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Les données personnelles et la propriété du soi

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-02506246

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Submitted on 12 Mar 2020

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Les données personnelles et la propriété du soi

Bernard Perbal

To cite this version:

Bernard Perbal. Les données personnelles et la propriété du soi. Droit. Université Côte d’Azur, 2018. Français. �NNT : 2018AZUR0024�. �tel-02506246�

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Les données personnelles

et la propriété du soi

Bernard PERBAL

GREDEG

Présentée en vue de l’obtention du grade de docteur en Droit d’Université Côte d’Azur

Dirigée par : Fabrice SIIRIAINEN Soutenue le : 12 décembre 2018

Devant le jury, composé de :

Jacques LARRIEU, Professeur Emérite, Université Toulouse 1 Capitole, CDA-EPITOUL

Christophe ALLEAUME, Professeur, Université de Caen Normandie

Eva MOUIAL-BASSILANA, Professeure, Université Nice Sophia-Antipolis

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Les données personnelles

et la propriété du soi

Jury :

Présidente

Eva MOUIAL-BASSILANA, Professeure, Université Nice Sophia-Antipolis

Rapporteurs

Jacques LARRIEU, Professeur Emérite, Université Toulouse 1 Capitole, CDA-EPITOUL

Christophe ALLEAUME, Professeur, Université de Caen Normandie

Directeur de thèse

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Les données personnelles et la propriété du soi

Résumé : La progression fulgurante des sciences biologiques, dont les impacts sociétaux n’avaient peut-être pas été suffisamment anticipés par le droit international, a créé des conflits conceptuels qu’il est souhaitable d’appréhender dans des débats constructifs respectueux de la richesse des différences individuelles, afin d’éviter des cloisonnements idéologiques qui ne seront d’aucun bénéfice pour l’Humanité.

L’analyse des sources du concept de données personnelles et de l’évolution de son acception, renvoie au très long et difficile chemin parcouru depuis les premiers textes fondateurs européens jusqu’à la consécration de la notion de respect du droit à la vie privée que l’on doit à l’opiniâtreté de ses deux défenseurs qu’étaient Samuel Warren et Louis Brandeis, dont l’œuvre séminale a impacté le droit international dans son ensemble. Les données personnelles, maintenant identifiées à des data, sont devenues des ressources convoitées par les mondes de l’économie, du commerce électronique, de la biomédecine et de la criminologie.

La dématérialisation des caractéristiques individuelles qui en a découlé a provoqué une immense vague de problèmes et différends relatifs aux modalités de collecte, traitement, diffusion et conservation de ces données, surtout quand elles concernaient des identifiants sensibles tels que les données génétiques. Les secrets de la vie et de l’hérédité s’ouvrent maintenant à un grand public souvent désarmé face aux entreprises qui souhaitent exploiter la richesse du soi intime des individus.

Les potentialités nouvellement révélées du génie génétique humain, ont mis en exergue la faiblesse et l’inefficacité de textes juridiques et normatifs ayant mal vieilli qui conduisent à des clivages de principe rigides face à des technologies génétiques visant à améliorer le bien-être des peuples. Il est aujourd’hui nécessaire de dépassionner les débats et de redéfinir au plus tôt, sur des bases scientifiques objectives, le statut juridique des données génétiques et de l’information que leur exploitation peut livrer.

Mots clés : Vie privée, données personnelles, criminalistique, soi génétique, propriété du soi, données génétiques, information génétique, qualification juridique, ADN, STR, gènes, manipulations génétiques

Personal data and self-ownership

Abstract : The dazzling growth of biological sciences, whose societal impacts might not have been well enough anticipated by the international law, has created conceptual conflicts that should be apprehended in constructive debates, respectful of the richness of individual differences, so as to avoid any ideological compartmentalization, which will be of no benefit to Humanity.

The analysis of the roots of the concept of personal data and of the evolution of its acceptance, sends back to the very long and difficult journey from the very first European founding texts to the consecration of the right to privacy rooted in the obstinacy of its two defenders Samuel Warren and Louis Brandeis whose seminal works have impacted international law as a whole. Personal information identified as data, has become coveted resources by the worlds of economy, electronic business, biomedicine and criminology.

The dematerialization of individual characteristics brought with it an immense wave of issues and conflicts in relation with procedures of collection, processing, circulation and confidentiality of this type of data, especially when it dealt with sensitive identifiers such as genetic data. Technically unattainable until now, the secrets of life and heredity are currently being offered to the general public, who often finds itself powerless when facing companies willing to exploit the richness of their intimate self.

The newly revealed potentialities of human genetic engineering, has put forth the weakness and inefficiencies of outdated legal and normative texts which, because of their inadequacy to societal evolution, lead to rigid divisions of principles before genetic technologies who aspire to take advantage of the understanding of genomes in order to improve the well being of people. It is necessary, today, to remove any passionate feeling to temper emotional debates by redefining, as soon as possible, the legal status of genetic data and the information that their exploitation can deliver.

Keywords : Private life, personal data, forensic sciences, genetic self, self-ownership, genetic data, genetic information, legal status, DNA, STR, genes, heredity, genetic

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Pour Annick

L'homme a besoin d'un intérieur, d'un foyer, d'une intimité ; il lui faut une femme, quelqu'un à aimer, un intérêt,

un aliment de cœur, un point d'appui .

Henri-Frédéric Amiel Journal intime, 15 juin 1872

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REMERCIEMENTS

Je remercie très sincèrement Monsieur le Professeur Siiriainen pour son soutien et la confiance qu’il m’a témoignée en acceptant d’encadrer une thèse dont certains aspects promettaient d’être polémiques, compte tenu des sujets brûlants de l’actualité qu’elle aborde, mais aussi et surtout pour avoir accepté dans son laboratoire un « jeune étudiant » dont la détermination juridique laisse certains dubitatifs.

Je suis honoré que MM les Professeurs J. Larrieu et C. Alleaume aient accepté la lourde tâche d’être rapporteurs d’une étude aux très nombreuses ramifications juridiques, sociétales, philosophiques, éthiques et scientifiques et que Mme la Professeure Mouial-Bassilana ait accepté d’examiner ce travail. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma reconnaissance.

Ma nouvelle orientation universitaire a été très fortement influencée par mes Professeurs. Merci à Mme S. Druffin-Bricca de m’avoir permis d’intégrer, au sein du Master 2, un groupe de « vrais » jeunes étudiants dynamiques et accueillants, à M. F . Siiriainen dont la pédagogie et la rigueur avec laquelle il aborde les problématiques de la propriété intellectuelle ont renforcé ma vocation, à M. T. Marteu pour m’avoir encouragé à suivre la voie que je m’étais tracée et à MM N. Hautier et J.-P. Décobert pour l’accueil qu’ils m’ont réservé dans leur cabinet.

L’angle de droit comparé que j’ai choisi pour mes études m’a donné l’occasion et l’immense plaisir de communiquer avec de nombreux juristes américains que je n’ai malheureusement pas la place de tous remercier nominativement. Je retiendrai l’aide exceptionnelle que les Pr. S. Gross, W. C. Thompson, R. Huff, A. Gajda m’ont apportée et remercie spécialement les Pr. S. Mercer et J. M. Butler qui n’ont pas hésité à prendre beaucoup de leur temps pour me faire part de leurs suggestions et me fournir des documents essentiels à mon étude. Qu’ils soient assurés de l’expression de ma plus profonde gratitude.

Je tiens à remercier les personnels de la bibliothèque du Congrès des États-Unis et du Parlement européen pour le support chaleureux qu’ils m’ont procuré. Merci également aux bibliothécaires du Campus Trotabas pour l’aide et le soutien exceptionnels dont j’ai pu bénéficier à chacun de mes passages. La richesse documentaire de la Bibliothèque Nationale de France et de la bibliothèque Nucéra de Nice ont été également d’un immense secours.

Je remercie très chaleureusement Madame Gazano et ses collaboratrices pour les efforts qu’elles ont déployés afin de régler les problèmes divers auxquels j’ai dû faire face durant ma scolarité. Merci aussi à Madame Passeron pour son soutien.

Un merci tout particulier à Jill-Patrice Cassuto qui a eu le courage de lire le manuscrit dans sa forme brute, ainsi qu’à Sabine et Sébastien pour leur disponibilité et leur aide. Merci à Séverine et Sonia pour leur soutien moral.

Enfin, je ne saurais oublier de remercier mon épouse pour m’avoir soutenu journellement dans les moments les plus difficiles. Plus qu’un réconfort, Annick fut un véritable exemple de courage et de détermination, tantôt inspiratrice, tantôt muse, tantôt critique littéraire, tantôt « révolutionnaire » … Sans sa présence, ce travail n’aurait pas vu le jour.

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Ce qui fait « moi », ce sont les autres.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION...7

PARTIE 1 : LES DONNÉES PERSONNELLES, ÉPICENTRE D’UN SÉISME SOCIO-ECONOMIQUE... 29

TITRE I : LE LONG CHEMIN DE LA RECONNAISSANCE DU DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE AUX ETATS-UNIS ... 29

TITRE II : ORIGINE ET RECONNAISSANCE DE LA VIE PRIVÉE EN FRANCE ET DANS L’UNION EUROPÉENNE... 95

PARTIE 2 : LE « SOI » ET L’IDENTITÉ GÉNÉTIQUE... 173

TITRE I : LE « SOI » : UN ENSEMBLE DE DONNÉES PERSONNELLES A PART ENTIÈRE………... 173

TITRE II : VERS UN DROIT DES DONNÉES ET DES INFORMATIONS GÉNÉTIQUES... 295

CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES : DU SOI GÉNÉTIQUE AUX DONNÉES PERSONNELLES : RETOUR VERS LE FUTUR ... 447

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LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ADN Acide désoxyribonucléique

Al. Alinéa

ARN Acide ribonucléique

Art. Article

BJS Bureau of Justice Statistics

CA Cour d’appel

Cass. Ass. plén Cour de cassation, assemblée plénière

Cass. Civ. Cour de cassation, chambre civile

Cass. Crim. Cour de cassation, chambre criminelle

CCNE Comité Consultatif National d’Éthique

CE Conseil d’État

CED Centralized Elimination Database

CEDH Cour Européenne des Droits de l’Homme

CGU Conditions générales d’utilisation

CJUE Cour de Justice de l’Union Européenne

CNCDH Commission nationale consultative des droits de l' Homme

CNIL Commission Nationale de l’informatique et des libertés

CNRTL Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales

CODIS Combined DNA Index System

Conv.EDH Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales

CPS Crown Prosecution Service

CRISPR-cas9 Clustered Regulatory Interspaced Short Palindromic Repeat

DOM Départements d’outre-mer

DUDH Déclaration universelle des droits de l’Homme

EFS Établissement Français du Sang

FAED fichier automatisé d’empreintes digitales

FBI Federal Bureau of Investigation

FNAEG fichier national des empreintes génétiques

FSP Forensic Service Provider

FSS Forensic Science Service

FTC Federal Trade Commission

GINA Genetic Information Nondiscrimination Act

GPA Gestation pour autrui

GWAS Genome wide associations studies

HIPAA Health Insurance Portability and Accountability Act

Ibid Ibidem, au même endroit

infra Ci-dessous, ci-après

INSEE Institut national de la statistique et des études économiques

IRB Institutional Review Board

LCN Low copy number

NDIS National DNA Index System

NDU National DNA Database Delivery Unit

NGS Next Generation Sequencing

NIR Numéro d’inscription au répertoire national d’identification des

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NPIA National Policing Improvement Agency

NSA National Security Agency

ONU Organisation des nations Unies

PCR Polymerase chain reaction

PMA Procréation médicalement assistée

RGPD Règlement général sur la protection des données

Rép. Civ Répertoire de droit Civil

s. Suivante

SGMPlus Second Generation Multiplex Plus

SNP Single nuleotide polymorphism

STR Short tandem repeats

supra Plus haut

suiv. Suivant(e)s

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne

TGI Tribunal de grande instance

WES Whole Exome Sequencing

GWAS Genome-Wide Association Study

Revues spécialisées1

Adv Exp Med Biol Advances in Experimental Medicine and Biology

AJ Pénal Actualité juridique : Pénal

AJDA Actualité juridique du Droit Administratif

AJF Actualité juridique famille

Alb L J. Sci & Tech Albany Law Journal of Science and Technology

Am J Hum Genet American Journal of Human Genetics

Am J Transplant American Journal of Transplantation

Am Sociol Rev American Sociological Review

Am J Hum Genet American Journal of Human Genetics

Am J Psychol The American Journal of Psychology

Ann Hum Biol Annals Of Human Biology

Arch Pathol Lab Med Archives Of Pathology & Laboratory Medicine

Biochem Biophys Res Commun Biochemical and Biophysical Research Communication Biomedicine Tech Review Biomedical Technician reviews

Blood Transfus Blood transfusion

Breastfeed Med Breastfeeding Medicine

Brit J Dev Psychol British Journal Of Developmental Psychology

Brit J Haematol British Journal of Haematology

Cell Commun Signal Cell Communication And Signaling

Clin Chem Clinical Chemistry

Clin Exp Dermatol Clinical and Experimental Dermatology

Clin Genet Clinical genetics

Clin Lab Clinical Laboratory

Cold Spring Harb Sym Cold Spring Harbor Symposia On Quantitative Biology Cold Spring Harb Perspect Biol Cold Spring Harbor Perspectives in Biology

Columbia Law Rev Columbia Law Review

1 Sigles et abréviations selon : Liste des abréviations juridiques-tandem, Unice http://bibliotheque-blogs.unice.fr/tandem/abreviations/ et

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CPLR Civil Practice Law and Rules

Crime Delinquency Crime & Delinquency

Croat Med J Croatian Medical Journal

Curr Psychol Current Psychology

D Recueil Dalloz

Dev Biol Developmental Biology

Dr et Patrimoine Droit et patrimoine

Eur J Med Genet European Journal Of Medical Genetics

Forensic Sci Int Forensic Science International

Forensic Sci Int-Gen Forensic Science International-Genetics

Forensic Sci Rev Forensic Science Review

Gaz Pal Gazette du Palais

Genome Announc Genome Announcements

Genome Med Genome Medicine

Gynecol Obstet Ferti Gynécologie Obstétrique & Fertilité

Harv. L. Rev. Harvard Law Review

Hum Genet Human Genetics

Hum Mol Genet Human Molecular Genetics

Human Genet Human Genetics

Immunol Rev Immunological Reviews

Int J Ethics International Journal Of Ethics

Int J Legal Med International Journal of Legal Medicine J Cell Commun Signal Journal of Cell Communication And Signaling

JCl Civil Code JurisClasseur Civil Code

J Anat Journal of Anatomy

J Clin Oncol Journal of Clinical Oncology

J Contemp Health Law Pol The Journal of Contemporary Health Law and Policy

J Exp Med Journal of experimental medicine

J Exp Psychol Journal of Experimental Psychology

J Forensic Investigation Journal of Forensic Investigation

J Forensic Sci Journal of Forensic Sciences

J Gerontol A Biol Sci Med Sci Journals of Gerontology, series A, Biological Sciences and Medical Sciences

J Happiness Stud Journal of Happiness Studies

J Hum Evol Journal of Human Evolution

J Hum Lact Journal of Human Lactation

J Pers Soc Psychol Journal of Personality and Social Psychology J Res Adolescence Journal of Research on Adolescence

J Res Pers Journal of Research In Personality

J Theor Biol Journal of Theoretical Biology

J. Anat. Journal of Anatomy

J. Biol Chem The Journal of Biological Chemistry

J. Clin Oncol Journal Of Clinical Oncology

J. Hum Evol Journal of Human Evolution

J Pers Med Journal of Personalized Medicine

J Physiol The Journal of Physiology

J Reprod Fertil Journal of reproduction and fertility.

JAMA The Journal of the American Medical Association

JCP Semaine juridique

LA Law Rev Louisiana Law Review

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JORF Journal Officiel de la République Française

Matern Child Nutr Maternal And Child Nutrition

Mich Law Rev Michigan Law Review

Mol Cell Molecular Cell

Mol Vis Molecular Vision

Mol Hum Reprod Molecular Human Reproduction

N Engl J Med The New England Journal of Medicine

Nat Biotechnol Nature Biotechnology

Nat Genet Nature Genetics

Nat Rev Cancer Nature Reviews Cancer

Nat Rev Genet Nature Reviews Genetics

Nat Commun Nature Communications

Nat Methods Nature Methods

Nucleic Acids Res Nucleic Acids Research

Open Biochem J The Open Biochemistry Journal

Origins Life Evol B Origins of Life and Evolution of Biospheres

OSJCL Ohio State Journal of Criminal Law

Paediatr Child Healt Paediatrics & Child Health

Pers Relationship Personal Relationships

Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biologica Sciences

PLOS Biol PLOS Biology

PLOS Genetics PLOS Genet

Proc Natl Acad Sci U S A Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America

Prog Brain Res Progress in Brain Research

Psychol Bull Psychological Bulletin

Public Health Rep Public Health Reports

RDC Revue des contrats

RDIC Revue internationale de droit comparé

RDS S Revue de droit sanitaire et social

Rép civ Répertoire Dalloz de droit civil

Reprod Biomed Online Reproductive BioMedicine Online

RGD Revue générale du Droit

Rheumatol Int Rheumatology International

Roy I Ph S Philosophy And Public Affairs

RSC The Royal Society of Chemistry

RTD civ Revue trimestrielle de droit civil

Sci AM Scientific American

Sci Rep Scientific Reports

Stanford Law Rev Stanford Law Review

Tpami IEEE Transactions on Pattern Analysis and Machine

Intelligence

Transplant Int Transplant International

Transplant P Transplantation Proceedings

Trends Biotechnol Trends In Biotechnology

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INTRODUCTION

1. On peut très certainement affirmer aujourd’hui, qu’aucun domaine des champs d’activité

de l’Homme et de ses interactions avec son environnement n’a échappé aux impacts, directs ou indirects des développements de l’informatique, de la miniaturisation des procédés et des techniques de numérisation de plus en plus puissantes.

2. Les considérables progrès scientifiques et techniques réalisés au cours des dernières

décennies ont bouleversé, au niveau planétaire, toutes les formes de communication et de télécommunication, écrites, verbales et médiatiques et tous les aspects relationnels humains. La numérisation généralisée de tous les aspects de notre vie et de notre environnement a conduit à une dématérialisation des caractéristiques individuelles et a défini des cadres sociétaux nouveaux dans lesquels les individus doivent s’intégrer et auxquels le droit doit s’adapter. Parmi les applications les plus marquantes nées de ces progrès, on retiendra, par exemple et de manière non exhaustive, la révolution génétique issue du séquençage total du génome humain.

3. Bien qu'elle soit aujourd'hui un sujet d'intérêt manifeste aussi bien dans les sphères

politiques et juridiques, que dans le grand public largement averti par la presse des conséquences de la mise en application le 25 mai 2018 du « Règlement européen relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD)2 », la notion de données à caractère personnel et des droits

qui y sont associés reste assez floue aux yeux du public, malgré les efforts de la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL) à cet égard3.

2 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données)

3Voir par exemple la présentation thématique complète, en 11 chapitres, des dispositions du RGPD proposée par la CNIL et dont le premier chapitre traite des dispositions générale du règlement et en particulier de l'article 4 concernant les définitions retenues. Le chapitre III quant à lui traite des droits de la personne concernée.

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4. A la lumière des récents textes relatifs à la protection des données à caractère personnel,

notre réflexion s’articulera selon deux axes principaux concernant 1) l’origine du concept de données personnelles au travers du droit au respect de la vie privée, 2) la reconnaissance internationale des caractéristiques à caractère personnel d’ordre génétique en se concentrant sur la place et le rôle des données génétiques dans la définition de l’identité génétique et de son exploitation criminalistique, et en réservant une place particulière aux droits applicables à la protection de données et de l'exploitation des informations que leur interprétation peut livrer.

5. L’analyse du droit américain concernant le respect à la vie privée et à la reconnaissance

des données à caractère personnel sera la pierre d’angle de notre analyse concernant la recherche des sources du droit au respect de la vie privée et de l’origine de la reconnaissance des données à caractère personnel qu’on lui doit, dans un contexte où le droit français avait été précurseur de courte durée. L’approche de droit comparée contribue à une meilleure compréhension des racines ayant permis l’éclosion du « droit à la vie privée » à la fois en France et au niveau européen. A l’instar de monsieur le Professeur G. Loiseau qui mettait en exergue dans l’introduction de sa thèse de Doctorat, la richesse et les difficultés inhérentes à l’exercice du droit comparé4, nous avons choisi de traduire nous même les textes originaux, y compris les

textes anglais du XVIe siècle, autant que cela fut possible et avons conservé l’emploi de la terminologie anglo-saxonne quand la traduction française de certains mots et expressions ne reflétait pas la puissance du concept qui y était attaché dans la langue d’origine. Il en est ainsi par exemple du mot « home » et de l’expression « privacy » dont la signification américaine est bien plus large que les traductions françaises couramment employées.

6. Cette remarque n’est pas un caprice sémantique car la lecture de directives et règlements

européens, pourtant traduits par des juristes compétents, révèle l’importance des subtilités de langage propres à chaque État membre de l’Union, qui rencontrent quelque fois des difficultés d’adaptation dont nous avons relevé quelques exemples dans notre étude.

4 G. LOISEAU « Le nom objet d’un contrat » Paris, LGDJ, 1997, p 4 Introduction II - L’outil « Il n’en demeure pas moins que la comparaison juridique peut se révéler, pour notre sujet, extrêmement féconde. » … « On connaît les écueils qui attendent le postulant comparatiste : l’ambiguïté du vocabulaire juridique et plus généralement la difficulté de traduction qu’induit l’emploi d’une langue étrangère, sans oublier la question des sources du droit étranger, c’est à dire de la collecte et de l’utilisation des données faisant l’objet de la comparaison »

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Les outils juridiques auxquels notre étude se réfèrera en ce qui concerne son objet principal, relatif aux données à caractère personnel d’ordre génétique, seront pour les États-Unis et la Grande Bretagne les règles de Common Law5, pour la France la loi dite « Informatique et liberté » de 19786, et pour l’Europe plusieurs directives et règlements du Parlement et du Conseil

européens7.

• Un droit bâti sur des idées révolutionnaires

7. La recherche de l’origine des droits de la personne concernée par la collecte,

l’exploitation, la conservation et la mise à disposition d’informations personnelles la concernant, conduit à la source du droit au respect de la vie privée, qui sera le terreau du concept de données personnelles.

C’est aux États-Unis que ce voyage « initiatique » nous fera faire nos premiers pas vers le droit

au respect de la vie privée8

, bien que les prémices de sa reconnaissance aient germé en Europe.

8. Des références à la protection légale de la vie privée sont retrouvées dans les fonctions

attribuées aux Justice of Peace9 (sorte de Juges de proximité du Comté, assistant un Lord), dans

5 Le cas de la Grande Bretagne est particulier et mérite qu’on s’y arrête rapidement. Historiquement, le droit à la vie privée n’était pas reconnu au Royaume Uni jusqu’à la promulgation du Human Rights Act, le 9 novembre 1998, et son entrée en action en 2000. Cette loi reconnaît les termes de la Convention Européenne sur les droits de l’homme et par là même, la notion de vie privée. La reconnaissance des données personnelles n’existait pas avant le Data Protection Act 1984 (DPA, loi pour la protection des données), abrogé par le Data Protection Act 1998, qui en transposant la directive 95/46/CE, conférait plusieurs droits concernant les données personnelles sans en garantir une protection absolue. Le 23 mai 2018, le Data Protection Act 2018 est devenu une loi à part entière par laquelle le Royaume Uni accepte les termes du RGPD concernant les dispositions relatives à la protection des données à caractère personnelles. Au niveau des États, il existe plusieurs différentes lois régissant la collecte et l’utilisation des données personnelles. Voir L JOLLY « State privacy Laws. Thomson Reuters Practical Law https://legal.thomsonreuters.com/en/products/practical-law ; E. BARENDT « La protection de la vie privée en Angleterre » Legicom 1999/4 n° 20 pp115-120 ; Data Protection Act 2018

http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2018/12/enacted/data.pdf

Aux États-Unis, la Common Law n’est qu’une des cinq sources du droit qui obéit par ailleurs aux lois constitutionnelles, aux lois écrites (statutory), aux traités et aux régulations administratives.

6 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (JORF du 7 janvier 1978 p 227), modifiée par la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018

7 V. infra n° 180 8 V. infra n° 64

9 C. A. BEARD The office of justice of the peace in England in its origin and development" (1904) Studies in history, economics and public law. Vol XX Columbia University Press Macmillan University Press. Voir aussi « Des Magistrats subordonnés » M. BLACKSTONE Commentaires sur les Lois Anglaises. Tome Second Livre premier, Chapitre IX pp 1-56-Traduction française M.D.G., Éditions J.L. De BOUBERS Bruxelles 1784

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une loi promulguée en 136110 par le roi Edward III Plantagenet et dont « une disposition

prévoyait l'interpellation des voyeurs ou de ceux qui espionnaient leurs voisins »11

. Ainsi, « Ceux

qui montent sur les toits ou sur les fenêtres des maisons pour épier ce qui s'y fait, et ensuite forger des histoires scandaleuses ou fausses, peuvent être attaqués devant la Cour foncière, pour y être condamnés à une amende, et à donner caution de tenir à l'avenir une meilleure conduite »12.

En 1689 la Déclaration des Droits (Bill of Rights13) imposée au souverain d’Angleterre à la suite de « la glorieuse révolution »14 offre une grande avancée pour ce qui est de la liberté d’expression. Ainsi, la liberté de la presse, dont Voltaire fera l’éloge15, y fut garantie dès 169516,

10 Justices of the Peace Act 1361 Chapter 1 34 Edw 3. Les Justice of peace ne punissent pas. Ils exercent plutôt des actions préventives à l’attention de ceux qui seraient susceptibles de commettre des « offenses » que les lois répriment. « Who shall be Justices of the Peace. Their Jurisdiction over Offenders; Rioters; Barrators; They may take Surety for good Behaviour. First, That in every County of England shall be assigned for the keeping of the Peace, one Lord, and with him three or four of the most worthy in the County, with some learned in the Law, and they shall have Power to restrain the Offenders, Rioters, and all other Barrators, and to pursue, arrest, take, and chastise them according their Trespass or Offence; and to cause them to be imprisoned and duly punished according to the Law and Customs of the Realm, and according to that which to them shall seem best to do by their Discretions and good Advisement . . .and to take and arrest all those that they may find by Indictment, or by Suspicion, and to put them in Prison; and to take of all them that be not of good Fame, where they shall be found, sufficient Surety and Mainprise of their good Behaviour towards the King and his People, and the other duly to punish; to the Intent that the People be not by such Rioters or Rebels troubled nor endamaged, nor the Peace blemished, nor Merchants nor other passing by the Highways of the Realm disturbed, nor put in the Peril which may happen] of such Offenders. . .»

11 A. HARCHOUX « Le droit au respect de la vie privée au Royaume Uni » Gaz Pal (2006), 264 p11

12 M. BLACKSTONE « Des Offenses contre la Santé, la Police et L’Économie publiques » Commentaires sur les Lois Anglaises. Tome 6 Chapitre XIII- pp 69-70. Traduction française J.L. De BOUBERS Bruxelles 1784

13 English Bill of Rights 1689 http://avalon.law.yale.edu/17th_century/england.asp

14 La glorieuse révolution de 1688, correspond au renversement du roi James(Jacques) II par son gendre le prince William (Guillaume) d’Orange, époux de Marie II. Politiquement, le parlement gagne de l’autorité face à la couronne au travers d’un renforcement de la monarchie mixte qui assure des élections libres et remplace définitivement la monarchie absolue. Il en résulte une plus grande crédibilité du gouvernement qui peut, au travers d’une série de changements conséquents, procéder à une révolution financière. L’ascension au trône du nouveau couple royal a été assortie de la signature d’une convention dite « Bill of Rights – Déclaration des droits » qui favorisera une progression très franche des libertés. Ces bouleversements mettront en place les fondements de la révolution industrielle

Pour une lecture plus complète de la révolution glorieuse, voir « The Glorious Revolution of 1688 » par la « Economic History Association » sur https://eh.net/encyclopedia/the-glorious-revolution-of-1688/

15 VOLTAIRE « Voici une différence plus essentielle entre Rome et l'Angleterre, qui met tout l'avantage du côté de la dernière : c'est que le fruit des guerres civiles à Rome a été l'esclavage, et celui des troubles d'Angleterre, la liberté. » (1734) Lettres Philosophiques - Huitième lettre. Sur le parlement- 2001 Blackmask Online. http://www.blackmask.com

16 Le 11 février 1695 le renouvellement du licensing Act de 1662 a été rejeté par la Chambre des Communes qui a ainsi instauré la liberté de la presse en Angleterre. Institué en 1662 sous le règne de Charles II , le licensing Act intitulé « An Act for preventing the frequent Abuses in printing seditious treasonable and unlicensed Bookes and Pamphlets and for regulating of Printing and Printing Presses (loi pour empêcher les abus fréquents liés à la

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après 73 ans de censure intense17.

Mais là s’arrêtera l’aventure anglaise vers une reconnaissance de la vie privée qui sera ravivée dans un premier temps par les vents de la révolution française, puis bien longtemps plus tard par la mise en œuvre des règlementations européennes.

9. La première expression d’une protection légale de la vie privée en France est inscrite

dans la Constitution du 3 septembre 1791 « Les calomnies et injures contre quelques personnes

que ce soit relatives aux actions de leur vie privée, seront punies sur leur poursuite », à côté de

la protection octroyée à la liberté de la presse dans un cadre respectueux de la loi « Nul homme

ne peut être recherché ni poursuivi pour raison des écrits qu'il aura fait imprimer ou publier sur quelque matière que ce soit »18.

La calomnie, qui est une atteinte directe à la vie personnelle publique ou privée, a longtemps été et reste encore, au cœur de débats passionnés opposant les personnes publiques ou privées à la presse. Beaumarchais faisait déjà une analyse criante de vérité des pouvoirs de la calomnie dans le Barbier de Séville en 177519. Louis Blanc proposait que « des peines soient portées contre la

publication de brochures et livres subversifs non autorisés pouvant constituer une trahison, et pour règlementer l'imprimerie et la presse imprimée) censurait de manière considérable la presse puisque toute publication devait obtenir une autorisation préalable. Seuls les imprimeurs de Londres, York, Oxford et Cambridge étaient autorisés à imprimer des livres. Le roi ou le secrétaire d’État pouvait à tout moment ordonner des perquisitions pour rechercher les imprimeries illégales, et l’importation de livres étrangers était également soumise à autorisation préalable

17 R. ASTBURY « The Renewal of the Licensing Act in 1693 and its Lapse in 1695 » (1978) Library s5-XXXIII (4): 296-322

18 L’Article 17 de la Constitution de 1791 dispose « Nul homme ne peut être recherché ni poursuivi pour raison des écrits qu'il aura fait imprimer ou publier sur quelque matière que ce soit, si ce n'est qu'il ait provoqué à dessein la désobéissance à la loi, l'avilissement des pouvoirs constitués, la résistance à leurs actes, ou quelques-unes des actions déclarées crimes ou délits par la loi. - La censure sur les actes des Pouvoirs constitués est permise ; mais les calomnies volontaires contre la probité des fonctionnaires publics et la droiture de leurs intentions dans l'exercice de leurs fonctions, pourront être poursuivies par ceux qui en sont l'objet. - Les calomnies et injures contre quelques personnes que ce soit relatives aux actions de leur vie privée, seront punies sur leur poursuite. »

19 « La calomnie, Monsieur ! Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j'ai vu les plus honnêtes gens près d'en être accablés. Croyez qu'il n'y a pas de plate méchanceté, pas d'horreurs, pas de conte absurde, qu'on ne fasse adopter aux oisifs d'une grande ville en s'y prenant bien : et nous avons ici des gens d'une adresse ! … D'abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l'orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano, vous le glisse en l'oreille adroitement. Le mal est fait ; il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d'œil. Elle s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ? » Dialogue entre Bazile et Bartholo Scène VIII Acte II « Le Barbier de Séville ou la précaution inutile » Beaumarchais (1775)

(26)

calomnie et que ces peines soient terribles »20 et Léon Blum en rappelait le caractère destructeur

dans l’éloge prononcé le 22 novembre 1936 en hommage à Salengro21.

Pétion avait aussi saisi ce thème dans un discours vibrant prononcé en 1791 22 au cours duquel, en parlant de la calomnie « qui circulant de bouche en bouche parvient bientôt à former un bruit

général dont tout le monde parle, dont personne ne doute et dont cependant chacun n’a aucune certitude et ignore même jusqu’au nom de ceux qui le lui ont transmis »23, il proclame que « si la

loi ne détermine pas ce qu’elle veut punir, elle laisse le champ à l’arbitraire »24

.

La reconnaissance d’une capacité donnée à tout homme n’ayant pas de responsabilité publique, de demander réparation pour des torts subis au titre de calomnies ou de divulgations d’éléments relevant de sa vie intime était un progrès considérable au regard du peu de considération que l’ancien régime apportait à l’individu isolé.

10. Pétion, va plus loin en ce qui concerne la protection de la vie privée.

Son discours est un plaidoyer en faveur de la liberté d’expression « Aussitôt qu’il s’agit de

mettre des bornes à la liberté de la pensée, on ne sait où s’arrêter et l’arbitraire commence »25 et

du respect de la réputation de l’homme privé « contradictoire avec les idées de l’ancien

20 L. BLANC « Histoire de dix ans 1830-1840 » (1842) p445 tome II Ed. Pagnerre, Paris. Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

21 « Il n’y a pas d’antidote contre le poison de la calomnie. Une fois versé, il continue d’agir quoiqu’on fasse dans le cerveau des indifférents, des hommes de la rue comme dans le cœur de la victime. Il pervertit l’opinion, car depuis que s’est propagée, chez nous, la presse de scandale, vous sentez se développer dans l’opinion un goût du scandale. Tous les traits infamants sont soigneusement recueillis et avidement colportés. On juge superflu de vérifier, de contrôler, en dépit de l’absurdité parfois criante. On écoute et on répète sans se rendre compte que la curiosité et le bavardage touchent de bien près à la médisance, que la médisance touche de bien près à la calomnie et que celui qui publie ainsi la calomnie devient un complice involontaire du calomniateur. » Discours prononcé par le président du Conseil Léon Blum le 22 novembre 1936, en l’hommage de Roger Salengro, ministre de l’intérieur du Front Populaire, qui s’était suicidé à son domicile à la suite d’une campagne diffamatoire l’accusant d’avoir déserté en 1915. Voir

http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu02044/discours-de-leon-blum-a-l-occasion-des-funerailles-de-roger-salengro-a-lille-le-22-novembre-1936. html, pour un résumé historique voir par exemple D. BERMOND « L’Affaire Salengro. Quand la calomnie tue » (2011) 285 p., Ed. Larousse

22 J. PETION Discours sur la liberté de la presse. Imprimerie Nationale 1791. Selon une information obtenue auprès de l’ARBR (« les Amis de Robespierre pour le Bicentenaire de la Révolution ») le discours de Pétion sur la liberté de la presse fut prononcé le 23 août 1791 devant l’Assemblée au cours d’un grand débat organisé à ce sujet. Il faisait donc suite au discours de Robespierre prononcé le 9 mai devant la Société des amis de la Constitution et auquel Pétion avait également participé

23 J. PETION Ibid 24 J. PETION Ibid 25 J. PETION Ibid

(27)

régime »26 .

11. Ce plaidoyer résonne avec force à la lumière des évènements récents qui ont bouleversé

les sociétés occidentales27.

Au travers d’une liberté de la presse réclamée par ceux qui voulaient garantir une application des droits énoncés dans la Constitution, sans aucune ingérence possible des pouvoirs législatifs, ces propositions révolutionnaires ouvraient le champ à une reconnaissance large de la vie privée qui devait permettre à tout individu de faire valoir un respect de sa personne.

De manière assez surprenante, la référence à la vie privée disparaît des textes constitutionnels à partir de 179328 pour ne réapparaître qu’à l’aube du XIXe siècle29.

12. Le droit au respect de la vie privée30 naîtra aux États-Unis en 189031, à la suite des

travaux de deux avocats, S. Warren et L. Brandeis, inspirés par le vent de contestation français qui portait les semences d’une revendication concernant une prise en compte institutionnelle des aspects intimes de la vie privée, bousculés par la presse à sensation.

Nous verrons comment l’opiniâtreté des deux avocats dans la bataille qu’ils ont menée, a conduit à l’acceptation juridique d’une notion fondamentale du droit privé relative aux aspects les plus intimes de la vie personnelle des individus.

26 Dans l’ancien régime « la moindre atteinte portée à ce qu’on appelait l’honneur de l’homme en place était un délit grave que l’on ne pouvait pas punir trop sévèrement, tandis que l’offense faite à un simple citoyen fixait à peine l’attention de la justice [ ] Il n’existe donc pas les mêmes inconvénients à autoriser les particuliers à se plaindre des écrits où ils seraient faussement inculpés, où leur réputation serait compromise » J. PETION Ibid p26 27 B. PERBAL et A. PERBAL « Liberté, liberté chérie » J Cell Commun Signal (2015) 9 :1-4

28 Si la Constitution du 24 juin 1793 ne contient plus aucune référence à la vie privée, elle retient dans l’article 6, les notions de liberté et de respect d’autrui « La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait. » et conserve la référence à une liberté indéfinie de la presse dans l’article 122 de l’acte constitutionnel, ainsi qu’à une liberté d’expression accordé à tous dans l’article 7. « Article 7. - Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s'assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. » « Article 122. Acte constitutionnel –De la garantie des droits- La Constitution garantit à tous les Français l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété, la dette publique, le libre exercice des cultes, une instruction commune, des secours publics, la liberté indéfinie de la presse, le droit de pétition, le droit de se réunir en sociétés populaires, la jouissance de tous les Droits de l’Homme. »

29 V. infra n° 157 30 V. infra n° 77

(28)

13. Une analyse critique des nombreuses décisions majeures qui ont été favorables et

défavorables à la reconnaissance de « torts » relatifs à la vie privée, sera nécessaire pour comprendre les raisons pour lesquelles les nouvelles idées défendues par Warren et Brandeis ont eu du mal à s'imposer. Il sera à cet égard important de prendre en considération le fait que réclamer une réparation d’atteintes à la vie privée foulée par une presse à scandale dans un cadre juridique fondé sur la Common Law constituait une nouveauté qui bousculait des règles séculaires visant essentiellement à réparer des préjudices relatifs à la propriété privée et à s’appuyer sur la notion de « précédent ».

14. Bien que le droit à la « privacy » n’ait pas été nominativement reconnu dans la

Constitution de 1787, la Déclaration des Droits32 en protégeait déjà des aspects spécifiques tels

que l’intimité des croyances et le libre exercice des religions (premier amendement33), l’intimité

de l’habitation (troisième amendement34), l’inviolabilité du domicile et du foyer par la fouille des possessions personnelles (quatrième amendement35), ainsi que la garantie de procédures légales respectant l’individu et ses informations personnelles (cinquième amendement36).

32 Conformément à l’article V de la Constitution, le premier Congrès des États-Unis réuni le 25 septembre 1789 proposa 12 amendements dont 10 furent ratifiés le 15 décembre 1791. Les articles ratifiés (3 à 12) constituent les 10 premiers articles de la Constitution connus sous le nom de « The Bill of Right ». Les amendements à 26 ont été ratifiés entre le 7 février 1795 et le 1er juillet 1971. L’article 2 de la Constitution fut ratifié comme 27e amendement en le 7 mai 1992. Le premier amendement n’a jamais été ratifié

33 « Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof; or abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the Government for a redress of grievances ». (Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre)

34 « No Soldier shall, in time of peace be quartered in any house, without the consent of the owner, nor in time of war, but in a manner to be prescribed by law ». (Aucun soldat ne sera, en temps de paix, logé dans une maison sans le consentement du propriétaire, ni en temps de guerre, si ce n'est de la manière prescrite par la loi)

35 « The right of the people to be secure in their persons, houses, papers, and effects, against unreasonable searches and seizures, shall not be violated, and no Warrants shall issue, but upon probable cause, supported by Oath or affirmation, and particularly describing the place to be searched, and the persons or things to be seized » (Le droit des citoyens d'être garantis dans leur personne, leur domicile, leurs papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n'est sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou déclaration, ni sans que le mandat décrive particulièrement le lieu à perquisitionner et les personnes ou les choses à saisir)

36 « No person shall be held to answer for a capital, or otherwise infamous crime, unless on a presentment or indictment of a Grand Jury, except in cases arising in the land or naval forces, or in the Militia, when in actual service in time of War or public danger; nor shall any person be subject for the same offence to be twice put in jeopardy of life or limb; nor shall be compelled in any criminal case to be a witness against himself, nor be deprived of life, liberty, or property, without due process of law; nor shall private property be taken for public use, without

(29)

15. L’analyse de l’affaire Pavesich V. New England Life Insurance Co. et al.37

nous enseignera qu’elle constitue une évolution importante qu'il faudra prendre en compte car elle constitue, dans la succession des décisions favorables et défavorables aux principes prônés par Warren et Brandeis, le premier signe d'une reconnaissance établie d'un droit au respect de la vie privée, qui sera ultérieurement renforcé par la reconnaissance constitutionnelle38 d’un droit à la

vie privée élargi et au respect des caractéristiques personnelles d’ordre psychologiques, émotionnels et affectifs.

La condamnation de la compagnie New England Life Insurance ayant publié dans une annonce publicitaire, la photographie d'une personne sans avoir obtenu son accord, ni l'avoir informée, ouvrira la porte à la défense légale d’atteintes relatives à des traits physiques et à la protection de l’image individuelle, qui constituera un thème central de la protection des données à caractère personnel en Europe.

• L’élaboration du concept de données à caractère personnel en France et en Europe

16. A ce stade de notre étude il sera opportun d’examiner les impacts juridiques qu’a eu le

bouleversement conceptuel engagé par Warren et Brandeis, sur la reconnaissance de la vie

privée en France et dans l’Union européenne39.

C’est sur le fondement du droit au respect de la vie privée que s’est bâtie en France et en Europe la notion de protection des données personnelles.

17. Les valeurs « révolutionnaires » qui opposaient la liberté de la presse et la protection de

l’intimité personnelle, firent une brève réapparition, à la fin du XIX e siècle en France, avec just compensation ». (Nul ne sera tenu de répondre d'un crime capital ou infamant sans un acte de mise en accusation, spontané ou provoqué, d'un grand jury, sauf en cas de crimes commis pendant que l'accusé servait dans les forces terrestres ou navales, ou dans la milice, en temps de guerre ou de danger public ; nul ne pourra pour le même délit être deux fois menacé dans sa vie ou dans son corps ; nul ne pourra, dans une affaire criminelle, être obligé de témoigner contre lui-même, ni être privé de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière ; nulle propriété privée ne pourra être expropriée dans l'intérêt public sans une juste indemnité)

37 Pavesich V. New England Life Insurance Co. et al. (1905) Supreme Court of Georgia 122 Ga.190; 50 S.E. 68; 1905 Ga. Lexis 156 V. infra n° 110

38 Affaire Griswold v. Connecticut 381 U.S. 479 (1965) V. infra n° 121 39 V. infra n°155

(30)

quelques condamnations relatives à la diffusion de photographies, prises et/ou utilisées sans que l’accord de la personne concernée n’ait été obtenu40. L’analyse comparative menée dans le cadre de notre étude révèlera que si ces affaires sont légèrement antérieures à la publication du texte séminal de Warren et Brandeis, elles n’auront pas du tout le même impact. En l’absence de textes légaux se rapportant au domaine de la vie privée, les juges seront laissés face à leur propre appréciation et à la jurisprudence existante pour évaluer les préjudices subis par les plaignants.

18. La notion de vie privée ne fera son retour sur la scène juridique qu’avec la loi n°70-643

du 17 juillet 197041, alors que cette même notion était adoptée depuis 1950, au niveau européen,

avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Conv.EDH)42 que la France ne ratifiera qu’en 1974. Sur un plan juridique, la Convention sera

l’architecte de l’instauration et des attributions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH)43 dont le fonctionnement a requis toute notre attention, car cette composante qui est l’instrument juridique de la Convention est également celle qui posera, au travers de la lecture de l’article 8 de la Convention, un élargissement significatif de la notion de vie privée dont elle fixera l’étendue et les limites.

19. Ce texte retiendra aussi notre attention pour une seconde raison. La convention posera la

problématique de l’image, objet de droit44, en ne considérant plus l’image sous l’angle de la propriété mais sous l’aspect de la protection et des égards dus à l’apparence individuelle.

Cette approche nous a conduit à examiner les aspects qui sous-tendent les relations existant entre l’expression des caractéristiques physiques et l’identité personnelle, confrontée au respect de la

propriété de l’image45

.

40 Félix c. O’Connell. 16 juin 1858. Trib. Civ. De la Seine ; Cour de cassation, 28 Fev. 1874, Verdot c. Ligeret et consorts, D. 1874.1.273 Cass. Civ. 10 Mars 1999, 96-18.699, B 87

41 L’article 22 de la loi n°70-643 du 17 juillet 1970 dont le premier alinéa dispose Il est inséré après l’article 8 du Code civil un article 9 ainsi conçu : « Art. 9- Chacun a droit au respect de sa vie privée» « les juges peuvent sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent s’il y a urgence, être ordonnées en référé »

42 V. infra n° 180 43 V. infra n° 185 44 V. infra n° 198 45 V. infra n° 219

(31)

20. La première reconnaissance officielle au niveau international d’un besoin de protection

des caractéristiques individuelles interviendra avec la promulgation le 6 janvier 1978 d’une loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés instituant le concept de données nominatives identifiantes, paradigme fondamental qui bouleversera le paysage juridique afférant à la vie privée personnelle. On lui devra l’institution de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)46. Ce sera une grande première internationale dont les répercussions qu’elle a

eues dans la vie quotidienne de chacun méritaient que nous nous y arrêtions.

21. Un bref retour en arrière nous permettra de mieux apprécier le contexte dans lequel cette

loi fut adoptée.

Dès 1970, l’adoption par la Commission des lois de l’Assemblée Nationale de la création d’un fichier des conducteurs47 avait suscité des craintes concernant la violation des garanties

fondamentales des libertés publiques garanties par l’article 34 de la Constitution48. Au cours de la séance du 30 mai 1970, lors d’une question concernant le prélèvement direct sur les comptes bancaires des amendes pour infraction au Code de la route, M. Mayoud demande « la création

d’un tribunal de l’informatique est-elle envisagée afin d’harmoniser les règles déontologiques de

46 La loi de 1978 sera très largement adaptée et les pouvoirs de la CNIL renforcés avec les amendements apportés depuis sa promulgation

46 La loi 78-17 du 6 janvier 1978 a été modifiée de nombreuses fois jusqu’en 2017. La liste fournie par la CNIL fait état des 17 textes de loi et deux ordonnance suivants :Loi n° 88-227 du 11 mars 1988 (JORF du 12 mars 1988), Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 (JORF du 23 décembre 1992), Loi n° 94-548 du ler juillet 1994 (JORF du 2 juillet 1994),Loi n° 99-641 du 27 juillet 1999, (JORF du 28 juillet 1999), Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, (JORF du 13 avril 2000), Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, ( JORF du 5 Mars 2002), Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 (JORF du 19 mars 2003), Loi n° 2004-801 du 6 août 2004 (JORF du 7 août 2004), Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 (JORF du 24 janvier 2006)Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 (JORF du 13 mai 2009 ), Loi n° 2011-334 du 29 mars 2011 (JORF du 30 mars 2011), Ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 (JORF du 26 août 2011), Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (JORF du 12 octobre 2013), Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 (JORF du 18 mars 2014), Ordonnance n° 2015-948 du 31 juillet 2015 (JORF du 2 août 2015), Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 (JORF du 27 janvier 2016, Loi n° 1321 du 7 octobre 2016 (JORF du 8 octobre 2016), Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 (JORF n° 0269 du 19 novembre 2016 ), Loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (JORF du 21 janvier 2017)

47 Mentionné par M. Charles Deprez lors de la séance 16 avril 1970, lors de laquelle étaient débattues les mesures à envisager pour limiter l’alcoolémie au volant, le projet proposait de centraliser la documentation administrative et judiciaire sur les conducteurs

48 A ce sujet voir VITALIS A. « Informatique, pouvoir et libertés » Edition Economica Paris 1988 p142, dans lequel l’auteur rapporte que « Les assurances données par le Comité interministériel pour l’informatique à Michel Poniatowski qui s’inquiétait en 1972 de l’existence d’un fichier national de l’INSEE regroupant l’état civil de tous les et des possibles connexions de ce fichier avec d’autres fichiers administratifs français n’étaient cependant pas de nature à rétablir la confiance du public »

(32)

cette profession ; d’autre part, est il envisagé de soumettre au contrôle parlementaire la création des différents fichiers informatiques créés par l’État ? ». Les dés sont jetés…M. Poniatowski

déposera le 25 novembre 1970 devant l’Assemblée Nationale, une proposition de loi49 concernant la création d’un comité de surveillance et d’un tribunal informatique.

22. Les questionnements relatifs à la protection des données informatiques personnelles qui

naîtront alors et prendront de l’ampleur au sein du public50, conduiront à la création, dans un climat social français tendu par l’article du « Canard enchainé » dénonçant un projet de fichage général, de la commission « informatique et liberté » par le Premier Ministre P. Mesmer, en 1974. Son travail aboutira à la publication en 1975 du rapport Tricot, texte pouvant très certainement être considéré comme « cheville ouvrière » du projet de loi relatif à l'informatique et aux libertés, déposé au nom du Premier Ministre J. Chirac, par J. Lecanuet en 1976 dont la version définitive51 fut adopté le 6 janvier 1978 comme « Loi relative à l’informatique, aux

fichiers et aux libertés »52 .

23. On retrouvera dans le projet les principes forts visant à « confier à une instance

collégiale, la Commission nationale Informatique et Libertés une mission d’information, de concertation et de contrôle », « prévoir des garanties préventives par des formalités préalables à la mise en œuvre des traitements », instaurer une « reconnaissance d’un droit d’accès et de rectification » et « règlementer la collecte, l’enregistrement et la conservation des données nominatives » qui feront de cette loi et de la Commission Nationale de l’informatique et de la

CNIL des modèles pour les autres pays européens et attribueront à la France une « pole position » pour la protection des données personnelles.

49 Proposition qui ne sera finalement pas adoptée

50 Il est intéressant de noter que bien avant ces évènements français, la mise en œuvre de grandes banques de données numériques et le développement de traitements de plus en plus automatisés aux États-Unis dans les années 1960 ont suscité une prise de conscience des atteintes à la vie privée que le stockage de ces données constituait et déclencha un débat public de grande ampleur dont le paroxysme fut atteint à l’occasion du projet de création d’un Centre National de données (National Data Center) dont le financement fut finalement rejeté année après année par le Congrès (voir à ce sujet « ATTEN M. « Ce que les bases de données font à la vie privée. L’émergence d’un problème public dans l’Amérique des années 1960 » Réseaux (2013) 2 n° 178-179 :21-53 51 Voir à ce sujet les rapports n° 72 (1977-1978) de M. Jacques THYRAUD, fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 novembre 1977 https://www.senat.fr/rap/l77-072/l77-072.html ; et n° 3125 (1977-1978) de M. Jean FOYER, député, fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 octobre 1977 http://www.senat.fr/rap/l77-3125/l77-3125.html

(33)

24. L’importance de la loi de 1978 vis à vis de la protection des caractéristiques physiques

individuelles, méritait aussi que nous nous arrêtions sur la portée du nouveau concept qu’elle a introduit avec l’instauration de la notion de « données informatives53 », qui deviendront avec la

modification législative intervenue en 2004, les données à caractère personnel54

, au rang

desquelles figurent les données génétiques qui nous intéressent ici55.

• Les données génétiques : une catégorie spéciale de données à caractère personnel

25. Les jalons qui auront été posés au cours de cette première partie, en particulier lors de

notre approche de l’image individuelle, nous permettront d’aborder le second versant de notre étude, au cours duquel nous examinerons la place des données génétiques dans la constitution du

« soi », ensemble de données personnelles à part entière56, car ce sont ces données, qualifiées de

« sensibles »57 et les informations qu’elles peuvent livrer qui sont l’objet à la fois d’une

53 « Sont réputées nominatives au sens de la présente loi les informations qui permettent, sous quelque forme que ce soit, directement ou non, l'identification des personnes physiques auxquelles elles s'appliquent, que le traitement soit effectué par une personne physique ou par une personne morale »

54 L’article 2 de la loi dispose que « constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres Ainsi, on passe « des informations nominatives permettant sous quelque forme que ce soit, directement ou non, l’identification des personnes physiques » à la notion d’informations individuelles qui peuvent se rapporter à des identifiants physiques, physiologiques, médicaux ou culturels dont les définitions précises doivent être adaptées aux progrès des sciences et de la bio-informatique. Voir Infra N° 221

55 la promulgation de la loi 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, transposait très tardivement en droit interne la directive européenne de 1995, puisque selon les textes, elle aurait dû légalement être effectuée au plus tard en octobre 1998. Ces modifications devaient favoriser une meilleure adéquation à la généralisation montante des outils informatiques portée par les progrès technologiques

56 V. infra n° 278

57 Est considérée comme donnée sensible par la CNIL, une « Information concernant l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, l’appartenance syndicale, la santé ou la vie sexuelle. En principe, les données sensibles ne peuvent être recueillies et exploitées qu’avec le consentement explicite des personnes » https://www.cnil.fr/fr/definition/donnee-sensible Voir aussi Section 2, article 8-1de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés Version consolidée au 26 août 2004 « Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci ». L’article 9 du RGPD reprend cette définition « Le traitement des données à caractère personnel qui révèle l'origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l'appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d'identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l'orientation

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