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View of Illustration et construction narrative - Avant-propos

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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IMAGE [&] NARRATIVE Vol. 17, No.1 (2016) 1

Illustration et construction narrative -

Avant-propos

Carole Cambray & Xavier Giudicelli

Abstract

Presentation of special issue « Illustration and Narrative Construction »

Résumé

Présentation du numéro spécial « Illustration et construction du récit »

Keywords

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À l’heure où se manifeste un intérêt croissant pour l’adaptation de textes de fiction à travers différents mé-dias contemporains (films, séries télévisées, bande dessinée, roman graphique), nous avons souhaité revenir à cette forme première d’adaptation visuelle d’œuvres littéraires qu’est l’illustration. Comme le soulignait déjà Alain-Marie Bassy en 1973 dans une étude novatrice : « L’illustration naît d’une lecture : elle est véri-tablement une lecture privilégiée. L’illustration, véritable diastase du livre, fait donc ainsi passer à l’état de “signifié” – un des signifiés possibles – le “signifiant” constitué par l’œuvre littéraire » (Bassy 8). Une suite d’illustrations fait advenir un possible narratif, vient redoubler le texte et se constitue ainsi à son tour en récit. Comment se construit ce récit visuel ? En quoi la mise en séquence ajoute-t-elle une dimension temporelle, absente de l’image considérée dans son seul rapport au passage qu’elle illustre ? L’emplacement des images dans le texte détermine-t-elle et/ou modifie-t-elle la perception que le lecteur a du récit, dans la mesure où ces illustrations suscitent une certaine manière de voir/lire ce récit ?

Le livre illustré est un objet unique qui sert de support d’expression à deux subjectivités, à deux sen-sibilités différentes : l’auteur et son illustrateur. L’étude de l’illustration conduit à explorer les rapports com-plexes qui se tissent entre le texte et l’image et à interroger ce que produit cette juxtaposition, cette rencontre de deux subjectivités et de deux systèmes de signes au sein d’un même objet. Les articles rassemblés ici se proposent plus particulièrement d’envisager la manière dont une suite d’illustrations se constitue en récit vi-suel dans son rapport dynamique au texte et d’analyser les processus en jeu. Dès lors que le texte relève du genre du récit, il convient de s’interroger sur la manière dont l’illustration participe de la construction de ce récit. Mais l’illustration nous invite également à considérer l’histoire de la réception des œuvres, en ce qu’elle modifie notre perception des textes littéraires.

Si le geste de l’illustration se fonde sur une rencontre de deux subjectivités, il est un cas faisant no-tablement exception, et ce depuis l’exemple de William Blake : celui où l’auteur est également son propre illustrateur, c’est-à-dire ce qu’il est convenu d’appeler le processus d’auto-illustration. Deux articles de cette publication en font état : celui d’Hélène Martinelli sur Bruno Schultz et celui de Maurice Geracht sur William Makepeace Thackeray. Thackeray illustra tous ses propres romans et Geracht analyse ici une œuvre moins connue que Vanity Fair, The Virginians.

Les études de cas réunies ici envisagent la question de l’illustration – et de sa contribution à la con-struction du récit – dans toute sa diversité, du livre médiéval (Beck) au roman graphique (Bellenger), des pub-lications pour bibliophiles (Ionescu, Delmas) à la littérature dite « populaire » (Bacci). L’illustration, objet hy-bride, au carrefour des études littéraires, de l’histoire de l’art et de l’histoire de l’édition, invite à une approche comparatiste et interdisciplinaire. Ce volume, qui croise les regards de spécialistes de littérature britannique, espagnole, allemande, polonaise, italienne et française, en est le reflet.

Les articles soulignent que la lecture du texte que proposent les illustrations est intimement liée au lectorat visé et à l’objet qui les contiennent. Le dialogue qui se noue entre le texte et l’image dans le cadre d’une édition illustrée est celui du passé et du présent, d’un double présent, en réalité : celui de l’illustrateur qui, souvent a posteriori, donne corps au roman, et celui du lecteur qui pose son regard sur ces illustrations. Ce jeu de regards, cet entrelacs du passé et du présent, renouvelle la perception de l’œuvre. Ainsi, ce que dit Jean Starobinski de la réception dans la préface à Pour une esthétique de la réception de Hans Robert Jauss pourrait s’appliquer à l’illustration :

Il apparaît très clairement que toute œuvre d’art s’élabore d’emblée comme interprétation poétique d’un matériau à interpréter ; qu’à son tour l’œuvre d’art devient objet d’interprétation pour une lecture tantôt naïve, tantôt critique, laquelle produit une nouvelle œuvre soit en percevant dif-féremment le texte reçu, soit en le doublant d’un commentaire, soit enfin en le récrivant de fond en comble. (Starobinski 17).

Généralement seconde dans l’ordre de la création, l’image est souvent perçue en premier dans l’ordre de la lecture, et l’horizon d’attente ainsi créé modifie en retour la perception que le lecteur/spectateur a du texte. L’illustration joue un rôle à la fois dans la construction du récit et dans la construction du sens que l’on donne à un texte à un moment donné de son histoire.

Nous avons choisi de privilégier une approche chronologique en ouvrant ce volume avec l’article de Lauren Beck. Celui-ci s’inscrit dans une démarche diachronique et suit les métamorphoses du personnage

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du Cid dans le livre illustré espagnol, du Moyen Âge jusqu’à l’époque franquiste. Il souligne la dimension idéologique que recèle l’illustration, notamment pendant la période franquiste. Un autre récit se construit ici en filigrane : une célébration des valeurs nationales.

Dans son article sur The Virginians de William Makepeace Thackeray, Maurice Geracht montre que les illustrations mettent au jour l’implicite idéologique du texte et ajoutent à la dimension problématique du roman de Thackeray. Là où l’on pourrait s’interroger sur la distance ironique du narrateur, l’illustration semble confirmer les préjugés racistes de l’auteur et lever toute ambiguïté.

Giorgio Bacci se penche sur la place et le rôle de l’illustration dans la littérature dite « populaire », à travers l’étude de deux romans à succès, l’un de Carolina Invernizio (Spazzacamino, 1911), l’autre d’Elisabeth Werner (Buona Fortuna!, 1922), tous deux publiés par l’éditeur florentin Salani. Dans les deux cas, les illus-trations orientent le sens du texte vers une lecture de type idéologique. Ces illusillus-trations, destinées à un lectorat féminin et issu des classes moyennes et populaires, ont une incidence sur la réception du roman, dont elles proposent une interprétation sentimentale, et donc conservatrice, au détriment d’une lecture plus politique et donc subversive.

L’étude, proposée par Christina Ionescu, de la version du Candide de Voltaire illustrée par l’artiste Rockwell Kent (Random House, 1928), ouvrage qui constitue un jalon important dans l’histoire du beau livre américain, s’inscrit également dans une réflexion sur la réception d’une œuvre, ici au-delà des frontières natio-nales. Cet article s’intéresse aussi à la notion de séquentialité, à la manière dont les images de Rockwell Kent reconstruisent le récit de Voltaire, l’infléchissent et ré-orientent le regard du lecteur/spectateur : les images – dans leur triple articulation au passage dans lequel elles prennent source, à l’avant et à l’après du récit dans lequel elles s’inscrivent, et à l’ensemble des images dont chacune ne forme qu’un maillon – contribuent à la construction visuelle du texte et en livrent une lecture.

Marie-Laure Delmas se penche quant à elle sur un recueil iconographique que les éditions Borderie publient en 1977 : Cent gravures d’époque pour illustrer La Nouvelle Justine ou les malheurs de la vertu

suiv-ie de l’Histoire de Julsuiv-iette, sa sœur de Sade, supplément à la revue Obliques consacrée au marquis de Sade,

parue la même année. Corpus iconographique exogène, cette suite d’images, non juxtaposée au texte, fondée sur une contrefaçon de 1835 (et non sur l’original de 1797), construit un récit parallèle, qui modifie le sens du texte, et contribue à l’élaboration du « mythe Sade ».

Plusieurs articles mettent en lumière la manière dont l’illustration peut se constituer comme contrepoint au texte, voire comme contrechamp/contre-chant. Patricia Viallet s’interroge ainsi sur la notion de récit visuel en s’appuyant sur une étude de la transposition de du conte de Hoffmann Le Petit Zachée surnommé Cinabre, que réalise l’artiste berlinois Steffen Faust. Elle souligne in fine que cet ouvrage marque une inversion du rap-port de subordination de l’image par raprap-port au texte, le visuel prenant ici le pas sur le textuel.

Cette discordance entre texte et image est également mise au jour par Hélène Martinelli. Elle montre que le geste d’auto-illustration trouble le binaire texte/image ainsi que la hiérarchie entre illustration et récit qu’elle accompagne : dans son étude du Sanatorium au croque-mort (1937) du Polonais Bruno Schultz, elle avance l’hypothèse que les illustrations de l’auteur constituent une forme de narration concurrente.

Parmi les tentatives de renouvellement du rapport texte/image dans le livre illustré, il existe une dé-marche inverse, consistant non pas pour l’illustrateur à s’emparer d’un texte, mais pour l’auteur à s’emparer d’illustrations préexistantes, comme le démontre Anne Isabelle François dans son article sur Walter Moers et Gustave Doré. Dans ce qu’elle décrit comme un processus à rebours, le récit est inspiré par des illustrations, elles-mêmes inspirées par des récits. L’ouvrage de Moers construit un récit à double entrée, selon le public, jeune ou adulte, auquel il s’adresse, établissant notamment un rapport de connivence avec le lecteur adulte doté d’une connaissance de l’œuvre de Gustave Doré. Cela n’est sans doute pas sans lien avec la double com-pétence de Moers, à la fois dessinateur et écrivain, auteur de bandes dessinées.

Dans son article sur From Hell, Yannick Bellenger explore le cas du roman graphique et la redéfini-tion de la dynamique narrative que ce medium induit. Partant de l’étude d’illustraredéfini-tions tradiredéfini-tionnelles de The

Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde, elle montre que celles-ci restent subordonnées au récit de Stevenson,

ou redondantes par rapport à celui. Le roman graphique d’Alan Moore, à l’inverse, renouvelle la dynamique texte/image et interroge la structure narrative du roman de Stevenson.

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nouvelle le rapport texte/image et la pratique de l’illustration en se réappropriant des pratiques iconographiques et textuelles japonaises dans deux de ses romans récents, Black Swan Green (2006) et The Thousand Autumns

of Jacob de Zoet (2010), relevant tous deux du genre de l’autobiographie. Elle met au jour le statut hybride ou

ambigu des illustrations dans ces deux œuvres : entre « fait » et reconstruction fictive de la mémoire.

Ce sont là autant de démarches qui visent à montrer l’illustration dans la diversité de son rapport au récit dans lequel elle prend source. Qu’elle soit postérieure au récit, comme c’est le plus souvent le cas, con-temporaine de celui-ci, voire antérieure à lui, l’illustration participe toujours de la construction d’un sens, lequel revient en dernière instance au lecteur/spectateur.

Bibliographie

Bassy, Alain-Marie. « Iconographie et littérature. » Revue française d’histoire du livre, publiée par la société des bibliophiles de Guyenne, n° 5, 1973 : 3-33. Print.

Starobinski, Jean. Préface à Hans Robert Jauss. Pour une esthéthique de la réception. Trad. Claude Maillard. Paris : Gallimard, 1978. Print

Carole Cambray est Maître de conférences en littérature britannnique XIXème siècle. Université Paris Diderot

Email: carolecambray@yahoo.fr

Xavier Giudicelli est Maître de conférences en littérature britannique. Université de Reims Champagne-Ardenne, CIRLEP

Références

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