers du machinisme.

Des matériaux DOUPeaUX (le fer et le béton), une technique nouvelle (:1' i-ndnst::Lial.i.sat:.ian), un plan nouveau (la ce~~ule

d 'habi.tation satisfaisant aux ex.iqence:s de 1 'hygiène JROderne), apportent une expressi.on architecturale neuve répondant aux aspirations de l'époque.

"Les clefs de l 'urbanisme sont dans les 4 fonctions :habiter, travailler, se récréer (heures libres), circuler.

~'urbanisme a 4 objets, ce sont :

1. d'assurer aux hommes des logements sains, c'est à dire des lieux l'espace, l'air pur et le soleil, ces 3 conditions de nature, soierrt largement ass~r~s.

2. d'organiser les l.ie·rvc de travail, de façon qu'au lieu d'

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UNE HYPOTHESE SUR LES FONDEMENTS DE NOTRE IDENTITE CULTURELLE DANS LE CADRE DE LA PRODUCTION ARCHITECTURALE D'AUJOURD'HUI.

Rappelons tout d'abord que la notion d'identité culturelle n' est pas seulement applicable aux sociétés autres. La discuter dans le cadre de la civilisation machiniste nous amène à nous interroger sur les fondements culturels qui sont à l'origine de celle-ci.

Dans ce sens, en cette année commémorative du centenaire de la naissance de Le Corbusier, i l peut être intéressant qe re- prendre certains des termes de son discours, et plus précisé- ment le texte de la Déclaration de la Sarraz, ainsi que les résolutions des Congrès des CIAM (2).

nles oeuvres architecturales ne peuvent relever que du temps présent.

Les architectes sous-signés se refusent donc catégoriquement à appliquer dans leur méthode de travail les moyens qui ont pu illustrer les sociétés passées; ils affirment aujourd'hui la nécessité d'une conception nouvelle de l'architecture, sa- tisfaisant aux exigences spirituelles, intellectuelles et ma- térielles de la vie présente.

Conscients des perturbations proffondes apportées à ·la struc-·- ture sociale par le machinisme, ils reconnaissent que la trans- formation de l'ordre économique et de la vie sociale entra1ne fatalement une transformation correspondante du .phénomène ar- chitectural.

Il est urgent que l'architecte, abandonnant les conceptions surannées attachées à l'artisanat, s'appuie dorénavant sur les réalités présentes de la technique industrielle, quand bien même une telle attitude devrait aboutir à des réalisa~

tions foncièrement différentes de celles des époques passées. n

L'architecture est ainsi résolument placée en rupture avec le passé, dans le champ du social, dans la mouvance du progrès de l'hJmenité au travers du machinisme.

Des matériaux~ (le fer et le béton), une technique nouvel.le (:l' induslrial...isat:..icn)., un plan nouveau (la ceil.nle d'habi.tati.on satisfaisant aux ex:iqence:s de 1 'hygiène JJO.derne), apportent une expression architecturale neUV-e répondant aux aspirations de l'époque.

nLes clefs de l'urbanisme sont dans les 4 fonctions :habiter, travailler, se récréer (he~res libres), circuler.

L'urbanisme a 4 objets, ce sont :

1. d'assurer aux hommes des logements sains, c'est à dire des lieux l'espace, l'air pur et le soleil, ces 3 conditions de nature, soierrt largement assurées.

2. d'organiser les lieUJ de travail, de façon qu'au lieu d'

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être un assujetissement pénible, celui-ci reprenne son ca- ractère de naturelle activité humaine.

3. de prévoir les installations nécessaires à la bonne utili- sation des heures libres, les rendant bienfaisantes et fé- condes.

4. d'établir la liaison entre ces diverses organisations, par un réseau circulat~ire assurant les échanges tout en res- pectant les prérog~tives de chacun.

Le cycle des fonctions quotidiennes : habiter, travailler, se récréer (récupération) sera réglé par l'urbanisme, dans l'é- conomie du temps la plus stricte, l'habitation étant considé- rée comme le centre des préoccupations urbanistiques et le point d'attache de toutes les mesures. "

Cette déclaration est pleine de présupposés culturels :

l'hygiène est une notion nèuvelle, non seulement ethnocen- trique, mais de plus liée à la production; c'est un moyen d'assurer dans les meilleures conditions la reproduction de la force de travail.

le travail comme principale activité humaine, comme but en soi, dissocié des autres activités, est aussi une vision occidentale.

les loisirs productifs supposent tout d'abord l'existence de loisirs définis en tant que tels. Il y a ici dissocia- tion entre travail et loisirs, un "zoning" du temps de chacun, au lieu d'une vision intégrant dans un même en- semble de temps toutes les activités humaines.

limiter l'intégration entre habitat, travail et loisirs, à une question de circulation assurant les échanges est une vision mécaniste (Métropolis) ou orwellienne de la société.

La Charte d'Athènes est donc cohérente avec les valeurs de la société occidentale des années 1930, mais avec elles seules.

Congrès de Paris, 1937 (extraits)

---

.

"'Noas ju-geons indispensable de placer en tête des trava-ux de ce c.oD9Zès, l'évènement capital, éminent du temps p~ésent: La soc-ié-t-é .w.de.x:n-e, après cent premières années de c.onqu-êtes, de débat:s, d-e déso-r-à:re-, a.b.o-urit à la conclusio-n q-u.i fixe défini- tivem-e-nt 1-e caractèr-e d'une civili.sat:ia-n : La canstruction d' un nouveau logis.

C'e-st par 1 a création d '-un lagis n:oaveaa que La seco..nde ère de liJ civil.i.sation ma·cbül-iste e-nl:.r-e d·ans un-e période univer- sei"i""e de con stru cti on. Oeuvre agissante, opt i.Jir.i. ste, humaine, porteuse des joies essentiellss.

Cette oeuvre déborde les questio-ns de technicité. Elle est 1 a manifestation pure, essentielle et fondamentale d'une nouvel- le conscience.

C'est du point de vue d'une nouvelle conscience qu'on peut dé- sormais envisager les problèmes de l'architecture et de l'ur- banisme. Une noa·velle société crée san foyer, ce réceptacle de la vie. La fabr-ica-tion du logis moderne devient le programme

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même de 1 'industrie moderne .. . La soci ét é machiniste munie d' une éthique nouvelle qui se manifeste jour après jour avec plus de clarté et même de violence, cherche instinctivement à se retrouver dans ce qui est l'expression méme de sa cons- cience : le logis.

Il est né un logi s moderne. Ce l ogis moderne ne peut être ré- alisé qu'avec les res~ources totales de la sociécontempo- raine. Ces ressources· sont illimitées ...

Architecrure nouvelle et urbanisme nouveau, telles sont les nécessités de l'heure. Ils doivent apporter une transforma- tion complète dans le comportement actuel des sociétés à la ville et à la campagne . "

Dans les textes que j'ai cités (et il y en aurait bien d'au- tres), Le Corbusier traduit d'une manière extrêmement provo- cante l'ensemble des comportements, savoirs et savoir-faire, caractéristiques de l'idéal de l'Europe dans les années 1930.

Le savoir technique européen est fondateur de cette vision.

Il n'est pas universel, mais historiquement et culturellement déterminé. Le comportement qui veut que ce savoir soit univer- sel est le pendant du comportement colonialiste de l'époque, qui se traduisait dans la conviction absolue de la prééminen- ce de la Civilisation et de la Culture occidentales sur la planète.

La production architecturale de l'époque était en décalage avec cet ensemble de valeurs. Le Corbusier remet l'architec- ture à niveau avec les autres domaines d'application du pro- grès techniqu~, dans la rationalité du machinisme. Le logement ancien, inadapté aux nouvelles valeurs, devient à travers ses propositions une machine à habiter, rationnelle, moderne.

Ce programme de Le Corbusier peut être considéré comme fonda- teur, parce qu'il est cohérent avec l'ensemble des valeurs liées à la croyance au progrès technique et en propose l'ap- plication dans un nouveau domaine. Il est le premier ~i, en matière d'habitat, s'inscrive dans cette logique; mais il nous y enferme. D'autres que moi ont dénoncé cet enfer.uatent at 1a ~cupération qui a été faite des idées de Le Corbusier pour jius:ti.fier les grands ensembles.

Ces ~e& banales, résultat de l'indllstrialisation et souzces de profits, ani: é-té exportées à leur tour (répon- dant aux besoins de tous, puisque sat.i.s-faisa.nt des besoins universels) vers les pays du ~iers~, dans la phase post- coloniale de oonsolidat~n des nouveaux Etats-nation. Acces- siQn à l'indépendance et accession à la morlernité prenaient un sens identique pour la reconnaissance sur le plan interna- tional. Un des moyens était le choix de l'industrialisation du pays, donc aussi de la construction. Les culture~ locales, réminiscences du passé et pa.r là-même, symboles d'arriération, devaient faire place à une culture "universelle", dont le mo- dèle était celui des anciens conquérants. La réussite techno- logique et économique extraordinaire de l'Occident dans les décennies de 1 'après-guerre renfo.rç.ait encore ce modèle.

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LA MONTEE DES REGIONALISMES

Aujourd'hui, aussi bien en Occident que dans les pays du Tiers·

Monde, on se libère peu à peu des modèles issus de l'idéologie machiniste. Nous entrons dans une phase d'interrogation, où l'identité culturelle propre à chacun est remise en discussion Comment se traduit, cpez les architectes, cette reconnaissance des "régionalismes" ?'

Tout d'abord elle est multiple, différente de pays à pays com- me à l'intérieur de chaque pays, tant dans ses processus que dans ses productions : l'apport culturel local peut être se- lon les cas clairement revendiqué, ou rester implicite. La revendication dans certains cas peut aussi porter sur l'appro- priation de modèles étrangers dans le but de se forger une nouvelle identité.

Pour exemplifier le propos, .j ' a i choisi de regrouper des réa- lisations selon quelques catégories exploratoires, ni exhaus- tives ni définitives, mais uniquement dans le but d'élargir la réflexion.

Catégorie "Nationalisme, affirmation de l'identité nationale"

L'architecture a joué un rôle important dans l'image que vou- laient se donner -et surtout donner à l'extérieur- les pays du Tiers-Monde, suite à leur accession à l'indépendance.

Les réalisations s'ordonnent autour de deux pôles : d'une part celles qui tradu-isent la volonté de se créer une nouvelle .i identité, tournée vers le futur et faisant table rase du passé;

d'autre part celles qui expriment le désir de se raccrocher à un passé pré-colonial synonyme de grandeur. L'identité idé- ale recherchée est, dans les deux cas, en rupture avec les réalités de la société concernée, et la production architec- turale qui en résulte est plutôt l'expression d'une volonté gouvernementale que populaire.

Quand l.:e Pandit Nehru décide de créer nne nouvelle capitale -qu-i. se. v-oudra. le symbole de 1' Indépendance de l'Inde-, pour la prmrince du Penjab, i l veut par l.à.-même créer le symbole bâti d'une grande nation tournée vers le futur (3). I.e cas n'est pas iso~é : i l en est de même de la Dacca de Louis Kahn au Bang la de-sb, ou de l.a Brasilia de Ll.lcio Costa et Niemeyer au'-Brésil.

Créer une ville nouvelle sur un terrain vierge était une pos- sibilité de proposer un nouveau modèle, une nouvelle approche de l'urbanisme en Inde. La nouvelle ville pouvait ainsi deve- nir un laboratoire pour les jeunes architectes et urbanistes, capables alors de gérer le développement urbain futur, et pro- jeter de nouvelles réalisations à travers tout le pays.

Les traditions urbaines de l'Inde furent explicitement reje-

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tées, et il fut décidé que l'urbaniste de la ville devait être cherché à l'extérieur.

Un premier projet fut réalisé par l'architecte-urbaniste amé- ricain Albert Mayer (1949). Suite à la mort de l'architecte chargé des réalisations sur le terrain, une délégation indien- ne fit le tour de l'Europe pour trouver une personnalité ca- pable de mener à chef :·l'opération.

Le choix se porta sur Le Corbusier, dont les idées novatrices correspondaient à la nouvelle expression désirée par le pou- voir national, telle que l'énonçait le Pandit Nehru : "Le site choisi est libre de toutes les contraintes des vieilles villes et des vieilles traditions. Laissons-le devenir la première ex- pression à grande échelle de notre génie créatif fleurissant sur notre liberté nouvellement conquise"(4)

Le plan directeur proposé parLe Corbusier représentait la transposition littérale, dans le contexte indien, des théories développées par lui pour des villes occidentales. La situation sociale et culturelle de l'Inde était cependant bien différen- te, et sa société fonctionnait toujours sur des bases tradi- tionnelles: les désirs de modernisation des dirigeants se heurtaient à l'inertielégendaire de la foule indienne.

Pour Le Corbusier, le contrôle de l'environnement physique était un facteur important dans la création d'une société idé- ale. En se concentrant sur la proposition de donner à l'Inde des formes adaptées au second âge industriel, la situation indienne existante pouvait être quasi-totalement ignorée.

Le premier ministre Nehru prit un intérêt personnel considé- rable dans le projet, et mit tout en oeuvre pour sa réussite, puisqu'il voyait :"chandigarh, le TEMPLE de la nouvelle Inde

. . . qui n'était plus ligotée par les traditions du passén(S).

Il n'en reste pas moins que Chandigarh est resté une tentative unique en Inde, bien que la fierté des autorités locales soit telle que, 35 ans après la création de ~a ville, elles conti- nuent à tout mettre en oeuvre pour que le projet initial se poursuive, malgré les nombreuses diÏficulté$ rencontrées (6).

Le deux±ème courant expr±me, dans l'architecture des bâtiments officiels, ~es syml:x>l.es des valeurs traditionnelles prises comme facteur à'tmilication du pays. Ces symboles peuvent ne rien avoir à f-aire avec les cultures locales conte~ooraines;~

mais

se rapporter à une splendeur passée idéalisée. ·

En Indonésie, l'architecture moderne puise dans un registre formel représentatif du passé hindouiste et des cours princiè- res de Java. Ainsi, le nouvel aéroport de Jakarta (la capita- le), l'Univer~ité d'Indonésie en construction, de nombreux grands hôtels internationaux, aussi bien que des bâtiments administratifs et gouvernementaux, traduisent tous cette vo- lonté.

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La juxtaposition de bâtiments modernes de style international et de bâtiments "vernaculaires" (dans leur forme ... ), est aus- si fréquente. La banque Bumiputra de Kuala-Lumpur (capitale de la Malaisie, projet du Kumpulan Akitek,l972) par exemple, consiste en une tour de bureaux accompagnée d'un vaste hall public reproduisant un pavillon traditionnel (7).

Les références architecturales choisies peuvent parfois être génératrices de conflits. Prenons un exemple récent, choisi en Indonésie, pays musulman (8). Le parlement régional de la province de Java-Est, à Surabaya, a été inauguré au début 1987

(9). Son style rappelle l'architecture princière hindo-boud- dhique de la province. Comme dans de nombreux bâtiments publics modernes à Java, les références au passé hindouistes y sont explicites : ses portes sont des copies de celles de ruines de temples du royaume de Majapahit (1293-1478), flanquées de statues de gardiens démoniaques (dvarapalas) brandissant un bâton. De plus se trouve devant l'entrée principale une piè- ce d'eau, concue et disposée symboliquement dans la tradition du mysticisme javanais, destinée à purifier les coeurs et les esprits des parlementaires se rendant à une session.

Les violentes critiques de la part du parti islamique fonda- mentaliste à cette architecture qui n'exaltait pas les va- leurs de l'Islam, obligèrent le gouverneur de Java-Est à don- ner des explications officielles immédiates minimisant la portée symbolique de cette architecture, et la justifiant par des raisons purement esthétiques. Mais, simultanément à ce discours, les statues de gardiens furent enlevées, et la piè- ce d'eau comblée ••• !

Cet exemple montre bien à quel point l'architecture est au- jourd'hui encore porteuse de symboles •

.

Le rappel de la tradition, ou des caractéristiques positiv€s de l'architecture locale, peut aussi se faire en recourant aux possibilités technologi~ues les ~lus modernes.

Dans cette catégorie, un exemple particulièrement intéressant est celui du terminal de 1 'aéroport de Jeddah (réalisé par Skidmar€4 0Win95 1 Mer~ 1981-82), qui peut contenir jusqu' à 8~.000 pélerins. Il est composé de deux pavillons, chacun divis€ en cinq modules, chacun d'entre eux regroupant vingt- et-1;1ne unités de 45.x45 mètres. La couverture de chaque unité est ~e structure tendue, transcription contemporaine de l'a- bri des climats désertiques (10).

Catégorie .. Thé-atrallsation de l'architecture".

Une autre tendance est celle de la mise en représentation théatraLe d'éléments formels, vernaculaires ou exogènes. Les deux reai.stres sont d'ailleurs souvent mis au même niveau,

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lb

dans le sens que l'un n'est pas perçu comme porteur de valeurs plus positives que l'autre (et inversément). Cependant le pre- mier registre est souvent destiné au visiteur étranger soucieux d'exotisme (hôtels, restaurants, etc.) alors que le second

renvoie à la consommation interne des nouvelles classes diri- geantes se voulant internationalistes.

Le post-modernisme, qhi cherche sa légitimité dans la référen- ce aux modèles du passé, et habille l'architecture d'un cata- logue décoratif éclectique, obtient un vaste succès dans des pays comme, par exemple, la Thailande. Il n'est que voir la prolifération des colonnes doriques, des villas "Louis quelque chose", victoriennes, gothiques, voire même gréco-romaine ou, pour les amateurs d'exotisme absolu, le "chalet suisse" dont on ne sait s ' i l est livré avec son coucou ! Tous ces bâtiments sont censés exprimer la réussite sociale d'une minorité de privilégiés, leurs propriétaires.

Cette tendance n'est pas nouvelle en Thailande, oü le roi et les princes faisaient déjà appel à des architectes italiens au XIXe siècle pour construire des palais en néo-gothique vénitien (11).

Parmi les nombreuses réalisations récentes, i l faut citer : -La tour de logements de luxe Jareemart à Bangkok (de l'archi-

tecte Ong Ard), au vocabulaire proche de certaines réalisa- tions de Bofill, et surmontée d'un penthouse néo-classique en forme d 'église palladienne (12). Elle est elle-même im- plantée dans un quartier de villas de style Régence, ou ba- varois.

-Le centre commercial Amarin Plaza, toujours à Bangkok (de l ' architecte Rangsan Torsuwan, 1983-85), se présente sous la forme d'un podium limité par des colbnnes ioniennes surmonté d'une tour de bureaux en aluminium et verre. Le plafond in- térieur du centre commercial est une vaste structure en bé- ton armé de style néo-gothique flalnboyant (13) •

-En dehors de Bangkok, et tout particulièrement dans des vil- les touristiques comme Phu.lœ.±, les réalisations post-moderne-s sont foison; elles reprennent souvent de nombreux éléments.

de l'architecture de style colonial anglo-hindou du XIXe siècle.

Cette production architecturale mêlant les genres a provoqué dans le pays un vaste débat sur son identité culturelle, et les- dangers de perte de celle-·ci.

One._..~tre catégorie d'interventio-ns est celle sur les quar-

tiers historiques à vocation touristique. En Malaisie et à Singapour, où les anciens quartiers chinois ont presque en- tièrement disparu pour faire place à des ensembles de tours de trente à soixante étages, l'importance économique du tou- risme a amené à quelques projets, dits de "réhabilitation",

·et qui en fait ne consistent qu'en habillage de centres com- merciaux modernes.

Par exemple, le projet d 'un centre commercial de Penang (Ma-

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laisie, architecte Laurence Loh, 1984), propose de reconsti- tuer, dans les vastes cadres de béton de la façade moderne, de vieilles façades de maisons chinoises ou coloniales, sur- plombant la rue (14).

A Singapour, i l est proposé de dénoyauter et de "rénover"

un quartier de "compartiments <:;hinois" (shophouses) datant des années 1920-30, e~ situé en bordure de la Singapore River.

Ce projet de l'architécte William Lim (1984) prévoit de con- server les façades et d'évider l'intérieur des îlots, pour abriter de vastes galeries commerciales, des restaurants, etc.

(15). Précisons que d'autres opérations, du même type, ont déjà été concrétisées à Cuppage Road, à Emerald Hill Road, transformant ainsi d'anciens ensembles en décors de théatre.

Catégorie "Production de loge~ents adaptés à un mode de vie".

C'est dans le domaine du logement que les solutions les plus intéressantes, du point de vue d'une production architecturale moderne tenant compte de l'identité culturelle des usagers, ont été trouvées.

Je ne parlerai pas ici des programmes de résorption de bidon- villes, qui obéissent à une autre logique que la production des architectes; cela demanderait un autre exposé. Je me con- tenterai d'évoquer la production de logements pour les classes moyennes, opérations souvent modernes par les technologies et

les matériaux employés comme par l'intégration d'éléments de confort de type occidental. Ces réalisations reproduisent des principes d'organisation de l'espace qui sont spécifiques aux modes locaux d'habiter. Elles sont, de plus, généralement adaptées aux conditions climatiques locales en utilisant des solutions éprouvées traditionnellement. Contrairement aux exemples présentés dans les catégories précédentes, l'aspect extérieur a moins d'importance que la qualité de l'espace ha- bitable.

Les cas abondent; ceux présentés ici le sont de manière aléa- toire, sans intention de privilégier l'un ou l'autre.

-En Corée, les tours d'habitation restituent, dans le plan du

logement, la cuisine en contre-bas et les charnbre·s suré.levée:s sur un podium ( 16) •

-Au Japon, le module du tatami reste utilisé dans la concep- tion des logements (17).

-A Dehli, Raj Rewal, architecte indien spécialiste de l'archi-

tes~ure traditionnelle de Jaisalmer (Rajasthan) , a conçu le village olympique des Jeux Asiatiques de 1982. Son projet utilise et réinterprète nombre de caractéristiques formelles et fonctionnelles des havelis (maisons des marchands de Jai- salmer) , en restituant notamment des unités (de douze à tren- te-six maisons) mohallas, favorisant la vie communautaire (18) -A Kuala-Lumpur, un prototype de maison individuelle bon mar-

ché a été édifié à l'occasion d'une exposition pour la promo- tion de l'industrie du bois (architecte: Lok Kun, 1978). Sa reproductibilité a permis la construction d'un ensemble d'

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habitat social à Penang (19). Le bâtiment est sur pilotis, avec des parois à claire-voie facilitant la ventilation, des plafonds élevés, de grands avant-toits protégeant du soleil et de la pluie. Son plan est adapté à la vie moderne (écla- tement de la famille traditionnelle et individualisation des espaces parents/enfants)et i l possède tous les éléments de confort.

Pour étendre la réflexion au-delà des réalisations individuel- les d'architectes, je me propose de quitter maintenant cette ébauche de catégorisation pour aborder le cas d'un organisme dont le but explicite est de lier la production architectu- rale à l'identité culturelle, et d'encourager les réalisations dans ce sens.

LE PRIX AGA KHAN D'ARCHITECTURE

Le Prix triennal Aga Khan d'architecture, fondé à la fin de l'année 1976, attribué pour la première fois en 1980 : "a pour objectif de susciter une prise de conscience de la culture is- lamique au sein de la profession d'architecte et des discipli- nes annexes, ainsi qu'auprès du grand public, tout en encoura- geant une architecture adaptée au XXe siècle. [ . . . ]Jamais le prix [ne tente] de prendre en compte un "style" particulier ou de prendre, sur le plan idéologique, une position qui ex- cluerait une dimension quelconque de cette recherche polyva- lente. [ . . . ]Le Prix a toujours visé à créer un espace de l i - berté permettant qu'un débat intellectuel entre tous ceux qu' intéresse la construction dans l'environnement du monde musul- man puisse avoir lieu sans obstacle, . sans inhibition, animé du seul désir d'enrichir le dialogue, ·d'inciter à l'échange d'expériences, de pousser plus avant la recherche de l'excel- lence et la quête d'beuxeus~s solution~. [ . . . ]Ces construc- tions [primée~] sont des jalons sur la voie d'une meilleure conception et d'une meil~eure prat-ique, conduisant vers un environnement pius stimulant et plus humain ~ui permet aux sociétés mu&uLman~s contemporaines de résoudre leurs problè- mes et àe s'exprimer dans des oeuvres réunissant beauté e~

valeurs. [ . . . ]Tandis qu'en Occident certains ont co11U1Jencé à doaxar sérieusement du bien-fondé des espoirs qui avaient été investis dans le mouvement moderne, des pays du Tiers-MOnde ont commencé à ressentir le besoin d'une architecture qui ré- ponde à leurs besoins et à leur propre identité. [ . . . ] Réaffir-

~ery; dans le contexte actuel [des sociétés en transition], les valeurs traditionnelles sous des formes qui correspondent aux défis de notre temps, dépasse le domaine des problèmes esthétiques ou fonctionnels de l'architecture et devient la clef même de la déontologie pour l'architecte" (20).

Le processus de sélection du Prix est basé sur l'analyse d'un nonbre important de projets qui couvrent l'ensemble de la pro- duction architecturale du monde musulman, de l'Afrique à l'In-

c:-Gnésie. I 1 tient large-ment compte du contexte, soit des fac-

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19

teurs sociaux, économiques, techniques et d'environnement au) quels répond le projet, et ce dans le souci de la plus grandE ouverture. Ainsi, sur les trente-neuf Pr ix attribués à ce

jour, douze vont à des oeuvres modernes; neuf à des éèifices s'inspirant de modèles traditionnels; deux à des bât iment s tradit ionnels; un pour une réalisation résultant d 'une re- cherche de technologi~ adaptée; dix à des restaurations; tro: saluaient des opérations d'assainissement urbain, et deux enJ sont venus couronner l 'oeuvre complète d'un architecte.

Le Prix vient récompenser, non seulement la qualité architec·

turale du projet, mais sa valeur d'exemple : i l s'agit de me1 tre en route un processus, dans des do~aines aussi diversifiE CIU'on l 'a vu.

Parallèlement au Prix, cette,organisation se consacre à l'or·

ganisation de séminaires internationaux. Elle procède au re- cueil systèmatique de données, pour constituer une base d'ar·

chives permanentes sur l'architecture contemporaine. Elle pu- blieenfin des recherches originales, et édite la revue Mimar, qui s'est donné pour but la diffusion d'une information largE sur les architectures et les architectes d'Afrique et d'Asie. A côté de la présentation de réalisations récentes, de dos-

siers sur l'architecture traditionnelle -musulmane ou non (2J des débats contradictoires y ont lieu sur la pertinence ou ne d'une approche régionaliste, sur le conflit entre traditionnE et moderne, etc.

Si j ' a i présenté assez largement le Prix Aga Khan, c'est parc que je pense que, dans le domaine qui nous intéresse, son oeuvre est exemplaire. Contrairement aux recherches acadé- miques, obligatoirement limitées aux.spécialistes, elle portE

le débat au niveau du public. Et favorise par là-même la con~

cience de la diversité, de la richesse des différentes cultu·

res, comme processus dynamique et non pas comme un passé figE

CONCLUSION

QU€ peut-on tirer des considérations précédentes pour l'ense..:

gnement de l'architecture ?

Un premier point est la nécessité d'une large ouverture sur les autres mondes, le regard en retour permettant de s'inter- roger sur notre propre culture. Si ce point de vue est Large·

ment partagé par les anthropologues, ce n'est pas le cas des ._.., architectes, trop souvent centrés sur la production du monde occidental.

Un deuxième point est la mise en avant, et la nécessaire corn·

préhension du processus, plutôt que la simple critique de l ' oeuvre architecturale. Cette meilleure connaissance du con~

texte de la production et de la reflexion en amont du résul- tat, justifie le lien entre architecture et anthropologie.

Un troisième point est l'importance donnée dans de nombreus~

(16)

20

réalisations contemporaines extra-européennes à l'analyse approfondie préalable de l'architecture traditionnelle du pays, en tant qu'expression d'une culture, même si cela n' apparaît pas toujours directement dans le résultat.

Il me semble donc nécessaire d'inclure dans le cursus des étudiants architectes,: sinon l'étude des architectures tra- ditionnelles, du moinè l'enseignement de méthodes anthropo- logiques d'observation et d'analyse, pour les aider à appré- hender les réalisations architecturales contemporaines dans le contexte d'un pays donné.

On pourrait donc concevoir la mise en place, dans l'enseigne- ment prodigué aux futurs architectes, d'une démarche dynami- que qui pourrait s'inspirer de celle amorcée par le Prix Aga Khan dans le monde des professionnels, et telle qu'elle trans- paraît dans la revue Mimar. Soit de mettre en place un pro- cessus d'élaboration de projet prenant en compte de manière positive la diversité culturelle, et la traduisant concrète- ment dans les réalisations.

C'est dans cette "nouvelle" approche que l'outil de la métho- de anthropologique d'analyse prend tout son sens pour de fu- turs concepteurs.

(17)

21

Notes

1. Il faut toutefois noter que dans la plupart des cas elle est aujourd'hui en voie de disparition ou de transforma- tion profonde, du fait de la mondialisation de l'économie et de la prééminence (entre autre véhiculée par les mé- dias) des modèles :.occidentaux exogènes, qui touchent à un titre ou un autre toutes les sociétés aussi marginales et isolées soient-t'elles. Inversément, elle peut être revivifiée face à ces modèles, l'architecture tradition- nelle venant alors s'affirmer directement comme signe d'une identité revendiquée, en opposition à des modèles imposés (par exemple, la maison kanak).

2. citations tirées de CIAM Dokumente 1928-39, herausgegeben von Martin Steinmann, Birkh~user Ed., Basel 1979.

3. à ce propos, lire entre autre l'ouvrage de Madhu Sarin:

Urban planning in the third world, the Chandigarh experi-

~' London 1982, 272 p.

4. in:Madhu Sarin, p.26

5. in:Shedev Kumar Gupta, ''Chandigarh after 20 years", Pro- ceedings of EDRA III, Los Angeles 1972.

6. Michèle Champenois et Deidi von Schaewen, "Chandigarh,le tombeau de la modernité", in: Architecture d'aujourd'hui N° 252,sept.1987,p.50-65.

7. in: UIA,International Architect, London, N° 6,1984,p.28 8. L'Indoné~ie est un pays de 160 millions d'habitants, avec

des disparités culturelles régionales extrêmement fortes.

Autre-fois grand empire hindouiste et bouddhique, i l est aujourd'hui le plus grand pays islamique du monde avec 140 millions de musuLmans. Depuis La montée du fondamen- talisme islamique, d€ nombreux heurts ont lieu entre le parti musulman extrémiste et le gouvernement-

9. in: Far Eastern Economie Review, 16 April 1987, p.54-5 10. in: Mimar, 4/1982,p.36-41

11.~ln: Mimar, 13/1984,p.43-6

12. in: !·Umar, 19/1986,p.18: 15 étages, soit 40 logements de 250 m2 chacun et un penthouse de 1000 m2.

13. centre commercial de 6 étages (8500 m2 au sol,30 000 m2 de commerces, 30 000 m2 de parkings soit 1000 places), tour de 15 étages de bureaux (1600 m2 au sol, 24 000 m2 de bu- reaux) .

14. in: UIA, International Architect, London, N° 6,19~,p.21

(18)

22

15. in: Mimar, 12/ 1984,p.32-9

16. C.Robin, D.Jeannel, H.Y.Shin, les espaces hybrides à Séoul Paris 1985, Recherche S.R.A.

17. H.Engel, The japanese house, Tokyo 1964; Measure and cons- truction of the japanese house, Tokyo 1985; et Open House International, vol'.12,N° 2,1987

18. in: Mimar, 7/1983,p.52-9; 20/1986,p.69-78

19. in: UIA, International Architect, London, N° 6,1984,p.40 20. in: "The Aga Khan Award for Architecture", rapport du

jury 1986, et The Aga Khan Award for Architecture 1980, 1983, 1986; Architecture and community, Aperture Ed. 1983, Architecture in continuity, Aperture Ed.,1985.

21. Il convient de préciser que par "architecture musulmane", on n'entend pas uniquement les édifices religieux, mais l'ensemble de la production architecturale des pays musul- mans.

(19)

24

CONFERENCE D'Alain VIARO

DISCUSSION

P.GROSBOIS-Je suis très content qu'Alain bien déblayé ~e terrain afin de me permettre, je ne suis pa'S anthropologue, d'aborder une sur l'identité culturelle.

VIARO ait alors que réflexion

Si on s'interroge sur la naissance de l'architecture moderne on s'aperçoit qu'au début du siècle des gens comme A. LOOS dans des manifestes très célèbres ont décidé de supprimer les éléments ayant rapport aux signes et aux symboles en insitant sur leur aspect néfaste. Et ce n'est pas un hasard si c'est à Vienne dans un pays comme l'Autriche que LOOS s'est lancé dans une croisade contre l'élément décoratif. En effet, l'Autriche était justement un rassemblement de toutes sortes d'identités culturelles en train de mourir. Face aux combats pour l'identité culturelle et à la menace qu'ils représentaient se développe une lutte contradictoire qui tente de supprimer ces éléments conflictuels pour y substituer une identité culturelle à caractère universel. Celle-ci est exprimée par LOOS qui poursuit en cela l'oeuvre de mouvements de pensée du XVIIIième qui se manifestent désormais dans l'architecture.

Toutefois cette reflexion ne se réduit pas, hormis l'aspect colonial, à une domination, i l faut plutôt la voir comme une lente imprégnation d'une culture donnée par d'autres civilisations. A la fin du XIXième l'archéologie et la constitûtion de grands musées qui peuvent être considérées comme un pillage peuvent également appara!tre comme une volonté de comprendre un certain nombre de choses. De même les différents mouvements artistiques qui puisent abondamment dans ces différentes civilisations, sans mépris mais en y un caractère artistique (ex. PICASSO, C 1 es:t ause:i la démarche de LE CORBUSIER qui dans

voy~e en Ori'4!nt appréhende un certain nombre de lllOdêl-es. culturels d 1 identité, de construction, et en

rapporte des él~ts.

La civilisation occidentale ~ un moment donné puise abondamment dans les autres civilisat±ons pour tenter d'en tirer des éléments universels. Mais cet élément universel n'est pas uniquement imputable au désir de possession, i l renvoit également au désir de calmer le jeu d'un certain nombre de nationalismes. En particulier après la guerre de 14-8 on tente de favoriser l'interconnaissance des identités culturelles (Société Des Nations, Cité Universitaire ... ). Si l'identité culturelle est au-s.s·i perçue comme source de conflits,

(20)

25

elle donne lieu à une refonte dans l'universel. Cette idée apparaît très bien dans la Cité Universitaire et dans l'attitude de LE CORBUSIER et d'autres qui recherchent des solutions en termes plus raisonnés (cf.

VIOLLET-LE-DUC Dictionnaire raisonné de l'architecture), plus "scientifiques". Et par ce raisonnement il s'opère un retour aux architectures traditionnelles.

L'attitude ::universelle peut être vue comme une refonte des différentes identités culturelles. Quand LE CORBUSIER intervient aux Indes à la demande de NEHRU, il n'arrive pas en position dominante mais tente d'apporter une réponse concernant les identités culturelles. Cette tentative est faite avec son soucis d'observation des éléments physiques et géographiques, et en incorporant dans les éléments humains, le problème de l'évolution.

LE CORBUSIER retrouve des éléments de l'identité culturelle physique dans une approche qui procède par le lieu. Il faut donc aller au dela des éléments immédiatement perceptibles sous peine de penser que certains architectes sont plus sensibles aux éléments culturels parce qu'ils réincorporent certains signes alors qu'il faudrait tenir compte du mode de vie.

Il faut insister sur le fait qu'il y a des éléments de l'identité culturelle qui passent à travers les symboles et les signes mais qu'il y a également les usages. Usages qu'on voudrait voir, non pas en terme passéistes mais dans leur évolution. Ces pays connaissent un changement social qui rencontre parfois une typologie de l'architecture qui date des années 50.

Qu'en est-il architecturalement? Est-ce que le mouvement postmoderne avec ses nouveaux signes et ses symboles traduit ces changéments profonds? Il faut évoquer là, LE CORBUSIER et le mouvement de l'architecture moderne qui se sont soucié des transformations de l'usage. Si les recherche sur l'usage s'étaient poursuivies sur la voie amorcée en 1920-30, l'architecture contemporaine n'en serait pas là. Il y a.aLt dans les constructions de LE CORBUSIER uae rêfé:ence A des modes de vie nouveaux qui étaient en trai:n de .sa me-ttre en place. Le renouvellement n'était pas aJCé sur 1e s-iqne et le symbole mais se peDChait sur les améRagemen ts intérieurs .

Il faut revenir sur la pm:tinen-ce. de ces questions face au ~ et l'inflation de 1'6clectisme des projets actuels. Si on ne se conten~ait paB d'aborder l'identité culturelle par la forme pour faire appel à l'usage, i l s'en suivrait un rebondissement considérable même au ·niveau des concours· d'architecture. Et c'est ici que l'anthropologie peut nous aider, dans l'enseignement comme dans la pratique professionnelle à cerner plus exactement non plus des usages figés, mais des usages en évolution.

(21)

2G

Nold EGENTER - Vous adoptez un point de vue d'historien qui décrit l'espace dans le temps. L'exemple de Singapour nous montre que le changement n'est pas uniquement une question de forme architecturale mais concerne une structure fondamentale, i l ne s 'agit pas seulement de style mais de sémantique. Et ce qu'on perd dans cette .. architecture c'est un sémantisrne d'orientation.··· et là le point de vue de 1 'historien d'art ne suffit plus, il faut se donner la peine de comprendre par l'intermédiaire de l'anthropologie.

Christelle ROBIN - Justement, i l faut réfléchir sur cette prise de conscience par l'Europe des architectures extérieures. Si on observe l'époque du développement des exotismes et des orientalismes dans la seconde moitiée du XIXième, i l faut constater que dans certains domaines du savoir cela s~est concrétisé par certaines institutions: recherches linguistiques, Langues Orientales, études sanscritistes. La langue et la culture étrangère a été érigée en objet de connaissance et de savoir. Mais dans l'enseignement de l'architecture i l n'y a pas eu une telle institutionalisation du savoir, les formes d'élaboration d'un savoir sur l'architecture des autres a été plus aléatoire et le transfert dans notre culture ne s 'est pas opéré directement par l'architecture mais a suivi des phénomènes de capilarité sociale. Et i l y a là une spécificité de l'architecture en tant que savoir qui peut se transmettre par l'image, car pour une langue le problème se pose en terme de compréhension alors que pour l'architecture il est possible d'emprunter des signes sans connaître la sémantique .

Il y a là une voie d'investigation

.

d'envisager les identités culturelles l'architecture.

permettant à travers Equipe de Nantes

(1) -

En fait i l semble que dans ce débat l'un fait l'éloge de la différence alors que L'autre f:a:i.t ce~ui de l'univ.ersalité. J'ai l'impression

~ ce p2:Uip0&, qu'il appar.a:.it une quête de vérité unique qui se f-e±:t jour au XIXiàae et au Uiême siècle dans la pensée occidentale. Et je pense que. se- soit encore la perspective d'un aathrapo-l'ogue coane .LEv.I-srMDSS qui es-saie de trouver des traits. uni.versauz dans· la différence. Alors que ce qu'an reti'811t de aon oeuvre, c'est la réhabilitation de cultures qui semblaient secondaires ou inférieures. Il a complètement inversé la problématique du progrès qui était particulière au X!Xième et s'est poursuivie au XXième en restant le mode conceptuel sur lequel travaillent les architectes.

Ceci explique un certain nombre de ruptures qui se traduisent dans l'architecture concrète. Prenons 1 'exemple du tra-vail d' ECOCHARD qui travaill.ait sur le

(22)

terrain et qui était plus sensible que LE CORBUSIER aux questions de différence. Mai s pour lui l'habitat Marocain n'était qu'une étape provisoire car il fallait rejoindre le niveau de vie des européens.·

Je suis d'accord avec A. VIARO sur la nécessité d'accumuler une somme de connaissances anthropologiques sur l ' habitat: mais cela me paraît possible dans un travail sur l~s usages plutôt que sur les signes et les symboles. Il y a d'ailleurs une contradiction chez VIARO qui consiste à rejeter l'opposition moderne/traditionnel en défendant une connaissance traditionnelle. Cette opposition est un peu rapide mais correspond néanmoins à une réalité. Georges BALANDIER donne bien la réponse à ce problème dans son dernier ouvrage Détours où il distingue 5 formes de traditionnalisme, isolant un traditionnalisme de contenu qui est porté par toute une société qui n'en a pas conscience et un traditionnalisme de surface qui est l'expression d'une classe qui fait de la surenchère pour affirmer sa différence culturelle dans un contexte politique. Cela donne une clef dans l'explication de la production des formes. Par exemple au Maroc on construit aujourd'hui dans le genre "rue de Rivoli" avec un discours du Roi s'y rapportant, et dans d'autres quartiers d'habitation on découvre l'expression d'une identité qui n'est pas conscientisée et où ressortent les "habitus" comme dirait BOURDIEU, c'est à dire des manières d'être et de penser qui sont profondément enracinées dans le système de représentation et les pratiques.

S'il parait essentiel d'établir une connaissance architecturo-anthropologique, ce ne peut être en restant uniquement dans un modèle traditionnel puisqu'il s'agit de sociétés en évolution.

Alain VIARO - Dan~ ce débat i l y a une contradiction apparente entre le moderne et le traditionnel. Alors qu'une observa..t.ion fai t Constater que des modes d'usage peuvent s.ubsi.s:ter s'ils existent sous une forme moderne.

Prenons l'exeuq•le de Bali où il y a una identité culturelle extrêmement forte qui n'empêche pa-s de construire un habitat moderne en accord avec la religLon et 1es orientations traditionnelles. Il faut dépasser le conflit moderne/traditionnel et envisager la manière de vivre &a culture dans quelque structure physique que ce soit.

Quant à la question des avant-gardes et de leur utilisation de tout un vocabulaire exotique africain, cela ne concerne que les avant-gardes artistiques et non pas les ·architectes. Dans le domaine de 1 'architecture i l y a une volonté de dépouillement, de modernisme et d'utilisation de la technique qui caractérise le mouvament moderne. Mais i l n'y a pas, à quelques exceptions près, de remise· en question de 1 'art à partir

(23)

28

de la connaissance des arts des autres.

P

.

G. - Il

y

a une remarque que P

.

BOUDON ferait mieux que moi. On constate que les gens appelaient le Pessac:

les "marocains"

.

Et il

y

avait un refus d'un habitat ne correspondant pas

à

leur culture.

A. V. - Mais cette question des toits plats me paraît intéressante

~~ar

si on reprend une déclaration de

LE

CORBUSIER de

1928

on constate que son argumentation porte sur des notions modernes de technologie de l'habitat en fonction d'une certaine idéologie machiniste.

P.G. - Mais dans l'architecture le texte est le mode d

'

expression le moins fiable

.

L'architecture s'exprime par des espaces, par des volumes et pour juger une oeuvre on peut lire'les écrits mais il faut aussi se placer dans les espaces et les appréhender en terme de perception, d'usage et de reconnaissance de forme.

LE

CORBUSIER peut très bien écrire une chose et parallèlement s'exprimer autrement par l'intermédiaire des volumes qu'il construit.

N.E. - En ethna-architecture on ne peut pas étudier un bâtiment abstrait de ses conditions culturelles. Par exemple dans l'architecture japonaise pour un temple shinto il est Lmpossible d'appréhender sa réalité par l'intermédiaire d'une photo qui l'isole des rites, de la tradition cultuelle. Les formes s'expliquent avec des fonctions rituelles et cultuelles.

Ainsi on peut se demander si ces architectes qui reçoivent une formation élitaire ne se trouvent pas coupés de cette réalité, et n'en viennent pas A prendre lea formes sans les comprendre. Alors que dans cette etno-archi tecture il faudrait avoir une

.

compréhension lnrt.hr.opolog:ique

de l.a

cul ture pratiquée et pas seulement

écrite.! ·

A.V. -

J'ai

peur qu'on se aoi.t lais.sé

pièger par

· les

formes. J'attache au:taRt.

d'~- dams

sa démarche

A une

tour

de

conatruct:i.on

réceate de B·rrgtck- qu'&:.

une maison traditionnelle...

En

tait, 1 'arclrl

tecta prodlli

t une forme, lorsqu'il s'agit d'un

bon

architecte,_

qai

ao.tt le- reflet de l'identité culturelle idéalisée

qu'ont

laa utilisateurs de celle-ci.

Déjà

au XIXième

aièci•,

a

classe dominante Thaï a toujours voulu déve1opper sem identité culturelle sur l

'

appel A

~

références, les bâtiments gouvernementaux de cette époque ont

été

construits par des a-rchitectes italiens en style néo- vénitien, gothique et autre, les habitations des riches marchands chinois sont en style colonial fait par œu

architectes anglais sur des catalogues où on retrouve absolument toute l'iconographie idéalisée occidentale.

Cela correspondait a. usBi l leur ideutité.

(24)

,_. __ ,

29

Quand je dis qu'il faut s'interroger, c'est à travers l'histoire, car le postmodernisme qu'on accuse de tous les maux ne date peut-être pas d'aujourd'hui, et i l faut s'interroger sur les images d'identité culturelle qu'ont les gens qui désirent vivre dans un objet ou un environnement bâti. Et i l y a un autre domaine qui est celui de l'e~hno-anthropologie classique qui tente d'analyser leé modes de vie, les usages, les espaces, etc.

Ma problématique consistait à sortir d'un domaine, qui, sans qu'il soit connu, commence à être défini: le domaine de l'anthropologie de l 'habitat. Mais dans les formes produitent par l'architecture d'aujourd'hui, n'a t-on pas aussi affaire à une anthropologie de l'habitat fondée sur les mêmes réalités tangibles mais qui sont dans l'esprit de l'ut~lisateur: l'image qu'il a de son identité.

N.E. - Mais si on prend un exemple comme Chandigarh, i l est heureux que se soit un échec, parce que s'était sur une dimension telle que tout le monde pouvait en prendre conscience. Alors que dans des projets au niveau d'un quartier, i l facile de passer sans la remarquer devant la souffrance des habitants. Je pense que les problèmes sociaux qui affectent les villes aujourd'hui ont à voir avec l'architecture.

x -

Je me demande si A. VIARO ne privilégie pas des bâtiments qui sont déjà consacré, et l'on peut se demander quelle est la fonction de ceux-ci dans la ville. D'une certaine manière on peut comprendre qu'ils ont une fonction monumentale< symbolique, qui est la gfonction traditionnelle qu'incarne subtilement les pouvoirs, qu'ils soient d'état ou économique. Or i l est certain que ce genre d'architecture est une architecture du regard. Il se pose donc la question de l'usage quotidien de la ville, et i l faudrait savoir quelles sont 1~ parties de la population qui fréquentent ces zones- centra.les de la vi.l.le.

car

i l est certain qu'une vaste partie de- la popul a•ti.rm des périphérie n'est même pas admis:e à connai.tre cela.

Je voudrais mettre cela en r-apport a-YeC la pra-tique de l'anthropologie qui prend en compte une société dans sa diversité et dans sa totalité. La tradition anthropologique a été très s-ens.ib~e aux formes d'expression spatiale et pratique: on peut se réflrer à MAUSS avec Les variations saisonnières dans les sociétés esquimaux, ou à LEVI-STRAUSS avec Tri-stës~opiques.

Mais le terrain privilégié de l'anthropologue étant les sociétés africaines, indiennes, ou asiatiques, cela n'a jamais été reconnu comme architecture car i l s'agissait d'habitat fragile ou éphémère. Et si aujourd'hui on se pose la question du rapport anthropologie/architecture,

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