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View of Linda Goddard, Aesthetic Rivalries. Word and Image in France, 1880- 1926

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Academic year: 2021

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Linda Goddard, Aesthetic Rivalries. Word and Image in France,

1880-1926

Oxford: Peter Lang, 2012 ISBN: 978-3-03911-879-3

Jan Baetens

L'important livre de Linda Goddard, spécialiste de Gauguin et auteure déjà très remarquée d'un article sur les rapports entre poésie et journalisme chez Mallarmé, s'inscrit dans la longue tradition des études de l'ut pictura poesis, qui se voient abordées ici du point de vue de l'histoire de l'art plus que du côté des études littéraires (si tel avait été le cas, Goddard aurait embrassé le vocabulaire plus à la page de l'intermédialité, ce qui n'est pas du tout le cas ici). Cette perspective, qui explique le soin méticuleux que l'auteure met à convoquer et à utiliser ses sources, joue un rôle capital dans les hypothèses de recherche aussi bien que dans la méthodologie de ce livre, dont la nouveauté tranche heureusement par rapport à certaines idées très reçues en la matière.

D'une part, en effet, Goddard tend à disjoindre ce que l'on rapproche parfois trop rapidement. Alors que la conviction qui domine aujourd'hui insiste fortement sur les efforts des peintres et des poètes d'inventer des formes hybrides, comme si le symbolisme (qui inventa le livre d'artiste) et le cubisme (qui formalisme le mélange des matières et des médias) étaient d'abord des mouvements susceptibles de faire passer de l' "œuvre d'art totale" (Gesamtkunstwerk) de Wagner au métissage généralisé des pratiques postmodernes, Goddard met l'accent sur la face cachée de l'ut pictura poesis, à savoir le "paragone" qui met en avant ce qui sépare et distingue les arts des uns des autres, non seulement du point de vue formel mais aussi et surtout du point de vue de la hiérarchie des arts. Autant que la collaboration entre artistes, c'est donc leur conflit qui intéresse Goddard et c'est à la lumière d'une lutte pour la supériorité culturelle et idéologique qu'elle relit une période historique clé de la culture moderne. C'est en effet entre l es années 1890 et 1920 que les rapports de force s'inversent: la littérature, traditionnellement dominante parce que jugée moins matérielle, plus intellectuelle, plus spirituelle que la peinture, perd sa position privilégiée au profit de cette dernière, devenue tout d'un coup (sic) plus abstraite, plus proche du rêve antiréaliste de l'art moderne et partant plus apte à produire le nouvel idéal du simultané. Goddard retrace cette histoire, aux multiples surprises et rebondissements, avec une connaissance exemplaire du corpus et des détails historiques (et ce de manière d'autant plus utile qu'elle cite toujours en note la version originale des textes). De plus, elle tien fort bien compte du contexte plus large, aussi bien médiatique (car la

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musique, bien sûr, a aussi son mot à dire dans cette lutte des arts; le cinéma ou le gramophone, pourtant, restent absents de l'analyse) qu'historique (avec des renvois très appréciés à des versions antérieures du dialogues entre mots et images).

D'autre part, Goddard réunit aussi ce qui trop souvent se voit séparé de manière presque automatique. Dans ses analyses, toujours très pointues et avec un vrai sens du détail, elle arrive à mettre ensemble des auteurs, des textes, des pratiques, des idées esthétiques, dont les recherches récentes ont fait valoir surtout les incompatibilités. L'exemple le plus frappant à cet égard est sans conteste sa relecture des rapports entre "livre" et "journal" chez Mallarmé. S'inscrivant en faux contre les analyses de Rosalind Krauss (cf. entre autres son livre The Picasso Papers) et mettant à contribution des études venant plutôt du côté littéraire où l'on a déconstruit avec plus de force l'opposition entre avant-garde et journalisme ou encore art d'élite et culture commerciale, Goddard souligne non l'opposition mais la combinaison, il est vrai sélective, de ces deux régimes dans l'œuvre de Mallarmé. Pour Goddard, l'objectif de Mallarmé n'était nullement de trouver une voie moyenne entre poésie et journalisme, mais à inventer de nouvelles formes d'art qui à la fois dépassent ce qui limite la poésie et le journalisme conventionnels et permettent d'explorer plus librement leurs avantages respectifs.

Ce n'est évidemment pas par hasard que c'est le nom de Mallarmé qui se voit cité ici en premier. C'est bien lui en effet qui, malgré la rupture conventionnelle entre symbolisme (dernière phase de l'art du 19e siècle) et cubisme (première étape vers ce qui sera défini comme l'avant-garde et comme un véritable saut hors des catégories séculaires de l'art occidental), constitue la référence majeure de tous les grands débats de l'époque (l'enquête du livre se termine en 1926, année de publication des Faux-Monnayeurs, que certains, dont l'auteur, qualifient parfois de roman "abstrait" et "cubiste"). Dans l'œuvre de Mallarmé se concentrent toutes les notions clé de l'époque: le conflit entre forme et idée, le glissement de la représentation à la suggestion, puis à des formes de représentation non mimétiques, la tentation d'une œuvre "pure" ou "musicale", le dépassement de la linéarité du texte au profit d'une composition tabulaire. À chaque fois, la démarche de Goddard se veut explicitement (mais toujours très poliment) critique des lectures existantes, notamment dans les trois grands dossiers qui constipent la charpente de son livre: Gauguin et ses efforts de combiner texte et image dans l'espoir d'échapper aux classements figés des arts et des pratiques (et partant d'échapper aux critiques de "peintre littéraire", injure suprême de l'époque; le statut des collages dans le cubisme, dont se voient soulignées la dimension "œcuménique" et, de manière plus étonnante, la proximité avec l'esthétique du Livre et du Coup de Dés mallarméens; enfin, Les

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Monnayeurs, que Goddard tente de lire non pas comme un exemple raté, mais comme un exemple réussi des discussions sur l'abstraction vers 1920 (où le reproche majeur ne sera plus celui du "peintre littéraire" mais de l'écrivain qui copie mal les avancées des peintres).

Témoignant d'une excellente connaissance des textes, des sources historiques, des débats (surtout anglo-saxons), Aesthetic Rivalries est un volume qu'il convient maintenant de croiser à son tour avec des recherches proprement littéraires (du côté de littérature et journalisme, on peut songer par exemple aux travaux de Pascal Durand sur Mallarmé) ou avec elles dans le domaine de l'intermédialité (ici le nom de Bernard Vouilloux, auteur d'une série de relectures remarquables sur l'impressionnisme, qui est le premier à venir à l'esprit) et de l'histoire des idées (l'ouvrage de Georges Roque sur l'abstraction servant ici d'utile repère). L'étude de Linda Goddard apporte une voix intéressante et souvent très originale à ces discussions, dont l'auteure souligne à juste titre qu'elles ne font que commencer.

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