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Le bilan de carbone des peuplements de chêne, de hêtre et de charme en Lorraine à l'horizon 2050

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Academic year: 2021

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Submitted on 27 May 2020

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et de charme en Lorraine à l’horizon 2050

Mathieu Fortin

To cite this version:

Mathieu Fortin. Le bilan de carbone des peuplements de chêne, de hêtre et de charme en Lorraine à l’horizon 2050. Innovations Agronomiques, INRAE, 2016, 56, pp.37-47.

�10.15454/1.5137799589818123E12�. �hal-01601411�

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Le bilan de carbone des peuplements de chêne, de hêtre et de charme en Lorraine à l'horizon 2050

Fortin Mathieu

AgroParisTech/INRA, Laboratoire d'Etude des Ressources Forêt-Bois (LERFoB, UMR 1092), 14 rue Girardet, F-54000 Nancy

Correspondance : mathieu.fortin@agroparistech.fr

Résumé

Les accords internationaux rendront obligatoire la déclaration des émissions de gaz à effet de serre des forêts gérées et des produits du bois. L'adoption de mesures efficaces pour lutter contre le changement climatique passe par la prévision du bilan de carbone des territoires à moyen terme. Dans cette étude, nous avons projeté le bilan de carbone des peuplements de chêne, de hêtre et de charme de la Lorraine à l'horizon 2050 avec et sans occurrence de tempêtes.

Il s'avère que le fait d'omettre le risque de tempêtes cause une surestimation de la séquestration dans la biomasse vivante et une sous-estimation de la variabilité associée à cette séquestration. Malgré la variabilité, il est très probable que les peuplements concernés séquestreront des quantités de carbone importantes. Dans le pire des cas, si plusieurs tempêtes survenaient, les stocks de carbone pourraient demeurer à leur niveau de 2014. A l'échelle du territoire, la séquestration de carbone dans la biomasse vivante est estimée en moyenne à un peu moins de 1 000 000 Mg/an sur la période 2014-2050. En ce qui concerne la matière organique morte et les produits du bois, on peut estimer leur stock de carbone à l'équilibre à environ 80 et 40 Mg/ha, respectivement.

Mots-clés : Séquestration de carbone, Biomasse vivante, Matière organique morte, Incertitude, Risque de tempêtes

Abstract: The carbon balance of oak, beech and hornbeam stands in Lorraine over the 2014- 2050 period.

The reporting of greenhouse gas emissions in managed forests and harvested wood products has been made mandatory by the recent international negotiations. The identification of effective measures to mitigate climate change requires the forecast of the carbon balance in the mid-term. In this study, the carbon balance of oak, beech and hornbeam stands in Lorraine was predicted with and without windstorm events over the 2014-2050 period.

It turns out that the omission of windstorm events in the simulation leads to overestimating the carbon sequestration in living biomass and underestimating its associated uncertainty. In spite of the variability, the stands will likely capture large quantities of carbon. In the worst case scenario, that is if many windstorm events occur, the carbon stocks could remain at their 2014 level. For the whole Lorraine region, the carbon sequestration in the living biomass of these stands is estimated to slightly less than 1 000 000 Mg/year on average for the period 2014-2050. Regarding the dead organic matter and harvested wood products, their carbon stocks at equilibrium were estimated at 80 and 40 Mg/ha, respectively.

Keywords: Carbon sequestration, Living biomass, Dead organic matter, Uncertainty, Windstorm risk

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38 Innovations Agronomiques 56 (2016), 37-47

1. Introduction

C'est au Sommet de la Terre qui s'est tenu à Rio de Janeiro en 1992 que la communauté internationale a pris conscience de l'impact de l'être humain sur le climat planétaire. Depuis 1994, la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) réunit ses Etats membres lors d'un événement annuel que l'on nomme "Conference of Parties" (COP). En 2015, la 21 e réunion de la convention, la COP21, s'est déroulée à Paris. La COP22 s'est tenue à Marrakech au Maroc en novembre 2016.

En vertu de la CCNUCC, les Etats membres doivent déclarer leurs émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES) dans différents secteurs tels que :

- L'énergie,

- Les procédés industriels, - L'agriculture,

- L'usage et le changement d'usage des terres et la foresterie (Land use and Land-Use Change and Forestry - LULUCF)

- Les déchets.

Contrairement aux autres secteurs, le secteur LULUCF peut avoir des émissions négatives – on parle alors de séquestration – en raison de la capacité des arbres à absorber le carbone atmosphérique par la photosynthèse. Cette obligation de déclarer les émissions de GES a créé un nouveau champ d'étude qui est celui de la comptabilité carbone.

Dresser le bilan de carbone d'un territoire forestier est une opération complexe pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, si l'on se concentre sur la forêt elle-même, le carbone s'y trouve sous plusieurs formes. La partie commerciale des arbres, que les forestiers savent assez bien évaluer, en contient tout comme les racines et les branches. Par ailleurs, le bois mort, la litière et le sol sont aussi des réservoirs de carbone importants pour lesquels nous avons très peu de données.

Notre connaissance des territoires forestiers est aussi fragmentaire. Nous ne mesurons pas tous les arbres. En fait, la forêt est échantillonnée : des placettes seront établies et c'est seulement dans ces placettes que les arbres seront mesurés. Le reste de la forêt est estimé à l'aide de cet échantillon. Il y a donc une certaine incertitude due à l'échantillonnage qui s'ajoute aux difficultés liées à la mesure du carbone sous toutes ses formes.

Le bilan de carbone d'un territoire forestier s'étend au-delà de la forêt puisque les bois récoltés sont transformés en produits de diverses natures. Le carbone contenu dans le bois est donc stocké dans ces produits pour une durée de temps qui dépend essentiellement de la nature du produit. Le bois énergie, le papier et les emballages comptent parmi les produits peu longévifs dont on évalue la durée de vie utile à deux ou trois ans tout au plus. En revanche, les produits de construction et d'ameublement peuvent stocker du carbone pendant plusieurs décennies.

La compatibilité carbone dans les forêts gérées et dans les produits du bois était optionnelle dans le protocole de Kyoto. Cette comptabilité partielle a engendré une distorsion de la réalité, les vraies émissions pouvant être supérieures à celles déclarées à la CCNUCC (Shvidenko et al. 2010). Les Etats membres de la CCNUCC ont convenu que la comptabilité carbone des forêts gérées et des produits du bois deviendrait obligatoire dans les accords post-Kyoto (CCNUCC 2012).

Pour certains pays, la forêt gérée contribue à réduire les émissions nationales de GES par la

séquestration dans la biomasse vivante. En France, la forêt séquestre entre 10 et 15% des émissions

nationales (v. CITEPA 2015). On peut toutefois penser que ce puits de carbone s'épuisera du fait du

vieillissement des peuplements. Un stockage accru dans les produits forestiers pourrait permettre de

compenser ce ralentissement. Les projections de ces deux pools de carbone, celui de la forêt et celui

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des produits du bois, sont donc essentielles pour anticiper les actions à entreprendre afin de lutter efficacement contre le changement climatique.

Cette étude visait à prévoir l'évolution des pools de carbone de la forêt et des produits du bois à l'échelle d'un territoire. Plus précisément, nous avons cherché à projeter le bilan de carbone des forêts de chêne (Quercus spp.), de hêtre (Fagus sylvatica L.) et de charme (Carpinus betulus L.) de la Lorraine à l'horizon 2050. Pour ce faire, un modèle de croissance forestière conçu pour ces peuplements a été couplé à un outil de comptabilité carbone mis au point au Laboratoire d'Etude des Ressources Forêt-Bois (UMR LERFoB). Les données de l'Inventaire Forestier National (IFN) ont servi d'intrants au modèle. Au-delà du couplage, nous avons tenté de quantifier les incertitudes et les biais engendrés par les perturbations majeures telles que les tempêtes.

2. Matériel et Méthodes

2.1 Données d'inventaire

Chaque année, l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), qui est en charge de l'IFN, estime les surfaces forestières à partir d'un inventaire systématique dont les points d'observation suivent une grille kilométrique. L'utilisation des terres en chaque point de la grille est photo-interprétée.

En rapportant le nombre de points se trouvant en forêt sur le nombre total de points photo-interprétés, on obtient une estimation de la proportion du territoire boisé. En 2013, la surface forestière en Lorraine était ainsi évaluée à 882 000 ha avec une marge d'erreur de 17 000 ha (IGN 2014).

Un sous-échantillon des points situés en forêt est sélectionné de façon aléatoire et des placettes sont établies en ces points afin de mesurer les caractéristiques dendrométriques de la forêt. Lors de la campagne de 2014, 402 placettes ont été établies sur le territoire lorrain.

Comme ces placettes n'étaient pas toutes situées dans des peuplements de chêne, hêtre et charme, un filtrage des données s'avérait nécessaire. Seules les placettes dans lesquelles ces trois espèces représentaient au moins la moitié de la surface terrière ont été retenues. Au final, 187 placettes répondaient à ce critère. Par le rapport entre le nombre de placettes sélectionnées et le nombre de placettes établies, on peut évaluer la surface concernée par cette étude à environ 410 000 ha. Le Tableau 1 présente un sommaire des 187 placettes retenues dans cette étude. Ces placettes ont été utilisées pour prévoir l'évolution des peuplements de chêne, de hêtre et de charme en Lorraine sur la période 2014-2050 avec et sans occurrence de tempêtes.

Tableau 1 : Sommaire des 187 placettes utilisées pour prévoir l'évolution des peuplements de chêne, de hêtre et de charme en Lorraine à l'horizon 2050.

Caractéristiques n Minimum Moyenne Maximum

Surface terrière (m

2

/ha) 187 1,4 22,8 50,7

Densité de tiges (tiges/ha) 187 14,1 594,8 2515,0

Diamètre à 1,3 m (cm)

Chênes 583 7,6 39,2 97,4

Hêtre 586 7,6 31,6 100,9

Charme 543 7,6 17,3 49,7

Autres 306 7,6 21,3 62,4

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2.2 Modèle de croissance

Le modèle MATHILDE est basé sur une approche par tiges individuelles. Il a été ajusté à partir des données des dispositifs expérimentaux du LERFoB qui comprennent plus de 180 000 observations d'arbres (Manso et al., 2015a). Le modèle requiert peu d'intrants. Une liste d'arbres contenant l'identifiant de la placette, la surface de la placette ainsi que le groupe d'espèces et le diamètre à 1,3 m de chaque arbre est suffisant. Si certaines hauteurs sont disponibles, elles sont alors utilisées pour améliorer la précision des prévisions de hauteur des autres arbres.

MATHILDE décrit l'évolution de chacune des tiges sur un pas de temps de 4 à 6 ans. La structure du modèle est présentée Figure 1. Le cœur du modèle est constitué d'un module qui prévoit la probabilité de mortalité de l'arbre et d'un module qui prévoit son accroissement diamétral s'il survit. D'autres caractéristiques, comme la hauteur et le volume, sont estimées à partir de relations allométriques.

Le module de mortalité et d'accroissement diamétral de MATHILDE sont décrits en détails dans Manso et al. (2015a, 2015b). Le module de mortalité tient compte des dommages de tempêtes lorsqu'elles surviennent. Un effet aléatoire permet de reproduire l'hétérogénéité spatiale de ces dommages (Manso et al. 2015a). Le modèle ne prévoit pas l'occurrence des tempêtes. Toutefois, une récurrence (période de retour) peut être spécifiée par l'utilisateur. Le modèle tire alors un nombre aléatoire pour déterminer si une tempête survient durant un pas de temps donné.

Il est aussi possible de reproduire le geste sylvicole à l'aide d'un module de récolte. Ce module prévoit une probabilité de récolte associée à chaque arbre lorsqu'une éclaircie a lieu. L'utilisateur peut également définir un diamètre dominant objectif qui, une fois atteint, entraîne la coupe finale de la placette. Tout comme le cas des tempêtes, l'utilisateur peut spécifier une récurrence des récoltes qui se traduit par une probabilité au cours d'un pas de temps. Un nombre aléatoire est alors tiré et si ce nombre est inférieur à la probabilité, le modèle considère qu'une récolte a lieu.

En ce qui concerne le module d'accroissement en diamètre, il comprend une variable climatique qui est

la température moyenne de la saison de croissance au cours du pas de temps. Manso et al. (2015b)

Figure 1 : Organigramme du fonctionnement du modèle MATHILDE sur un pas de temps de 4 à 6 ans.

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ont trouvé un optimum d'accroissement diamétral à des températures moyennes de 13ºC. Les sites plus chauds ou plus froids ont donc des accroissements légèrement plus faibles. Cette variable n'est évidemment pas observée lorsqu'on fait des projections. Toutefois, une estimation est fournie par le module de température qui simule la hausse des températures ainsi que la variabilité qui leur est associée (Figure 1).

La structure du modèle présentée à la Figure 1 permet d'obtenir une projection sur un pas de temps de 4 à 6 ans. Pour obtenir des projections à plus long terme, le modèle utilise un précédé itératif : après un pas de temps donné, les prévisions sont réinsérées dans le modèle pour effectuer le pas de temps suivant et ce, autant fois que nécessaire pour obtenir la durée de projection voulue.

Le modèle est basé sur une approche complètement stochastique. La liste d'arbre initiale qui est saisie par l'utilisateur est recopiée un nombre N de fois. Pour chacune de ces copies, qui sont en fait des réalisations, on tire des estimations des paramètres du modèle au hasard dans des lois normales multivariées dont la matrice de variance-covariance a été estimée lors de l'ajustement statistique. Des effets aléatoires de placettes et de pas de temps sont aussi générés lorsqu'ils sont présents dans les modules. Finalement, des erreurs résiduelles sont elles aussi tirées afin de reproduire la mortalité et l'accroissement en diamètre propre à chaque arbre au cours d'un pas de temps. Si l'on utilise un nombre de réalisations N très élevé, on arrive à reproduire la variabilité du phénomène (Vanclay 1994, p. 7). La méthode des rangs percentiles permet alors de calculer un intervalle de confiance à un niveau de probabilité donné (Efron et Tibshirani, 1993). Ces simulations stochastiques basées sur la méthode Monte Carlo ont été largement utilisées en recherche forestière pour étudier la propagation des erreurs (p.ex. : Gertner et Dzialowy, 1984 ; Kangas, 1998).

La structure du modèle est conçu pour simuler un échantillon de placettes. L'évolution de chacune des placettes qui composent l'échantillon est simulée de façon quasi indépendante. Pour une réalisation donnée, il est possible, voire très probable, que certaines placettes soient éclaircies au cours d'un pas de temps alors que d'autres seront laissées intactes. Les deux exceptions à cette quasi indépendance entre les placettes sont les estimations des paramètres qui affectent simultanément toutes les placettes de l'échantillon et les tempêtes qui, lorsqu'elles surviennent, sont susceptibles d'affecter l'ensemble des placettes.

2.3 L'outil CAT

L'outil CAT ("Carbon Accounting Tool") est une application informatique développée au LERFoB. Elle est disponible sous la forme d'une bibliothèque JAVA. Elle est actuellement intégrée dans la plate-forme CAPSIS (Dufour-Kowalski et al., 2012) et peut ainsi être couplée aux modèles de croissance qui sont déjà présents dans la plate-forme, notamment le modèle MATHILDE décrit à la section précédente.

CAT transforme les volumes commerciaux estimés en forêt en quantités de carbone selon la méthode du GIEC. Les volumes sont d'abord transformés en biomasse à l'aide d'infradensité, puis on estime la biomasse totale de l'arbre en utilisant des facteurs d'expansion en biomasse. Les quantités de carbone sont ensuite estimées à partir de la biomasse par un simple facteur de teneur en carbone. La méthode est décrite en détails dans le guide des bonnes pratique du GIEC (2003, p. 3.24).

L'outil ne gère pas que le carbone dans la biomasse vivante. Il traite aussi tout le carbone dans la

matière organique morte ainsi que le carbone extrait de la forêt sous forme de produits du bois. CAT

comporte un gestionnaire de flux qui permet de définir une filière sous la forme de processus inter-

reliés. Chacun de ces processus représente un maillon de la filière. Ce gestionnaire de flux permet

aussi de gérer le devenir des produits du bois en fin de vie, à savoir s'ils sont recyclés, incinérés ou

enfouis. Les débris ligneux issus de la mort des arbres ou des opérations forestières peuvent

également être valorisés ou laissés en forêt. Un exemple de filière relativement simple est présenté

Figure 2.

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2.4 Paramètres de simulation

La simulation du bilan de carbone des peuplements de chêne, de hêtre et de charme de la Lorraine requiert de nombreux paramètres. En ce qui concerne le modèle de croissance, il importe tout d'abord de définir un diamètre dominant objectif, une récurrence des tempêtes et une récurrence des récoltes.

En matière de sylviculture, les règles de l'art recommandent un diamètre dominant objectif de 60 à 65 cm dans les peuplements de hêtre et de chêne (Sardin, 2008 ; Lemaire, 2010). La valeur qui a été retenue dans cette étude est celle de 65 cm. Une récurrence de 20 ans a été utilisée pour les tempêtes, ce qui correspond à la période de retour observée depuis les années 1950.

En ce qui concerne la récurrence des récoltes, plusieurs simulations ont été réalisées à partir des données de l'IFN. En partant des années 2005 à 2010, une gamme de récurrences a été testée et les résultats de simulation ont été comparés aux estimations de l'IFN pour les années 2011 à 2014. La récurrence de 9 ans était celle pour laquelle les résultats de simulation s'approchaient le plus des estimations de l'inventaire. Cette récurrence a donc été retenue pour les simulations à l'horizon 2050 et représente un scénario dit "business as usual".

L'usage potentiel des volumes récoltés en bois d'œuvre, bois d'industrie et bois énergie s'est basé sur des travaux antérieurs (Colin et al., 2009). Cette ventilation a également été comparée aux rapports de l'Agreste LORRAINE (2012, 2015) afin de s'assurer du réalisme des simulations.

En matière de comptabilité carbone, les facteurs d'expansion en biomasse et de teneur en carbone qui ont été utilisés sont ceux retenus par le CITEPA dans le rapport national d'inventaire des gaz à effet de serre (CITEPA 2015). Les infradensités des espèces concernées ont été tirées du guide des bonnes pratiques du GIEC (2003).

Figure 2 : Exemple d'une filière dans l'outil CAT. Ici, les débris ligneux sont laissés en forêt. Après leur vie utile,

90% des produits de la construction sont recyclés en bois énergie alors que les 10% restants sont enfouis à la

décharge.

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Fortin et al. (2012),(Figure 2), ont utilisé le gestionnaire de flux de CAT pour créer une filière beaucoup plus réaliste que celle de la Figure 2 pour le chêne. C'est précisément cette filière qui a été reprise puis adaptée pour le hêtre et le charme à la lumière d'études récentes sur les flux de la filière telles que celle de Lenglet (2015).

Deux simulations ont été réalisées : une première incluant les récurrences des tempêtes et des récoltes et une seconde ne tenant compte que de la récurrence des récoltes. Chaque simulation a été basée sur 100 réalisations de croissance.

3. Résultats

Tous les résultats sont exprimés en CO 2 équivalent, ce qui est une convention en matière de comptabilité carbone. Les unités sont celles du système métrique, soit des Mg/ha lesquels correspondent à des tonnes à l'hectare.

L'évolution des stocks de carbone dans la biomasse vivante avec et sans occurrence de tempêtes est présentée Figure 3. En moyenne, les prévisions sans occurrence de tempêtes sont évidemment plus élevées que celles avec occurrence de tempêtes. En omettant le risque de tempêtes, on pourrait s'attendre à une hausse moyenne des stocks de carbone de 134 Mg/ha avec un intervalle de confiance à 95% entre 81 et 202 Mg/ha à l'horizon 2050. Lorsqu'on tient compte de ce risque, la hausse n'est plus que de 85 Mg/ha avec un intervalle de confiance à 95% entre -4 et +161 Mg/ha. L'intervalle de confiance est aussi plus large lorsque les tempêtes sont prises en compte dans la simulation. Dans les deux simulations, il n'y a pas de ralentissement notable de l'accroissement à l'horizon 2050.

L'évolution de la matière organique morte est présentée Figure 4. Omettre le risque de tempêtes mène à une sous-estimation de la matière organique morte de l'ordre de 7 Mg/ha à l'horizon 2050. Encore une fois, l'intervalle de confiance est plus large lorsque le risque de tempêtes est inclus dans la simulation.

Dans les deux simulations, on constate une tendance asymptotique qui laisse penser que le compartiment atteint son équilibre avec des valeurs proches de 80 Mg/ha.

Figure 3 : Evolution des stocks de carbone dans la biomasse vivante avec (en noir) et sans (en gris) occurrence

de tempêtes. Les points représentent les estimations de 2005 à 2013 à partir de l'Inventaire Forestier National

(IFN). Les courbes en pointillés délimitent les intervalles de confiance à 95%.

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Contrairement à la matière organique morte, le stock de carbone dans les produits du bois atteint rapidement son état d'équilibre (Figure 5). Dès l'année 2020, ce pool se maintient à des valeurs avoisinant les 40 Mg/ha. A nouveau, l'intervalle de confiance associé à la simulation incluant les risques de tempêtes est plus large.

4. Discussion

Cette étude dresse un portrait de l'évolution de peuplements de chêne, de hêtre et de charme de la Lorraine en termes de comptabilité carbone. Les prévisions à l'horizon 2050 sans occurrence de tempêtes s'inscrivent dans la continuité des estimations obtenues à partir de l'IFN pour les années 2005 à 2013 (Figure 3). Il importe de souligner que la période 2005-2013 est elle-même exempte de tempêtes en Lorraine.

Figure 4 : Evolution des stocks de carbone dans la matière organique morte avec (en noir) et sans (en gris) occurrence de tempêtes. Les courbes en pointillés délimitent les intervalles de confiance à 95%.

Figure 5 : Evolution des stocks de carbone dans les produits du bois avec (en noir) et sans (en gris) occurrence

de tempêtes. Les courbes en pointillés délimitent les intervalles de confiance à 95%.

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La prise en compte des tempêtes amène une plus grande variabilité dans les prévisions qui se traduit par des intervalles de confiance plus larges. Cette plus grande variabilité tient du fait qu'on ne peut prévoir avec certitude quand surviendra une tempête ni quels seront les dommages qu'elle causera. Au- delà de la variabilité, le fait d'omettre le risque de tempêtes dans une simulation amène forcément à surestimer l'accroissement de la biomasse vivante car il s'agit du scénario le plus optimiste. Dans le cas présent, cette surestimation à l'horizon 2050 se chiffre à environ 50 Mg/ha en CO 2 équivalent, soit un surestimation de 58%.

Les prévisions de la simulation avec occurrence de tempêtes indiquent une hausse moyenne d'environ 85 Mg/ha à l'horizon 2050. Compte tenu de la durée de la projection et de la surface concernée, on peut estimer la séquestration annuelle moyenne à un peu moins de 1 000 000 Mg/an. Par ailleurs, même si l'intervalle de confiance est relativement large, il y a très peu de chance qu'il y ait un déstockage (Figure 3). En somme, il y a de très fortes chances pour que les peuplements de chêne, de hêtre et de charme de la Lorraine séquestrent une quantité importante de carbone dans la biomasse vivante. Dans le pire des cas, c'est-à-dire si plusieurs tempêtes surviennent, cette séquestration sera nulle et les stocks demeureront à peu près inchangés par rapport à leur niveau de 2014.

Les tendances observées dans le compartiment de la matière organique morte (Figure 4) sont exactement à l'opposé. Les dommages de tempêtes entraînent la mort de certains arbres et il semble tout à fait logique d'observer une hausse des stocks dans ce compartiment. Cette hausse est perceptible même si la filière utilisée dans l'outil CAT supposait la récolte de 80% des arbres endommagés.

La tendance observée à la Figure 4 pourrait être faussement interprétée comme une séquestration de carbone. Dans les faits, les données sur la matière organique morte sont manquantes au début de la période. La tendance asymptotique observée permet toutefois d'estimer un état d'équilibre. Dans le cas présent, cet état d'équilibre est de l'ordre de 80 Mg/ha.

Le protocole de l'IFN prévoit la mesure du bois mort en forêt. Les campagnes de 2009 à 2013 ont permis d'estimer le volume moyen de bois mort sur pied et au sol à 7,6 et 17,0 m 3 /ha, respectivement, pour le France métropolitaine (IGN 2014). La conversion de ces volumes en CO 2 équivalent donne des valeurs qui sont largement sous la barre des 80 Mg/ha. Il faut toutefois souligner que ces estimations de bois mort sur pied et au sol n'incluent pas les souches et les racines des arbres morts, alors que les simulations de cette étude en tiennent compte. Considérant que le rapport entre la biomasse souterraine et la biomasse aérienne d'un arbre est d'environ 0,3 (CITEPA 2015), la biomasse souterraine des arbres récoltés représente une quantité considérable de carbone dans le compartiment de la matière organique morte qui échappe au protocole de l'IFN.

En ce qui concerne les produits du bois, la simulation avec occurrence de tempêtes donne une prévision moyenne légèrement plus élevée que celle de la simulation sans risque de tempêtes. Cette augmentation s'explique facilement par le fait que 80% des arbres endommagés sont récupérés. Il s'agit donc d'un volume de bois additionnel qui est transformé. Les bornes inférieures des intervalles de confiance coïncident alors que les bornes supérieures divergent fortement. En fait, la borne supérieure de la simulation avec occurrence de tempêtes atteint des valeurs beaucoup plus élevées qui traduisent un afflux de bois très important dans la filière après tempête.

La variabilité présentée dans cette étude ne tient compte que des éléments stochastiques du modèle.

La variabilité d'échantillonnage n'a pas été prise en compte dans les simulations. Les inférences

statistiques dans un contexte comme celui de cette étude appartiennent à une catégorie que l'on

nomme "inférences hybrides", c'est-à-dire qu'elles dépendent à la fois du plan d'échantillonnage et du

modèle (Corona et al., 2014). Des estimateurs ont été conçus pour tenir compte de la variabilité due à

l'échantillonnage et au modèle dans le cas de modèles linéaires (Ståhl et al., 2016). De tels estimateurs

pour des modèles de croissance comme MATHILDE n'existent pas encore. S'ils étaient disponibles, les

intervalles de confiance seraient probablement plus larges que ceux présentés dans cette étude.

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46 Innovations Agronomiques 56 (2016), 37-47

Il existe aussi une limitation importante en ce qui concerne l'impact des dommages de tempêtes. Dans sa conception actuelle, le modèle MATHILDE ne permet aucune rétroaction du module de récolte après une tempête. En somme, les tempêtes et les récoltes sont perçues comme deux processus distincts et leurs effets sont presque additifs dans la simulation. Après une tempête, la récolte dans des peuplements non touchés est moins probable parce que les volumes à récupérer dans les peuplements endommagés sont très importants. Cette adaptation du geste sylvicole en fonction des aléas n'est pas encore intégrée dans MATHILDE. Il est donc possible que la simulation sous-estime légèrement la biomasse vivante parce que trop d'arbres sont récoltés lorsque les tempêtes surviennent. Ce biais reste à quantifier.

5. Conclusions

Les résultats de cette étude permettent les conclusions suivantes:

1. Les peuplements de chêne, de hêtre et de charme de la Lorraine séquestreront des quantités importantes de carbone qui sont estimés en moyenne à un peu moins de 1 000 000 Mg/an en CO 2 équivalent au cours de la période 2014-2050.

2. Cette prévision est empreinte d'une incertitude en grande partie due aux tempêtes. Malgré la variabilité, il est très fort probable que ces peuplements séquestreront du carbone. Dans le pire des cas, c'est-à-dire si plusieurs tempêtes surviennent au cours de la période 2014-2050, la séquestration nette pourrait être nulle.

3. Il n'y a aucune indication de ralentissement de la séquestration de carbone dans la biomasse vivante à l'horizon 2050.

4. Pour un scénario dit "business as usual" comme celui de cette étude, les quantités de carbone à l'équilibre dans la matière organique morte peuvent être estimées à environ 80 Mg/ha en CO 2

équivalent. Des scénarios alternatifs qui permettraient d'augmenter cette valeur à l'équilibre impliqueraient une séquestration additionnelle.

5. Les quantités de carbone à l'équilibre dans les produits du bois sont estimées à 40 Mg/ha. Une hausse de cette valeur dans un scénario alternatif signifierait également une séquestration additionnelle.

Remerciements

Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet GESFOR financé par l'ADEME (appel à projets REACCTIF I). La conception du modèle MATHILDE a été financée par l'Office national des forêts et par le projet ANR-FORWIND. L’UMR 1092 LERFoB bénéficie d’une aide de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du programme Investissements d’avenir portant la référence no ANR-11-LABX-0002-01 (Laboratoire d’excellence ARBRE).

Références bibliographiques

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