• Aucun résultat trouvé

La polysémie comme source d'analogie L'exemple du verbe « monter »

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La polysémie comme source d'analogie L'exemple du verbe « monter »"

Copied!
15
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-01503780

https://hal-univ-paris8.archives-ouvertes.fr/hal-01503780

Submitted on 19 Apr 2017

HAL

is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire

HAL, est

destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

La polysémie comme source d’analogie L’exemple du verbe “ monter ”

Jean-Marc Meunier

To cite this version:

Jean-Marc Meunier. La polysémie comme source d’analogie L’exemple du verbe “ monter ”. Revue

des Sciences et Technologies de l’Information - Série RIA : Revue d’Intelligence Artificielle, Lavoisier,

2003, 17 (5-6), pp.855-868. �10.3166/ria.17.855-868�. �hal-01503780�

(2)

La polysémie comme source d’analogie

L’exemple du verbe « monter »

Jean-Marc Meunier

Laboratoire Cognition et activités finalisées Université de Paris 8

2, rue de la liberté

F-93526 Saint-Denis cedex 02 jmeunier@univ-paris8.fr

RÉSUMÉ. Plusieurs modèles linguistiques (Desclés, 1990 ; Picoche, 1989) suggèrent de considérer les items lexicaux tels que les verbes comme des catégories de significations. Cette hypothèse nous paraît intéressante parce qu’elle permettrait de fournir une explication aux utilisations métaphoriques de certains verbes tels que celles qu’on peut rencontrer dans certaines expressions idiomatiques ou dans des expressions enfantines. Nous proposons de regarder ces phénomènes de créativité langagière comme des phénomènes de catégorisation fondés sur la structuration des différents emplois d’un item lexical. Les résultats d’une première étude exploratoire où les sujets avaient à classer les différents emplois du verbe

« monter » accréditent cette hypothèse.

ABSTRACT. Several models linguistic (Desclés, 1990; Picoche, 1989) suggest regarding the lexical items such as the verbs as categories of significances. This assumption appears interesting to us because it would make it possible to provide an explanation to the metaphorical uses of certain verbs such as those which one can meet in certain expressions idiomatic or childish expressions. We propose to look at these phenomena of linguistic creativity like phenomena of categorization based on the structuring of various employment from item lexical. The results of a first exploratory study where the subjects had to classify the various uses of the verb "to go up" accredit this assumption.

MOTS-CLÉS : sémantique de l’action, verbes d’action, créativité langagière, polysémie, analogie, métaphore, catégorisation.

KEYWORDS: semantics of the action, verbs of action, linguistic creativity, polysemia, analogy, metaphor, categorization.

(3)

1. Introduction

Les psychologues s’intéressent depuis longtemps à la compréhension et à la production verbale. En ce qui concerne la production verbale, les débats se sont focalisés autour des mécanismes de traitement dans la lexicalisation, c’est-à-dire du passage la représentation conceptuelle à la sélection de l’item lexical (pour une revue, voir Ferrand, 2001). Cette lexicalisation est très dépendante de l’organisation conceptuelle, ce qui a amené un certain nombre de chercheurs à se pencher sur l’organisation conceptuelle en mémoire. Cependant, la plupart des travaux ont abordé ces questions sous l’angle de l’organisation interconceptuelle et la question de la polysémie a été laissée de côté.

Dans nos précédents travaux, c’est à la représentation conceptuelle que nous nous sommes intéressés, notamment la représentation interconceptuelle des actions en l’abordant du point de vue de la catégorisation des verbes d’action (Meunier, 1999 ; Richard et al., 2001). Mais les verbes sont des items lexicaux éminemment polysémiques. Dans cet article, nous nous interrogeons sur l’organisation des significations relatives à un même item lexical. Nous ne cherchons pas à décrire, de manière plus ou moins exhaustive, les différents sens d’un verbe, ce travail relève de la linguistique, mais nous cherchons à comprendre la structuration de ces emplois en mémoire, et éclairer ainsi les mécanismes psychologiques de compréhension et de production reposant sur cette organisation.

2. Polysémie, métaphore, analogie et catégorisation

La polysémie, c’est à la fois la possibilité pour un mot de pouvoir évoquer des sens différents, mais aussi d’en créer de nouveau (voir Nyckees, 1997). Cependant, pour pouvoir parler de polysémie, il faut qu’il existe une certaine unité de l’item lexical sous ces différents emplois (Desclés, 1990 ; Picoche, 1989 ; Victorri et Fuchs, 1996). Par exemple, J.P. Desclés, dans son analyse du verbe « toucher », décrit la notion fondamentale commune à toutes les acceptions de ce verbe : « être en contact avec » (Desclés et al., 1998). Il n’est cependant pas toujours possible d’identifier ce qui fait l’unité de sens du verbe. Ainsi les emplois du verbe « voler » (se mouvoir dans les airs et dérober) peuvent être considérés comme des items lexicaux indépendants puisqu’ils n’ont rien en commun (sauf à chercher ces points communs dans l’étymologie).

Les différents sens d’un item polysémique, puisque stabilisé en langue sont supposés être stockés en mémoire. Comment alors rendre compte de l’utilisation métaphorique de certains verbes et de manière générale de la créativité dont fait preuve le langage ? Doit-on considérer que tous ces nouveaux emplois sont de nouveaux signifiés stockés en mémoire ? Il est difficile de retenir cette hypothèse. En effet, pour des raisons d’économie cognitive, on ne peut supposer que tous les emplois particuliers d’un verbe sont stockés en mémoire.

(4)

2.1. La polysémie n’existe pas ?

Une première façon de traiter cette question est en fait de l’évacuer en considérant les différentes acceptions d’un item lexical comme des entrées lexicales indépendantes. Cette conception, dans la droite lignée de l’approche chomskienne, a été défendue par des auteurs comme Katz et Fodor (1963). De ce point de vue, l’ambiguïté n’existe qu’en surface. Les unités de la structure profonde étant univoques. Cette approche permet de rendre compte de verbes aux acceptions très différenciées comme que le verbe « voler » que nous avons évoqué plus haut. Dans certains cas, cependant, on peut percevoir intuitivement une unité de sens sous des emplois que cette approche distinguerait. Ainsi dans les exemples (1) et (2), pour lesquels Gross (1994) propose des schémas de significations différents, on perçoit bien la notion commune d’ingestion.

(1) Luc a pris un steack. (PRENDRE : /NO : humain /N1 <aliment>

/nominalisation impossible)

(2) Luc a pris de l’aspirine. .(PRENDRE : /NO : humain /N1 <médicament>

/nominalisation possible)

Dans une telle approche, on ne voit pas bien comment est résolu le problème de phrase comme :

(3) Luc a pris du sirop. (aliment ou médicament ?)

On ne voit pas n’ont plus comment une mère expliquant aux secours les circonstances de l’accident peut dire en étant comprise :

(4) Mon enfant a pris du détergent.

Unité de sens et créativité langagière sont à notre avis mal prises en compte dans ce type d’approche.

2.2. L’indétermination du sens

Une autre façon de traiter cette question de la polysémie est de considérer que le sens est sous-déterminé, voire indéterminé. Cette approche s’applique particulièrement bien à des mots au contenu vague comme « truc », « bidule » ou encore « chose ». Ces termes n’ayant pas de référence précise, ils peuvent être utilisés pour signifier à peu près tout et n’importe quoi. Malgré cela, leur emploi ne pose pas de problème de compréhension dans la vie courante (Victorri et Fuchs, 1996). Ces termes ont-ils plusieurs sens, un sens sous-déterminé, voire pas de sens du tout ?

Si, pour des termes comme ceux que nous venons d’évoquer, il semble assez facile d’admettre qu’ils sont à peu près vides de sens et que c’est le contexte qui permet de leur en attribuer un, cela paraît moins évident pour les verbes. On ne peut

(5)

en effet remplacer un verbe par un autre sans conséquence sur le sens de l’énoncé.

Ainsi dans les exemples qui suivent : (1) Le candidat a bien vendu son projet.

(2) Le candidat a bien défendu son projet.

L’emploi du verbe « vendre » ou du verbe « défendre » invite à se faire des représentations différentes de la situation soit en termes de transaction pour (1), soit en termes d’affrontement pour (2). Comment rendre compte de cela ? Le courant de la linguistique pragmatique (Austin, 1969 ; Searle, 1982) s’est attaché à rendre compte de l’importance du contexte énonciatif et du jeu des implicitations à l’œuvre dans l’interprétation de tels énoncés. Mais cette approche ne dit à peut près rien du contenu conceptuel des items lexicaux sur lequel reposent ces implicitations.

2.3. Sens propre et sens métaphoriques ?

Certains auteurs ont proposé de décrire le contenu conceptuel des verbes en postulant l’existence d’un sens « noyau » commun à tous les emplois (voir par exemple Schank, 1975 ; Miller et Johnson-Laird, 1976). Cette approche est également celle de certains dictionnaires qui mettent sous une entrée commune les différentes acceptions du mot, en proposant que l’une d’elles soit le sens propre et les autres des sens dérivés.

En général, le sens propre est le sens concret. Cette approche n’est pas toujours aisée parce que le sens « noyau » n’est pas toujours identifiable. On peut faire trois reproches à ce type de conception. D’abord elle est encore un moyen d’éluder la question de la polysémie en cherchant à rendre univoque la relation signifiant/signifié au moyen d’un sens qui serait premier par rapport aux autres.

Ensuite, cette approche n’explique pas ce qui justifie le statut particulier accordé à une des acceptions. Enfin, la question de la relation entre les différentes acceptions est évacuée.

2.4. Le mot vu comme une catégorie de significations

Cette approche est intermédiaire entre l’hypothèse du sens « noyau » et celle d’une pluralité de sens réalisés par un même lexème. Elle consiste à postuler l’existence d’un sens premier duquel dériveraient les autres sens. Contrairement à l’approche en termes de sens « noyau », ce sens premier ne serait pas nécessairement lexicalisé. Il correspondrait à tous ce qui est commun aux différents emplois de l’item lexical. Ce sens premier est appelé « archétype sémantico-cognitif » par J.P.

Desclés (1990) ou « signifié de puissance » par J. Picoche (1992).

(6)

Dans cette approche, les différents emplois d’un item lexical dérivent de l’archétype par des opérations de spécification et d’abstraction. Un item lexical est alors vu comme une catégorie de signification et l’on peut, en utilisant un item lexical, se situer à un niveau plus ou moins important de spécification. Une telle approche offre selon nous plusieurs avantages.

i) Elle permet de rendre compte de la grande souplesse du langage. En effet, conserver une certaine indétermination permet un plus large choix dans les expressions sans multiplication inutile du vocabulaire.

ii) Elle explique la proximité de sens que peuvent percevoir intuitivement des sujets non linguistes et dont on peut observer les effets dans des phénomènes comme la paraphrase.

iii) Enfin, cette approche propose une explication aux phénomènes de créativité langagière comme la métaphore ou l’analogie verbale. Il faut, en effet pour que l’analogie ou la métaphore soit possible, que soit identifié un domaine commun, ce qui ne peut être fait qu’à un niveau relativement général. Ces phénomènes peuvent alors être regardés comme des opérations de catégorisations (Sander, 2000). Choisir un verbe pour décrire une situation (comme dans les exemples 1 et 2), c’est inviter l’interlocuteur à la catégoriser d’une certaine façon. Cela n’est possible que grâce à la structuration des différents emplois du verbe parce qu’elle autorise l’attribution du sens à un niveau plus ou moins général.

3. L’exemple du verbe « monter » 3.1. Description linguistique

Nous présentons dans la figure 1 l’organisation des différents emplois du verbe

« monter » proposé par Desclés et al. (1998). L’archétype proposé par cet auteur pour ce verbe est formulé en termes de gradient ascendant. Selon les cas, cet archétype peut être réalisé dans le domaine spatial ou non spatial. Les différents emplois du verbe dérivent de cet archétype par des opérations de spécification ou d’abstraction. Ces archétypes ne sont pas toujours évidents à trouver et il n’est pas sûr qu’on puisse en trouver pour tous les verbes d’action, même si plusieurs d’entre eux ont été décrits (par exemple Abraham, 1996), essentiellement dans le domaine du mouvement.

Cependant cette approche est intéressante parce qu’elle permet de ramener la polysémie à un mécanisme bien connu en psychologie : la catégorisation et ainsi de rendre compte de la métaphorisation de certaines acceptions des verbes.

(7)

Figure 1. L’organisation des différents sens du verbe « monter » (d’après Desclés et al., 1998)

3.2. Une étude exploratoire de la catégorisation des emplois de « monter »

L’expérience que nous rapportons ici vise à explorer l’hypothèse de l’organisation en catégories des différents sens du verbe « monter ». Nous faisons l’hypothèse, à l’instar de Desclés et al. (1998), que les différents emplois de ce verbe sont organisés en classes distinctes. Nous avons testé cette hypothèse en utilisant une tâche de classification de phrases.

Spécification Spécification

Abstraction

Spécification Spécification Spécification

Abstraction

+CONTR

+TELEO +CONTR

+TELEO +CONTR

+CONTR +TELEO +FAIRE

+TELEO

+intermédiaire z z ° x +FAIRE

y ° x

Abstraction

Archétype de /Monter/

Spécification

non spatiale Spécification

spatiale

Cinématique:

variation sur une échelle

Le blé monte

Cinématique:

La fumée monte

Cinématique virtuel:

Le chemin monte

Dynamique avec téléonomie:

Jean montait sur la colline

Dynamique sans téléonomie:

Jean montait la colline

Dynamique: variation dans l'organisation

Luc monte un coup

Dynamique avec intermédiaire:

Jean monte en acsenceur Dynamique: transitivité

sémantique

Jean monte les oranges sur le camion

Figure 1. L'organisation des différents sens du verbe

"Monter". D'après Desclés et al (1998)

(8)

3.2.1. Dispositif expérimental Matériel

Le matériel est constitué de 34 phrases simples ayant la structure « sujet – verbe – complément ». Ces phrases sont issues des exemples de Desclés et al. (1998) et de deux dictionnaires1.

Sujets

75 étudiants de 2e année de DEUG de psychologie ont participé à cette expérience.

Tâche

Les sujets avaient à classer les phrases en fonction du sens du verbe « monter » dans ces phrases. La passation est individuelle et se fait sur ordinateur de façon à recueillir l’activité de classement et le résultat. Les sujets avaient sur la gauche de l’écran la liste des phrases qu’ils pouvaient faire défiler. Sur la partie droite de l’écran, douze cases destinées au classement étaient dessinées. Le sujet devait alors cliquer sur la phrase qu’il voulait classer puis désigner la case où il désirait mettre la phrase. Le sujet pouvait classer les phrases dans l’ordre qui lui convenait et mettre une même phrase dans plusieurs classes.

La consigne était la suivante : nous allons vous donner 34 phrases dans lesquelles le verbe « monter » est employé dans différentes acceptions. Nous vous demandons de classer ces phrases en mettant ensemble celles dont le sens du verbe « monter » est proche. Vous pouvez classer les phrases dans l’ordre qui vous convient et mettre une même phrase dans plusieurs classes si vous le désirer.

3.2.2. Résultats

Dans ces résultats, nous ne présenterons que l’analyse relative aux classifications finales des sujets. Nous avons considéré que deux phrases sont très proches si les sujets les mettent fréquemment ensemble dans leur classification. A l’inverse, deux phrases seront de sens très éloignés si les sujets les mettent rarement ensemble. Nous avons ainsi défini une mesure de similitude entre les phrases en comptant pour chaque paire de phrases le nombre de fois où les deux phrases ont été classées ensemble par les sujets. On obtient ainsi une matrice de similitudes sur laquelle on peut appliquer des méthodes d’analyse hiérarchique et de positionnement multidimensionnel (MDS).

1. Larousse 1999 et Hachette 2000.

(9)

Résultats de l’analyse hiérarchique

Les méthodes d’analyse hiérarchique permettent de représenter une matrice de distances sous la forme d’un graphe arborescent dans lequel les feuilles terminales sont les objets à classer, dans notre cas les phrases, et les nœuds intermédiaires sont les classes et les sous-classes. Les distances sont calculées à partir de la matrice de similitude en inversant les mesures de similitude. La méthode utilisée est la méthode d’analyse en cluster de Ward, à l’aide du logiciel SPSS. Nous ne détaillerons pas la méthode de calcul. Disons simplement que cette méthode, comme beaucoup de méthodes d’analyse hiérarchique, consiste à regrouper d’abord les objets présentant des distances faibles. La distance entre les sous-classes est alors évaluée et les sous- classes proches sont regroupées. On procède ainsi récursivement jusqu’à avoir une seule classe qui représente la réunion de toutes les classes. Les résultats de cette analyse sont présentés dans la figure 2.

Figure 2. Analyse hiérarchique des similitudes entre les phrases

Cette analyse fait apparaître que l’ensemble des emplois du verbe « monter » est structuré en trois grandes classes.

La première que nous avons appelée « notionnel » regroupe les phrases dans lesquelles « monter » pourrait être remplacé par « augmenter ». Elle correspond aux emplois non spatiaux du verbe « monter ». Elle se subdivise en deux sous-classes

P1.La rivière monte après l'orage.

P2.La construction monte rapidement.

P3.Le coût de la vie monte cette année.P4.L'officier monte en grade.

P5.Le visiteur monte un escalier.

P6.L'hôtelier monte ses tarifs.

P7.Le campeur monte une tente.

P8.L'artisan monte une entreprise.

P9.Le metteur en scène monte un spectacle.

P10.Le réalisateur monte un film.

P11.La cuisinière monte la mayonnaise.

P12.Le régiment monte en première ligne.

P13.Le cavalier monte un pur-sang.

P14.La diva monte très haut dans la gamme.

P15.Le musicien monte son violon.

P16.Le dresseur monte son chien contre les voleurs.

P17.La sentinelle monte la garde.

P18.La couturière monte les manches d'un vêtement.

P19.Le joaillier monte un diamant sur une bague.

P20.La mariée monte son ménage.

P21.La dépense monte à mille francs.

P22.Le randonneur monte sur la colline.

P23.Le locataire monte en ascenseur.

P24.La fumée monte de la cheminée au-dessus des toits.

P25.Le chemin monte au sommet de la colline.

P26.Le blé monte rapidement cette année.

P27.L'épicier monte les oranges sur le camion.

P28.Le voyou monte un coup.

P29.Le maçon monte un rang de parpaing.

P30.L'ébéniste monte un meuble.

P31.Le disc-jockey monte le son.

P32.Le chiffre d'affaires monte cette année.

P33.Le mécanicien monte des pneus neufs sur la voiture.

P34.Le magasin monte ses prix.

Figure 2. Analyse hiérarchique des similitudes entre les phrases Sens spatiaux Activités spatialisées

Sens cinématiques Sens notionnel agentif

non agentif

Sens organisationnels Activités structurantes

Assemblage

(10)

avec d’un côté les emplois non agentifs (P3, P34 et P31) et de l’autre les sens agentifs.

La seconde catégorie correspond aux emplois spatiaux du verbe « monter ».

Deux sous-classes peuvent être distinguées. La première correspond à ce que nous avons appelé les activités spatialisées qui expriment l’idée d’occuper un espace (P1, P26, P2, P24 P25 P22, P23 et P5). La seconde sous-classe correspond aux emplois cinématiques du verbe « monter », ce que l’on considère habituellement comme son sens propre.

La troisième classe que nous avons appelée « organisationnel » est subdivisée en deux sous-classes : les activités de structuration d’une entité et les emplois relevant du domaine de l’assemblage.

On peut noter ici les similitudes avec la structuration des emplois du verbe

« monter » que propose Desclés et al. (1998) dont l’analyse fait également ressortir ces trois catégories d’emplois.

Résultats de l’analyse multidimensionnelle

Nous avons ensuite poursuivi l’analyse des données en utilisant une méthode de positionnement multidimensionnel (ALSCAL). Cette méthode consiste à situer chacun des items dans un espace à n dimensions. On peut ainsi visualiser les distances entre deux phrases sur différentes dimensions. Le nombre de dimensions nécessaires est évalué à l’aide de deux paramètres : le stress et le RSQ. Le stress est inversement proportionnel à la qualité de la représentation. On considère que la représentation des données est de bonne qualité lorsque le stress est inférieur à 10 %.

0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 0,12 0,14 0,16 0,18

1 2 3 4 5

Nombre de dimensions

Stress

0,84 0,86 0,88 0,9 0,92 0,94 0,96 0,98 1

RSQ

Stress RSQ

Figure 3. Courbes de stress et de RSQ en fonction du nombre de dimensions.

Figure 3. Courbes de stress et de RSQ en fonction du nombre de dimensions

On peut voir le RSQ comme la part de la variance expliquée par un certain nombre de dimensions. On considère le nombre de dimensions suffisant lorsque le

(11)

RSQ est d’au moins 95 %. Nous avons porté les valeurs de ces deux paramètres en fonction du nombre de dimensions à représenter sur la figure 3. On peut voir que trois dimensions suffisent pour représenter ces données.

Analyse des axes 1 et 2

Les résultats de cette analyse pour les deux premières dimensions sont représentés graphiquement dans la figure 4. Chacun des points sur ce graphique représente une phrase (notés P suivis d’un numéro). Nous avons également représenté les points moyens des trois principales classes identifiées précédemment dans l’analyse hiérarchique notées respectivement C1 pour la classe des emplois notionnels (rond noir), C2 pour la classe des emplois spatiaux (carré noir) et C3 pour les emplois organisationnels (triangle blanc).

Figure 4. Résultats de l’analyse multidimensionnelle sur les axes 1 et 2

On voit que la première dimension oppose les emplois organisationnels (C3) aux deux autres classes, bien que certaines phrases de la classe « organisationnel » se rapprochent de la classe des emplois spatiaux. Ces phrases sont :

P27. L’épicier monte les oranges sur le camion.

P20. La mariée monte son ménage.

P11. La cuisinière monte la mayonnaise.

P9 P33

P7 P30 P29 P18P19 C3 P8P28 P10 P11

P20P15 P2

P27 P12P13P16 P23P22

P17P25 C2

P5P24 P1

P14 P26

P4 P21

P34P3 P31 C1

P32 P6

-1,5 -1 -0,5

0 0,5

1 1,5

2 2,5

3 3,5

-2 -1 0 1 2 3 4

Dimension 1

Dimension 2

(12)

P15. Le musicien monte son violon.

On comprend bien que dans les phrases P27 et P11, la dimension spatiale ne soit pas absente, ce qui explique leur proximité avec les emplois spatiaux. Pour la phrase P15, il semble que le sens de « tendre les cordes du violon » donné par les dictionnaires ne soit pas toujours celui auquel les sujets pensent. Le verbe « monter » est alors interprété comme « mettre sur » ou « assembler ». Ce qui explique la proximité avec les emplois spatiaux. Nous reviendrons dans nos discussions sur cet exemple. En revanche, la proximité de P20 avec les empois spatiaux est plus difficile à comprendre.

Les emplois notionnels sont opposés aux autres sur l’axe 2. La proximité de P26 (le blé monte rapidement cette année) avec les emplois notionnels peut se comprendre si on pense que cette expression peut renvoyer au prix du blé et pas simplement à la croissance des épis.

Analyse des axes 2 et 3

Nous présentons dans la figure 5 les résultats de l’analyse multidimensionnelle pour les axes 2 et 3. Nous ne reviendrons pas sur la seconde dimension.

Figure 5. Résultats de l’analyse multidimensionnelle sur les axes 2 et 3 -0,5

P 29 P 10 P 28 P 11P 15

P 13 P 20 P 16

P 18P 19 P 12

P 30 C3P 14

C2 P 27 P 1

P 2P 8 P 7 P 26 P 25

P 22 P 24 P 23

P 5

P 33 P 21 P 4 P 3

P 31 P 34

P 32 P 6 C1

P 9 P 17

-2 -1,5

-1 0 0,5

1 1,5

-1,5 -1 -0,5 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5

Dimension 2

Dimension 3

(13)

On peut voir que, sur le troisième axe, les classes « spatial » et

« organisationnel » ne sont plus clairement séparées. Corrélées positivement à cet axe 3, nous trouvons les sous-classes de l’analyse hiérarchique que nous avions nommées « activités » (structurante et spatialisée). Du côté négatif de l’axe sont regroupés les emplois du verbe « monter » impliquant un mouvement (cinématique et assemblage).

4. Conclusion et discussion

Les résultats que nous venons de présenter fournissent un argument en faveur de l’approche de la polysémie en termes de catégorisation (au moins pour le verbe

« monter »). La structuration des emplois du verbe « monter » par les sujets présente bien de nombreuses similitudes avec la description proposée par Desclés et al.

(1998) conformément à notre hypothèse. Cette étude n’est bien sûr, pour le moment qu’exploratoire, mais ces résultats nous encouragent à poursuivre dans ce sens.

Nous avons vu précédemment que l’expression « monter un violon » est définie dans les dictionnaires par « accorder un violon » c’est-à-dire « tendre les cordes ».

Cette acception semble méconnue des sujets (elle a été l’objet de nombreuses questions durant les passations). Cela suggère que tous les sujets n’ont pas forcément les mêmes acceptions en mémoire. Ici, cette phrase devrait appartenir au notionnel alors qu’elle est classée dans les emplois organisationnels. Ainsi, « monter un violon » c’est l’assembler. Elle est aussi classée parfois dans les emplois spatiaux (mettre sur). Comment le verbe « monter » en est-il venu à pouvoir exprimer l’idée de tendre des cordes ? Nous pensons que cet emploi métaphorique repose sur la conceptualisation par le musicien de ce que c’est que tendre la corde d’un violon, cela a pour résultat la production de son plus aigu. Les sons aigus étant plus « hauts » que les sons graves, nous retrouvons l’idée de « parcours d’un gradient ascendant », ce qui explique la lexicalisation au moyen du verbe « monter ».

Un autre emploi métaphorique du verbe « monter » a été observé chez des électriciens (Vidal-Gomel, 2001). Ceux-ci expriment l’idée d’aller en amont dans le sens de la distribution d’énergie par l’expression : « monter à l’armoire », même si l’armoire en question est au sous-sol. L’emploi de « monter » est ici notionnel. Ici, monter c’est faire en sorte de se situer plus « haut » dans la distribution de l’énergie.

Ici, la lexicalisation de l’action par le verbe « monter » nous révèle la conceptualisation de la distribution de l’énergie par les électriciens en termes de gradient ascendant. Il en va de même pour l’expression « monter un train » observée chez les contrôleurs de trafic dans le métro (Zanarelli, 2003) alors même que les trains circulent à l’horizontal. Pour ces sujets, l’expression signifie « faire partir le train en avance », c’est-à-dire plus haut dans l’échelle du temps.

Nous proposons de voir ces emplois métaphoriques comme une catégorisation de la situation. C’est la proximité entre la conceptualisation du sujet et une des catégorie d’emplois du verbe « monter » qui permet selon nous cet emploi

(14)

métaphorique. Ces emplois métaphoriques semblent le fait surtout des sujets ayant une certaine expérience du domaine. Ils pourraient donc constituer des indicateurs de la conceptualisation des situations par les sujets et de leur niveau d’expertise.

5. Bibliographie

Abraham M., Description de la sémantique lexicale des verbes flotter, nager, naviguer : questions de polysémie et de synonymie. Journées de Sémantique Lexicale brestoises, Brest, 11, 12, 13 septembre 1996.

Austin J.L., Quand dire, c’est faire, Paris, Editions du Seuil, 1969.

Desclés J.P., Langages applicatifs, langues naturelles et cognition. Hermès, Paris, 1990.

Desclés J.P. et al., « Sémantique cognitive de l’action : une approche théorique et expérimentale », Langages, n° 132, 1998, p. 28-47.

Ferrand L., « Production du langage : Une vue d’ensemble », Psychologie Française, 46-1, 2001, p. 3-15.

Gross G., « Classes d’objets et description des verbes », Langages, n° 115, 1994.

Katz J.J. Fodor J.A., « The structure of a semantic theory », Language, 39, 1963, p. 170-210.

Meunier J.M., Les primitives sémantiques et l’organisation des significations d’actions. Thèse de doctorat de psychologie, Université de Paris 8, 1999.

Miller G.A. Johnson-laird P.N., Language and perception. Cambridge, Havard University Press, 1976.

Nyckees V., Catégories sémantiques et historicité des significations, Histoire Epistémologie Langage, 19/1, 1997.

Picoche J., « Polysémie n’est pas ambiguïté », Cahiers de praxématique, 12, 1989, p. 75-89.

Picoche J., Précis de lexicologie française : l’étude et l’enseignement du vocabulaire.

Nathan, 1992.

Richard J.F. et al., Propositions pour une description sémantique des énoncés d’action.

« Psychologie sociale de la communication », Colloque en hommage à Rodolphe Ghiglione, 2-3 février 2001.

Sander, E., L’analogie, du Naïf au Créatif : analogie et catégorisation. Paris, L’Harmattan.

2000.

Schank R.C., Conceptual information processing. North Holland Publishing Company, 1975.

Searle J.R., Sens et Expression. Paris, Editions de Minuit, 1982.

Victorri B., Fuchs C., La polysémie : Construction dynamique du sens. Editions Hermès, 1996.

(15)

Vidal-Gomel C., Le développement des compétences pour la gestion des risques professionnels dans le domaine de la maintenance des systèmes électriques. Thèse de doctorat de psychologie, Université de Paris 8, 2001.

Zanarelli C., Caractérisation des stratégies instrumentales de gestion d’environnements dynamiques : analyse de l’activité de régulation du métro, Thèse de doctorat de psychologie, Université de Paris 8, 2003.

Références

Documents relatifs

« L’Histoire moderne a montré que l’utopie est mère de toutes les dictatures » 1. Les concepts corrélés à l’utopie, lesquels s’apparentent à un jeu avec la

Venez voter dans les bibliothèques et les CDI participants pour élire le meilleur manga 2013/2014,.. à travers trois sélections correspondant aux catégories que vous connaissez

Dans la première étude de notre dossier consacrée à la polysémie avant la lettre, Françoise Douay montre comment Dumarsais, Beauzée et Fontanier s’accom- modaient de

En effet, après avoir identifié une réaction biochimique à laquelle la protéine semble participer in vivo, le biologiste va, in vitro, procéder à des

Cependant, ils apparaissent dans ce programme politique qui développe l’évolution plus que le changement radical car ils sont tous les deux dans la perspective d’un

 A un verbe dans une construction donnée on associe un espace de sélection distributionnelle dans lequel les distances entre les différents noms pouvant occuper une

Dans le premier cas, les significations sont associées à des référents dénotés sur un modèle analogue à celui observé plus haut pour blaireau ou encore livre : une

Comme on peut le constater, les sens de curieux se répartissent dans l’espace sémantique suivant trois branches 9 qui correspondent aux trois valeurs A, D, S, que nous