FEWS NET Niger Tel: 20 73 41 20 fnr@fews.net
FEWS NET Washington 1717 H St NW Washington DC 20006
Le Réseau de Systèmes d’Alerte Précoce Contre la Famine est une activité financée par l’USAID. Les idées et opinions que ce document exprime ne sont pas forcement ceux d’USAID ni du Gouvernement des États Unis.
NIGER Mise à jour de la sécurité alimentaire Mars 2008
• Le mauvais fonctionnement des marchés et le niveau très élevé des prix des céréales contribuent à créer des conditions d’insécurité alimentaire dans des localités comme Ouallam, Loga, Tillabéri, et N’Guigmi (figure 1). La détérioration des indicateurs des prix dépasse, largement, dans certains cas, le niveau de 2007 au même moment et la moyenne des cinq dernières années. La situation des marchés rappelle celle vécue en 2005 à la même période dans la plupart des cas.
• Cette tension des prix se manifeste par une aggravation des difficultés d’accès des ménages déficitaires dont les plus affectés sont ceux vivant à l’Est du pays (département de Gouré et la quasi‐totalité de la région de Diffa), le Nord Ouest du pays (région de Tillabéry, département de Loga, le Nord Doutchi dans la région de Dosso) et les ménages des centres urbains structurellement déficitaires. Les mêmes problèmes d’accès sont vécus dans la région d’Agadez, mais sont imputables, surtout, à la rébellion armée qui rend difficile l’accès aux marchés et aux sites de productions maraîchères.
• Sur le plan pastoral, la hausse du prix des céréales se traduit par une détérioration des termes de l’échange en défaveur des éleveurs comparativement à 2007 à la même période. Cette situation va encore affecter les populations pastorales en avril et mai 2008, quand ils vont constituer leurs stocks de réserves céréalières pour la remontée vers le Nord dans la zone pastorale. Par ailleurs, les difficultés alimentaires courantes dans les zones agricole et agropastorale ont occasionné, entre février et mars 2008, un accroissement, au dessus de la normale, du mouvement de la population. Ce phénomène est particulièrement significatif dans l’est de la région de Maradi, le Sud et l’Est de Zinder et la région de Diffa.
• Sur le plan nutritionnel, en mars 2008 comparé à mars 2007, les cas de malnutrition admis dans les centres de récupération sont en baisse de 46 pour cent. Toutefois, la situation pourrait se détériorer avec la période de soudure (juin à août), la hausse des prix des céréales et les difficultés d’accès aux aliments.
Calendrier saisonnier et événements significatifs
Source: FEWS NET Niger
Figure 1. Estimation de la sécurité alimentaire courante, mars 2008
Départements en insécurité alimentaire sévère
¯
Départements en insécurité alimentaire modérée Départements en sécurité alimentaire Limites départements
Source: FEWS NET Niger
Situation des marchés
L’approvisionnement des marchés en céréales se fait faiblement depuis le mois de janvier 2008, mais les ruptures de stocks, observées sur certains marchés, concernent pour le moment le maïs et le sorgho dans les zones enclavées. Cette situation a, pour corollaire, une hausse généralisée des prix sur plusieurs marchés (58 pour cent). Toutefois, la situation de hausse des prix sur les marchés est générale en mars 2008, mais l’amplitude est différente selon chaque marché (graphique 1). En effet, la hausse des prix a atteint des seuils critiques sur certains, comme sur le marché de Ouallam où le niveau du prix du mil, en mars 2008 (235 FCFA/kg), est semblable à celui de 2005 à la même période, mais largement au dessus de ceux de 2007 (32 pour cent) et de la moyenne des cinq dernières années (26 pour cent). Cette situation de dégradation significative des prix sur le marché de Ouallam s’explique par le caractère structurel
de la vulnérabilité des ménages, les mauvaises productions enregistrées en 2007 et l’absence totale des flux traditionnels en provenance du Burkina Faso et du Mali. Globalement, les niveaux actuels des prix traduisent une situation d’accessibilité très préoccupante, et rappelle la situation vécue en 2005 à la même période sur la plupart des marchés.
Ainsi, dans le cadre du programme de soutien aux populations vulnérables, des interventions doivent être orientées vers la vente de céréales à prix modéré, la création de banques de céréales, les travaux de cash for work et l’appui aux cultures de contre saison.
Les marchés de bétail connaissent une bonne animation suite à des transactions commerciales qui se maintiennent à un niveau normal. Le prix du bétail garde, depuis décembre 2007, une tendance favorable aux éleveurs grâce à l’existence de bonnes conditions pastorales et des bons états d’embonpoint des animaux. La situation des prix des animaux sur les marchés est particulièrement satisfaisante en ce qui concerne les gros ruminants. En mars 2008, le taureau se vend à 235 063 FCFA sur le marché de Abalak, 258 578 FCFA à Gouré et 310 625 FCFA à Tchintabaraden. Ces niveaux du prix du taureau sur tous ces marchés sont supérieurs à ceux de 2007 et à la moyenne des cinq dernières années. Par rapport à leur niveau moyen établi sur les cinq ans, les prix du taureau affichent une hausse de 14 pour cent sur le marché de Abalak, 26 pour cent sur le marché de Gouré et 72 pour cent sur le marché de Tchintabaraden (graphique 2). Ainsi, malgré les perturbations observées au niveau des marchés céréaliers, les prix des animaux suivent une évolution favorable à l’amélioration des revenus des éleveurs.
Les termes de l’échange bouc contre mil connaissent une évolution normale saisonnière qui se traduit par une baisse entamée depuis le mois de janvier 2008 (graphique 3). Cependant, leur niveau en mars 2008 est inférieur à l’équivalent du bouc observé en 2007. Cette situation, qui fait suite à l’augmentation continuée des prix des céréales, est toutefois encore meilleure que la moyenne des cinq ans, même à Ouallam où la hausse des prix des céréales est l’une des plus consternantes. En effet, en mars 2008, le prix d’un bouc sur le marché de Ouallam permet à l’éleveur de se procurer 103 kg de mil contre 94 kg en moyenne, soit une augmentation de 10 pour cent. Cela place l’évolution des termes d’échanges bouc/mil encore dans une situation de référence ou normale conformément aux seuils fixés par le plan national de contingence adopté en janvier 2008.
Toutefois, la situation pourrait se dégrader les mois d’avril et de mai 2008 avec la diminution saisonnière de l’embonpoint des animaux, une offre importante sur le marché, une baisse des prix des animaux et une forte demande en céréales pour la reconstitution des stocks par les éleveurs pour remonter dans la zone pastorale. Ainsi, dans le cadre de la prévention et de l’atténuation des difficultés alimentaires en milieu pastoral, les interventions doivent être orientées dès que Mai 2008 Graphique 1. Prix du mil en détail (FCFA par KG) sur les marchés de Bakin Birgi, Tchadoua et de Ouallam.
Source: SIMA and FEWS NET Niger
vers la création de boutiques de céréales tout au long des parcours pastoraux dans les régions de Tillabéry, Tahoua, Maradi, Zinder et Diffa avec, comme mode de cession, la vente à prix modéré aux éleveurs de retour de transhumance. Cette action, dont l’efficacité dépend des efforts d’information sensibilisation menés en amont par le gouvernement en collaboration avec les organisations des éleveurs et les ONGs, permettra de diminuer la pression de la demande en céréales et la tension des prix sur les marchés fréquentés par les éleveurs.
Situation alimentaire
Les données de l’enquête conjointe par le Système d’Alerte Précoce (SAP), l’Institut National de la Statistique (INS), le Programme Alimentaire Mondial (PAM), et FEWS NET en décembre 2007 sur la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire des ménages, ont indiqué qu’une forte proportion de ménages, totalisant 4 098 032 millions de personnes, ne peuvent pas couvrir leurs besoins alimentaires à partir de leur propre production. Ainsi, un plan d’intervention a été élaboré par le Dispositif National de Prévention et Gestion des Crises Alimentaires (DNPGCA) pour renforcer les capacités des populations vulnérables à faire face à l’insécurité alimentaire tout en contribuant au développement de leur terroir. Ce plan prévoit des actions « cash for work » au bénéfice de 50 000 ménages, la création ou le renforcement de 700 banques céréalières, la vente à prix modéré de 45 000 tonnes de céréales, la distribution gratuite ciblée de 20 000 tonnes de céréales, la mise en place dans les régions de 2 000 tonnes de semences et la reconstitution du stock national de sécurité avec 30 000 tonnes. Actuellement, une bonne partie de ces ménages a déjà épuisé ses stocks. Sur cette base, et compte tenu de la situation sur les marchés, la situation alimentaire est très préoccupante dans plusieurs localités, notamment à l’Ouest, au Centre et l’extrême Est du pays qui ont été les plus déficitaires suite à la campagne 2007‐2008.
A l’Ouest du pays, les départements de Ouallam et Loga sont les plus affectés par la situation de forte tension des prix des céréales constatée sur les marchés. Cela fait suite à une baisse structurelle de la production céréalière qui se conjugue à un mauvais approvisionnement des marchés, du fait d’une
réduction sensible de l’offre des producteurs et des approvisionnements effectués par les commerçants à partir du Mali et Burkina Faso.
La situation qu’on observe au Centre du pays s’explique par une mauvaise production enregistrée suite à une installation anormale de la saison agricole et un arrête précoce des précipitations. En effet, ce sont des zones de forte production agricole en année normale mais qui sont aussi fortement peuplées, ce qui pose des problèmes de disponibilité et d’accessibilité à certains moments, notamment d’avril, à la fin de la soudure. Les échanges transfrontaliers avec le Nigeria, qui ont ponctionné les disponibilités locales au moment des récoltes et qui doivent normalement se faire en retour en direction du Niger à partir de janvier pour compléter les disponibilités locales, n’ont pas bien fonctionné cette année à Graphique 2. Prix du taureau sur les marchés de Abalak, Gouré et Tchintabaraden.
Source: SIMB and FEWS NET Niger
Graphique 3. Situation des termes de l’échange (kg de mil par bouc) à Ouallam.
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
OCT NOV DEC JAN FEB MAR APR MAY JUN JUL AUG SEP
Qté mil (Kg) par bouc
2002/03 - 2006/07 AVE 2004/05 2006/07 2007/08 Source: SIMA, SIMB and FEWS NET Niger
cause du niveau des prix plus élevé au Nigeria, ce qui a contribué à aggraver ainsi une situation de disponibilité déjà précaire.
Ainsi, en mars 2008, selon le plan de contingence, le niveau de dégradation de l’indicateur lié aux marchés place la majorité des ménages dans une situation d’insécurité alimentaire modérée à critique, et même extrême, dans les cas de Ouallam et Loga. Le cas de Gaya ne traduit pas forcément une situation extrême d’insécurité alimentaire.
Toutefois, cette zone connaît une hausse inhabituelle de prix pour une région où les prix ont toujours été bas. (Figure 2) La dégradation sévère de la situation alimentaire dans ces zones s’est traduite par des départs temporaires de populations en direction des centres urbains et des pays limitrophes. Ce mouvement, dont l’intensité et la forme ont dépassé la normale cette année, affecte déjà la fréquentation scolaire des enfants qui sont souvent obligés de suivre leurs parents.
Les actions que mène ou planifie le gouvernement en collaboration avec les partenaires, notamment les ventes à prix modéré, les « cash for work » et les mesures de
suspension des taxes sur l’importation du riz, jusqu’à mai, n’ont pas pu sécuriser les ménages déficitaires se trouvant déjà dans un état de dénouement total et dont le nombre est important cette année. La fréquentation scolaire des enfants dans les régions concernées, par la constitution des cantines scolaires, doit être préservée. Aussi, les interventions du gouvernement et des partenaires doivent surtout viser à assurer une bonne quiétude alimentaire des populations déplacées à leur retour en mai‐juin pour les prochains travaux agricoles. Cela peut se faire par la constitution des stocks villageois qui peuvent être vendus à des prix modérés à partir de mai ou être cédés aux populations pour être remboursés grain par grain à la fin des récoltes. Il faudrait également envisager la distribution gratuite de semences aux ménages démunis ayant complètement épuisé leurs stocks et initier des actions de « cash for work » pour améliorer leur pouvoir d’achat.
Enfin, il convient de signaler que, face à la situation préoccupante qui prévaut sur les marchés, le gouvernement a pris la décision de suspendre pour une période de trois (3) mois, jusqu’à mai, tous les droits et taxes à l’importation sur le riz.
Cette mesure aura certainement un effet sur l’accessibilité des ménages surtout ceux situés dans les centres urbains, car le riz est un produit de grande consommation urbaine au Niger. Il reste à prendre des mesures similaires en ce qui concerne le maïs et les autres céréales pour espérer un impact de grande envergure qui va toucher les ménages ruraux.
Situation nutritionnelle
L’analyse de la situation de la malnutrition chez les enfants indique une prévalence globale de 0 à 100 enfants pour 100 000 habitants dans la majeure partie des départements, 101 à 200 enfants dans quelques cas et 201 enfants et plus dans de rares cas, comme à Ouallam et Mayahi (Figure 3). Par rapport à la situation de 2007 à la même période, la situation de mars 2008 s’est dégradée à Ouallam, et elle est restée identique dans les autres départements, sauf à Keita, Guidan Roumdji, Tanout, Diffa et N’Guigmi, où on observe une amélioration grâce à un renforcement des actions de prévention et de prise en charge de la malnutrition.
Aussi, les données sur la base des admissions dans les centres de récupération nutritionnelle donnent pour ce mois de mars 2008 un cumul de 9 471 nouveaux cas, dont 7 962 cas modérés et 1
Figure 2. Situation des marchés en mars 2008 comparée à la moyenne 2002/03-2006/07.
¯
Hausse de 16 à 25%
Hausse de 26% et plus Hausse de 5 à 16%
Stabilité
Baisse de 3 à 10%
Données incomplètes
Source: SIMA. Graphique: FEWS NET Niger
Figure 3. Situation de la prévalence de la malnutrition (nombre malnutris par 100 000 habitants) par département (mars 2008).
Situation des admissions des enfants malnutris pour 100 000 habitants
0 200 400 800
Kilometers
¯
0-100 enfants/100 000 hbts 101-200 enfants/100 000 hbts 201-300 enfants/100 000 hbts
DEPARTEMENT 301 et plus
Source: DSSER, FEWS NET Niger
509 cas sévères, soit une baisse de 46 pour cent des cas par rapport à la situation qui a prévalu en 2007 au même moment (Figure 4). Cette situation s’explique par les progrès significatifs enregistrés en matière de santé/nutrition et en matière d’information sensibilisation.
Les admissions répertoriées par région montrent que le nombre de cas les plus importants sont enregistrés dans les régions de Maradi (3 851 cas dont 684 sévères soit 40,7 pour cent des admissions), Tahoua (1 820 cas soit 19,2 pour cent des admissions), Tillabéry (1 716 cas soit 18,1 pour cent des admissions) et Zinder (738 cas soit 7,8 pour cent des admissions). Il convient de noter à ce niveau que, depuis le mois d’août 2005 (début des activités de récupération nutritionnelle suite à la crise alimentaire et nutritionnelle), c’est toujours ces mêmes régions qui enregistrent le plus de cas. Cela peut s’expliquer par leur poids démographique, les mauvaises pratiques alimentaires et nutritionnelles des enfants et des femmes enceintes en cours dans ces régions, et les maladies comme la diarrhée et le paludisme.
Toutefois, comparativement à mars 2007, les admissions sont en baisse dans la majorité des départements, sauf Matameye dans
la région de Zinder et plusieurs départements de l’Ouest du pays allant de Illéla et Tahoua dans la région à Filingué et Ouallam dans la région de Tillabéry en passant Gaya, Loga et Boboye dans la région de Dosso (Figure 4). Ces départements sont en général ressortis dans l’enquête nationale conjointe sur la sécurité alimentaire et la vulnérabilité des ménages conduite en Décembre 2007, comme étant les départements avec les plus fortes proportions de la population en insécurité alimentaire sévère. Leur situation nutritionnelle mérite une attention particulière cette année pour éviter la situation enregistrée en 2005.
Ainsi, l’analyse de l’évolution interannuelle de la situation nutritionnelle au Niger depuis 2005 montre une amélioration se traduisant soit par une stabilisation ou une diminution des admissions comparativement à 2007 et 2006 (baisse substantielle d’environ 46 pour cent entre 2008 et 2007 et 23 pour cent entre 2008 et 2006). De même, par rapport à la moyenne des trois dernières années (2006‐2007), on constate une baisse de 28 pour cent. Cette tendance à l’amélioration pourrait trouver sa justification suite aux nombreux et multiples efforts déployés et à l’efficacité de la réponse apportée par le gouvernement, avec l’appui des agences des Nations Unies, des ONGs et des bailleurs de fonds. Il faut aussi signaler la mise en place d’un réseau de plus de 900 centres de récupération avec l’appui de 24 ONGs, dans un pays où il n’y avait qu’un seul centre de récupération nutritionnelle au début de l’année 2005.
Figure 4. Situation des admissions des enfants malnutris en mars 2008 comparés à mars 2007.
¯
Hausse de 50% et plus Hausse de 6 à 50%
Stabilité Baisse de 5 à 49%
Baisse de 50% et plus
Source: DSSER, FEWS NET Niger