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Les vertus multiples du dessin libre enfantin

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Les vertus multiples du dessin libre enfantin

Dr BRAUN

Nos camarades de Mulhouse avaient organisé l'an dernier, sous le signe ~e

l'AME (Association pour la Moderm- sation de l'Enfance), une grande expo- sition de dessins libres d'enfants, au cours de laquelle le Dr Braun avait fait une conférence dont 110us extrayoi!S les précieuses considérations suivantes sur le Dessin des enfants :

... L'interprétation du dessin va justement dans cette ligne de pen~ée de l'a~ulte

que nous voudrions évtter ce s01r, à savoir dépister quelque chose chez l'enfant, percer le mur du secret de l'enfant et mieux le posséder. Il ne s'agit pas de cela du tout.

Je ne vous parlerai pas de la .Pédagog~e

du dessin libre parce que Je ne sut~

pas pédagogue et je ne vous parlerat pas non plus. de l'inte,rl?rét~tion du dessin libre, Je vous 1 at d1t, parce que cela est dangereux, mais en plus parce que je ne suis pas psychanalyste.

Et les psychanalystes le disent fort justement, « interpréter un ~étmJ, i~ter-.

préter Wl signe est tout a fatt nsque lorsqu'on néglige la to.tal~té de _la per~onne.»

Un signe n'a de stgntficat10n, c est le cas de le dire, que dans un ensemble.

Les médecins diraient « dans un tableau clinique». Nous savons très bien qu:a- voir mal à la tête ne veut pas dtre que l'on ait une tumeur au cerveau.

Pour prouver la tumeur au cerveau, il faut un certain nombre d'autres stgnes.

Si l'adulte assiste passivement au jeu ou au dessin de l'enfant, sans entrer dans les considérations très détaillées, l'enfant communique ainsi avec l'adul- te, sans exprimer verbalement ce qu'il ressent ou ce qu'il veut dire.

Il y a, si vous v:oulez, une cot~plicité

informulée. Et Je ne me serats pas étonné si l'on me disait que dans les classes pratiquant les Techniques Frei- net, où les enfants peignent beaucoup, il y a une facilitation du contact entre le maître et les élèves, parce que le maîtœ tolère précisément ces peintures.

Et que le maître aurait grand tort de s'inquiéter sur la signification de tel ou tel détail et aurait grand tort de fournir à l'enfant l'explication néces-

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saire, étant donné que ce qui est le plus important, c'est sa présence.

Je reviens à ce que certains auteurs prennent précisément de la psychana- lyse des enfants. La psychanalyse des enfants a été faite par des analystes qui avaient évidemment été formés à la psychanalyse d'adultes d'abord. Au début, il n'y avait que les ané\lystes d'adultes. Puis certains analystes d'adul- tes se sont dit: <<Pourquoi ne ferions- nous pas profiter certains enfants de cette méthode? >>

Ils ont essayé d'appliquer la méthode aux enfants. Seulement ils se sont rendu compte qu'un enfant n'accepte pas de s'étendre sut· un divan et de monologuer pendant trois quarts d'heure.

Ça ne marchait pas. Ils ont donc essayé une autre manière et ils se sont dit:

<<Puisque les enfants jouent, on va les faire jouer ! et nous allons expliquer à l'enfant ce qu'il joue. On va lui dire ce que nous en pensons. On va inter- préter ses jeux, ses dessins, ses pein- tures>>.

Lorsque nous fouillons la littérature psychanalytique, nous devons malheu- reusement constater - et les plus grands auteurs le disent bien - qu'il y a de nombreux échecs dans cette verbalisation des conflits, dans cette verbalisation du jeu et des productions enfantines. Pour plusieurs raisons qu'il serait trop long d'expliquer ici, mais d'abord parce que le langage adulte n'est pas nécessairement le même que le langage enfantin, et qu'il est quelque- fois très difficile de faire passer ce que nous pensons vers l'enfant par notre langage, même en u parlant en- fant>>.

Pour une autre raison aussi, c'est que pour supporter des interprétations, il faut déjà être une personnalité suffi- samment solide, pour recevoir le choc

d'une certaine révélation. Or l'enfant est une personnalité qui n'est pas achevée, qui n'est pas encore formée.

Donc elle aura beaucoup de mal à supporter certaines interprétations. Ou même la personnalité de l'enfant se rendra compte qu'il y a danger devant certaines interprétations et les refuse.

Les analystes connaissent très bien ces défenses devant certaines prises de conscience.

Alors, étant donné que l'interprétation peut être dangereuse, surtout dans des mains inexpertes, peut ne pas aboutir, parce que l'enfant n'est pas en mesure de le supporter, pourquoi renoncer au mécanisme invoqué par la psycha- nalyse?

Vous avez certains enfants qui se trouvent incapables dans tous les do- maines, dans le domaine du contact social, dans le domaine de la réussite scolaire, dans le domaine de la produc- tion et qui brusquement découvrent le dessin, où on ne leur donne aucune directive, où on ne leur impose aucun critère. Ces enfants se mettent alors à peindre librement, à s'exprimer sans qu'ils puissent comparer leurs dessins à ce qu'il u faudrait faire>>. Lorsqu'ils font un i, ils peuvent comparer ce i au i du maître. Et la comparaison, neuf fois sur dix est défavorable pour eux. Lorsqu'ils font une peinture libre, il n'y a pas de comparaison. Un tel peindra de telle façon, tel autre d'une autre façon.

On pourra d'ailleurs déjà leur montrer que certains peintres peignent de façon qui n'a rien à voir avec telle autre façon. Evidemment si un enfant qui fait de la peinture libre se trouve confronté avec un instituteur qui dit à propos d'un dessin raté: <<C'est du Picasso !>>

alors là, je crois qu'il y a déjà des inhibitions !

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Donc il serait intéressant pour cet enfant d'avoir un adulte à sa disposition qui accepte ses productions libres et qui reconnaisse que ses productions libres ont une valeur en soi. Soit une valeur artistique, soit une valeur de défoulement, une valeur de libération pour les conflits de l'enfant.

Vous me direz que je parle beaucoup d'enfants perturbés, d'enfants anor- maux, d'enfants psychotiques, et que la majorité des enfants ne sont pas tellement anormaux que cela. Mais je vous répondrai qu'il est rare de rencon- trer un enfant 100% normal.

. Je dirai que c'est heureux, parce que si l'on voulait parler d'enfant normal, il faudrait d'abord décrire un enfant type et considérer que·quiconque s'écar- te de ce type est anormal. Nous en reviendrions de nouveau aux métho::les que nous n'aimons guère, justement, de calligraphie où il s'agit de conformer une production à un modèle rigide.

Donc nous avons des enfants qui ne sont pas 100% normaux. Tant mieux pour eux ; mais cela comporte des risques. Risques de déviations évolu- tives auxquelles je faisais allusion tout· à l'heure lorsque je disais que dans la maturation sur divers plans, il pouvait y avoir des retards, des avances, des dysharmonies. C'est chez ces en- fants-là, qu'un soutien épisodique, qu'une aide venant de l'extérieur peut être extrêmement utile. Cette aide peut permettre à l'enfant, par exemple, de liquider un conflit, une opposition.

Un enfant qui a eu beaucoup de fautes d'orthographe, en arrive à descendre en dessous du plancher et à avoir des zéros. Et plus il descend, plus il fera de fautes, mais ce sera toujours zéro.

Mais quand il va remonter, ce sera longtemps encore zéro. J'ai dû, avec un élève, un jour, faire une statistique

Ecole de Trégastel (C-du-N)

sur ses fautes et lui démontrer qu'il était en progrès sensationnel parce que maintenant, il ne faisait plus que 17 fautes, ce qui le mettait très loin en dessous du zéro, alors que quelques mois auparavant, il en faisait 53 ! Devrions-nous introduire des notes négatives? Je ne le pense pas ! Il ne faut pas compliquer la cotation à ce point-là! Mais je pense que l'enfant quand il est dans un échec, geme orthographe et que les sanctions sco- laires ne lui permettent pas de réaliser qu'il va mieux, ou bien ne lui permettent pas de reprendre pied, il serait bon qu'à ce moment-là, il puisse trouver des satisfactions ailleurs ; si vous voulez un dérivatif, un·e satisfaction dans une production libre. Nous en revenons au dessin libre.

Nous voyons que nous retombons

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toujours sur la même activité, pour la bonne raison qu'elle peut servir à un tas de choses. Ce n'est pas seulement une projection, pas seulement un exer- cice graphique, c'est également la sen- sation d'avoir fait quelque chose. Il en va de même pour le modelage, pour le bricolage des enfants plus grands. Mais enfin, il est possible, même plus facile, d'avoir une feuille de papier, des couleurs, un pinceau, ou simplement des crayons : ceci est à la disposition d'à peu près tout le n:onde. Et je crois que le jour où tous les parents auront réalisé que, quel- quefois, en faisant dessiner ou peindre l'enfant, on permet de liquider pas mal de situations dramatiques, il y aura moins de catastrophe !

Donc, soutien épisodique pour per- mettre à l'enfant de se valoriser, de surnager, d'ici qu'il ait repris pied dans le domaine où il a échoué, mais aussi, dans le dessin, circonstance favorable pour liquider certaines tensions.

Lorsqu'un fermier a de grosses contra- riétés et s'il a, à sa disposition un gros tas de bois, il peut considérablement se soulager en faisant sa provision de petit bois pour l'hiver. Lorsqu'un ménage aboutit à une tension aiguë, on sait que la vaisselle joue souvent un rôle psychothérapique. Mais je crois qu'il n'est pas toujours nécessaire de recourir à des moyens aussi brutaux ! Je pense que certaines activités per- mettent en ·particulier à l'enfant de diminuer ses tensions, ses tensions qui ont des raisons, mais qui le paralysent, qui non seulement l'empêchent de réilgir sainement à l'origine de cette tension, mais l'empêchent également de se comporter normalement dans des domaines qui n~ sont pas touchés par cette tension. Un enfant qui peut barbouiller alors qu'il a des problèmes de propreté, un enfant qui peut dessiner

quelque chose et le détruire ensuite, parce qu'il a des conflits avec quelqu'un ou quelque chose, se psychothérapisera lui-même.

Un de mes confrères me racontait justement le cas d'une petite fille qui avait très peur des vaches, ou des taureaux... enfin des bêtes à cornes, et qui en avait même peur lorsqu'elle était chez elle, en ville. C'était gênant.

Et un beau jour, elle a dessiné une bête à corne, une vache. Ce collègue, très modeste, s'est dit: ''Au fond, pourquoi ne pas détruire cette vache, puisqu'elle lui fait peur'?>> Il l'a invité à punir la vache, à lui faire peur.

L'enfant s'en est payée ! Elle a trans- percé la vache à coups de crayon, elle l'a barbouillée, l'a déchirée, et finale- ment l'a toute chiffonnée et l'a jetée au panier. Ç'a été une cure miracle ! L'enfant n'a plus eu peur de la vache.

Pourquoi'? Eh bien, parce que l'enfant avait produit sur le papier l'image de sa peur. Et, en ayant été l'artisan, le producteur, l'enfant en était le maître.

Alors que l'enfant ne pouvait maîtriser la situation extérieure qui lui faisait peur, l'e,1fant pouvait maîtriser sa projection.

Regardez, dans les foires, les jeux de massacre: il était un temps où il était permis de mettre les têtes politi- ques au jeu de massacre : ça permettait d'éviter certaines révolutions parce qu'on pouvait descendre l'adversaire politique.

Eh bien, je pense que l'enfant, lui, continue de faire cela, précisément dans le dessin. Ou avec ses poupées. Vous avez des enfants qui ont la gentille poupée et la méchante poupée. Et la méchante poupée, ·qu'est-ce qu'elle prend ! Seulement, il vaut beaucoup mièux que ce soit la méchante poupée qui prenne que le petit frère ou la petite sœu'r. Ça évitera des histoires

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et ça évite ra des répressions. Il vaut beaucoup mieux que l'enfant puisse démolir, salit· un dessin qui pour lui sera la projection de ses conflits plutôt

que l'enfant n'exprime sa contrariété dans des coins et ou dans de l'opposi- tion.

Vous voyez. que lorsque les parents

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veulent trop bien faire et grondent un enfant parce qu'il a sali un dessin, c'est peut-être qu'ils n'ont pas compris que dans le fait de salir ce dessin, il y a eu quelque chose qui s'est passé.

Le soulagement d'une certaine tension.

Il se fait donc constamment un travail de liquidation au niveau du jeu, au niveau du dessin de l'enfant. Ceci s'est fait longtemps avant que les psychiatres, les psychanalystes et les psychologues ne s'y intéressent, c'est évidet!t ; mais étant donné que l'enfant, par les conditions de civilisation se voit confronté à des difficultés d'adaptation de plus en plus grandes, et que le champs d'expérience qui lui est offert se restreint en raison des conditions matérielles, il est important que, main- tenant, on ne néglige plus aucune de ces po~sibilités spontanées de l'enfant, ou même qu'on l'y encourage. Parce qu'il y a certains enfants qui sont tellement bloqués qu'ils n'osent même plus faire quelque chose sur le plan du jeu.

J'ai vu des enfants qui ne se permet- taient J:OUr rien au monde de renverser une tour de cubes ! Parce que cela fait du bruit, parce que c'est casser quelque chose. On leur fait une tour de cubes, ils l'a démontent soigneuse- ment un à un; et ce n'est qu'au bout de quelques séances de psychothérapie qu'enfin ils donnent le premier coup de pied, ou le premier coup de poing dans la tour, avec beaucoup de satis- faction d'ailleurs. Puis il se ressaisissent, regardent l'adulte. Ils voient que l'adul- te n'est pas catastrophé et ils recom- mencent, et ils recommencent de plus en plus vite. On voit qu'ils ont décou- vert quelque chose. Qu'ils ont enfin découvert la petite soupape de sécurité qui leur permet de se soulager de ce contrôle excessif qui les empêchait de s'exprimer.

Je crois que dans la mesure où les

adultes montrent à l'enfant en quoi ils doivent se limiter, et comment ils peuvent se soulager, ils faciliteront à l'enfant cette adaptation à nos condi- tions de vie et l'équilibre dans cette évolution difficile pour l'enfant. · J'ai quand même été étonné de voir que certains parents sont stupéfaits quand je leut· dis que leur enfant de 3-4 ans, pourrait jouer, barboter dans l'eau.

<< Ah! mais c'est vrai! je n'y avais pas

pensé! disent-ils ! L'une ou l'autre fois, je l'ai vu barboter dans l'eau : il avait l'air très content! >>

Et ensuite, de nettoyer par terre :

<< Ah! mais c'est vrai! A ce moment-là,

je n'ai plus besoin de le gronder parce qu'il met de l'eau par terre! >> •

Et l'enfant, ravi de pouvait· barboter à son aise, ravi de pouvoir encore frotter par terre parce que c'est mouillé, ravi parce qu'ensuite il ne se fait pas gronder et que tout est rentré dans l'ordre, s'est soulagé tout en se coulant dans le moule d'une vie sociale adap- tée dans le sein de sa famille.

Vous voyez qu'il n'est pas question d'interprétation dans tout cela.

Dr BRAUN (A suivre)

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