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La Construction du nombre chez des enfants maltraités : investigation auprès de neuf enfants âgés de trois ans et demi à six ans neuf mois

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01897812

https://hal.univ-lorraine.fr/hal-01897812

Submitted on 17 Oct 2018

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investigation auprès de neuf enfants âgés de trois ans et

demi à six ans neuf mois

Virginie Mallard

To cite this version:

Virginie Mallard. La Construction du nombre chez des enfants maltraités : investigation auprès de neuf enfants âgés de trois ans et demi à six ans neuf mois. Human health and pathology. 2000. �hal-01897812�

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Ecole d'orthophonie de Lorraine Directeur: Professeur C. SIMON

LA CONSTRUCTION DU NOMBRE CHEZ DES ENFANTS

MALTRAITES

- Investigation auprès de neuf enfants âgés

de trois ans et demi

à

six ans neuf mois

-MEMOIRE

présenté pour l'obtention du

CERTIFICAT DE CAPACITE D'ORTHOPHONISTE

par

Virginie MALLARD

JURY

Monsieur le Professeur B. Leheup, pédiatre généticien, Président

Madame

L.

Morel, orthophoniste, Rapporteur

Madame le Docteur V. Sibiril, pédopsychiatre, Assesseur

Madame M-D. Pinot-Chaignepain, orthophoniste, Assesseur

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2000-Monsieur le Professeur Leheup

pour avoir accepté de devenir mon président de jury;

Madame Morel

pour m'avoir si bien guidée tout au long de ce travail,

et pour s'être montrée si disponible;

Madame Sibiril

pour m'avoir aidée dans mes recherches tant théoriques que pratiques

Madame Pinot-Chaignepain

(7)

testés dans le cadre de ce mémoire, sans oublier Elise et Hadrien.

Je salue également les parents de ces enfants

pour leur disponibilité et leur gentillesse.

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(9)
(10)

APPORTS TH EORIQUES 6

1-LA MALTRAITANCE 7

A- Définitions 7

B- Chiffres 8

C- Protéger un enfant 9

CI- Le système de protection de l'enfance en danger 9

C2- Le code pénal 10

D- Le devenir des enfants maltraités 11

2- NOTIONS DU DEVELOPPEMENT DE L'ENFANT

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 14

A- Le développement affectifde l'enfant maltraité 14

A 1- Place de l'enfant maltraité dans la famille 14

A2- Conséquences des maltraitances 16

B- Le développement intellectuel chez l'enfant: quatre stades selon Piaget. 17 81- Le stade de l'intelligence sensori-motrice (de la naissance à deux ans) 18

[32- Le stade de l'intelligence pré-opératoire (2 à 7-8 ans) 18

BJ- Le stade opératoire concret ( 7-8 ans à 11-12 ans) 18

84- Le stade des opérations formelles (de 11-12 ans à 16 ans) 18

3- LA CONSTRUCTION DU NOMBRE 19

A- Les trava ux de Piaget 19

1\1- Conservation des quantités et invariance 19

1\2-La correspondance terme à terme 21

B- Le nombre 22

81- Définition 22

82- La cardinalité 23

83- l'ordinalité 24

C- Compter 25

C 1- Définition- Capacités requises 25

C2- Sous-entendus théoriques 26

METHODOLOGIE 28

1- LES EPREUVES 29

(11)

B- L'épreuve des chaussons 32

C- Notion de quantité discrète 34

Cl- La compréhension intuitive 35

C2- La compréhension procédurale 37

C3- L'abstraction 38

D - Réunion de deux collections 40

E- Complément d'une collection 4 [

F- Résolution de problème 42

G- Epreuve de la litanie des nombres 43

H- épreuve de classement 51

2- LA POPULATION 52

A- Démarches de recrutement de population 52

B- Caractéristiques de la population 52

C- Passation des épreuves 53

ANALYSE DES RESULTATS 54

1- PROFIL DE CHAQUE ENFANT 55

A- Profil deP, 55 B- Profil de B 60 C- Profil de~ 63 D- Profil de D 67 E- Profil deE 69 F- Profil deF 72 G- Profil deQ 75 H- Profil de H 78 [- Profil de~ 81

J-Synthèse des résu \ta ts 83

2- ANALYSE DES RESULTATS EPREUVE PAR EPREUVE 84

A- L'épreuve des poupées 84

(12)

C- Notion dc quantité discrètc 86

D- Réunion dc dcux collcctions 87

E- Complémcnt dc dcux collcctions 87

F- Résolution dc problèmc 88

G- Eprcuvc dc la litanic dcs nombrcs 88

11- Eprcuvc dc classcmcnt 89

3- REGROUPEMENT DE CONDUITES 90

4- ANALYSE GLOBALE 91

CONCLUSION. 93

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(14)

Celte annee encore, en France, en l'an 2000, quelques vingt mille enfants seront victimes de maltraitances associées ou non àdes abus sexuels. Tout naturellement, l'hôpital d'enfants de Nancy Brabois s'intéresse à ce problème de maltraitance, puisque très nombreux sont les enfants maltraités qui consultent notamment les services sociaux de l'hôpital, ainsi que le service de pédopsychiatrie. La préoccupation des pédopsychiatres confrontés à ces enfants maltraités a poussé, l'an dernier, pour la première fois, une étudiante en orthophonie, Virginie Delacroix, à s'associer à tout le service de pédopsychiatrie pour mener des investigations sur l'évaluation du langage oral des enfants victimes d'abus sexuels. A notre tour, nous avons souhaité collaborer à la recherche de ce service pour tenter d'évaluer, d'un point de vue orthophonique, leur développement cognitif, et tout spécialement la construction du nombre de ces enfants.

En effet, il est apparu qu'aucune étude à notre connaissance n'avait été entreprise pour évaluer la construction du nombre chez des enfants maltraités; alors que nombres d'études ont été réalisées afin d'évaluer les conséquences psychologiques des maltraitances sur les enfants. Suite à ces différentes lectures, notamment sur les retentissements psychologiques des maltraitances, nos hypothèses ont rapidement vu le jour: ces enfants maltraités pourraient présenter des difficultés d'ordre cognitif, et nous nous centrerons sur la construction du nombre dans le cadre de ce mémoire, dans le sens où leur esprit serait accaparé par leur vécu douloureux les empêchant alors d'avoir un développement cognitif harmonieux et en accord avec leur âge.

Afin de vérifier notre hypothèse, nous avons élaboré un protocole d'expérimentation comportant de cinq à huit épreuves selon l'âge des enfants, dans le but d'apprécier leur approche du nombre, leurs connaissances théoriques et les utilisations pratiques du nombre. Ces épreuves étaient étalonnées auprès d'enfants tout-venant. Nous avons donc fait passer ce protocole àneuf enfants maltraités, afin de comparer leurs résultats par rapport aux résultats des enfants tout-venant. Existe-t-il un décalage entre ces deux catégories d'enfants?

Nous traiterons donc de manière théorique les notions de maltraitance, de développement affectif et intellectuel de l'enfant, ainsi que de construction du nombre. Par la suite, nous vous détaillerons le choix des épreuves de manière théorique. Nous analyserons les résultats dans une dernière partie, et vous présenterons nos conclusions.

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l-LA MALTRAITANCE

A- Définitions

La notion de maltraitance est assez nouvelle puisque c'est à partir de 1889, en France, que' certains ont pensé que ce n'était pas bien de maltraiter les enfants' et ont promulgué les premières lois punissant les parents maltraitants. La loi de 1898 a introduit des sanctions pénales contre les parents coupables de sévices ou de violences sur leurs enfants mineurs. Mais, le problème de la maltraitance est complexe pour au moins deux notions sous-jacentes: la première est une notion éducative, difficile à délimiter, et en plus variable selon les époques, la seconde est une notion de culture du pays. « La notion même de maltraitance dépend du contexte culturel qui l'estompe ou la met en lumière»1.

Pour preuve: en 1935, en France, il existait une loi de correction paternelle stipulant que le père avait le droit de corriger ses enfants dès que son autorité était bafouée. Au même titrc, nous pouvons citcr la disparition des martinets, la préférence à taper sur les fesses plutôt que sur le visage, car le gestc est perçu différemmcnt par notre civilisation franco-curopécnne. Citons égalemcnt cl ce propos Boris Cyrulnik : «Quand l'abandon dcs cnfants était f,"équcnt, on nc parvcnait pas à pcnser quc c'était un crime puisquc 'tout le monde' faisait ainsi jusqu'en 1914. Quand ils étaient battus, saoulés, épuisés dc travail ct abusés scxucllcmcnt, on

nc punissait pas les adultcs, jusqu'cn 194 l, puisque 'ça se faisait' »2.

La définition rctenue depuis 1993 est celle de l'ü.D.A.S. : «L'enfant maltraité cst celui qui est victime de violences physiques, cruauté mentale, abus sexuels, négligences lourdes ayant des conséquences graves sur son dévcloppement physique et psychologiquc. »3.

Nous pouvons citer différentes définitions des abus sexuels. Mais, il est cependant important de rappeler que l'enfant se définit légalement par un âge sexuel qui varie d'un pays à un autre, et selon le type de relations sexuelles. En France, l'âge sexuel légal est de 15 ans 3 mois pour les relations homo et hétéroscxuelles.

Le professeur Kempe définit l'abus sexuel comme « la participation d'un enfant ou d'un adolescent mincur à des activités sexuellcs qu'il n'est pas en mesure dc comprendre, qui sont inappropriées à son âge et à son développement psychosexuel, qu'il subit sous la contrainte par violence ou séduction ou qui transgresscnt les taboux sociaux ».

1- B. Cyrulnik, Un merveilleux malheur, p 86 2- Ibid., p 83

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Pour l'A.F.I.R.E.fv1. (Association française d'information et de recherche pour l'enfance maltraitée) est abus sexuel « toute utilisation du corps d'un enfant pour le plaisir sexuel d'une personne plus âgée que lui, quelles que soient leurs relations entre eux, et même sans contrainte ni violence. ». Est un sévice sexuel «tout acte de même nature mais accompli avec ruse, contrainte ou violence ou encore toute utilisation de la violence sur les parties génitales d'un enfant, quelles que soient les raisons si cela aboutit à une mutilation de l'enfant ». Dans cette dernière définition, nous voyons bien tout le poids de la culture: si j'incision, l'excision sont condamnées en [<'rance, elles ne le sont pas dans bon nombre de pays africains.

B- Chiffres

Qualifier la maltraitance représente une difficulté, la quantifier en est une autre. En effet, pour être exact, il nous faudrait recenser tous les cas de maltraitances de manière exhaustive. Or ceci est tout simplement impossible, car, au-delà du problème de définition et des limites de la maltraitance, de nombreux enfants sont actuellement maltraités dans l'ombre, sans que quiconque ne soupçonne cette maltraitance, ou ne la dénonce. D'autre part, certains enfants portent plainte et se rétractent par la suite, alors que les faits ne peuvent, a priori, pas être niés. Ccs cnrants sont-ils comptabilisés parmi les enfants maltraités ') De même, comment considérer les aCfaires pénales où il n'y a pas eu de suites?

Nous avons tout de même souhaité faire apparaître quelques chifrres dans cc travail, afin d'avoir une idée du nombre de maltraitances connues ct/ou reconnues.

Selon ['O.D.A.S. (observatoire national de l'action sociale décentralisée), qui ne prend en compte que les rapports de signalements de professionnels, c'est-à-dire les situations dûment évaluées, en 1994, il y a cu 16.000 enfants victimes de sévices. 50% d'entre eux avaient moins de trois ans ct 40% d'entre eux moins de un an.(chiffres tirés du Que sais-je? Les violences scxuelles sur les enfants). Toujours selon l'O.O.A.S., en 1996, il y aurait cu 21.000 enfànts maltraités; en 1998 : 19.000 dont 5000 abusés sexucllement, 7000 victimes de violences physiques, 5300 victimes de négligences graves et 1700 victimes de violences psychologiques ( chifrres parus dans la lettre trimestrielle publiée par l'O. O.A.S. na 10, sept 99). Précisons tout de même que toute inrormation signalante concernant une présemption d'abus sex uels est automatiquement trans férée au Parquet et peut alors donner des sui tes judiciaires voire éducatives, alors que l'O.O.A.S. n'a pas comptabilisé cc cas. Par conséquent, les chiffres nationaux publiés chaque année par cet observatoire sont, de ce rait, minorés: ils ne rendent pas compte de tout cc qui est porté à la connaissance des parquets. Ces deux

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dernières années, on observe une évolution différente: il y a stabilité de la maltraitance (voire diminution) et augmentation du nombre d'enfants en risque (enfant qui connaît des conditions d'existence mettant en danger sa santé, sa sécurité, sa moralité, son éducation ou son entretien mais qui n'est pas pour autant maltraité).

Mais, les chiffres varient d'un ouvrage à l'autre: pour Dominique Gauthier « les abus sexucls déclarés à une autorité se situent aux alentours de 1 pour 1000 de la population

. . 1

1

genera e» .

Cependant, tous les auteurs s'accordent à dire qu'il y a plus de filles maltraitées que de garçons. A propos des abus sexuels, on note une proportion de quatre filles pour un garçon.

Enfin, Boris Cyrulnik estime que «la plupart des crimes et des violences se passent dans les familles (97,5%) et non pas au-dehors

>/.

Ceci est difficilement vérifiable àtravers d'autres ouvrages, car les auteurs s'appuient sur leur population témoin non représentative de la population globale de par le peu de sujets dont elles sont constituées.

Ceci dit, nous avons pu recueillir des chiffres tout à fait différents: 40% d'abus extra-familiaux et 60% d'abus intra-extra-familiaux (pour les enfants de moins de six ans). Les écarts de chiffrcs sont évidemment liés d'abord à des environnements socio-économiques et culturcls différents. D'autre part, ils peu vent aussi provenir d' unc scnsi bi 1isation pl us ou moins grande des professionnels ou d'une organisation différente des actions préventives. Ce qui fait que (hm département à un autre, les rapports enfants ma!traités/totalité des enfants sont très variables, expliquant par la même que d'une étude de population à une autre, les données chiffrées diffèrent.

c-

Protéger un enfant

Cf-

Le système de protection de l'enfance ell danger

Actuellement, le système de protection de l'enfance en danger repose sur les grands principes définis en 1945. Cependant, suite aux lois de décentralisation (1982-1986), les conseils généraux ont reçu des responsabilités importantes dans ce domaine.

Nous pouvons lire dans l'étude co-produite par l'ü.D.A.S. et le Snatem :

«La mission de repérage ct d'évaluation des dangers est principalement dévolue aux conseils généraux, et la loi du 10 juillet 1989 affirme explicitement la responsabilité du conseil général

1- D. Gauthier, L'enfant victime d'abus sexuels, p 14 2- [3. Cyrulnik, Un merveilleux malheur, p 85

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en matière de protection des mineurs victimes de mauvais traitements. Elle fait obligation au Président du conseil général de mettre en place au niveau départemental un dispositif permettant de recueillir en permanence des informations relatives aux mineurs maltraités et de répondre aux situations d'urgence, ainsi que d'informer les professionnels qui lui ont communiqué ces informations de la suite qui leur a été donnée. »1

Concrètement, en plus du numéro vert national ( Allo enfance maltraitée: 119 ), en Meurthe et Moselle, il existe la C.E.M.A ( Cellule Enfance Maltraitée Accueil ) dont le numéro est le 0.801.27.69.12 .

En outre, les conseils généraux, aidés du secteur associatif, mettent en oeuvre la protection administrative. Il s'agit essentiellement d'intervention de type préventif.

Notons que le système de protection de l'enfance en danger est organisé en deux secteurs: la protection administrative ct la protection judiciaire. Cette dernière fait suite à une décision du juge des enfants (l'ordonnance). Il s'agit alors de contrôler l'exercice de l'autorité parentale sans y porter atteinte quand la protection administrative a été refusée par ces mêmes familles.

Enfin, n'omettons pas de citer les responsabilités de t'Etat notamment a travers la justice des mineurs.

C2- Le code pénal

II nous a semblé intéressant de citer les peines encourues par les maltraitants, et ceci d'autant plus que les auteurs s'accordent à dire que la 'guérison' des maltraités est fonction de la peine accordée aux maltraitants. En effet, un enfant abusé sexuellement, par exemple, assimilera mieux l'illégalité de l'acte qu'il a subi, si son abuseur a une peine de prison lourde. Dans le cas contraire, l'enfant, voyant une décision pénale peu conséquente, ne pourra pas prendre conscience de l'illégalité de l'acte commis par l'adulte ct nous pouvons penser qu'il n'intégrera pas cet acte comme un viol, condamnable par la loi, ct par conséquent, il sera susceptible de le perpétrer à son tour.

Au sujet de la transmission transgénérationnelle de la maltraitance, à savoir qu'un enfant maltraité sera un parent maltraitant, les études sont loin de s'accorder. Boris Cyrulnik réfute tout à fait cette thèse. Pour lui, c'est la société qui confine ces enfants étiquetés 'abusés', 'maltraités' dans des circuits sociaux marginaux leur étant pré destinés. «Quand la

1- Bellamy et aIl, Protection de l'enfance: mieux comprendre les circuits, mieux connaître les dangers, plO

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majorité d'une population d'enfànts abandonnés produits des délinquants, ça ne veut pas dire que la carence affective mène à la délinquance. Cela suggère plutôt que la société, en récitant que 'tout enfant sans famille est une mauvaise graine', organise dcs circuits sociaux qui les tricotent vers la délinquance»1.

Enfin, cet auteur insiste sur le fait que si certains parents maltraitants ont été des enfants maltraités, la réciproque n'est pas prouvée, à savoir qu'il est abusif de dire que ces enfants maltraités deviendront des parents maltraitants.

Cependant, certains auteurs affirmcnt le contraire. Gérard Lapez estime que dans plus de 50% des cas, un enfant maltraité sera un parent maltraitant, et qu'en outre, il aura des difficultés à fonder une famille, às'intégrer dans la société.

Ceci étant dit, les études longitudinales concernant les enfants maltraités sont rares car très difficiles à réaliser; ce qui pourrait nous inciter à nuancer les propos des uns et des autres.

Citons à présent le nouveau code pénal:

Art.222-23. Tout acte de pénétration sexuellc dc quelque nature qu'il soit, commIS sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

Le viol est puni de 15 ans de réclusion criminelle.

Art.222-24. Le viol est puni de 20 ans de réclusion criminelle (... ) lorsqu'il est commis sur un mineur de 15 ans (... ) lorsqu'il est commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute personne ayant autorité sur la victime. (... )

Art.222-29. Les agressions sexuelles autres que le viol sont pUllles de 7 ans d'emprisonnement et de 700.000 Francs d'amende.

0- Le devenir des enfants maltraités

De nombreuses études ont été menées auprès d'enfants maltraités afin d'apprécier les conséquences psychologiqucs et traumatiques en premier lieu, les retombées sociales, scolaires d'autre part.

Nous ne nous attarderons pas sur ces travaux, mais les évoquerons afin de mieux percevoir la dynamique de vie de ces enfants maltraités.

Les conséquences psycho-traumatiques semblent être fonction de la durée d'exposition à la maltraitance ct non de leur degré de gravité2.. Il s'agit là d'un point de vue parfaitement

1- B. Cyrulnik, Un merveilleux malheur, pli 0

2- G. Deschamps et ail, Le devenir des enfants maltraités; Vila ct ail, L'enfant victime d'agression

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concordant avec celui de Boris Cyrulnik : « Mais quand le traumatisme devient chronique, insidieux, répété chaque jour, 'moral' car infligé par la société réparatrice elle-même, il inscrit dans l'enfant des troubles moins visibles, mais plus durables qui imprègnent sa personnalité en cours de développement. »1. Aucun parallélisme absolu entre l'évolution de l'enfant et la gravité des sévices subis n'a pu être établi.

Il est en effet impossible de catégoriser les maltraitances en fonction de leur gravité, de leur durée, car l'impact opère sur des individus ( fille ou garçon), mineurs, évoluant dans des conditions familiales et sociales différentes, et qui, par conséquent, ne réagiront pas tous de la même manière.

Lorsqu'il y a des difficultés à la maison, les enfants ont très souvent des troubles de l'attention, de la concentration à l'école. Ils semblent absents de tout ce qui se passe autour d'eux. Mais, le fonctionnement global et les performances scolaires peuvent tout de même être préservés. Selon Boris Cyrulnik, un surinvestissement scolaire peut en résulter, permettant à ces enfants de trouver un échappatoire à leur vie douloureuse, et ce d'autant plus si un adulte s'intéresse àleurs capacités. Cet auteur note à ce propos que « Quand la famille est le lieu de l'horreur, l'école devient celui du bonheur »2

Pourtant un certain nombre d'études mettent en avant le décalage entre I1lveaux intellectuels ct résultats scolaires: les enfants maltraités présentent très fréquemment des résul tats sco laires en deça de leurs capaci tés intellectuelles, montrant par la même leurs préoccupations autres que scolaires.]

«A ceux qui disent 'troubles précoces, effets durables', on peut répondre que les troubles précoces provoquent des effets précoces, qui peuvent durer, si l'alentours familial et social en font des réeits permanents.»4, fait remarquer Boris Cyrulnik. Il faut en effet laisser un espace à l'enfant afin qu'il soigne ses blessures, sans être harcelé par les souvenirs. Toutefois, nous voyons à l'heure actuelle des aberrations, au niveau du système judiciaire principalement: les enfants victimes doivent répéter de nombreuses fois ( parfois plus de dix fois) ce qui leur est arrivé, auprès de différentes personnes, aussi inconnues les unes que les autres. Ainsi, la blessure est sans cesse ouverte, et à l'air libre.

Nous souhaiterions clore ce chapitre sur une image pleine d'espoir et allant contre toutes les idées surfaites à propos du devenir des enfants maltraités. Boris Cyrulnik compare en effet la maltraitance à enfant, à

«

un grain de sable [qui] pénètre dans une huître et

1- B. Cyrulnik, Un merveilleux malhcur, p 67

2- Ibid.,P 95

J- G. Deschamps ct ail, Lc dcvcnir des enfants maltraités: M. Manciaux ct ail, L'cnfant maltraité 4- Ibid., P 97

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l'agresse au point que, pour s'en défendre, elle doit sécréter la nacre arrondie, cette réaction de défense donne un bijou dur, brillant et précieux» '. Et dans cc sens, nous pouvons citer de célèbres personnages: Charles Dickens, Simone Weil, Jean-Luc Lahaye, Chateaubriand, Victor Hugo (...) qui ont tous eu des enfances douloureuses.

(23)

2- NOTIONS DU DEVELOPPEMENT DE L'ENFANT

A- Le développement affectif de l'enfant maltraité

AI- Place de l'enfant maltraité dans lafal11ille

Dans cette partie, il va nous falloir distinguer les enfants par leurs maltraitants, abuseurs :

Les enfants abusés sexuellement ou maltraités par une personne extérieure àla famille, ne correspondront pas àla description qui va suivre. Sauf si les parents avaient connaissance de ces maltraitances et qu'ils ne sont pas intervenus. Au contraire, si dès la suspicion de maltraitance les parents soutiennent leur enfant, nous n'observerons pas de telles attitudes de la part des enfants.

Les enfants maltraités par un des parents ou substituts parentaux (beau-père) pourront tout à fait concorder à la description suivante.

Nous ne traiterons ici que des enfants maltraités par un membre (adulte) de la famille, ou des enl~ll1ts maltraités par une personne extérieure 'protégée' par les parents de l'enfant victime. En effet, comme le souligne Vila, Porche et Mouren-Siméoni : «la violence provoquée par l'homme, désintégrant le bouclier de protection sociale et familiale, serait également plus délétère que celle des catastrophes naturelles, notamment si l'agression est perpétrée par une figure d'autorité. » 1

En outre, la famille est bien une microsociété où s'ébauche l'apprentissage des règles sociales: respect d'autrui, vie en communauté, partage ... En transgressant l'interdit de l'inceste, l'adulte, figure d'autorité dans la famille, détruit toutes ces règles.

«Nous savons par les études classiques de Piaget (1947) et de Kholberg (1976) que l'enfant de moins de six ans attribue une grande valeur àl'obéissance ct au respect des règles, par le seul fait qu'ils proviennent de l'autorité de l'adulte. JI tendra donc à tenir pour justes soit les normes soutenues par l'autorité, soit les comportements qui peuvent lui éviter d'encourir des punitions. }. En effet, bien souvent, les abus sexuels font suite àdivers actes de maltraitances sous forme de violences physiques et/ou morales. Les enfants acceptent alors ces abus sexuels comme une sorte d'évolution logique de leur situation, en espérant que

ceux-1- G. Vila et ail, L'enfant victime d'agression, p 66 2- S. Cirillo et P. Di Blasio, La famille maltraitante, p 115

(24)

2

ci prendront la place des mauvais traitements, ct en considérant les abus sexuels comme un témoignage d'affection.

Il est un exercice difficile que de décrire une famille maltraitante. Les maltraitants se recrutent effectivement dans toutes les couches de la population. Cependant, certains traits de caractère peuvent être évoqués pour tenter de décrire les parents maltraitants:

mésestime d'eux-mêmes difficultés de contacts humains intolérance à la frustration principes éducatifs rigides

En ce qui concerne le couple parental: primauté du couple par rapport à l'enfant enfant au service des parents

contrôle absolu, toute puissance du couple dépendance réciproque

perversion et perversité

Nous ne souhaitons pas nous étendre sur ce sujet dans le cadre de ce mémoire vu la complexité et l'unicité des cas. Nous tenons tout de même à préciser que notre population d'enfants, dont un des parents se trouve être le maltraitant, est une population d'enfants de parents séparés. La séparation a pu succéder la révélation de la maltraitance, ou bien c'est une fois la séparation effectuée que l'enfant a subi de mauvais traitements.

Dans tous ces cas, l'enfant a dû faire face à la maltraitance et à la séparation de ses parents, avec bien souvent reconstitution d'une famille pour le père comme pour la mère.

Quant à la place des enfants dans la fratrie, selon les auteurs de L'inceste, les filles sont dans 66 % des cas, fille unique ou aînée de la fratrie, alors que pour les garçons, le rang semble moins significatif. Mais comme nous l'avons déjà précisé précédemment, ces chiffres doivent être pris avec attention, car ne reflétant souvent que la population de l'ouvrage dont ils sont tirés.

Quoiqu'il en soit, les enfants maltraités, et à plus forte raison les enfants victimes d'inceste, quittent l'enfance prématurément et perdent également leur place d'enfant au sein

1 - M. Manciaux et aIl, L'enfant maltraité 2- F. Héritier ct ail, De l'inceste

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de la famille. Nous pouvons citer Corinne Drochnle-Breit : «Aujourd'hui Juliette est presque une adolescente; au moment où les filles de son âge découvrent leurs premiers émois sexuels, elle est quant à elle à la quête d'une place. Quand le père a des relations sexuelles avec sa fille, il la met à la place de son épouse. Juliette était femme bien avant l'âge et ne sait plus à quelle génération elle appartient. »'.

A2- Conséquences des maltraitances

--+ L'anxiété: tous les auteurs s'accordent à dire que les enfants maltraités présentent tous des symptômes de type anxieux ( cauchemars, troubles du sommeil, évitements, angoisse somatisée... ).

En effet, les enfants sont souvent victimes de mauvais traitements chroniques, répétés. De ce fait, ils vivent dans l'attente d'une prochaine fois, et développent tout naturellement unc anxiété face à l'approche des mauvais traitements.

De plus, quand les maltraitants sont les parents ou leurs substituts, les enfants sont très anxieux face aux imago parentalcs, car ils voient en leurs parents une image très dévalorisante de la fonction parentale, et les elll~ll1ts sont alors soucieux de devenir comme leurs propres parents. Il en découle la constitution d'un Surmoi faible puisque celui-ci s'édifie par identification aux idéaux parentaux. C'est-à-dire que l'enfant n'a pas pu 'intégrer' l'autorité des parents et les interdits tels que l'inceste.

--+ Déviances déveloPDementales : « Les conditions susceptibles d'assurer à un enfant, dès la naissance et pour la vie, la meilleure santé physique et le meilleur équilibre mental possibles, sont étroitement et exclusivement dépendantes du respect manifeste ou latent que chacun de ses deux parents marque à l'endroit de la loi de l'interdit de l'inceste. »2

Ainsi, selon Aldo Naouri, les enfants victimes d'inceste ne peuvent prétendre à un équilibre mental et à une santé physique dénués de tous biais. L'équilibre mental ainsi que la santé physique sont étroitement liés à la vie affective parents-enfant. Or celle-ci, dans le cas des maltraitances, quelles qu'elles soient, présente une faille. Or, le développement intellectuel notamment, tout comme le développement de la personnalité, se construit sur le terrain du bien-être affectif. Ce terrain présentant une faille, nous observerons alors des

1- C. Drochnle-Breit, Quand l'inceste peut se lire à travers d'autres symptômes, p 38 2- A. Naouri, De l'inceste, p 92

(26)

déviances de développement: il peut s'agir d'un arrêt d'évolution de l'enfant dans ses acquisitions scolaires par exemple, d'une régression sur le plan de la propreté (énurésie, encoprésie).

~ Perte de l'estime de soi: les enfants maltraités pensent souvent qu'ils ont' ce qu'ils méritent'. Ils se dévalorisent alors totalement, ne se font plus confiance quel que soit le domaine concerné.

B- Le développement intellectuel chez l'enfant: quatre stades

selon Piaget.

Très tôt, Piaget s'est intéressé à la génèse de l'intelligence. Il souhaitait en connaître les mécanismes, le fonctionI1cment, ainsi que les étapes constituant l'accès à l'intelligence de type adulte. Il a ainsi mis en lumière quatre stades, eux-mêmes divisés en sous-stades que nous ne traiterons pas ici. Selon lui, chaque enfant passe par ces quatre stades et selon l'ordre établi par Piaget, seuls les âges d'acquisition peuvcnt varier d'un enfant à l'autre.

Mais avant de passer en revue ces stades, nous devons aborder les quatre facteurs décrits par Piaget, responsables du développement intellectucl :

la maturation ncrveuse (nécessaire mais non suffisante au développement intellectuel ),

l'exercice et l'cxpérience acquise dans l'action effectuée sur tous les objets (nécessaires mais non suffisants),

les interactions langagières et les transmissions sociales ( nécessaires malS non suffisantes),

l'équilibration ( le sujet va se trouver face à une situation nouvelle à résoudre: il est en situation de déséquilibre. Grâce aux processus d'assimilation d'abord - il essaye d'assimiler le problème posé àun problème connu -, puis d'accomodation - il modifie ses structures intellectuelles en fonction de la situation pour s'y adapter -, l'enfant va tendre vers un nouvel état d'équilibre.). C'est cette équilibration qui va permettre, au cours des quatre stades, le développement intellectuel. C'est alllS\ que nous pouvons comprendre la conception de Piaget: « La pensée naît de l'action. ».

(27)

Bl-

Le stade de l'intelligence se/lsori-11lotrice (de la /Wlssance a

deux am,)

A cette période, l'intelligence est essentiellement pratique, c'est-à-dire que le bébé va résoudre les problèmes par l'action, en s'appuyant sur la perception et le mouvement.

Notons à ce stade deux acquisitions principales: - la construction de l'objet permanent, - la construction de la notion d'espace.

B2- Le stade de l'intelligence pré-opératoire

(2 à 7-8 ans)

A ce stade, la représentation symbolique prédomine. C'est-à-dire que l'enfant va pouvoir se représenter mentalement ce qu'il évoque. Mais, ce stade est aussi marqué par l'égocentrisme des enfants, qui va certes aller en s'amenuisant, surtout à partir de l'entrée au cours préparatoire, soit vers six ans.

Tous les enfants de notre population en sont, théoriquement, à ce stade de l'intelligence pré-opératoire.

B3- Le stade opératoire concret

(7-8 ans

ri

11-12 ans)

Ce stade est marqué par l'accès à la réversibilité de la pensée. L'enfant devient alors capable de sérier, d'inclure et de classer.

B4- Le stade des opérations formelles (de

11-12 ans

à

16 ans)

Ici, l'enfant va se libérer du concret et va alors pouvoir raisonner de manière abstraite. C'est alors que le raisonnement hypothético-déductif se met en place.

(28)

3 -

LA CONSTRUCTION DU NOMBRE

A- Les travaux de Piaget

AI- Conservation des quantités et invariance

Lorsqu'on nous demande de dénombrer ou d'apprécier visuellement une quantité de jetons X, dans une situation donnée, il nous paraît évident, voire trivial, que, même en modifiant la position des jetons, il y en aura toujours une quantité X. Mais cette évidence, pour nous adultes, ne l'est pas pour les enfants. Or, cette notion de conservation des quantités et de leur invariance est tout à fait essentielle pour construire les fondements des opérations logico-mathématiques, et dans notre cas précis, pour le nombre.

Nous nous appuierons ici sur les travaux de Jean Piaget et de Alina Szeminska,àtravers l'ouvrage La genèse du nombre chez l'enfant, afin de décrire les trois stades par lesquels passent les enfants, aboutissant àla conservation des quantités et leur invariance.

Nous nous devons de préciser qu'il existe différentes sortes de quantités: les quantités continues (liquides, sable ... ) et les quantités discontinues Getons, perles ... ). L'acquisition de la conservation et de l'invariance se fait dans les deux cas selon trois stades qui se recoupent strictement. C'est pourquoi, nous avons préféré vous exposer la conservation et l'invariance des quantités discontinues, ceci étant plus dans l'optique de notre travail, car du fait de cette observation, nous pourrons apprécier le développement de la correspondance bi-univoque et réciproque constituant l'une des sources du nombre.

Pour son étude expérimentale, Piaget utilise des perles, de couleurs différentes pour l'expérimentateur et l'enfant, des bocaux dont deux identiques, un fin et haut, un large et bas.

L'enfant met une perle dans son bocal à chaque fois que l'expérimentateur en met une dans le sien (les bocaux sont identiques au début, puis ils diffèrent dans leur format). Alors, on demande àl'enfant: «Est-ce qu'il ya la même chose de perles dans les deux bocaux? Si on faisait un collier avec les rouges et un collier avec les verts, seraient-ils de la même longucur? seraient-ils pareils? ». Par la suite, Piaget opère à des transvasements d'un bocal à l'autrc, reposant alors les questions précédentes.

Lors d'un premier stade, l'enfant considère comme naturel que la quantité de perles varie selon la forme et les dimensions du bocal dans lequel elles se trouvent, donnant ainsi des colliers plus ou moins grands selon le contenant. Pour l'enfant, la quantité de perles n'est pas

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«le produit des diverses relations de niveau, largeur, etc .... , puisque chacune de ces relations est envisagée à part et indépendamment des autres. »1. C'est-à-dire que l'enfant est leurré par sa perception visuelle, d'autant plus qu'au début de l'expérimentation, il a bien introduit une perle dans son bocal, en même temps que l'examinateur l'a fait dans le sien. Mais, cette correspondance bi-univoque et réciproque subit bien les mêmes leurres perceptifs.

Piaget parle alors de 'quantités brutes' quand il ya évaluation globale.

Ce qui est assez étonnant lors de ce premier stade, c'est cette perpétuelle contradiction qu'ont ces enfants. Car, à partir d'une même quantité de perles, ils vont affirmer que tantôt le collier sera plus long, tantôt il sera plus court, tantôt il sera pareil.

Au cours du second stade, l'enfant, suite à la correspondance bi-univoque et réciproque, croit en l'égalité des deux collections, même si les bocaux sont différents. Mais, dés lors que l'enfant observe un peu plus longuement ces bocaux, si différents en taille et en largeur, il ne croit plus en l'égalité des deux collections, il subit donc toujours l'influence des perceptions visuelles.

A cc stade, l'enfant est partagé, déchiré, entre ses perceptions visuelles et la correspondance bi-univoque qu'il a effectuée. On peut dire que s'il repense à la correspondance bi-univoque, il croit en l'égalité; alors que s'il regarde les deux contenants, il ne croit pas en l'égalité. L'enfant de ce stade ne peut sc décider et se contredit donc suivant qu'il regarde les bocaux ou qu'il repense à la correspondance bi-univoque.

Piaget parle alors de 'quantités intensives' car il y a prise en compte, mais de manière transitoire, de la correspondance qualitative.

C'est au troisième stade que l'enfant peut se décider entre privilégier les perceptions visuelles ou privilégier la correspondance bi-univoque. D'emblée, l'enfant considère l'égalité entre les deux collections après avoir effectué la correspondance bi-univoque, et ce malgré les différents transvasements.

Piaget parle alors de 'quantités extensives' correspondant à la correspondance numérique.

Il est assez délicat de situer ces trois stades selon des âges car tous les enfants d'un même âge n'en sont pas au même stade. Cependant, rappelons que tous les enfants passent par ces stades, et dans cet ordre, aboutissant ainsi à la conservation des quantités (continues et discontinues) etàleur invariancc.

(30)

A2-

La correspondance terme

à

terme

Dans ses travaux, Piaget a évalué la correspondance termeàterme selon deux aspects: - la correspondance provoquée,

- la correspondance spontanée.

La correspondance provoquée est étudiée à partir de matériel complémentaire comme des bouteilles et des bouchons, des oeufs et des coquetiers. Ici, l'enfant doit mettre ces différents objets face àface pour apprécier la correspondance terme àterme. C'est en fait le même principe que celui de mettre la table: autour de chaque assiette, il faut un couteau, une fourchette, une cuiller et un verre. L'idée est de voir si cette situation de correspondance provoquée induit chez l'enfant une équivalence durable entre les différents éléments mis en Jeu.

Quant à la correspondance spontanée, il s'agit ici de faire reproduire à l'enfant une quantité donnée avec des objets similaires. A savoir: l'enfant a un tas de billes sous les yeux, il doit faire un autre tas avec la même chose de billes. L'enfant va donc devoir trouver une solution de lui-même, il n'a plus l'aide du matériel complémentaire. D'autre part, l'enfant va devoir évaluer la quantité d'objets, soit la valeur cardinale de la collection. Il est alors intéressant de noter comment il procède pour cette évaluation: regroupement par couple, appréciation visuelle, dénombrement...

Comme nous l'avons fait pour la conservation des quantités continues et discontinues, nous étudierons ces deux types de correspondance sous l'angle de la correspondance spontanée, sachant que là encore, il y a trois stades successifs et que ceux-ci sont applicables à la correspondance provoquée. Ce choix s'explique par le fait que lors de notre expérimentation, nous avons cherché à évaluer la correspondance spontanée avec l'utilisation de jetons, afin d'apprécier le rôle du nombre dans ces évaluations.

Durant le premier stade,

«

l'enfant se borne à une comparaison globale qui imite, sans eSSaI de quantification exacte, la forme d'ensemble de la figure modèle; dans le cas des rangées linéaires, l'enfant reproduit une rangée de même longueur, mais de densité différente»'. Notons qu'à ce stade, l'enfant se fie à ses perceptions visuelles globales et donc à la forme de la figure modèle, donc si on modifie la forme de cette figure, - en prenant soin de le faire délicatement, sans jamais dissimuler de jetons, afin que l'enfant ne pense pas à un

(31)

tour de magie -, l'enfant ne va plus croire en l'équivalence des deux tas d'objets et ce juste parce qu'un des deux tas sera plus dense ou au contraire plus espacé.

Lors du second stade, l'enfant prend soin de reproduire exactement la figure modèle, il y a donc bien correspondance terme à terme. Mais, si les figures sont modifiées dans l'espace, l'enfant ne considère plus qu'il y a équivalence entre les deux tas d'objets.

Enfin, au troisième stade, l'enfant effectue bien une correspondance terme à terme précise, dont l'équivalence est durable malgré les modifications spatiales des figures. C'est-à-dire qu'à ce niveau, l'enfant évalue la quantité d'objets, soit la valeur cardinale de la collection et la considère comme indépendante des modifications spatiales apportées à la collection.

B- Le nombre

Bl- Définition

Les nombres, nous en utilisons tous les jours. Mais savons-nous réellement et précisément ce qu'est un nombre? Et qu'en est-il des chiffres?

Afin d'aider au mieux les enfants ayant des troubles du raisonnement logico-mathématique, nous devons, nous, praticien orthophoniste, être au clair avec ces notions. En fait, le chiffre est au nombre ce que la lettre est au mot. Dans le système numérique français, nous utilisons dix chiffres (0 ; l ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6 ; 7 ; 8 ; 9 ), soit dix symboles pour écrire les nombres qui, eux, sont indénombrables.

Il existe donc des nombres à un chiffre (5), et des nombres à plusieurs chiffres (143 ; 659.832 ). Mais, quelles que soient leurs tailles, ces nombres représentent une quantité. En somme, le nombre, c'est le cardinal d'un ensemble; et les enfants sont tout à fait dans cette définition du nombre concret, car pour eux, les nombres sont liés aux objets.

Pour le petit Robert, le nombre c'est un «concept de base des mathématiques, une des notions fondamentales de l'entendement que l'on peut rapporter à d'autres idées (de pluralité, d'ensemble, de correspondance ), mais non définir».

(32)

Pierre Desailly estime que le nombre est « le pilier de tout l'édifice mathématique »1.

En effet, d'après les travaux de Piaget, le nombre est la synthèse de deux grandes notions: l'inclusion de classe, qui en donne l'aspect cardinal, et la sériation, qui en donne l'aspect ordinal.

B2- La cardinalité

Le nombre cardinal; c'est le dernier mot-nombre émis, rassembleur de tous les uns qui le précèdent, soit la somme de tous ces uns. Seulement, avant d'arriver à l'utilisation du nombre cardinal, il faut déjà considérer les objets comme des 'uns parmi'. C'est-à-dire que l'enfant doit éprouver le besoin de regrouper des objets sous une même caractéristique. Il doit donc être capable de classer. Or, la classification est une notion sous-jacente au nombre, qui est primordiale et non-innée. Les enfants vont en effet passer par plusieurs stades pour arriver à classer. En voici un descriptif sommaire:

- De 2 à 3 ans et demi: stade des collections figurales. A cet âge, si on demande à un enfant de «mettre ensemble ce qui va ensemble », il regroupe les objets par couple ( vers 2 ans), et petit à petit, il arrive à une production de collections particulières (plusieurs éléments). Mais, ces collections vont correspondre à un alignement de formes par exemple. L'enfant peut faire une ligne de carrés, et au-dessus, une ligne de triangles: ainsi, il construit des maisons. Bref, il s'amuse plutôt avec les objets pour tendre à quelque chose de connu plutôt qu'il ne rassemble, puisqu'il ne considère pas les mots tels que 'carré', 'vert', comme des mots rassembleurs.

- De 3 ans et demi à 5 ans: stade des collections non-figurales. L'enfant va pouvoir réunir les éléments, mais selon un critère unique, la couleur par exemple. Il distingue bien les formes, mais pour lui, ce n'est pas un critère de classement. En effet, à partir du moment où l'enfant a décidé de faire des collections selon les couleurs, il ne pourra considérer les formes comme un autre critère de classement. On dit alors que sa pensée est en compréhension, mais pas en extension.

- De 5 à 7 ans: stade des classes. A ce niveau, l'enfant peut classer les objets selon différents critères, en changeant donc de point de vue. Ici, la

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pensée est en compréhension et en extension. La constitution des classifications est donc toutàfait possible.

Enfin, il est nécessaire de gommer les spécificités de chacun des éléments constituant la collection. C'est l'histoire du kilo de plumes et du kilo de plomb, àsavoir lequel est le plus lourd. Pour ne pas se faire piéger, il faut se dégager des caractéristiques de ces matériaux, ce que ne font pas les jeunes enfants.

En effet, les enfants qui n'ont pas terminé leur construction du nombre, vont être leurrés par les spécificités des collections, par le point de départ du dénombrement (ex: « tu en as trouvé quinze en terminant par ce bonhomme au chapeau bleu, mais si tu commences par lui, combien vas-tu en trouver? »). On constate alors que les enfants n'ont pas acquis le principe d'invariance du nombre cardinal. L'enfant doit intégrer le fait que le dernier mot- nombre émis est bien le rassemblement de tous les uns et n'est pas un attribut du dernier objet pointé. Ceci se construit donc grâce aux expériences des enfants eux-mêmes, et grâce àleur prise de conSCIence.

B3-I'ordinalité

Le nombre ordinal correspond à une notion de rang: c'est le n-ième nombre. C'est pourquoi cette notion est étroitement liée à la sériation car celle-ci nécessite d'ordonner. En l'occurrence, afin d'apprécier les capacités de sériation des enfants, sont uti lisées des baguettes de différentes tailles que l'enfant doit mettre de la plus petiteàla plus grande, selon les travaux de Piaget et de ses collaborateurs.

Une fois de plus, l'enfant passe par trois stades successifs:

«Au cours du premier de ces stades, l'enfant échoue à la sériation de dix éléments initiaux: il procède par couples ou par séries de trois ou quatre qu'il ne peut coordonner après coup. Au cours du second stade le sujet réussit la sériation, mais par tâtonnement empirique, et ne parvient pas à intercaler les éléments intercalaires qu'avec nouveaux tâtonnements et en général en recommençant le tout. Au cours du troisième stade, par contre, qui débute vers 7-8 ans, le sujet utilise une méthode systématique consistant à chercher d'abord le plus petit élément (ou le plus grand) de tous, puis le plus petit de tous ceux qui restent, etc. : seule cette méthode est à considérer comme opératoire, puisqu'elle témoigne du fait qu'un élément quelconque, E, est àla fois plus grand que les précédents (E>O, C, etc.) et plus petit que les suivants ( E< F, G, etc.). Cette réversibilité opératoire du troisième stade s'accompagne,

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d'autre part, d'une capacité d'intercaler directement (sans tâtonnement) les éléments supplémentaires. »1.

A l'issue de ce travail de sériation, l'enfant a construit les deux lois d'antisymétrie et de transi tivi té.

Notons que les capacités de sériation se développent parallèlement aux capacités de classification, en outre ces notions achèvent leur construction aux alentours de 7-8 ans toutes les deux.

Nous avons donc vu que la sériation permet d'apprécier un élément comme à la fois plus petit que et plus grand que. Cette notion est tout à fait essentielle pour construire le nombre ordinal, car il n'existe pas de nombre non-ordonné: chacun des nombres a un rang. Avec cette capacité à sérier, l'enfant peut accéder à la relation qui unit chacun des nombres à son suivant, comme à son prédécesseur; relation qui est de

+

1,-1.

Nous avons aborder le nombre sous ses aspects ordinal et cardinal. Ceci est nécessaire à l'enfant, mais non suffisant pour dénombrer une collection. II faut, en effet, que l'enfant compte à présent. Sous cette notion simple d'apparence, nous allons voir que l'enfant doit, là encore, faire montre de beaucoup de rigueur, d'aptitudes...

C- Compter

CI- Définition- Capacités requises

Selon le Petit Robert, compter c'est «déterminer (une quantité) par le calcul; établir le nombre de. »

Nous le verrons plus longuement dans la méthodologie, lorsque nous détaillerons l'épreuve des poupées, mais compter requiert plusieurs capacités qu'il faudra coordonner.

II faut en effet:

- connaître la litanie des nombres,

- pointer chaque objet une seule fois et sans en oublier, - coordonner la récitation des nombres à l'action de pointer,

- énoncer le dernier mot nombre comme rassembleur de tous les objets pointés.

(35)

Seule la notion de pointage n'a pas été développée dans la troisième partie de ce mémoire, c'est pourquoi, nous l'évoquerons ici.

Nous nous inspirerons très largement de l'étude que propose Valérie Camos dans un récent article paru dans Rééducation Orthophonique en septembre 1999, afin de développer cette notion qu'est le pointage. En effet, Valérie Camos fait observer que «le pointage nécessite un contrôle perceptif et une discrimination en continu des objets comptés par rapport à ceux qui ne l'ont pas encore été»' . L'enfant doit en effet considérer deux ensembles: celui des objets comptés et celui des objets à compter, ensembles qui varient à chaque fois qu'il compte un objet.

Le déplacement des objets comptés est bien évidemment un élément facilitateur, en outre, il existe deux facteurs influençant le bon déroulement du pointage à savoir leur disposition ainsi que leurs différences visuelles ( couleurs, formes ... ).

Ainsi, des auteurs comme Beckwith et Restle (1966), cités par Valérie Camos, ont montré que le temps de dénombrement variait selon la disposition des objets, soit selon la facilité ou non àdistinguer deux ensembles, sans toucher les éléments de ces ensembles. Ils ont ainsi montré que compter des objets alignés, pour les enfants, est plus facile que de compter des objets placés de manière aléatoire. De même que certaines configurations telles que le rectangle, le carré, permettent un comptage plus rapide, soit un pointage plus évident pour les adultes.

Lors de notre expérimentation, nous avons autorisé les enfants à toucher, déplacer le

matériel. Nous avons ainsi pu observer quels enfants utilisaient cet élément facilitateur afin de dénombrer.

Notons enfin que les recherches de Valérie Camos ont permis de conclure que chez les enfants de plus de six ans, la coordination du pointage et de la litanie des nombres ne présentait plus de coût cognitif.

C2- Sous-entendus théoriques

Compter, ça caractérise l'action d'un enfant qui a eu besoin de regrouper des éléments parce qu'il les trouvait, à ce moment, identiques. Il a alors rassemblé des uns. Ce rassemblement des uns identiques commence sa construction vers l'âge de 2-3 ans, à ce moment, les éléments sont affublés d'un même critère affectif. Ces éléments n'étaient pas

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nécessairement identiques en tout point, mais, l'enfant leur a accordé un caractère commun. Par exemple, il a pu compter tous ses jouets; il a donc regroupé les voitures, les figurines, les puzzles... En fait, pour être dans le besoin de regrouper des uns, il a d'abord fallu les déterminer dans leur unicité, c'est-à-dire considérer les jouets sur leur caractère particulier et sous des caractères qu'ils partagent avec les autres.

Si compter des objets exige que chacun d'eux soit un, il faut remarquer qu'on ne réunit, pour les compter, que des objets qui sont même en quelque chose. Il y a donc une notion de classe, c'est-à-dire que pour réunir des objets, pour les compter, l'enfant doit commencer à maîtriser la classification.

Compter, c'est donc:

- rechercher entre les objets cette différence qUI autorise de considérer chacun d'eux comme unique,

- rechercher leur(s) ressemblance(s ),

- réintroduire une différence par l'action d'énumérer, en les désignant ou en les déplaçant ( objets comptés et objets à compter),

- annuler cette différence dans le total qui englobe tout.

Ainsi, tous les aspects sont traités: aspect cardinal, aspect ordinal et mise en correspondance avec la litanie des nombres.

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(38)

1- LES EPREUVES

Nous allons à présent vous faire découvrir les huit épreuves proposées aux enfants afin de réaliser cette expérimentation. Nous vous les présentons dans le même ordre qu'elles ont été proposées aux enfants. Cet ordre a été scrupuleusement choisi, afin d'évoquer le thème, à savoir l'utilisation du nombre, le plus tardivement possible. Les enfants ne savent effectivement pas que notre travail porte sur le nombre, et ce, dans le but de ne pas les influencer à l'utiliser, ce qui fausserait nos résultats et par conséquent notre analyse.

A- L'épreuve des poupées

Cette épreuve a été tirée des ouvrages de Claire Meljac ( psychologue), et plus précisément de Décrire, agir et compter.

L'enfant dispose de poupées de carton, d'environ dix centimètres de hauteur. Le nombre de poupées varie selon l'âge de l'enfant:

- 4 poupées jusqu'à 5 ans,

- 6 poupées jusqu'à 5 ans et demi, - 9 poupées ensuite.

Les poupées sont disposées devant l'enfant, à notre table de travail. Plus loin, sur une autre table (ou à défaut par terre ), sont disposées des robes. Il y a, à chaque fois, quatre robes de plus que de poupées.

La consigne est celle proposée par Claire Meljac et est au besoin répétée et/ou modifiée secondairement, jusqu'à ce que l'enfant l'ait comprise. Voici la consigne:

«Regarde ces poupées, elles ont très froid, tu vas aller chercher les robes pour les habiller. Mais attention:

- elles veulent toutes s'habiller en même temps,

- il ne faut pas apporter des robes en trop, va chercher juste ce qu'il faut de robes. »

Les robes et les poupées sont volontairement séparées spatialement. Ainsi, l'enfant ne peut pas faire de correspondance terme à terme, même visuelle. Le but est de provoquer l'idée

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de correspondance entre les deux collections (poupées et robes) malgré leur éloignement. II va donc s'agir «d'accomplir une action où le nombre joue un rôle stratégiquement utile (ce à quoi il [l'enfant] sera ou non sensible). »'.

L'enfant va devoir accomplir cette action en répondant àdeux critères: l'exactitude ( il doit réaliser une égalité quantitative entre les collections des poupées et des robes) et l'économie (la consigne stipule bien que l'enfant doit effectuer un seul voyage).

Cette épreuve peut se décomposer en cinq étapes:

1- Compréhension de la consigne: il faut donc que l'enfant intègre les trois paramètres

=>

elles veulent toutes s'habiller en même temps,

=>

il ne faut pas apporter des robes en trop,

=>

va chercher juste ce qu'il faut de robes. Ces paramètres recoupent l'exactitude et l'économie.

Notons que nous interpellons l'enfant en lui disant 'attention', ce qui doit théoriquement capter son attention sur ces paramètres.

2- Compter la collection de ré[érence, soit les poupées . En effet, nous partons du principe que l'étape précédente est acquise, soit que l'enfant a compris la consigne. II doit donc, afin de réaliser ce qu'on lui demande, commencer par compter le nombre de poupées, ce qui lui permettra d'être exact et donc de ne pas ramener trop de robes, et enfin d'être économique et donc, de ne faire qu'un seul voyage.

En effet, il faut que l'enfant utilise le nombre comme outil de résolution. Un enfant, n'ayant pas acquis (l'intérêt) du nombre, pourrait se contenter d'une photographie visuelle et donc d'une estimation visuelle de la quantité de poupées. L'enfant sait bien qu'il est question de quantité, mais il peut aussi exprimer cette quantité en terme de 'beaucoup', 'pas beaucoup', 'très beaucoup', ce qui ne lui permettra pas ici de répondre à la consigne en terme d'exactitude, sauf par le fruit du hasard.

Si l'enfant utilise bien le nombre comme un outil de résolution, il lui faut cependant maîtriser un certain nombre d'aptitudes. Ce sont certes des aptitudes élémentaires qui nous paraissent évidentes, mais qui ne le sont pas aux yeux des enfants, et pour constater cela, il suffit d'observer des enfants. II leur faut donc connaître la chaîne numérique de façon stable. Selon leur âge, on ne leur demande pas les mêmes

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connaissances: on exigera d'un enfant de cinq ans de savoir compter de manière stable jusqu'à quatre, d'un enfant de sept ans jusqu'à neuf.

Mais, connaître la chaîne numérique ne suffit pas encore: il faut que les enfants pointent les poupées sans en oublier, ni en ajouter. L'enfant peut pointer visuellement ou tactilement, il a le droit de déplacer les objets sur la table afin de les individualiser.

Enfin, l'enfant doit coordonner ses connaissances sur la chaîne numérique, et le pointage, ce qui n'est pas toujours évident puisque certains enfants peuvent réciter la litanie plus vite qu'il ne pointe, ou au contraire moins vite.

Pour terminer, l'enfant doit avoir accès à la cardinalité, c'est-à-dire qu'il doit entendre le dernier mot- nombre émis comme regroupant l'ensemble des poupées. Il doit pouvoir dire: «1,2,3,4, 5,6, 7. Il Ya sept poupées.

»

3- Une fois que la collection de référence a été dénombrée, il faut que l'enfant mette en mémoire ce cardinal, et fasse le lien entre celui-ci et la consigne. S'il y

a neuf poupées, cela signifie qu'il doit aller chercher neuf robes. Mais, ce cardinal ne devra pas se perdre lors du déplacement. C'est pourquoi, le silence de l'enfant doit être respecté car si l'enfant garde le silence, c'est peut-être pour mieux se souvenir de ce qu'il doit faire. L'examinateur, en intervenant malencontreusement, pourrait perturber l'enfant et vouer celui-ci à l'échec lors de cette épreuve.

4- Une fois que l'enfant se retrouve face aux robes, il doit les compter. Il doit à nouveau faire preuve d'une connaissance stable de la chaîne numérique, effectuer un pointage sans omission ni ajout et enfin, coordonner ces deux actions.

Il est ici nécessaire que l'enfant ait accès à la cardinalité et se souvienne du cardinal auquel il doit s'arrêter. Ce qui n'est pas évident pour tous les enfants, car certains peuvent se laisser emporter par la litanie et la quantité de robes, supérieure aux poupées, dont il voudrait dénombrer la totalité.

A cet instant, l'enfant procédant ainsi prouve qu'il utilise bien le nombre comme un outil de résolution et permet de vérifier la bonne réalisation des trois étapes décrites précédemment.

(41)

5- L'enfant soucieux de réaliser la consigne, va alors habiller les poupées de leurs robes, et ainsi vérifier l'exactitude de ses démarches. Il effectue tout simplement une correspondance terme à terme en posant une robe sur chaque poupée.

La description théorique de cette épreuve envisage ici le cas d'exécution le plus favorable, à savoir celui où l'enfant utilise le nombre afin d'accomplir ce qu'on lui demande. Il nous paraît évident que tous les enfants de notre population n'adhéreront pas à cette description théorique. Nous verrons alors, lors de l'analyse des résultats, à quelles stratégies ces autres enfants font appel.

B- L'épreuve des chaussons

Cette épreuve correspond à la suite de l'épreuve des poupées: à présent, l'enfant doit chausser les poupées qu'il a précédemment habillées. Il dispose donc du même matériel, rien n'a été modifié. Là encore, cette épreuve a été proposée par Claire Meljac.

Voici la consigne: « Regarde les poupées: elles sont habillées, mais elles sont pieds nus et elles ont encore froid. Tu vas aller chercher les chaussons pour leurs pieds. Mais attention:

elles veulent toutes avoir leurs chaussons en même temps, il ne faut pas apporter des chaussons en trop,

va chercher juste ce qu'il faut de chaussons. »

De la même manière, cette consigne est répétée et modulée jusqu'à ce que l'enfant comprenne.

Là encore, l'éloignement spatial est conservé: les chaussons sont posés à côté des robes. Donc, la correspondance terme à terme visuelle est rendue impossible par cet éloignement.

Le but de cette épreuve est de provoquer l'idée de correspondance entre les deux collections, malgré leur éloignement. Mais ici, il ne faut pas que l'enfant se trompe de collection de référence. En effet, il va devoir considérer les pieds des poupées; il nous reste à observer si l'enfant compte réellement les pieds, ou bien s'il considère chaque poupée deux fois, ou bien s'il fait deux voyages ( un pour les pieds gauches et un pour les pieds droits ). Ceci sera observé dans l'analyse des résultats.

Pour le reste, cette épreuve se décompose comme celle des poupées, en cinq étapes que nous décrirons donc plus succinctement:

(42)

1- Compréhension de la consigne: c'est ici que l'enfant doit intégrer le fait que ce sont les pieds qui sontàdénombrer, ce sont eux qui représentent la collection de référence.

Trois paramètres sont àprendre en compte:

- les poupées veulent toutes être chaussées en même temps, - il ne faut pas apporter de chaussons en trop,

- il faut juste chercher ce qu'il faut de chaussons.

Ainsi, SI ces trois paramètres sont respectés, l'enfant aura réalisé l'exactitude et

l'économie.

2- Compter la col!ection de référence, soit les pieds. L'enfant doit donc compter les pieds ou compter les poupées et multiplier par deux, mais cette dernière possibilité semble improbable puisque les enfants testés ont entre 3 ans 6 mois et 6 ans 9 mois; ceci étant dit, c'est une possibilité à envisager et à considérer évidemment comme correcte. Quelle que soit la stratégie utilisée, l'enfant prouve ainsi qu'il utilise le nombre comme outil de résolution.

L'enfant doit faire montre d'une connaissance de la chaîne numérique stable, d'un pointage des pieds sans omission ni ajout, et enfin d'une capacité de coordination de ces deux actions.

N'oublions pas d'évoquer ici la nécessité de l'accès à la cardinalité: l'enfant ne doit pas jeter des mots-nombres au hasard, mais bien prononcer le dernier mot-nombre comme rassembleur des objets pointés.

3- Mise en mémoire: l'enfant doit alors enregistrer ce mot-nombre car c'est celui-ci qui va lui permettre de réussir ce qu'on lui demande. Il s'agit bien d'une clé permettant l'accès à la réussite de cette épreuve; encore faut-il que l'enfant fasse le lien entre la consigne et le nombre cardinal trouvé.

4- Comptage des chaussons: l'enfant doit prendre juste les chaussons qui lui sont nécessaires. Pour ce faire, il doit les compter et ne pas se laisser emporter par la litanie, mais bien s'arrêter au nombre cardinal précédemment trouvé. De nouveau, il est nécessaire qu'il connaisse la chaîne numérique de façon stable, qu'il pointe tous les objets, une seule fois, et qu'il coordonne son pointage au récit de la litanie des nombres. Mais attention, plus qu'un pointage, il s'agit ici de la préhension de petits objets qui

(43)

peuvent lui échapper des mains et donc le contraindre à recommencer son dénom brement.

5- Faire la correspondance terme à terme: la consigne stipule bien qu'il faut mettre les chaussons aux poupées car elles ont froid aux pieds. L'enfant est donc encouragé à vérifier l'exactitude de ses démarches en posant un chausson par pied.

La description que nous avons pu faire ici correspond aux aptitudes reqUlses pour réaliser correctement cette épreuve. Nous, adultes, procédons ainsi inconsciemment. Mais les enfants ici testés ne sont pas tous au même niveau de développement cognitif et ne vont donc pas nécessairement adhérer à cette pratique. Il sera donc intéressant de voir ce à quoi il en réfère au niveau théorique.

c-

Notion de quantité discrète

Nous avons sélectionné une série d'épreuves portant sur la compréhension de la notion de quantité discrète. Ces épreuves sont tirées des Actes de la douzième rencontre du International Group for the psychology of mathematics education, qui se sont déroulés en Hongrie en juillet 1988. Jacques C.Bergeron de l'université de Montréal et Nicolas Hersovics de l'université de Concordia en sont les auteurs. Ils ont donc travaillé sur la compréhension de la quantité discrète auprès de vingt-quatre enfants de maternelle, dont l'âge moyen était de 5

ans et 8 mois. Notre population, dans le cadre de cette épreuve, est âgée de 4 ans à 6 ans 9 mois, avec un âge moyen de 5ans et 6mois. Nous avons trouvé intéressant de présenter ces épreuves car elles nous paraissaient novatrices et plus riches en information par rapport aux épreuves Piagétiennes.

Les auteurs, Bergeron et Hersovics, ont proposé trois composantes de la compréhension de la notion de quantité discrète:

- la compréhension intuitive: l'enfant apprécie deux ensembles distincts de manière visuelle et peut qualifier leurs différences en terme de peu / beaucoup / plus / m01l1s.

- La compréhension procédurale: ici, l'enfant évalue deux ensembles distincts grâce àdes mises en correspondance. Il n'utilise pas encore le nombre car on lui propose de faire autrement.

(44)

- L'abstraction: ici, l'enfant ne se laisse pas influencer par les changements visuels. Il a compris qu'un même tas de jetons peut prendre différentes configurations spatiales, sans que le nombre de jetons en soit modifié.

Ces trois composantes correspondentàdes épreuves distinctes.

Cl- La compréhension intuitive

Deux épreuves permettent d'évaluer la compréhension intuitive de la quantité par l'estimation visuelle.

1) Nous disposons vingt-cinq jetons devant l'enfant, et sept jetons devant nous, tout en disant à l'enfant:

0 0 DO DO 0 [J 0

0 0 0 0 0

o

0 0

0

o

0 0 0 [J 0

o

[J

o

0

[J [] 0 0

« Voici des jetons pour toi et en voici pour moi.

a- Juste en les regardant, peux-tu me dire qui en a le plus, toi ou moi?

b- Peux-tu me dire qui en a le moins, toi ou moi? c- Peux-tu me montrer oùilyen a beaucoup?

d- Peux-tu me montrer où il y en a peu? ( au besoin 'pas beaucoup')»

Cette première épreuve correspond à une mise en route par rapport à ce qui va suivre. Ici, le but est de mettre l'enfant en confiance, d'évaluer son estimation visuelle entre deux ensembles dissemblables ( dans des conditions quelque peu exagérées), mais aussi d'évaluer son vocabulaire. Nous testons des notions comme 'le plus', 'le moins', 'beaucoup', 'peu'. Il nous semble en effet intéressant de tester ce vocabulaire, car si celui-ci fait défaut à l'enfant, les résultats suivants seraient sans signification et ce, non par mauvaise appréhension des quantités discrètes, mais bien par méconnaissance de vocabulaire.

(45)

2) Voici la seconde épreuve de la compréhension intuitive:

«Voici un paquet de jetons pour toi (huit) et un paquet de jetons pour moi (huit).

o

o

o

o

DO

o

0

o

0

o

0

o

DO 0

a- Juste en les regardant, peux-tu me dire si tu as la même chose que moi?

b- Comment ferais-tu pour être sûr?

c- As-tu un moyen de le savoir sans compter?

»

L'estimation visuelle de l'enfant va être testée, à propos de deux ensembles équipotents. Dans la question a), les auteurs proposaient initialement: « juste en les regardant, peux-tu me dire si tu en as autant que moi? », en précisant qu'au besoin, l'interviewer pouvait modifier la question par 'pareil que moi', 'la même chose que moi'. A travers nos différentes lectures (Meljac, Piaget...), ainsi qu'à travers nos cours et notre expérience pratique, nous avons pu constater que le terme 'autant' est tardivement acquis: aux alentours de sept ans. Il était évident pour nous qu'employer un tel terme, alors que la connaissance du vocabulaire n'était pas testée, n'avait aucun intérêt et risquait même de perturber l'enfant avec des termes inconnus ou faussement interprétés. C'est pourquoi, nous avons préféré modifier d'emblée la question en n'utilisant pas le terme 'autant', mais les termes 'la même chose que moi'.

En outre, cette épreuve permet d'apprécier l'acquisition de la signification cardinale. En effet, si l'enfant a bien intégré la notion de cardinal, si celle-ci est très ancrée, ilaura du mal à s'en défaire et ne pourra alors pas trouver un autre moyen que l'utilisation du nombre pour comparer les deux ensembles. Au contraire, l'enfant qui vient juste de se détacher de la perception visuelle réutilisera ce moyen comme comparaison des deux ensembles. Enfin, un enfant à un stade intermédiaire pensera àmettre en relation un jeton de chaque tas, afin d'en évaluer la quantité via la correspondance bi-univoque.

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