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Du bon usage de l'engrais en politique : introduction à la modernisation

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la modernisation

Sabine Planel

To cite this version:

Sabine Planel. Du bon usage de l’engrais en politique : introduction à la modernisation : Introduction à la modernisation agricole en Ethiopie. Annales d’Éthiopie, De Boccard/Centre Français des Études Éthiopiennes 2012, p.261-281. �hal-01418320�

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Introduction à la modernisation agricole en Éthiopie

Sabine Planel

Cet article procède d’une ambition modeste qui consiste à développer une note de bas de page du rapport de Sarah Vaughan et Kjetil Tronvoll sur la culture politique de l’Éthiopie contemporaine :

« A point of concern is the frequent conflation of the role of tax collection with that of the agricultural development agents; even where extension agents are not explicitly involved in tax collection, they are often associated with pressure for repayment of credit loans related to the extension packages, and these involvements, usually perceived as repressive and negative, do little to enhance their capacity to play a positive part in animating communities for social change » (Tronvoll, Vaughan, 2002 : 29). La modernisation agricole représente en Éthiopie un enjeu de développement majeur. Avec 83% de la population dépendant d’activités agricoles, avec 41% du PIB et 75% des entrées en devises étrangères issues de l’agriculture, le développement des campagnes et l’intensification de la production agricole sont considérés depuis longtemps par le gouvernement éthiopien comme le moteur du développement national. Les objectifs de sortie de la pauvreté attendus par ces politiques tardent à se faire sentir et les débats ressurgissent – en interne – à propos d’une reforme de ces politiques1.

Parmi les diverses contraintes qui pèsent sur la mise en œuvre de la modernisation agricole, nous traiterons plus spécifiquement des enjeux de gouvernance locale. La réalisation de la modernisation agricole renforce et s’appuie sur un appareil politique et développemental très spécifique à l’Éthiopie, qui se caractérise par une profonde hybridation entre des mesures de développement et des logiques de contrôle politique2 ; par son ancienneté – en dépit des changements

idéologiques expérimentés par les différents gouvernements éthiopiens – ; et par une forte proximité avec le milieu local. Ce dispositif de gouvernement est un objet très complexe timidement abordé par la littérature.

1 http://www.ata.gov.et (site consulté le 1er septembre 2012).

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Il y est plus communément présenté comme un appareil politique, dont l’analyse en Éthiopie recouvre principalement les questions institutionnelles de la décentralisation ou du fonctionnement de la structure fédérale3. Aujourd’hui

toutefois, ces études ne se réduisent plus à des analyses de structure, elles intègrent de plus en plus la dynamique politique et les questions de gouvernance locale dans une approche parfois culturaliste du pouvoir (Bahru Zewde & Pausewang, 2002 ; Vaughan & Tronvoll, 2003 ; Lefort, 2010 ; Aspen, 2002 ; Freeman & Pankhurst, 2003). Ainsi commence à se constituer un champ de réflexion sur les mouvements collectifs qui concerne également l’espace rural et donne réellement chair à l’analyse politique4. C’est dans ce courant que nous inscrivons notre approche.

En tant que géographe, nous nous intéressons à la dimension spatiale de cet appareil gouvernemental et proposons une approche de l’encadrement de l’espace en Éthiopie conçu comme une production spatiale du Developmental State. Nous pensons que l’encadrement de l’espace constitue une réalité polymorphe, une technique du politique. À la dualité de ses objectifs – association de logiques étatiques (institutionnelles voire partisanes) à des logiques de développement proprement dites –, il faut ajouter la dualité de sa structure ; il est matériel et immatériel à la fois. Il constitue un encadrement tangible de l’espace, que l’on peut mesurer, localiser mais également une pratique, une façon de gouverner et en l’occurrence de transformer les populations et les espaces ruraux. Dans le contexte éthiopien, la dynamique de l’encadrement l’emporte sur la structure, la première nous semble plus à même de comprendre les contraintes et obstacles qui entravent la modernisation agricole. Elle demeure toutefois difficile à appréhender, du fait de son caractère politique mais également du fait de la grande hétérogénéité des campagnes éthiopiennes.

D’un strict point de vue développementaliste, soucieux de la transition économique et sociétale du pays, de sa transformation rurale et non simplement agricole, un tel positionnement conduit à une lecture très critique des options développementales retenues par le gouvernement éthiopien ; lecture qui ne fait toutefois pas l’objet de cet article. Les questions de l’efficacité des politiques de développement, de son caractère démocratique, à tout le moins participatif, font réellement débat ; l’autoritarisme des pratiques éthiopiennes ne suffisant pas à expliquer son inefficacité. Depuis peu, l’existence, et la reconnaissance, d’un paradigme développemental éthiopien se pose avec une acuité grandissante, notamment, nous le pensons, depuis l’instauration en 2011 du Growth and Transformation Plan (GTP). Profondément inscrite dans l’espace éthiopien, la dynamique que nous étudions, qui organise tout à la fois l’espace, le politique et les transitions sociétales constitue l’échine de la géographie éthiopienne. Elle est difficilement contournable et imprime une tension politique forte aux espaces locaux, tension qui organise le jeu d’acteurs, pèse sur les initiatives économiques des

3 Voir pour les principaux : Pausewang, 2002 ; Mehret Ayenew, 2002 ; Teferi Abate Adem, 2004 ;

Abbink, 2009 ; Turton, 2006.

4 Voir les analyses de Poluah (2002) sur la structuration de la société rurale, sur les mobilisations

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acteurs locaux et contraint donc la mise en place des politiques de développement en milieu rural.

La modernisation agricole représente un des leviers majeurs de l’État sur le monde rural, un de ses principaux vecteurs de pénétration. Sa mise en œuvre est ancienne et aujourd’hui généralisée. Elle concerne l’ensemble du territoire éthiopien et engage toutes les échelles décisionnaires. Elle a longtemps été pensée comme une solution technique à un problème de mal/non développement rural qui relève pourtant d’une autre nature et a ainsi promu depuis plusieurs dizaines d’années une série de mesures techniques variées5. Nous traiterons de la mesure la plus

emblématique de ces politiques, la distribution d’un « paquet technologique » composé d’engrais et de semences améliorées.

L’étude des vecteurs et modalités de diffusion de cet intrant agricole constitue un très bon objet d’analyse du politique en milieu rural6. D’abord parce qu’il révèle

la structuration politique des espaces locaux, son adoption par les populations locales éclairant les rapports de force localisés, mais surtout parce que son instauration n’est pas totalement dépourvue d’objectifs de contrôle ou de structuration par la politique des sociétés et des espaces locaux.

Nos conclusions s’appuient sur diverses opérations de recherche7 : une

recherche en deux étapes réalisée sur le Wolaita depuis le début des années 2000 (dans une région qui expérimenta très précocement la modernisation agricole) et des missions plus brèves réalisées en 2010, 2011 et 2012 dans des régions plus marginales ou moins agricoles qui connurent plus tardivement et selon différentes modalités l’instauration des politiques de modernisation agricole (Gonder nord, Sud Omo, Afar, Sud Wollo). Les matériaux collectés furent divers : données statistiques obtenues dans les administrations locales (wereda et qebelé) visant à mesurer le taux d’encadrement, entretiens avec des agents de développement et enquêtes auprès des paysans. Notre méthodologie s’inscrit dans une perspective qualitative, localiste et comparatiste qui privilégie la compréhension des mécanismes de mise en œuvre d’une politique publique (adoption ou résistance8) davantage que sa mesure, en

considérant que le niveau local est mieux à même de renseigner sur les arrangements réels qui participent de sa mise en œuvre. La représentativité de nos analyses provient d’une confrontation répétée avec des contextes locaux variés, bien distincts les uns des autres, davantage qu’elle ne repose sur un seuil quantitatif d’enquêtes9 ou la représentativité de données statistiques.

5 Voir les développements de René Lefort sur le « mythe du tracteur ».

6 À l’instar de la redistribution des terres, du déplacement des populations pour ne citer que les

principaux. Voir les travaux de Harald Aspen, Svein Ege, Alula Pankhurst.

7 Les enquêtes furent réalisées dans le cadre d’une thèse (de 1999 à 2001) puis dans le cadre d’un

programme de recherche conduit en collaboration avec l’IRD/CFEE/AUU (de 2010 à 2012).

8 Les enquêtes se sont focalisées sur la distribution du « paquet technologique » (engrais et semences

améliorées).

9 Nous avons ainsi réalisé environ 188 entretiens dans des régions diverses. Soit 16 paysans et 28

fonctionnaires locaux dans le Wolaita (Humbo et Damot Sore wereda), 17 paysans et 8 fonctionnaires locaux dans le pays Hamer, 14 et 3 dans le pays Borana, 25 et 3 dans le Sud Wollo, 25 et 19 dans l’Aoussa, et 30 paysans dans le Nord Gonder.

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Il s’agit dans cet article de présenter les résultats préliminaires d’une enquête en cours et de proposer une grille de lecture du phénomène davantage que l’analyse détaillée des résultats obtenus. Le caractère schématique de notre propos s’explique donc à la fois par ce niveau d’inaboutissement mais également par la volonté de produire un éclairage au niveau national et de minorer ainsi les particularismes locaux qui participent pourtant d’une compréhension fine du phénomène. Ce faisant, nous posons dans cet article le jalon introductif d’une réflexion en construction sur les techniques du politique en Éthiopie10, et plus prosaïquement

une présentation schématique de la modernisation agricole éthiopienne. Un dispositif de développement ancien et hybride

En Éthiopie, la modernisation agricole est ancienne11. Elle a débuté dans les années

1930, avec la création du collège agricole d’Ambo en 1931, mais son extension ne débuta véritablement que sous le Derg. À l’heure actuelle, l’ensemble du territoire national est concerné avec des niveaux de mise en œuvre variables.

La modernisation agricole témoigne de trois invariants majeurs guère sensibles aux changements idéologiques des différents régimes politiques qui l’ont promue. D’une part, elle a toujours été appliquée par l’État avec le soutien de bailleurs de fonds étrangers12. D’autre part, elle a toujours été conçue comme une technique, la

diffusion d’un paquet technologique composé d’engrais et/ou de variétés sélectionnées13. Enfin, elle a produit, co-produit ou s’est appuyée selon les époques,

sur un appareil étatique d’encadrement de l’espace n’ayant pas seulement pour fonction de promouvoir le développement des campagnes. Une symbiose importante lie toujours l’appareil d’encadrement de l’État14 et l’ensemble des

politiques de développement du monde rural. « Party structures at the local level have a significant influence on farmers’ access to resources, such as agricultural inputs and credits » (Spielman, et al., 2006 : 5). Dans le cas des politiques de modernisation agricole, l’imbrication entre ces deux logiques est particulièrement marquée, elle est institutionnalisée par la grande proximité que le Moard15 entretient

avec l’administration du qebelé et par l’emprise qu’il développe sur les autres administrations locales16 ; il constitue donc localement un ministère de premier

ordre.

10 Réflexion que nous conduisons dans une perspective foucaldienne, considérant les relations,

circulations et jeux de pouvoirs à travers le prisme de la gouvernementalité et partant à travers les techniques du pouvoir.

11 Pour un historique détaillé voire Kassa Belay, 2002 : 64-70 ; Davis et al., 2010 : 7-10 ou

EEA/EEPRI, 2006 pour les politiques les plus récentes.

12 U.E, Word Bank, IFAD, African Development Bank, coopération suédoise (SIDA), …

13 Comprehensive package de Cadu, MPP-I (Minimum Package Project) de 1971 à 1974, MPP-II de 1981 à

1985, Sasakawa Global 2000 intégré dans le programme PADETES en 1995(Kassa Belay, 2002 ; Davis et al., 2010).

14 Dans l’article, nous considérons l’État comme une structure duale, relevant du gouvernement et du

Parti.

15 Ministry of Agriculture and Rural Development (MOARD).

16 Le Moard est en charge de la coordination de l’ensemble des politiques de développement en milieu

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Enfin, l’ancienneté de cette pratique du développement constitue un autre attribut fondateur du dispositif actuel. Sur un temps plus ou moins long selon les régions, les remobilisations des structurations socio-spatiales locales ont produit des arrangements qui déterminent les usages et les pratiques politiques locales (Planel, 2008a).

Bref aperçu de la politique de modernisation agricole

Le Wolaita et la région de Chilalo, dans l’Arsi, expérimentèrent précocement la modernisation agricole avec deux projets in situ, WADU et CADU17. Mis en œuvre

sur financements étrangers à la fin des années 1960 et largement impulsés par la FAO, ils devaient tester la possibilité d’une révolution verte en Éthiopie. En référence au modèle indien, il s’agissait de sélectionner les régions aux meilleures performances agricoles et d’y expérimenter à terme les effets de la diffusion d’un paquet technologique. Les résultats furent mitigés, particulièrement pour CADU. Dans le Wolaita, le programme prit assez bien et permit l’établissement d’un réseau de petites infrastructures agricoles, principalement de coopératives et de moulins (Planel, 2008b).

Ce n’est véritablement qu’avec le Derg, que la modernisation agricole prit l’essor et les formes qu’on lui connaît actuellement. L’apport de la réforme agraire sur le développement rural a été largement développé dans la littérature18 et

particulièrement le programme de nationalisation de la terre. Il nous semble toutefois que la mise en place des associations paysannes (Peasants’ Associations - PAs) dans le climat politique de l’époque19 a davantage marqué la physionomie

politique des campagnes et particulièrement les conditions, présentes et ultérieures, de la mise en œuvre des politiques de développement rural ou agricole. L’encadrement de l’espace rural s’est ainsi constitué sur un maillage extrêmement fin des PAs. En dépit des nombreuses péripéties qui marquèrent la modernisation agricole collectiviste, elle est marquée par deux mouvements bien distincts.

Les années qui suivirent 1975 furent principalement consacrées à la mise en œuvre de la réforme agraire et des nouvelles structures d’encadrement du monde rural, la diffusion du paquet technologique fut peu suivie. Ce n’est qu’à partir de 1981 que la diffusion se généralisa (MP-II) et surtout à partir de 1985 avec l’instauration du programme PADEP20 qui réorienta différents aspects des

des intrants, des ressources naturelles et du développement agricole ; l’agence semi-autonome de l’EIAR sur la recherche agricole et l’adaptation de nouvelles technologies ; le bureau de coordination de la sécurité alimentaire ; d’autres ministères comme celui du commerce et de l’industrie, du « capacity building », de l’éducation, de la santé, des transports et des communications, ses bureaux régionaux et locaux ; les centres de formations ; les coopératives agricoles, les associations civiles, les ONG, les entreprises privées de commerce ou transport, et enfin les organismes de micro-finance.

17 Wolaita Agricultural Development Unit (lancement 1970), et Chilalo Agricultural Development Unit

(lancement en 1967).

18 Notamment par les travaux de Dessalegn Ramhato, 1985, 1992 et 2010.

19 Voir l’évolution des Development Committees présentée par Christopher Clapham (1988) dans le

chapitre sur les transformations du monde rural (chap. 7). Voir également Donald L. Donham (1999) sur le contact entre le socialisme scientifique et le milieu local (chap. 7).

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programmes de modernisation agricole : une meilleure articulation avec la recherche agricole, une application régionale plus sélective des programmes, et peu à peu sous l’influence des bailleurs de fonds étrangers, une libéralisation partielle des politiques de commercialisation, toujours sous tutelle, du secteur public21. Enfin, PADED

permit surtout la formation d’un personnel ad hoc responsable de l’application de ces mesures, lesquelles étaient jusqu’alors en charge des autorités locales du qebele. Cela toutefois ne transforma guère les relations entre ces nouveaux fonctionnaires et les paysanneries locales : « Extension messages were not entirely devoid of political objectives and agents were seen by the farmers as governement spokesmen rather than development workers » (Belay, 2002 : 69).

Aujourd’hui, la mise en œuvre des programmes de modernisation agricoles a considérablement progressé : le nombre d’exploitations concernées s’est démultiplié, localement il peut englober 2/3 des exploitants agricoles, et sa couverture géographique s’est étendue, tout le pays connaît actuellement des phases de mise en œuvre variables. Depuis le programme pilote Sasakawa Global 200022 et

sa généralisation avec le programme PADETES23 et tout particulièrement ses

dernières réorientations dues à la mise en conformité avec les objectifs du GTP (Agricultural Growth Program), la libéralisation et la diffusion du paquet technologique ne cessent de croître et de se diversifier. Les politiques actuelles visent à augmenter la productivité agricole, principalement céréalière, par des mesures techniques conçues et distribuées du haut vers le bas. Longtemps pensée dans l’horizon de l’autosuffisance alimentaire, la modernisation agricole se tourne aujourd’hui davantage vers une meilleure et plus grande articulation au marché, l’autosuffisance alimentaire étant ainsi pensée à l’échelle nationale et non plus individuelle. Toutefois, elle demeure centrée sur des transferts de technologie alors que sa mise en œuvre participe de la construction de l’espace politique éthiopien, notamment dans l’utilisation qui est faite des travaux collectifs obligatoires, à travers les groupes de développement.

Pour diverses raisons, il est aujourd’hui délicat d’estimer l’impact réel de la modernisation agricole en Éthiopie24. L’on ne sait dans quelle mesure

21 « The public sector is the single most important player, especially in terms of inputs, at the local level

for smallholders. The private sector and NGO’s, although they are becoming increasingly important, are often left out of extension initiatives, or cooperation is weak (EEA/EEPRI, 2006, Spielman et al., 2008) », (David et al, 2009 : 10).

22 Promue par une ONG ayant expérimenté ses méthodes en Afrique de l’Est, notamment Kenya et

Tanzanie, le programme fut mis en œuvre au début des années 1990 dans la SNPPR et l’Oromie.

23 Avec PADETES, les paquets technologiques se diversifièrent considérablement pour concerner le

bétail, l’agroforesterie, les productions à forte valeur ajoutée (notamment le maraîchage).

24 Principalement du fait de l’absence de mesure de la productivité in situ, sur les exploitations

paysannes, ainsi que d’analyse fines du devenir des exploitations paysannes. La meilleure étude en la matière est celle produite par l’équipe coordonnée par Alula Pankhurst, pour Mokoro, sur Long Term

Perspectives on Development Impacts in Rural Ethiopia, mais son spectre d’investigation dépasse largement le cadre de la seule modernisation agricole. Pour toutes ces raisons, nous ne présenterons pas les données officielles concernant la productivité agricole.

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l’augmentation de la production agricole25, très nette depuis 2003, est effectivement

due à une amélioration de la productivité agricole, et moins encore si l’amélioration officielle de la productivité est la conséquence de l’emploi du paquet technologique. Il demeure toutefois que l’usage de l’engrais augmente en Éthiopie, l’on est passé entre 2005 et 2007 à un chiffre moyen de 7 à 7,4 kg/ha cultivé (UNDP), et la consommation d’engrais chimique est désormais considérée par les organisations onusiennes comme un indicateur de développement. Le dernier rapport de l’agence en charge de la refonte des politiques de modernisation agricole (ATA26) remarque

ainsi : « Although studies show that the adoption of basic technologies such as fertilizers and improved seeds varieties can double cereal yields in Ethiopia, the current utilization pattern is low » (ATA, 2010). En conséquence, tout doit être mis en œuvre pour renforcer un usage de l’engrais jugé trop faible, y compris la mobilisation d’un dispositif étatique d’encadrement de l’espace aux objectifs ambigus mais qui demeure à ce jour le plus efficace vecteur de transformation des économies et des sociétés locales d’Éthiopie.

Un dispositif de développement hybride

L’appareil d’État qui encadre, organise et contrôle le monde rural et son développement constitue un objet particulièrement complexe et dont la pluralité de facettes explique largement son maintien, son efficacité et sa relative discrétion. Il s’agit d’une production politique et spatiale qui associe selon des formes plus ou moins déterminées par les conditions locales, des institutions, des hommes, des cultures politiques et des lieux de pouvoirs. Dans cet article nous n’aborderons que les éléments du dispositif apparentés à la modernisation agricole mais ils sont beaucoup plus variés27.

L’encadrement de l’espace et des populations est formé par un emboîtement de groupes – de cellules, dirons-nous pour reprendre un vocabulaire plus partisan longtemps en usage –, de micro-territoires et d’aires d’influences plus ou moins institutionnalisés qui organisent la vie des populations locales. L’espace politique produit par le Moard est l’un des plus abouti28 : il est celui qui possède le plus de

niveaux, celui qui atteint les échelles les plus locales et enfin celui qui présente la plus grande diversité de formes. Il assure une double fonction : assister la population locale et la structurer afin de répondre le mieux possible aux objectifs de développement annoncés par le gouvernement. En conséquence, il bénéficie et crée tout à la fois une grande proximité physique avec les populations rurales.

25 Pour un indice de 100 en 1999/2001, l’on est passé à un indice de 135 en 2007, d’après les chiffres de

la Banque Mondiale. Officiellement, l’augmentation est nettement plus importante : l’on est passé d’une production d’environ 10 millions de tonnes avant la crise de 2002-2003 à près de 30 millions annoncés pour la prochaine récolte !

26 Agricultural Transformation Agency.

27 Les autres organes les plus importants sont les hawas (cellules locales du Parti) et les development groups,

groupes de travail communautaires, qui se maintiennent dans l’ensemble du pays mais selon des formes variables.

28 « Over the past year, the GOE has invested substantially in the infrastructure and resources required

to create a strong agricultural field extension presence, and its committed to further expanding this so it can become one of the most intensive systems in the world » (David et al., 2010 : 20).

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Proximité spatiale et finesse du maillage territorial

La proximité spatiale du Moard avec les paysanneries provient de la finesse du maillage territorial produit par cet appareil complexe qui se structure horizontalement comme verticalement. En Éthiopie, cette finesse est exceptionnelle, l’encadrement rural produit par les institutions publiques agricoles y est le plus élevé du monde en développement, devant la Chine et l’Indonésie29.

Nous n’en présenterons donc qu’un rapide aperçu.

Le niveau supérieur de cette toile est organisé par les réseaux des Offices du Moard (Ooard) au niveau du wereda. Dans le cadre de la décentralisation, ils constituent des administrations complètes possédant de réelles compétences, maintes fois vérifiées lors de nos enquêtes, que ce soit dans la gestion de leur personnel, dans celle des intrants agricoles ou dans l’allocation des aides gouvernementales aux paysans (notamment dans les révisions du nombre de bénéficiaires auxquelles ils procèdent régulièrement). Ces bureaux constituent l’autorité de référence pour les multiples antennes subalternes situées au niveau du qebelé30, souvent dans les bureaux du qebelé et qui organisent le contact direct avec les

paysans. Ces antennes locales sont gérées au quotidien par les DA (Development Agents), occasionnellement par leurs supervisors du wereda. Très régulièrement et pour des tâches de secrétariat le plus souvent, elles bénéficient de l’assistance des personnels du qebelé et ce en dépit du partage sectoriel des compétences organisé par la déconcentration ! Ces antennes locales, constituent ce que les paysans dans leur majorité identifient comme les « biro » du Moard, les lieux physiques de leur présence. Ils bénéficient toutefois d’une visibilité variable, très dépendante de celle des bureaux du qebelé, lesquels peuvent se réduire dans les régions périphériques à la résidence du chairman, voire à un simple champ. Depuis 2002, un effort est ainsi fait pour distinguer la présence physique du Moard à travers la construction des Farmer Training Centers (FTC), bâtiments destinés à accueillir l’ensemble des activités liées à la modernisation agricole31. Sur l’ensemble du territoire, 8489 FTC sont établis,

l’objectif étant d’en construire un par qebelé ! Certaines régions sont parfois proches d’un recouvrement total des besoins32, d’autres commencent à peine. À ces centres,

qui demeurent vides bien souvent, il faut ajouter les nouvelles coopératives agricoles33, structures bottom-up issues de la nouvelle législation de 2002 (Cooperative

Proclamation n°274/2002). Pensées pour être produites par la société civile, elles conservent un fonctionnement similaire aux coopératives du Derg, sur lequel les paysans n’ont pas de prise. Dans le Sud Wollo, il leur est ainsi impossible de

29 En Éthiopie, le taux d’encadrement est de 1 Development Agent pour 496 paysans, contre 1 pour 625

en Chine, puis 1 pour 1667 en Indonésie – alors même que ce dernier pays bénéficie d’un encadrement agricole lourd et ancien du fait de la riziculture, (Davis et al., 2010).

30 Lorsque le qebelé ne possède pas de bureaux, et que les séances se tiennent dans la maison du chairman

comme c’est parfois le cas dans les campagnes, les DA assurent la présence sur place du Moard.

31 Formations, démonstrations, conseils,…

32 Le Wolaita en a ainsi construit 260 en une dizaine d’année (Moard, Zonal Office).

33 On en comptait 143 dans le pays en 2010, dont la majorité dans les régions de large diffusion de la

modernisation agricole, Oromia, Amhara, SNNPR et Tigray. Pour plus de détails sur ces coopératives, voir Semeneh Bessie, 2010.

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modifier les règles de leur association, ni même de nommer eux-mêmes leur trésorier. En 2010, elles regroupaient environ 4,5 millions de personnes (Davis, et al., 2010).

L’essentiel de l’encadrement est donc assuré par les DA. Le pays en comptait 45 000 à la fin 2008 (Davis et al, 2010), pour un taux d’encadrement escompté par le Moard de 4 agents par qebelé. Chaque DA est ainsi censé encadrer sur une année 120 fermiers en suivi continu et 60 occasionnellement. Dans des régions fortement encadrées, comme le Wolaita, les objectifs d’évaluation sont plus élevés, ils atteignent le nombre de 10 fermiers par jour, pour un nombre de fermiers moyen par qebelé d’environ 900. D’un qebelé à l’autre le nombre de DA varie34, toutefois

nous n’avons jamais rencontré de qebelé qui ne soit pas sous responsabilité d’un agent. Pour la seule région SNNPR, les taux d’encadrement varient au niveau des wereda35 de 1 DA pour 39 fermiers à 1 pour 890, pour un encadrement moyen

proche de la médiane, de 1 DA pour 222 fermiers (SNNPR State, 2000 EC). Dans le Sud Wollo, les taux sont plus faibles, ils varient de 1/419 à 1/59936. C’est en pays

afar, dans l’Aoussa (wereda d’Afambo) que nous avons trouvé le plus faible niveau d’encadrement, soit 1 agent pour 4 qebelé.

L’investissement de la puissance publique dans l’encadrement du monde rural, et indirectement dans le développement, est considérable, compte tenu des moyens de l’État éthiopien. À la multiplication des personnels, il faut également ajouter une revalorisation des salaires significative (d’une moyenne de 680 ETB au début des années 2000 à une moyenne de 1300 ETB aujourd’hui37) et une amélioration des

perspectives de carrières.

Les DA diffusent leurs connaissances et leurs décisions en sélectionnant les fermiers les plus réceptifs aux innovations, les fermiers méritants. Dans le Wolaita, l’objectif est d’en sélectionner 250 par qebelé, dans la réalité les variations régionales sont considérables pour une moyenne nationale38 tournant autour d’une

cinquantaine par qebelé. Ces fermiers constituent le noyau de différents groupes de travail, emboîtés les uns dans les autres selon un modèle pyramidal. Les development groups, aujourd’hui rebaptisés social works, forment les groupes les plus vastes et les plus anciens, ils regroupent une trentaine de paysans et sont sollicités pour l’ensemble des activités organisées par les DA. Depuis peu39, ce mouvement est

renforcé par la constitution de groupes de travail, les « 1 to 5 » ou « 1 to 10 » (selon les densités paysannes et le niveau d’encadrement local) ; ils constituent des groupes d’entraide agricole, en référence aux institutions traditionnelles du monde agricole

34 Les régions les mieux encadrées sont l’Oromia, l’Amhara, la SNNPR et le Tigray (Davis et al., 2010 :

14).

35 Y compris en incluant les special weredas.

36 Ces taux ont été calculés à partir de données récoltées dans les bureaux du MoA dans 6 wereda de la

Zone.

37 Enquêtes et Kassa Belay, 2002. L’augmentation est toutefois compensée par l’inflation.

38 Dans les 4 Kellel les plus touchés par la modernisation agricole (Oromia, l’Amhara, la SNNPR et le

Tigray) et en l’état actuel de nos enquêtes.

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comme à la collectivisation et selon les régions affinent les groupes de développement.

Dans le contexte éthiopien, la proximité physique n’engendre pas de proximité sociale, de familiarité entre les agents du Moard et les paysans, bien au contraire la mise en contact directe de deux univers distincts a tendance à renforcer les antagonismes.

La structuration de la société locale

L’encadrement du monde rural obéit à une volonté de structuration descendante de la société locale, il s’agit ainsi de sélectionner les hommes qui serviront de relais aux agents de l’État et à la fois d’enrôler dans l’appareil d’État et ce faisant de surveiller les hommes qui sont identifiés comme des notables locaux, comme d’éventuels leaders d’opinion (enquêtes, Wolaita, Hamer). Ces structures combinent différentes logiques et s’inspirent de différents modèles, allant de la mobilisation des institutions traditionnelles à un enrôlement strictement partisan. Les exemples témoignant du phénomène sont nombreux, aux groupes d’entraides s’ajoutent les coopératives et la sélection qu’elles opèrent sur les individus dotés des « ‘right’ qualifications » (Spielmann, 2006 : 13), les idirs et leur formalisation en micro-organisme de crédit, ou les Model Farmers qui représentent le mouvement le plus politisé, le mieux connu (Lefort, à paraître) et de fait le plus explicite de ce phénomène. Depuis 2005, et la situation post-électorale qui a suivie, les campagnes ont connu une réelle reprise en main par le Parti (Lefort, 2005), notamment avec la création des Model Farmers. Ce programme tente d’affirmer la position des fermiers méritants en tant que leaders d’opinion et moteurs de l’activité locale tout en les plaçant sous l’autorité du Parti, et la tutelle du qebelé. Leur processus de sélection témoigne bien des interactions permanentes entre logiques de contrôle et logiques de développement.

Dans le qebelé de Wadja-Kero (Soddo-Zuria, Wolaita) la sélection des Model Farmers est conduite de la façon suivante. Les agents de développements des différents ministères (éducation, santé, agriculture…) proposent aux paysans des formations dont ils vérifient la mise en œuvre un an après. Ils établissent alors une liste recensant les exploitations les plus réceptives qu’ils déposent au qebelé. Les agents du qebelé croisent alors les listes des différentes administrations et proposent une nouvelle liste au Ooard ainsi qu’à la représentation du Parti au niveau du wereda, laquelle sélectionne alors des paysans à récompenser. La sélection ainsi opérée est diffusée par le Ooard, qui organise la distribution des récompenses. Ces récompenses consistent généralement en petit matériel agricole, elles ne sont guère incitatives et les paysans ne s’y trompent pas, le bénéfice réel de cette sélection réside bien dans le soutien du qebelé. Les paysans récompensés ne sont pas nécessairement les plus riches, ni les plus innovants. Sur les 960 chefs d’exploitation de Wadja-Kero, 30 hommes et 10 femmes ont été sélectionnés en 2011. Les critères opérant dans la sélection des paysans témoignent également d’un certain flou, ils sont communiqués oralement. Les agents du qebelé identifient toutefois des directives descendantes assez fortes ; ainsi la prise en compte du genre est-elle

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nouvelle dans les campagnes, elle est directement inspirée par le nouvel esprit développementaliste du GTP.

Cet appareil témoigne d’une grande proximité physique et organisationnelle entre les agents du Moard et ceux du qebelé. Une telle proximité renforce l’autorité du menguist et déséquilibre d’autant plus les relations locales entre l’État et la paysannerie40 – et encore, nous ne développerons pas la fusion entre l’État et le

Parti, très marquée au niveau local. Les personnels des deux administrations siègent souvent dans les mêmes bureaux, partagent les mêmes façons de faire41, utilisent le

même vocabulaire pour désigner des réalités d’ordres différents (les fermiers modèles et les fermiers méritants42 sont indifféremment des modelu gabare), et ils

effectuent les mêmes tâches : ce sont ainsi indistinctement les agents du qebelé et les DA qui mettent en prison les paysans incapables de rembourser la dette contractée auprès du Ooard pour l’achat de l’engrais ; ce sont les agents du qebelé qui distribuent, en présence des DA, les aides gérées par de Moard (notamment celles du PSNP, Productive Safety Net Program) ; ce sont les DA sous coordination des membres du qebélé qui convoquent les paysans aux development works et qui les organisent – que ces derniers concernent ou non des travaux agricoles ; enfin, ce sont également les DA qui collectent l’impôt foncier.

Cette confusion des registres renforce chez les paysans le sentiment que la modernisation agricole n’est qu’une œuvre de contrôle politique. Un responsable du Ooard de Dimeka (Debub Omo), expert en production agricole43, nous expliquait

ainsi très ouvertement à quel point « l’engrais est politique » – à mesure que son collègue pâlissait. Il fondait son argumentation sur un constat simple, que nous avons vérifié à plusieurs reprises dans différentes régions du pays : son usage n’est pas toujours techniquement justifié. Soit pour des raisons économiques, que les quantités plantées soient trop faibles pour justifier l’investissement dans des intrants ; soit pour des raisons agronomiques, que les sols ne répondent pas à l’engrais ; soit pour des raisons culturales tout simplement, que les rendements soient déjà suffisamment élevés sur des cultures de décrues par exemple ; soit enfin pour des raisons climatiques, que les précipitations soient structurellement insuffisantes et ne permettent pas un bon usage de l’engrais. Enfin, il terminait sa démonstration en nous expliquant, qu’en sa qualité d’expert technique, il avait relayé à ses supérieurs hiérarchiques (de la Zone) ses critiques et remarques sur l’inutilité de promouvoir l’usage de l’engrais dans la région, mais que sa démarche n’avait entraîné ni étude technique, ni même une réponse.

Le paquet technologique est en effet distribué sans prise en compte des conditions locales de son usage ; il arrive alors qu’il soit imposé.

40 Voir les analyses de Lefort, 2005 ; Aspen, 2002 ; Vaughan & Tronvoll, 2002.

41 On peut ainsi trouver dans les administrations locales des listes de personnel regroupant les

professionnal workers (permanents ou sous contrat) appartenant indifféremment au Moard ou au ministère de l’intérieur.

42 Les innovative farmers selon la terminologie du Moard. 43 « Agricultural input supply and distributer expert ».

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Une modernisation agricole obligatoire

L’encadrement de l’espace n’est pas un outil. C’est une dynamique, une manière d’appliquer la règle, une façon d’exercer le pouvoir. Ainsi dans le contexte politique et culturel de l’Éthiopie rurale, marqué par de très forts rapports de domination, la modernisation agricole est pensée comme obligatoire. Le discours tenu dans les administrations locales du Moard se résume ainsi : la transformation des économies doit s’opérer en dépit des résistances et réticences des populations locales considérées comme incapables d’apprécier à leur juste mesure les effets de ces nouveaux choix technologiques. Ce présupposé s’inscrit dans un contexte de mépris et de négligence des savoirs locaux très largement partagé par les agents de l’autorité, y compris et surtout par les auxiliaires de développement au contact direct du monde paysan, les DA.

Le DA, agent de développement, agent du pouvoir

Le DA représente le plus efficace des vecteurs de cette obligation44. Doté d’un

« capital social » de fonctionnaire, fut-il à l’échelon le plus bas, il demeure un membre extérieur à la communauté locale45 en dépit de sa grande promiscuité avec

les paysans.

Le plus souvent, les DA intègrent ce corps par défaut, « pour l’injera », parfois ils sont animés par une stratégie d’ascension sociale par la fonction publique (« Si j’ai de bons résultats ici, je pourrais peut-être intégrer le ministère », DA de Shango Hamer), mais très rares sont ceux qui souhaitaient réellement occuper ce poste. En effet, le niveau scolaire requis pour former un DA est le plus bas de la fonction publique, les lauréats les moins bien placés à la fin du parcours scolaire n’ont d’autre option que de se présenter dans une école de formation des DA, les ATVET46

Colleges. Leur intérêt pour l’agriculture ou les questions agricoles est de fait très mitigé, tout comme leur satisfaction à retrouver le milieu rural après tant d’années d’études passées en ville – l’obligation qui leur est faite de résider à la campagne, au milieu des paysans, est ainsi contraire aux marqueurs de l’ascension sociale éthiopienne.

Par ailleurs, ou en conséquence serions-nous tentés de dire, leurs connaissances sont faibles et ce en dépit de l’important effort réalisé sur leur formation à partir des années 2000, avec la création des ATVET Colleges qui étendit la durée de leurs études de 9 mois à trois ans. De fait, les spécialités les plus représentées sont assez généralistes, les spécialités techniques sont peu représentées localement (santé animale, irrigation) voir absentes en ce qui concerne la commercialisation (Davis et al., 2010). Et il n’est pas rare de voir des parcelles expérimentales du Moard

44 Voire la très fine analyse de Kassa Belay (2002) sur les contraintes liées à la modernisation agricole du

fait de l’activité des DA.

45 Même si les nouvelles règles d’attribution des postes promeuvent le retour des agents dans leur

région d’origine.

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témoigner d’une maîtrise agricole très inférieure à celle des paysans47, lesquels

déplorent régulièrement le manque de savoir agricole des DA : « Ils ne nous apprennent rien ». Plus faibles encore sont leurs connaissances du milieu local dans lequel ils seront amenés à travailler, dans des conditions pratiques d’éloignement et de sous-équipement propres au monde rural éthiopien qui ne leur facilitent pas la tâche.

Leur insertion dans le milieu local pose en effet problème, et participe selon nous de l’autoritarisme de leurs pratiques. En dépit de l’obligation qui leur est faite de rester deux ans dans un même poste, dans un même qebelé, le turn over est important ; dans le wereda bien encadré de Damot Sore (Wolaita) l’affectation moyenne par qebelé est de 16 mois. Ces changements de postes s’opèrent à la discrétion des supervisors de l’Ooard. Dans ce même wereda, seule une jeune femme est restée plus de deux ans… dans les basses terres impaludées. Quelle que soit la durée de leur séjour, les DA résident autant que faire se peut dans la capitale du wereda plutôt que dans leur qebelé d’affectation. Enfin, il est fréquent dans les régions périphériques non amharophones, qu’ils ne parlent pas la langue locale48 ayant

recours occasionnellement à des traducteurs. Pour l’ensemble de ces raisons, ils sont peu réceptifs aux doléances et aux réticences des paysans – qu’ils ne les comprennent pas ou qu’ils ne veuillent pas les entendre49.

Deux stratégies principales se dégagent de nos enquêtes auprès des DA. Soit ils sont en recherche de promotion au sein du Moard et cherchent à appliquer à la lettre les consignes qui leur sont données, notamment les objectifs chiffrés. Dans le Wolaita, la déclinaison locale (calculée par l’administration zonale) des objectifs nationaux du GTP prévoyant 6% de croissance annuelle du nombre de fermiers utilisant des intrants et des pratiques agricoles améliorées se traduit par la sélection de 250 fermiers méritants en 2011 avec un objectif de 15% de croissance annuelle. Dans une telle perspective, les DA enrôlent alors les paysans indépendamment de leurs besoins comme de leur capacité à tirer bénéfice de l’engrais. Ce mouvement explique largement le processus d’endettement lié à l’achat du paquet technologique. Devant un manque de solvabilité assez répandu dans certaines campagnes, les DA peinent à appliquer les nouvelles consignes sur la nécessaire solvabilité des bénéficiaires du paquet technologique, surtout s’ils souhaitent atteindre leur quotas !

47 Certains paysans vont même jusqu’à penser que l’existence de ces parcelles s’apparente à une

technique de contrôle ou d’accaparement foncier sur des terres prêtées par des paysans, tant les objectifs d’expérimentation ou de vulgarisation sont peu crédibles avec des parcelles en mauvais état. D’autres au contraire relèvent d’un tel niveau de technicité (notamment dans l’arrosage) que les paysans ne peuvent se l’approprier. De fait, de plus en plus nous observons un déplacement des parcelles expérimentales vers les champs des MF.

48 Le phénomène est encore plus marqué dans les régions considérées comme marginales,

régionalement (ex. basses terres), ou nationalement (périphéries pastorales)

49 « Also, indigenous knowledge, which is an important component of an innovation system, is not

appreciated enough in the system and is disappearing, in part due to the focus on the promotion of modern packages, which tend to be preferred by extension and research at the expense of local knowledge (Efa, Gorman, and Phelan, 2005) », David et al., 2010.

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Soit au contraire, ils déplorent d’être contraints par des objectifs, des tâches qui ne leur semblent pas liées au développement agricole mais qu’ils se doivent d’appliquer pour conserver leur emploi. À la différence des enquêtes précédemment réalisées auprès des DA sur les obstacles/contraintes à la mise en œuvre des politiques de modernisation agricole (Kassa Belay, 2002 ; Fasil & Habtemariam, 2006), nos enquêtes font explicitement apparaître une contrainte de nature politique. Le DA de Gununo 02 explique que l’essentiel des difficultés qu’il rencontre provient des administrateurs du wereda qui leur imposent « d’inscrire tout le monde sur les listes [d’achat de l’engrais] et de faire de la propagande ».

Dans tous les cas, les DA témoignent d’une position d’intermédiaire peu confortable, entre des ordres venus d’en haut et des réticences émanant des populations locales. Ils sont maintenus dans un rapport hiérarchique direct avec l’échelon supérieur du wereda, et n’identifient pas de hiérarchie supérieure. Incapables de penser l’adaptation de la modernisation au milieu local, ils imposent un modèle national.

Grammaire éthiopienne de la mise en œuvre des politiques publiques, l’exemple de la diffusion du paquet technologique

En dépit de la grande diversité agraire et agreste qui caractérise les communautés rurales, la mise en œuvre de la modernisation agricole obéit aux mêmes règles ; à un ensemble de consignes descendantes et de pratiques des autorités locales qui toutes contribuent à contraindre et donc à limiter les choix paysans. La distribution du paquet technologique qui marque un certain niveau d’aboutissement de la modernisation agricole est ainsi tout à fait exemplaire de ce phénomène. Elle présente une grande homogénéité dans tout le pays.

Le processus débute par la tenue de grandes « conférences » de vulgarisation agricole qui permettent d’expliquer les bénéfices que les paysans peuvent tirer de l’utilisation du paquet technologique ; de corriger les usages qu’en ont les paysans, ou encore relayer les opinions, ou critiques paysannes, sur l’intrant50. Ces

conférences se tiennent un à deux mois avant les premiers labours et deux fois par an, dans les régions pratiquant deux saisons agricoles. Elles convoquent l’ensemble des paysans, moyennant des indemnités de présence dont la distribution effective ne s’avère pas systématique.

Elles sont suivies d’une période de ciblage des bénéficiaires du paquet opéré par les DA (entre 15 jours et un mois). Cette période correspond au moment de l’année où les DA sont le plus présents en milieu rural, voire à leur seul moment de présence effective pour les régions les moins intégrées à la modernisation agricole. Les DA établissent alors la liste des futurs bénéficiaires, ils visitent régulièrement – parfois tous les jours dans les espaces faciles d’accès – les paysans hésitants afin de

50 D’après nos enquêtes, les critiques qui émanent lors de ces réunions collectives ne font que relativiser

le gain de productivité dû à l’emploi du paquet technologique, elles ne portent pas sur les méfaits du processus d’endettement qui en découle parfois, mais qui n’est pas abordé publiquement. La réponse des agents du Moard porte alors sur les modalités d’utilisation du paquet par les paysans, et notamment des trop faibles quantités d’engrais qui sont utilisées.

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les convaincre des bienfaits du paquet. L’effort d’encadrement se démultiplie durant cette période, et nous estimons ainsi que les campagnes bénéficiant d’un taux d’encadrement moyen reçoivent, quelle que soit leur accessibilité, des visites dont la régularité varie de quotidienne à hebdomadaire. Seul un retard des précipitations, et tout particulièrement de la petite saison des pluies, empêche la visite des DA « qui ne viennent qu’avec les pluies », comme l’exprime une image communément répandue dans le monde rural. Ces campagnes de porte à porte doivent permettre d’apporter une solution technique sur mesure, adaptée aux besoins réels des paysans, mais cet objectif est peu compatible avec la pratique des quotas.

La campagne se termine par la signature, par le paysan, d’un document l’engageant à acheter le paquet technologique lors de sa livraison dans les bureaux de l’agriculture, au début des semis. Une copie du document signé est remise aux bureaux du qebelé, afin de contraindre légalement le paysan à respecter son engagement comme de conférer à la puissance publique des moyens de recours légitimes en cas de non respect du contrat ainsi souscrit, le plus souvent il s’agit du non remboursement, partiel ou en totalité, de la dette contractée auprès du Ooard.

S’en suit une période d’attente de la livraison du paquet technologique, marquée par un relâchement net de la présence sur place des DA. Les listes sont transmises au bureau du wereda qui passe alors les commandes à la région. L’acheminement des quantités commandées ne dépendant alors plus des autorités locales. Les enquêtes et la littérature grise soulèvent trois principaux problèmes liés à cette phase. Le premier concerne le retard de livraison et les pertes de productivité qu’il provoque lorsque l’engrais n’est pas utilisé à temps. Le deuxième concerne la qualité très aléatoire des semences améliorées vendues aux paysans, dont une partie – parfois jusqu’à 75% – ne peut germer. Le troisième nous apparaît plus surprenant, il concerne le déficit de livraison. En effet, ici et là des paysans se plaignent d’un engrais reçu en trop petite quantité, alors qu’aux mêmes endroits d’autres paysans déplorent de ne pouvoir se soustraire à son usage.

Les prix du paquet technologique varient peu, ils procèdent d’une péréquation des frais d’acheminement, opérée au niveau du wereda. D’après nos enquêtes, le paquet de base (un quintal d’engrais et 25kg de semences améliorées) coûte entre 1200 et 1500 ETB. Il y a une dizaine d’années, les paysans ne pouvaient scinder le paquet et pouvaient l’acquérir entièrement à crédit. Depuis la procédure de distribution de l’engrais a été considérablement améliorée. Après validation du DA, les paysans peuvent acheter la quantité d’engrais et de semences dont ils ont besoin, de même ils ne peuvent plus contracter de crédit que sur la moitié de la somme engagée. Ces réorientations témoignent d’un assez bon pilotage de la politique publique, en revanche son articulation au milieu local pose toujours problème. Les DA restent davantage préoccupés par les bonnes pratiques agronomiques que par la capacité économique des paysans à les mettre en œuvre et les quantités qu’ils conseillent sont très souvent supérieures à celles souhaitées par l’agriculteur, les paysans les plus pauvres étant alors incités à s’endetter auprès d’autres préteurs51.

51 Rappelons toutefois que la gestion d’une dette contractée auprès d’un organisme public n’est pas la

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Dans tous les cas, les DA cherchent à atteindre leur quota et sélectionnent pour ce faire des paysans vulnérables, plus faciles à convaincre.

L’accueil que les paysans réservent au paquet technologique dépend principalement, selon nous, du profil de l’exploitation ou du statut de l’exploitant, davantage que des pratiques mises en œuvre par les autorités du Moard. Trois profils se distinguent – dont nous nous garderons bien d’exprimer la représentativité ! Les paysans/fermiers jouissant d’une relative prospérité financière et capables d’investir même à risque dans une aide technologique. Ceux là sont satisfaits du paquet technologique auquel ils ne doivent pas leur décollage économique mais qui renforce leur enrichissement. Les taux de recouvrement du paquet technologique n’atteignant pas encore les 100%, il existe une catégorie de paysans en phase d’expérimentation de l’engrais. Plutôt ouverts à l’innovation technologique, ils déplorent parfois quelques effets négatifs mais sont confiants dans l’ensemble52, ils sont surtout convaincus, notamment du fait de la dégradation

des sols ou de l’accroissement démographique, de l’impossibilité à faire perdurer les pratiques agricoles de leurs parents et du nécessaire recours au changement. La troisième catégorie est la plus problématique. D’abord parce qu’elle concerne les paysans les plus vulnérables (les populations trop fragiles étant normalement exclues des listes de bénéficiaires) qui, exposées à un risque, basculent dans une paupérisation irréversible53. Ensuite parce qu’elle exprime un très fort niveau de

contrainte sur le monde paysan.

Les cultivateurs d’orge de Wortej et les autres

Partout dans le pays, des paysans expliquent ne pas pouvoir se désinscrire des « listes de l’engrais ». Dans un contexte où les DA, à l’instar des autres agents de la puissance publique, cherchent à asseoir et à étendre leur influence, l’expérimentation de nouvelles techniques agricoles n’est donc pas permise aux paysans. Pour l’instant, l’adoption du paquet technologique se révèle définitive, quel que soit son impact sur les exploitations agricoles, les paysans doivent continuer de l’utiliser.

Dans les gott de Chagouran et de Gefao Ager du qebelé de Wortej (Tenta wereda, Debub Wollo), les paysans cultivent exclusivement de l’orge de bas-fond en petite saison des pluies. Il n’y a pas de culture possible en grande saison des pluies, le sol étant trop humide. Depuis deux à trois ans, les paysans utilisent un paquet technologique composé d’engrais et de semences améliorées de blé. Sur les consignes des DA, ils ont testé le paquet durant la petite saison des pluies sur du blé, voire simplement l’engrais sur de l’orge non sélectionné54. Cela n’a rien produit,

l’engrais a « brûlé le sol » selon les cultivateurs. Depuis, ils réservent le paquet à la

52 Partout, les paysans observent que, sous « conditions pluviométrique normales », l’usage du paquet

technologique procure une augmentation tangible des rendements les deux ou trois premières années. Ensuite le bénéfice se tasse. Les paysans expriment l’idée que l’engrais fatigue la terre, mais que celle-ci ne produit plus sans engrais.

53 Voire les mécanismes de déprivation analysés par Devereux, Dercon (2006), dans les campagnes

éthiopiennes.

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grande saison des pluies, mais cela ne produit rien pour autant. Même gratuitement, ils déclarent ne pas vouloir de l’engrais, convaincus de son inefficacité sur leurs sols. Quand nous les avons rencontrés, ils étaient pourtant inscrits sur les listes de l’engrais, ils disaient ne pas avoir le choix et être contraints par les autorités locales à le prendre par la force (guedaj).

Dans ces villages, le refus de l’engrais est collectif, il traduit une spécificité du milieu local jugée incompatible avec l’emploi du paquet technologique, et non l’incapacité ou le refus d’un individu à se convertir à la nouveauté. Les situations de ce type sont fréquentes mais l’usage de l’engrais y persiste – à l’exception notoire de la vallée de la Kalama55 en pays Hamer, qui testa précocement l’engrais et

l’abandonna devant le refus des populations locales. Partout ailleurs, l’usage de l’engrais persiste parfois contre l’avis des populations locales et gagne en conséquence des espaces où son usage n’est pas adapté. Les cultivateurs de Wortej ont pourtant déposé une plainte orale lors de la précédente conférence tenue par le Moard, ainsi qu’une plainte écrite auprès du chairman du qebelé qui a refusé de la prendre en considération ! Les cultivateurs d’orge continuent donc d’acheter de l’engrais et des semences de blé sous la contrainte.

L’usage de la contrainte est très fréquent dans les campagnes éthiopiennes. Du fait de l’important déséquilibre de pouvoir façonnant les relations entre l’État et la paysannerie, l’usage de la force est peu répandu, il n’est pas véritablement nécessaire et se limite aux emprisonnements. La menace en revanche est continuellement brandie : « Si tu n’achètes pas l’engrais, tu iras en prison,… tu perdras ta terre,… tu ne recevras pas l’argent du Safetynet,… ton bétail ira en prison,… tu ne recevras plus d’aide du gouvernement quand tu en auras besoin ». Voilà le principal argumentaire développé par les DA pour inciter les paysans à acheter l’engrais56.

Cette rhétorique fonctionne pour les nombreuses raisons que nous avons déjà évoquées, la principale demeurant le recouvrement de compétences important et mal déterminé entre le Moard et le qebelé. Ainsi les programmes d’aide alimentaire distribués régulièrement (PSNP) ou exceptionnellement (en cas de crise alimentaire) sont-ils gérés par le Ministère de l’Agriculture, les DA ont donc les moyens de contraindre les bénéficiaires du Safetynet à acheter le paquet technologique ; nous avons pu constater qu’ils en usaient57. De même, les DA participent localement au

prélèvement de la taxe foncière, à l’emprisonnement des paysans créanciers, à la sélection des bénéficiaires de telle ou telle aide. Ceci alimente un flou juridique sur lequel l’autoritarisme se développe. À notre connaissance il n’existe pas de cas

55 Projet Shango-Kalama.

56 Il est à noter que ce type d’argument n’est pas l’apanage des agents du Moard, les health extension

workers utilisent également le chantage pour motiver les paysans : « Tu ne recevras pas la pilule contraceptive si ta maison n’est pas équipée de toilettes ». C’est une pratique de l’autorité qui concerne tous les secteurs de la vie rurale. Pour réaliser le recensement du bétail mort durant la sécheresse de l’été 2011, les DA laissaient croire aux pasteurs qu’ils obtiendraient une aide du gouvernement en échange du nombre d’animaux décédés. Quand ils eurent atteint le seuil estimé par le bureau du Moard de la Zone, ils arrêtèrent le recensement, alors que le cheptel continuait de mourir. Les Borana n’ont pas compris.

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d’emprisonnement de paysan ayant refusé de s’inscrire sur les listes, mais comme les DA mettent effectivement des paysans en prison, cela devient possible58 pour des

paysans qui ne reconnaissent pas la rationalité administrative à l’œuvre, et qui identifient simplement la contrainte opérée par le menguist.

Toutefois, l’encadrement de l’État relevant davantage d’une dynamique que de l’existence d’un cadre spatial, on observe des variations significatives quant aux effets de cet encadrement, liées aux structurations politiques locales. Pour des ratios d’encadrement équivalents entre 270 et 280 fermiers pour 1 DA, le pourcentage des bénéficiaires de ces programmes peut varier considérablement, il avoisine ainsi les 100% dans le Kembata et n’est que de 52% dans le Sidama (SNNPR State, 2000 E.C.). Si les politiques publiques tiennent toutes le même langage, la capacité de réponse et de dialogue des espaces locaux varie néanmoins. Et le panorama de ces milieux politiques locaux reste encore à produire.

Conclusion

Quoi qu’il en soit, l’encadrement de l’espace produit par l’État pèse sur les populations locales. Il pèse d’autant plus qu’il est ancien et qu’il est proche. L’on ne saurait mésestimer cette matérialité du politique en Éthiopie qui participe largement de l’inertie des structures de pouvoir et du faible renouvellement des rapports de force, en milieu rural tout particulièrement. Il produit une mise sous tutelle des campagnes par l’autorité bicéphale Moard/qebelé à laquelle peu de régions échappent. Nous identifions dans le phénomène un facteur majeur de la dépendance du monde rural, tout aussi opérant et possiblement davantage que ses niveaux de pauvreté – qu’il contribue par ailleurs à renforcer. Le mécanisme de la dette de l’engrais est ainsi exemplaire de cet impact négatif.

Les limites et contraintes de la modernisation agricoles sont bien connues en Éthiopie, ATA (2012 : 9) présente ainsi ses objectifs techniques : « (2) adapting such technologies for application in the different agro-ecologies of the country ; (3) identifying and eliminating any structural or bureaucratic bottlenecks in the importation or manufacturing locally of such technologies and (4) supporting the popularization and adoption of the technologies by smallholders farmers ».

L’analyse et la mesure de l’impact de ces pratiques sur le développement rural nécessitent certes des données statistiques fiables mais surtout des informations de diverses natures bien supérieures en nombre et en qualité à celles que nous possédons actuellement. Cela impose surtout une analyse plus approfondie de l’articulation de cette technique de pouvoir aux milieux locaux, du lien intime qui les façonne réciproquement et des transformations qu’ils subissent l’un et l’autre et font subir l’un à l’autre. Autant de questionnements qui constituent l’horizon d’une recherche en cours.

58 La logique est la même, pour la confiscation des terres opérée par les agents du qebelé mais dans le

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Références

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