• Aucun résultat trouvé

Santé et adaptation du haricot commun Phaseolus vulgaris L

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Santé et adaptation du haricot commun Phaseolus vulgaris L"

Copied!
71
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-01458648

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01458648

Submitted on 5 Jun 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Santé et adaptation du haricot commun Phaseolus vulgaris L

Martin Dutartre

To cite this version:

Martin Dutartre. Santé et adaptation du haricot commun Phaseolus vulgaris L. 2015, 70 p. �hal- 01458648�

(2)

Mémoire de fin d'études

Présenté pour l'obtention du diplôme d'Ingénieur Agronome Spécialité : Production Végétale Durable

Santé et adaptation du haricot commun Phaseolus vulgaris L.

par Martin DUTARTRE

Année de soutenance : 2015

Organisme d'accueil : INRA SAD-Paysage

(3)

Mémoire de fin d'études

Présenté pour l'obtention du diplôme d'Ingénieur Agronome Spécialité : Production Végétale Durable

Santé et adaptation du haricot commun Phaseolus vulgaris L.

par Martin DUTARTRE

Année de soutenance : 2015

Mémoire préparé sous la direction de : Brigitte BRUNEL

Présenté le : 18/09/2015 devant le jury :

Hélène MAROU Brigitte BRUNEL

Jean-Jacques DREVON

Organisme d'accueil : INRA SAD-Paysage

Maître de stage : Stéphanie KLAEDTKE

(4)

3

Résumé

L'agriculture intensive et industrielle a progressivement pris le pas sur les pratiques paysannes au cours du 20e siècle. Les pratiques agricoles sont aujourd'hui dictées par les entreprises d'agrofournitures en amont de la filières pour répondre aux exigences des industries agroalimentaires situées en aval. Les conséquences environnementales et sociales d'un tel modèle sont alarmantes.

Cette agriculture repose sur l'utilisation de variétés standardisées. Or, ces variétés nécessitent une utilisation massive d'intrants chimiques et ne sont pas adaptées aux conditions de culture biologique.

Face à ce constat, et dans un objectif d'autonomie vis-à-vis de la production de semences et de relocalisation de l'agriculture, des agriculteurs ont repris en main le devenir de leurs semences.

Les travaux synthétisés dans ce mémoire s'inscrivent dans un projet de recherche sur le haricot. Il a pour ambition d'explorer les approches de la santé des plantes afin de faire valoir une conception qui vise la salutogénèse plutôt qu'une éradication totale des maladies. Cette approche se base sur des mécanismes d'adaptation reposant sur les interactions [plante*environnement] et la grande variabilité génétique au sein des populations cultivées. Ces travaux impliquent également une réflexion sur la cohérence de la régulation sanitaire en vigueur concernant la graisse bactérienne du haricot dans le cadre de la production de semences. Plus précisément, l'objectif de ce stage est donc de tester les capacités d'adaptation du haricot à son environnement. Quatre variétés paysannes, 'Roi des Belges', 'Flageolet Chevrier', 'Saint-Esprit' et 'Rognon de coq', et une variété commerciale, 'Calima', sont étudiées. Elles ont été cultivées 3 années dans 3 sites différents (Bretagne, Aquitaine et Luxembourg), chaque situation géographique donnant lieu à autant de versions différentes pour une même variété. En 2015, l'ensemble des versions de chaque variété sont semées et comparées dans un même essai. Plusieurs critères phénotypiques sont mesurés et l'hypothèse d'adaptation est vérifiée si des différences sont observées entre les versions d'une même variété. Les différents critères portent sur la croissance des plantes (longueur des feuilles, date de floraison, etc.), le rendement (nombre de gousses, production de grains, etc.) et la sévérité des symptômes de graisse et de viroses.

Les capacités d'adaptation ont été confirmées pour les variétés Rognon de Coq, Saint-Esprit et Flageolet Chevrier. Des différences ont été mise en évidence pour la date de floraison, la longueur des feuilles, et, pour la variété Rognon de Coq, la sévérité des symptômes de viroses et de graisse. Dans la majorité des situations, la version cultivée trois ans au Luxembourg est celle qui se distingue des autres. La variété Rognon de coq, qui présente la plus grande diversité génétique, est également celle qui présente les plus grandes capacités d'adaptation. La variété 'Roi des Belges montre peu de signe d'adaptation mais elle a été sélectionnée dans un site où la pression sélective est très forte, ce qui peut entrainer par la suite une évolution plus lente. Dans le cas de la variété Calima, les versions cultivées dans les différents sites se distinguent également de la version d'origine pour quelques critères, mais l'étude est biaisée par un traitement des semences du lot originale. On ne peut donc pas conclure quant à l'adaptation éventuelle de cette variété. Au-delà de l'adaptation génétique, l'adaptation des plantes à un nouvel environnement s'expliquerait également par des phénomènes épigénétique et par l'action des micro-organismes du sol.

Mots clefs : semences paysannes, haricot commun, santé des plantes, adaptation, graisse bactérienne, agriculture biologique, diversité.

(5)

4

Abstract

Health and adaptation of common bean (Phaseolus vulgaris L.)

Intensive agriculture has progressively imposed itself on farmer practices since the beginning of the 20 century. This process accelerated after the Second World War. Agricultural practices are today controlled by seed and chemical industries upstream and food processing industries downstream. Environmental consequences of this agricultural model are dramatic. It is based on standardised seeds that are not well adapted to organic agriculture. Confronted with this situation, some farmers take charge of seed production to be autonomous and produce seeds adapted to local and organic agriculture.

This report forms part of a research project on common bean. Its objective is to explore a salutogenetic approach to health plant, as opposed to approaches aiming at the eradication of pathogenic microorganisms. Salutogenesis is based on plant adaptation through plant*environment interactions and high genetic diversity. Moreover, this work involves a reflexion on the sanitary regulation concerning Common bacterial blight for bean seed production. The aim of this study is to verify adaptation capacities of five bean varieties. It concerns 4 farmer varieties : 'Roi des Belges', 'Rognon de Coq', 'Saint-Esprit' and 'Flageolet Chevrier', and one commercial variety, 'Calima'. They were multiplied during 3 years in 3 different geographic locations (Brittany, Luxembourg and Aquitaine), each environment giving rise to a different version of each variety. In 2015, all versions of the varieties are cultivated and compared in a same trial. Various phenotypic traits are measured and the adaptation hypothesis confirmed if differences between versions of the same variety are observed. Observed traits focus on plant growth (leaves length, flowering date, etc.), yield (pods number, weight of thousand seeds, etc) and disease resistance (bean blight and virus symptoms).

Adaptation capacities have been demonstrated for the varieties 'Rognon de Coq', 'Saint-Esprit' and 'Flageolet Chevrier'. 'Rognon de Coq' had the highest adaptation capacities. Differences between versions of this variety have been observed concerning leaf length, flowering date and symptoms of viral diseases and bean blight. It is the version from Luxembourg that generally differs from the others. 'Rognon de Coq' is also the variety with the highest genetic diversity. 'Saint-Esprit' and 'Flageolet Chevrier' present differences for flowering date only. As plants have been shown to adapt their phenology rapidly this indicates an adaptation to new environments. The variety 'Roi des Belges' shows weak adaptation capacity, but this observation may be due to the origin of the initial seed lot, marked by high selective pressure. Adaptation to other environments, with a weaker selective pressure, may thus happen at a slower pace. Finally, 'Calima' shows signs of adaptation for some criteria, but we cannot conclude about this variety's evolution because a treatment of the original seed lot may distort results. Beyond genetic adaptation, plant adaptation to new environments may also be due to epigenetic mechanisms and the plant microbiome.

Key words : farm seeds, common bean, plant health, adaptation, bacterial bean blight, organic agriculture, diversity.

(6)

5

Remerciements

Je remercie Stéphanie Klaedtke, doctorante au sein de l'équipe BCRP, qui m'a encadrée tout au long de ce stage. Je la remercie pour sa disponibilité et sa sympathie. Je remercie également Véronique Chable, directrice de recherche, pour m'avoir accueilli dans l'équipe BCRP, et dont la rencontre et les discussions sont toujours très intéressantes d'un point professionnel et personnel.

Merci à vous deux de m'avoir fait partager votre passion pour le monde des semences paysannes.

Je tiens aussi à remercier toute l'équipe pédagogique de la spécialité Agronomie et Système de Culture Innovant, pour m'avoir permis de réaliser ce stage au sein de l'équipe BCRP. Je remercie particulièrement Brigitte Brunel, ma tutrice de stage, pour toutes ses contributions durant le stage et notamment lors de la rédaction du mémoire, et Aurélie Metay, qui nous a accompagné tout au long de cette année et dont je retiendrais la disponibilité et la bonne humeur.

Un grand merci également à Simon Rousselot et Estelle Serpolay, membres de l'équipe BCRP, et aux stagiaires et apprenti que j'ai côtoyé pendant mon stage : Matéou, Pierre, Franck-Emmanuel et Virginie. Merci à tous pour votre bonne humeur, vos conseils et tout ces bons moments partagés à la quarantaine et en dehors !

Et merci à Jean-Martial et Julien, maraichers bio de Chavagne, pour avoir accueilli l'essai de haricot, et pour m'avoir appris plein de belles choses en maraichage !

Enfin, merci à Juliette, aux copains Adrien, Léo & Léo, Edouard et Antoine, et à Manouche, sans qui cette dernière année d'étude aurait été un peu moins rigolote !

Une pensée pour Azize et Denis, Simon, Paul et Léonie.

"La plupart des paysans ont perdu leur autonomie et leur savoir en matière de semence en faveur d'un secteur marchand spécialisé. [...] Les intérêts et besoins primordiaux des consommateurs, et à long terme des paysans et des écosystèmes, sont passés au dernier plan dans le choix des critères de sélection. Ils ont été remplacés par ceux des firmes obtentrices et semencières et par les exigences des industries de transformation et de la grande distribution. Or, des paysans et quelques chercheurs travaillent sur des voies alternatives mais avec souvent très peu de moyens"

Source : Réseau Semences Paysannes

(7)

6

Glossaire

Les semences paysannes sont directement issues des variétés sélectionnées et multipliées par les agriculteurs eux-mêmes. Elles sont vouées a être échangées librement entre producteurs, dans un cadre dont les règles sont définies par les utilisateurs de ces semences. Elles s'opposent aux semences commerciales, sélectionnées par les entreprises semencières en dehors des champs des agriculteurs, et dont la commercialisation est soumise à l'inscription au catalogue officiel des semences. Les semences commerciales sont protégées par un Certificat d'Obtention Végétale en vue de conserver leurs caractéristiques et d'utiliser leur dénomination. Les semences paysannes se différencient également des semences de fermes, qui sont multipliées à la ferme à partir de la récolte de variété commerciale.

Pour désigner les semences paysannes, on parle également de variété population (ou simplement de population), pour marquer l'importance de la diversité génétique intra variétale : il s'agit d'une population d'individus génétiquement différents mais liés par un phénotype proche et des caractéristiques communes. Les variétés population s'opposent aux variétés commerciales standardisées : lignées pures (variété dont tous les individus sont génétiquement identiques et homozygotes pour tous leurs caractères en raison d'une consanguinité prolongée) et hybrides F1 (première génération d'un croisement entre deux variétés de lignées pures d'une même espèce).

Les agriculteurs créant de nouvelles variétés populations sont appelés les artisans-semenciers.

De manière générale, ils ont une approche de la santé des plantes opposée à celle développée par les acteurs des semences commerciale, que l'on explique à travers le terme de salutogenèse : la santé des plantes est considérée comme un état d'équilibre où il n'est pas question d'éradiquer systématiquement les agents pathogènes pour obtenir des plantes indemnes de maladie. Cela repose sur les capacités d'adaptation des plantes, permise par la grande diversité génétique au sein des populations et les interactions [plante*environnement].

En France, les différents acteurs du monde des semences paysannes sont regroupés au sein du Réseau Semences Paysannes (RSP). Ce réseau est constitué de plus de soixante-dix organisations, toutes impliquées dans des initiatives de promotion et de défense de la biodiversité cultivée et des savoir-faire associés. Le RSP a pour rôle la coordination et la consolidation des initiatives locales, la promotion de modes de gestion collectifs et de protection des semences paysannes, ainsi que la reconnaissance scientifique et juridique des pratiques paysannes de production et d'échange de semences et plants.

(8)

7

Liste des abréviations

AB : Agriculture Biologique

ACP : Analyse en Composantes Principales Anova : Analysis of variance

BCRP : Biodiversité Cultivé et Recherche Participative

CIAT : Centre International d'Agriculture Tropical (riz, haricot, maïs et sorgo) DHS : Distinction, Homogénéité, Stabilité

FSO : Farm Seed Opportunities

GAP : Génétique et Amélioration des Plantes

GNIS : Groupement National Interprofessionnel des Semences et Plants INRA : Institut National de la Recherche Agronomique

ISAE : Institut en Santé Agro-Environnement

LAMS : Laboratoire d'Analyses Microbiologiques des Sols OGM : Organisme Génétiquement Modifié

PMG : Poids de Mille Grains

PPE : Passeport Phytosanitaire Européen Psp : Pseudomonas syringae pv. phaseolicola RSP : Réseau des Semences Paysannes

SAD : Sciences, Agriculture et Développement SOC : Service Officiel de Contrôle et de Certification

SOLIBAM : Strategies for Organic and Low Input Breeding and Management UE : Union Européenne

UPOV : Union Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales VAT : Valeur Agronomique et Technologique

Xap : Xanthomonas campestris pv. phaseoli Xff : Xanthomonas fuscans pv. fuscans

(9)

8

Table des matières

Introduction ...10

1. L'agroécologie pour sortir de l'impasse de l'agriculture intensive ...10

2. La sélection végétale associée à l'évolution des formes d'agriculture ...11

3. La recherche participative pour accompagner le renouveau d'une sélection paysanne ...12

4. Santé du haricot et mécanismes d'adaptation : trois années d'essais à l'appui ...14

I. Eclairages bibliographiques et objectifs du stage ...15

1. A la découverte du haricot commun Phaseolus vulgaris L. ...15

a. Des origines andines ... 15

b. Production et consommation de haricot en bref ... 16

c. Physiologie et culture du haricot ... 17

2. La graisse bactérienne du haricot, une maladie si problématique ? ...18

3. Production artisanale des semences paysannes vs réglementation inadaptée... ...19

II. Objectifs du stage et démarche ...21

1. Confirmer l'hypothèse d'adaptation par le suivi de plusieurs critères ...21

2. Analyses microbiologiques des semences ...21

3. Choix des variétés et identification des versions ...22

4. Préparation du semis 2015 ...23

III. Matériel et Méthodes ...24

1. Caractéristiques de la parcelle d'essai ...24

2. Les variétés de haricot Phaseolus vulgaris étudiées ...24

3. Construction de l'essai ...24

4. De multiples critères de suivi ...25

a. Critères agronomiques et phénotypiques ... 25

b. Composantes du rendement : gousses et graines ... 26

c. Critères pathologiques et symptômes ... 27

5. Analyses microbiologiques des semences ...28

6. Analyses des résultats ...28

IV. Présentation des Résultats ...30

1. La présence graisse et de viroses confirmée ...30

2. 'Roi des Belges' ...30

a. Description des données et identification des critères d'intérêts par ACP ... 31

b. Comparaison des versions pour les principaux critères discriminants ... 32

(10)

9

3. 'Rognon de Coq' ...33

a. Description des données et identification des critères d'intérêts par ACP ... 33

b. Comparaison des versions pour les principaux critères discriminants ... 35

4. 'Saint-Esprit' ...36

a. Description des données et identification des critères d'intérêts par ACP ... 36

b. Comparaison des versions pour les principaux critères discriminants ... 37

5. 'Flageolet Chevrier' ...38

a. Description des données et identification des critères d'intérêts par ACP ... 38

b. Comparaison des versions pour les principaux critères discriminants ... 39

6. 'Calima' ...39

a. Description des données et identification des critères d'intérêts par ACP ... 39

b. Comparaison versions pour les principaux critères discriminants ... 40

7. Récapitulatif des effets observés entre versions pour chaque variété ...40

8. Contamination des semences par la graisse bactérienne ...42

V. Discussion et Perspectives ...43

1. Une adaptation variable selon les variétés ...43

a. 'Roi des Belges' : de faibles capacités d'adaptation ... 43

b. 'Rognon de Coq', une variété aux capacités d'adaptation importantes ... 44

c. 'Saint-Esprit' et 'Flageolet Chevrier' : la date de floraison comme seul indicateur ... 44

d. 'Calima' : des résultats biaisés par un traitement de semences ... 45

2. Discussion générale...46

a. Au Luxembourg, "qui peut le plus, peut le moins" ? ... 46

b. Trois années d'adaptation sont-elles suffisantes ? ... 46

c. Relation capacité d'adaptation/variabilité génétique intra-variétale ... 47

d. Des conditions non-optimales au développement des maladies ... 48

e. Quels sont les mécanismes permettant d'expliquer l'adaptation des variétés ? ... 48

3. Perspectives ...50

a. Analyses des paramètres de rendement ... 50

b. Vérifier l'adaptation locale des variétés ... 50

c. Un processus global d'évaluation de l'adaptation des variétés ... 51

d. Réfléchir aux lieux de multiplication des semences ... 51

Conclusion ...52

Bibliographie ...53

Annexes ...57

(11)

10

Introduction

1. L'agroécologie pour sortir de l'impasse de l'agriculture intensive

L'agriculture productive et industrielle s'est progressivement imposée comme le modèle dominant en France depuis le début du XXe siècle. Ce modèle, basé sur une utilisation intensive d'intrants et la maximisation des rendements, a été encouragé et soutenu par les gouvernements d'avant guerres et la politique de l'INRA, rapidement rejoint par les coopératives et les entreprises semencières influentes, au sortir de la seconde guerre mondiale. Les objectifs sont alors multiples.

Il s'agit tout d'abord d'assurer l'autosuffisance alimentaire du pays1, d'assurer sa reconstruction économique et de rattraper le retard acquis sur les Etats-Unis dans le secteur agricole (Bonneuil et Thomas, 2012). Il faut attendre les années 1980, et notamment l'émergence en France d'un débat publique sur la question des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), pour qu'émergent enfin les premières grandes interrogations quand à la durabilité de ce modèle agricole. Les pratiques ont malheureusement peu évolué, et la situation est aujourd'hui alarmante. Selon Olivier de Schutter, alors rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation, l'agriculture mondiale serait "à bout de souffle" (De Schutter, 2014). En effet, une part importante de la société civile et des acteurs du monde agricole s'accordent à dire que les limites de l'agriculture intensive sont atteintes : dégradation généralisée des écosystèmes, dépendance aux énergies fossiles dans un contexte de raréfaction des ressources et de réchauffement climatique, stagnation des rendements, dépendance accrue de la profession vis-à-vis des multinationales de l'agrofourniture et endettement des agriculteurs (Saporta, 2011).

Les solutions pour sortir de cette impasse ne font pas l'unanimité, et s'agrègent globalement autour de deux tendances : la voie de l'agroécologie et celle des biotechnologies (Vanloqueren et Baret, 2009). Dans les années 1970, les chercheurs de l'INRA, toujours en quête à cette période d'une agriculture plus compétitive, avaient déjà misé sur les biotechnologies pour répondre aux premières interrogations quant à la durabilité du modèle agricole productiviste. Ils espéraient en effet pouvoir intégrer dans les schémas de sélection des critères d'efficience azotée ou de résistance aux maladies, et ainsi développer une agriculture à faible niveau d'intrants. L'histoire montre que ces objectifs n'ont pas été atteint, en partie pour des raisons de faisabilité technique, mais aussi car l'INRA abandonne progressivement à cette époque son statut de leader dans le domaine de l'amélioration des plantes2 au profit des coopératives et des firmes semencières. Ces entreprises mettent alors à profit les biotechnologies dans l'unique but d'accroitre leurs bénéfices (Bonneuil et Thomas, 2009). Les enjeux sont à la hauteur des investissements, et l'expansion des biotechnologies est très rapide : la première plante génétiquement modifiée est obtenue en 19833, et en 2012, les maïs transgéniques, dont les variétés résistantes aux herbicides, représentent déjà plus de 55 millions d'hectares dans le monde (OGM.org, 2014). L'emploi de produits phytosanitaires a de fait augmenté, la dépendance des agriculteurs vis-à-vis des multinationales situées en amont de la filière également, sans parler de la durabilité des systèmes portés sur les OGM. Malgré ces constats, les grands semenciers privés (et une partie de la recherche publique en France) semblent encore aujourd'hui miser sur les biotechnologies pour développer une agriculture

"durable", à la pointe du modernisme et toujours plus compétitive.

1 La production agricole française est en 1945 d'un tiers inférieure à ce qu'elle était en 1938.

2 La part de marché des variétés INRA passent de 78% en 1970 à 2,5% dix ans plus tard (Bonneuil et Thomas, 2012).

3 Une plante de tabac résistant à un antibiotique, la kanamycine.

(12)

11 L'INRA aurait quant à lui choisi de s'orienter depuis la fin des années 1990 dans une autre voie, celle de l'agroécologie, avec l'ambition de progresser dans ce domaine en situant sa recherche au "tripode de l'agriculture, l'alimentation et l'environnement" (Guillou et al., 2010). Les objectifs du département Sciences, Agriculture et Développement (SAD) du centre INRA de Rennes visant à

"produire des connaissances sur les relations entre activités agricoles, dynamiques du paysage et de la biodiversité" s'inscrivent dans une démarche agroécologique. Le contexte pluridisciplinaire du département, son vœu de "renouvellement de l'approche systémique" et son "positionnement spécifique sur l'objet territoire" créent un cadre favorable à l'accueil en 2005 de l'équipe Biodiversité Cultivé et Recherche Participative (BCRP) de Véronique Chable, résolument engagée dans la recherche participative pour les agricultures biologiques et paysannes (Chable et al., 2005).

L’agriculture cadre dans lequel s’inscrit les recherches de BCRP tient à la fois des fondements du respect du vivant développés par les pionniers européens de l’agriculture biologique au milieu du XXe siècle et des prérogatives écologiques et sociales de l’agroécologie. Cette agriculture biologique est aussi paysanne en raison de son attachement au développement des terroirs, à la différence d'une agriculture biologique qui se « conventionnalise » avec des techniques et des marchés semblables à l’agriculture industrielle. Il existe néanmoins un obstacle majeur à l'essor d'un tel modèle agricole, qu'il convient d'expliquer à travers quelques éléments historiques...

2. La sélection végétale associée à l'évolution des formes d'agriculture

Le choix de la semence est un élément déterminant pour optimiser les processus de production et conditionne de nombreux aspects qualitatifs de la production. Depuis la naissance de l’agriculture jusqu’à la création du métier de sélectionneur, les variétés cultivées étaient créées et adaptées par les paysans eux-mêmes. Les premiers travaux d'importance en sélection végétale sont conduits à partir de la seconde moitié des années 1800 par la maison privée Vilmorin, alors leader dans ce secteur. La recherche publique en amélioration végétale émerge plus lentement, et une station d'essais sur les semences voit le jour en 1884. La sélection généalogique s'impose rapidement comme la méthode de sélection et d'amélioration la plus efficace. Elle permet en effet d'obtenir à partir de populations diversifiées et hétérogènes des variétés homogènes, plus productives et dont les caractères sont fixés dans le temps. Ces critères constituent, selon les biologistes de l'époque, la clef de la modernisation du secteur agricole (Schribaux, 1908). Bien qu’à cette époque déjà, le processus de sélection scientifique du végétal opéré par l'état et les obtenteurs privés ait pour conséquence une diminution de l'utilisation de variétés paysannes, les semences commerciales tarderont à s'imposer (Bonneuil et Thomas, 2009). La fin de la seconde guerre mondiale marque un véritable tournant. Face aux impératifs d'augmentation de la production1, la recherche publique s'impose rapidement en leader de la sélection et de l'amélioration variétale. L'INRA est créé en 1946, et son département Génétique et Amélioration des Plantes (GAP) regroupe un tiers des chercheurs de l'institut. Cette période est alors l'apogée de la variété lignée pure, dont "l'avantage est la possibilité d'en fixer une fois pour toute la réaction au milieu, aux techniques culturales, et par voie de conséquences, d'en obtenir le rendement maximum" (Bustarret, 1961). Elle est très vite rejointe par les hybrides F1, qui permettent d'obtenir des résultats similaires pour les espèces allogames.

1 La production agricole française augmente de 1% par an en moyenne au début du XIXe siècle, puis de 5% par an entre 1950 et 1980. Le rendement moyen en maïs passe de 25 à 50 q/ha entre 1955 et 1970 (Bonneuil et Thomas, 2012).

(13)

12 La généralisation des variétés sélectionnées s'accompagnent d'un durcissement progressif de la législation sur les semences. Ainsi, le décret du 11 juin 1949 stipule que seules les variétés inscrites au Catalogue Officiel pourront être commercialisées ou échangées en tant que semences.

L'inscription d'une variété au catalogue est alors conditionnée par le respect de critères très stricts de Distinction, Homogénéité et Stabilité (DHS), et du respect d'une certaine Valeur Agronomique et Technologique1 (VAT). A cela s'ajoute le 11 juin 1970 une nouvelle directive interdisant aux paysans la production de semences de ferme à partir de variétés sélectionnées (Bonneuil et Hochereau, 2008). Ces mesures ont pour conséquence d'entériner complètement les semences et variétés paysannes2 et l'agriculture intensive se généralise sur le territoire.

L'après guerre marque aussi le début de la division du travail. L'INRA se consacre à l'obtention des variétés, les coopératives assurent leur multiplication et leur distribution, alors que les agriculteurs se limitent à la production de denrées. Ainsi, on assiste à la perte des savoir-faire traditionnels de sélection par les paysans, et les travaux d'amélioration sont orientés exclusivement dans l'intérêt de ceux qui les réalisent. Cette période correspond également au début de la confiscation des ressources génétiques par les semenciers, situation qui s'aggravera à partir de 1980 avec l'apparition des premiers brevets sur le vivant (Bonneuil et Thomas, 2009).

Enfin, la généralisation des semences commerciales est un moyen d'ancrer définitivement l'agriculture dans une démarche de modernisation. En effet, les variétés modernes sont précisément sélectionnées pour valoriser les intrants chimiques (engrais et pesticides), les critères de résistances aux maladies sont donc abandonnés au profit du seul rendement. Leur homogénéité rend quant à elle possible la mécanisation, et répond aux exigences de l'industrie agro-alimentaire, également en plein essor pendant les trente glorieuses (Allaire et Boyer, 1995).

Les travaux de sélection menés par l'INRA puis les firmes semencières privées ne sont pas sans conséquences pour le milieu de la paysannerie. Par soucis d'homogénéité, de productivité et de stabilité, pour satisfaire les critères DHS imposés par la réglementation, les variétés sont sélectionnées en milieu artificialisé de façon à minimiser les interactions [génotype*environnement], les facteurs limitant étant compensés par le recours systématique aux engrais de synthèse et aux produits phytosanitaires. Or, les agricultures biologiques et paysannes s'appuient au contraire sur la grande diversité génétique au sein des espèces et des variétés et sur leur capacité à interagir avec leur environnement comme facteur clef d'adaptation aux conditions du milieu, et comme facteur de résilience face aux aléas climatiques (De la Perrière, 2014). La perte des savoir-faire paysans de sélection et la mise en place d'une réglementation défavorable, ajoutées à l'uniformisation et l'appauvrissement génétique des variétés cultivées, font qu'il n'existait que peu de variétés adaptées à l'agriculture biologique et paysanne au début des années 2000, alors qu'un règlement européen impose depuis cette même période l'utilisation de semences certifiées AB pour produire en AB. (Chable et Berthellot, 2006).

3. La recherche participative pour accompagner le renouveau d'une sélection paysanne Des paysans ont repris en main le devenir de leurs semences dans les années 2000. Ils se sont regroupés en associations pour s’organiser collectivement et mieux défendre leurs intérêts.

Ces associations sont, pour la plupart, membre du Réseau des Semences Paysannes (RSP) créé en

1 Les critères VAT concernent les grandes cultures et les fourragères mais ne s'applique pas aux cultures maraichères.

2 Le Catalogue Officiel des variétés ne compte plus que 5 variétés de pays en 1955, il n'y en a plus en 1960.

(14)

13 2003. En réponse à une demande grandissante des producteurs, les travaux entrepris par Véronique Chable et son équipe depuis le début des années 2000 prennent alors toute leur importance. La diversité génétique au sein des variétés paysannes et les conditions dans lesquelles elles ont été sélectionnées (sous contraintes, en l'absence d'intrant, permettant une forte expression des interactions [plante*environnement]), sont les facteurs clefs de l'adaptation des plantes à leur environnement. Ces caractères, à la base de l'adaptation locale des variétés, sont essentiels pour les agricultures biologique et paysanne, et plus généralement dans le contexte de réchauffement climatique. Le redéploiement de ces variétés enraye le processus d'érosion génétique et favorise le développement des circuits courts et la transformation à la ferme, sources de diversification des exploitations et de création d'emplois.

Véronique Chable et ses collaborateurs sont ainsi convaincus que la diversité génétique cultivée est le levier majeur de durabilité agricole, et que les savoir et pratiques des paysans sont la clé du maintien de cette diversité et de son adaptation à l'échelle des terroirs. Ils développent des travaux, (notamment par des projets européens successifs) qui consistent à accompagner les paysans et artisans-semenciers dans la sélection et multiplication de populations adaptées à leurs conditions de culture et répondant aux exigences d'un marché local, et à créer un cadre favorable à la diffusion de populations végétales diversifiées. La recherche participative ainsi menée rompt de plus avec une vision fixiste de la biodiversité et célèbre à travers la "gestion dynamique" une nouvelle union entre innovation variétale et conservation des ressources génétiques (Bonneuil et Demeulenaere, 2007). Historiquement initiés sur les espèces de choux, culture d'importance en Bretagne, les travaux de sélection participative se consacrent désormais à un large spectre de cultures : blé, maïs, sarrasin, haricot, tomate. Une des caractéristiques de l'équipe BCRP est son fonctionnement par projets, dans un contexte de forte sollicitation pour concrétiser les idées issues des échanges au sein du réseau d'institutions, de chercheurs, d'agriculteurs, d'ONG et de citoyens engagés dans une réflexion sur l'agroécologie.

Le projet européen Farm Seed Opportunities (FSO), conduit entre 2007 et 2009, avait comme objectifs de mieux comprendre le fonctionnement des variétés de pays, de contribuer à l'élargissement du marché de ces variétés, de proposer un cadre réglementaire plus favorable à la diffusion des semences paysannes, et enfin que soit reconnu le rôle des paysans dans la création et le maintien de cette diversité génétique. Ce programme s'intéressait à de nombreuses cultures dont le haricot. En 2009, lors de la dernière rencontre autour de ce projet, un débat a émergé entre les différents acteurs suite à la publication d'analyses montrant qu'un lot de semences produit par un des paysans partenaires était contaminé par la bactérie responsable de la graisse du haricot, une maladie de quarantaine au sein de l'Union Européenne1. La conclusion d'un des chercheurs fut donc que les producteurs ne sont pas aptes à produire eux-mêmes des semences de haricot. Cela a suscité de vives réactions de la part des agriculteurs et de certains chercheurs, dont Véronique Chable, faisant l’hypothèse que de nombreux facteurs de régulation de la maladie existent. La capacité des artisans-semenciers à produire des semences destinées à l'agriculture biologique et paysanne ne peut donc pas être remise en cause par de simples analyses. De manière plus globale, ce débat s'intéressant à la graisse du haricot a révélé des divergences profondes sur les approches de la santé des plantes, et la façon dont cela impacte la réglementation sur la production de semences. Ainsi, les acteurs d'une agriculture industrialisée, pour qui l'absence de pathogène est indispensable pour éviter toutes maladies et atteindre les objectifs de "bonne" santé des cultures,

1 Un lot de semence contaminé ne peut être commercialisé, la maladie se transmettant par les semences.

(15)

14 imposent via la réglementation qu'ils mettent en place, leur vision à l'ensemble du monde agricole.

Il apparait évident que pour les défenseurs d'une agriculture biologique et paysanne, qui définissent la santé des plantes à travers la notion de salutogenèse développée par Dorïng et al., 2012, le cadre réglementaire auquel ils doivent se soumettre est inadapté à leurs pratiques.

Le projet européen SOLIBAM (Strategies for Organic and Low Input Breeding and Management), mené entre 2010 et 2014, s'inscrit dans la continuité du projet FSO. Il visait à développer des approches de sélection et d'amélioration spécifiques et intégrées aux pratiques agronomiques pour améliorer les performances des cultures, la qualité des produits et la résilience des systèmes de culture biologiques et à faibles intrants. C'est dans le cadre de ce projet, et suite aux questions qui avaient été soulevées lors de la dernière conférence FSO en 2009 sur la qualité des semences et la problématique de la graisse bactérienne que s'est construit un projet de recherche, faisant l'objet d’une thèse réalisée par Stéphanie Klaedtke. Le sujet est centré sur la santé du haricot commun Phaseolus vulgaris L. Menée en collaboration avec des paysans et semenciers du RSP, l'ambition de ces travaux est d'explorer les approches de la santé des plantes afin de faire valoir une conception qui vise la salutogénèse plutôt qu'une éradication totale des maladies du haricot. Cette approche se base sur des mécanismes d'adaptation reposant sur les interactions [plante*environnement] et la grande variabilité génétique au sein des populations. Elle demande donc une vision de l'ensemble de l'écosystème de production, où la plante n'est pas abordée de manière isolée de son contexte, mais en interaction avec son environnement et ses microorganismes, pathogènes comme bénéfiques. Cette recherche implique aussi une réflexion sur la cohérence de la régulation sanitaire en vigueur, de façon à intégrer le point de vue développé par les artisans-semenciers concernant la santé des plantes.

4. Santé du haricot et mécanismes d'adaptation : trois années d'essais à l'appui

Dans le cadre de la thèse de Stéphanie Klaedtke (en cours), afin de tester les capacités d'adaptation du haricot à son environnement, 4 variétés paysannes et une variété commerciale constituant un témoins pour l'étude, ont été cultivées pendant trois ans (2012/13/14) chez 3 producteurs différents, en Bretagne, en Aquitaine et au Luxembourg, chaque situation géographique donnant lieu à autant de versions différentes pour une même variété. Les graines récoltées étaient ressemées d'une année à l'autre. Cette année (2015), l'ensemble des versions de chaque variété sont semées et comparées dans un même essai en Bretagne. L'objectif est de vérifier si les variétés se sont adaptées à leur environnement distinct, en mettant en évidence des différences de comportement entre les versions d'une même variété. L'étude porte donc sur des traits phénotypiques agronomiques et microbiologiques, en s'intéressant particulièrement au développement de la graisse du haricot. Si l'hypothèse d'adaptation du haricot est vérifiée, les résultats apporteront des arguments scientifiques accompagnant l'évolution de la réglementation vers des mesures qui soient plus conciliantes avec la production de semences paysannes.

Une première partie synthétise les résultats des recherches bibliographiques s'intéressant au haricot commun, à la graisse bactérienne et au contexte de la production de semences paysannes. L'essai mis en place en 2015 ainsi que le protocole suivi pour l'observation de chacun des critères sont présentés dans une seconde partie. Les principaux résultats obtenus sont ensuite détaillés et discutés, avant de présenter quelques perspectives pour ces travaux.

(16)

15

I. Eclairages bibliographiques et objectifs du stage

1. A la découverte du haricot commun Phaseolus vulgaris L.

a. Des origines andines

Le haricot est une plante herbacée de la famille des fabacées. On dénombre cinq espèces cultivées au sein du genre Phaseolus, toutes originaires d'Amérique Latine. Parmi elles, les plus utilisées sont le haricot commun, le haricot d'Espagne ou encore le haricot de Lima1. Le haricot commun est cultivé comme un légume, principalement de plein champ mais aussi en maraichage. Il s'agirait d'une espèce d'origine andine qui se serait dispersée vers le Nord jusqu'au Mexique2 et le Sud jusqu'en Argentine. La domestication du haricot serait intervenue il y a plus de 5000 ans, séparément à partir de ces deux populations sauvages distinctes (Jacobsohn, 2010). Il aurait été introduit en Europe par Christophe Colomb dans les années 1500. En raison de sa facilité de culture, ses qualités nutritionnelles et la possibilité de conserver sur de longues périodes ces graines, le haricot s'est rapidement répandu en Europe, se substituant même à des légumineuses traditionnelles (lentille, pois chiche) dans certaines

régions (Pitrat et Foury, 2003). Les principaux syndromes de domestication du haricot ont dans un premier temps facilité sa mise en culture. Ainsi, progressivement, les graines n'ont plus eu de dormance, les gousses sont devenues non-déhiscentes à maturité (Figure 1), les plantes insensibles à la photopériode (les plantes sauvages ne fleurissant qu'en jours courts) et leur port a été modifié : la majorité des variétés sont non- grimpantes, et les variétés à rames d'aujourd'hui ont une croissance limitée comparée à leurs homologues sauvages.

L'amélioration contemporaine du haricot s'est quant à elle concentrée sur la progression des rendements, la résistance à certaines maladies et la mécanisation de la culture (Jacobsohn, 2010).

Comme dit précédemment, on distingue deux types de haricots communs en fonction du port végétatif de la plante : les variétés naines et les variétés grimpantes. Les variétés de haricots peuvent également être classées en fonction de leur valorisation alimentaire. On différencie ainsi les haricots verts, ou mange-tout, dont la gousse est consommée, des haricots secs, ou "à écosser", produits pour leur graine.

1 Les deux autres étant le haricot Tepari et le haricot Acalete, d'importance économique moindre.

2 Et la fameuse association maïs-courge-haricot, traditionnelle de l'agriculture paysanne mexicaine.

Figure 1 : Gousse déhiscente de haricot sauvage (source : Du fayot au mange tout, 2010)

(17)

16 b. Production et consommation de haricot en bref 1

A l'échelle mondiale, le haricot est classé au 10ème rang des légumes produits (les trois premiers étant la pomme de terre, le manioc et la tomate), et au premier rang des légumineuses consommées en légumes secs (hors soja), devant le pois, le pois chiche et les fèves. La surface destinée à la culture de haricot est en légère augmentation. Elle s'élevait à près de 30 millions d'hectares de haricot sec2 en 2012, soit environ 24 millions de tonnes produites, et 1,5 million d'hectares de haricot frais, soit une production d'environ 21 millions de tonnes. Les principaux producteurs de haricot sec sont l'Inde (3,7 millions de tonnes en 2012) et le Brésil (2,7 millions de tonnes en 2012). Concernant les haricots verts, le premier producteur mondial est de loin la Chine, qui produisait plus de 16 millions de tonnes en 2012, soit 75% du total ! Face à ces "géants"

mondiaux du haricot, la production européenne est largement en retrait. En effet, l'ensemble des pays européens ont produit seulement 500 000 tonnes de haricot sec et 800 000 tonnes de haricot frais en 2012. L'Albanie et l'Espagne sont respectivement les premiers producteurs de haricots secs et de haricots verts. La France reste l'un des producteurs principaux en Europe, avec 3 600 hectares pour 7 400 tonnes produites en haricot sec, et 4

700 hectares pour 70 500 tonnes de haricots frais (FAO, 2012). Comme le montrent les figures 2, 3 et 4 ci-joint, les productions européenne et française de haricot, sec ou frais, est globalement en baisse depuis ces 15 dernières années. Cela s'explique en partie par l'importation massive de soja américain et brésilien devenant la principale source de protéines depuis le début des années 1990, au détriment des légumineuses cultivées localement.

Les surfaces de haricot vert représentaient tout de même 13% des surfaces légumières totales en France en 2012. La région Bretagne représente près d'un tiers de cette superficie, suivie par la région Aquitaine et le Nord-Pas de Calais (FranceAgrimer, 2011).

1 L'ensemble des chiffres utilisés dans ce paragraphe proviennent des données de la FAO pour l'année 2012. Il est important de rester critique quant à ces données car il ne s'agit que d'estimations.

2 A titre de comparaison, la culture du blé représente plus de 200 millions d'hectares dans le monde (FAO, 2012).

Figure 4 : Evolution de la production de haricot frais en France (source : FAO, 2012)

Figure 2 : Evolution de la production de haricots en Europe (source : FAO, 2012)

Figure 3 : Évolution de la production de haricot secs en France (source : FAO, 2012)

(18)

17 La production de semences suit globalement

les même tendances que la production de graines pour la consommation. Ainsi, le marché est dominé par l'Inde et le Brésil, qui produisaient respectivement 273 000 et 121 600 tonnes de semences en 2012. Viennent ensuite la Chine, le Mexique et les Etats-Unis. Les pays européens ont produit 36 500 tonnes de semences en 2012.

L'Espagne (5000 tonnes) est le producteur de semences numéro un en Europe, devant l'Italie, l'Albanie et la France (1500 tonnes). La production de semence de haricot en France, qui était en baisse jusqu'en 2010, semble augmenter légèrement depuis

en 2011 (Figure 5). A noter que la production de semences paysannes, difficile à estimer mais minime comparée aux chiffres précédents, n'est pas prise en compte dans ces estimations.

L'annexe 1 résume les chiffres de la production de haricots à l'échelle mondiale.

A l'autre bout de la chaine, la consommation de haricot est très variable selon les continents. Alors que l'on consomme en moyenne 9,4 kg/an/habitant en Amérique Latine, la consommation en Amérique du Nord est 5,5 kg/an/habitant, contre 2,2 en Afrique, 1,3 en Asie et seulement 0,7 kg/an/habitant en Europe. La consommation moyenne en Europe et en France est en baisse. Ainsi, alors qu'un français consommait en moyenne 5 kg de haricot sec en 1945, il n'en consomme plus que 3,5 en 1999. La consommation de haricot frais s'élève à 0,8 kg/an/habitant.

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, c'est dans la région de l'Afrique des Grands Lacs que la consommation est la plus importante : jusqu'à 29 kg/an/habitant au Burundi, 20 kg/an/habitant au Rwanda (FAO, 2000).

c. Physiologie et culture du haricot

Le haricot est une plante à croissance indéterminée et reproduction autogame. Il existe plus de 1200 variétés commerciales inscrites au catalogue européen des espèces cultivées. Il s'agit principalement de lignées pures sélectionnées selon des objectifs de rendements, de résistance à certaines maladies (anthracnoses) ou de groupement de la production (Pitrat et Foury, 2003). Ces variétés modernes ne sont pas adaptées aux conditions de culture en agriculture biologique et paysanne (Chable et Berthellot, 2006), mais des artisans-semenciers continuent de produire et commercialiser à petite échelle des semences de haricot de pays, à destination de maraîchers pratiquant la vente locale.

Le haricot est une culture d'été à cycle court (Annexe 2 : les étapes de développement du haricot commun). Le semis intervient à partir de début mai sous climats océanique et méditerranéen, lorsque la température du sol avoisine les 12°C. La culture ne nécessite aucune intervention particulière en agriculture biologique, si ce n'est des opérations de désherbage. La récolte de haricots verts a lieu 60 jours après le semis. Il faut compter 90 jours pour des haricots à écosser demi-secs, et enfin 120 jours pour des haricots secs. Les rendements moyens en France en 2012 étaient de 2,05 t/ha de haricot sec et 15 t/ha de haricot vert. En agriculture biologique, les rendements sont de l'ordre de 2 à 3 tonnes/ha suivant les régions et les années pour des variétés de haricots à écosser (FRAB Midi-Pyrénées, 2012). Les principaux facteurs affectant la production

Figure 5 : Évolution de la production de semences de haricots en France (source : FAO, 2012)

(19)

18 sont la sécheresse et deux maladies : l'anthracnose et la graisse du haricot. En Bretagne, en raison des températures relativement douces au printemps et en été, il est peu fréquent d'observer des cas extrêmes d'anthracnose.

2. La graisse bactérienne du haricot, une maladie si problématique ?

La graisse bactérienne est l'une des maladies les plus préoccupantes pour la culture du haricot. Elle peut être causée par deux catégories d'agents pathogènes : la bactérie Pseudomonas syringae pv. phaseolicola (Psp), responsable de la graisse à halo, et les bactéries Xanthomonas axonopodis pv. phaseoli (Xap) et Xanthomonas fuscans pv. fuscans (Xff), à l'origine de ce qui est appelée la graisse commune.

Psp se développe lorsque le taux d'humidité est élevé et les températures douces à fraîches (16 - 23°C). Les symptômes caractéristiques d'une infection par cette bactérie sont l'apparition de cloques puis très rapidement de tâches huileuses évoluant en

tâches brunâtres. Ces dernières sont généralement entourées d'un grand halo, diffus, blanchâtre ou vert clair. Les conditions favorables au développement de Xap/Xff sont des taux d'humidité élevé et températures chaudes, supérieures à 25°C.

Les symptômes sont similaires à ceux observés dans le cas de Psp, mis à part que le halo entourant les tâches est plus net, plus fin, et de couleur jaune/orangé. En pratique, il est très difficile de distinguer l'une ou l'autre des origines de la graisse bactérienne par simples observations des symptômes (Figure 6).

Cela nécessite des analyses microbiologiques d'échantillons. Les bactéries pénètrent dans la plante par les stomates ou les blessures. La transmission de l'agent pathogène d'une plante à l'autre a lieu lors d'intempéries, par le vent ou par la circulation de personnes ou de machines dans la parcelle (UNILET, 2014 et Baker et al., 2014).

La propagation de la maladie à l'échelle d'une exploitation ou d'un territoire se fait principalement par les semences. Trois voies de contamination de la graine de haricot ont été identifiées : via le xylème ou le stigmate (contamination interne), ou par les téguments (contamination externe) (ITAB, 2008). L'agent pathogène ne survit généralement pas dans le sol durant l'hiver. Il est néanmoins recommandé de ne pas cultiver de haricots sur une parcelle très affectée par la graisse bactérienne l'année précédente. Le moyen le plus efficace pour éviter la graisse bactérienne est le recours à des semences saines (Ministère de l'Agriculture du Canada, 2013). Il suffirait donc d'acheter chaque année des semences commerciales certifiées, mais comme nous l'avons expliqué auparavant, cette solution n'est pas envisageable dans le contexte d'une agriculture paysanne. Une alternative pour les paysans utilisant leurs propres semences est de soumettre les graines à une analyse microbiologique. Si le résultat est positif à Xap/Xff ou Psp, le lot de semences peut être traité par thermothérapie, mais il est plutôt conseillé de ne pas semer les graines.

La graisse commune provoquée par Xap/Xff est gérée par un processus de quarantaine dans l'Union Européenne. Cela signifie qu'un lot de semence contaminé par cet agent pathogène ne peut

Figure 6 : Symptômes de graisse sur feuille de haricot (source personnelle)

(20)

19 être commercialisé1. Xap/Xff a été introduite récemment en Europe. Il s'agit alors, selon les organismes en charge de ce problème, d'éviter tant que possible sa propagation sur le territoire. La graisse due à Psp n'est pas concernée par la procédure de quarantaine car elle est déjà très répandue sur le territoire, et présente dans la majorité des lots de semences (Klaedtke, 2014).

3. Production artisanale des semences paysannes vs réglementation inadaptée...

La commercialisation de semences en France et en Europe est possible à condition que le Passeport Phytosanitaire Européen (PPE) certifiant l'absence d'organisme nuisible est été délivré.

Cette mission est assurée par le GNIS-SOC, dont les techniciens contrôles les parcelles préalablement déclarées par les entreprises semencières, et si besoin les lots de semences. A partir de 2017, en vu d'anticiper la nouvelle directive européenne sur le contrôle sanitaire des semences prévue pour 2022, le GNIS-SOC envisage de déléguer complètement la procédure pour la délivrance du PPE aux entreprises, aux niveaux technique, administratif et économique. Ainsi, un système d'auto-contrôle sera mis en place. Les contrôles seront effectués par des techniciens agréés au sein de l'entreprise. Le SOC ne fera plus que de l'accompagnement et de la surveillance des procédures. D'autre part, les analyses de semences pour les organismes de quarantaine deviendront systématiques, alors qu'ils n'étaient réalisés qu'en cas de doutes auparavant.

(Delmont, 2015)

Aux yeux des artisans-semenciers du RSP, ces nouvelles réglementations semblent particulièrement inadaptées, et ceux pour deux raisons principales. La première causes de désaccord s'explique du fait de la petite taille de ces entreprises. En effet, l'analyse systématique des lots de semences engendre des pertes inacceptables pour les petits semenciers, car il faut pour cela des échantillons de 3 à 5kg, ce qui peut constituer 10% d'une récolte. Il faut ajouter à cela le coût des analyses, qui peut aller jusqu'à 3000 euros suivant les espèces, et le coût de la formation d'un technicien pour les contrôles des parcelles, tous deux à la charge de l'entreprise. Le GNIS réclame également une traçabilité complète concernant la vente des semences (variété, clients, quantité, etc.). Ces procédures engendrent des charges administratives beaucoup trop lourdes pour des entreprises de si petites tailles, et cela leur pose problème de transmettre de telles informations au GNIS, qui est constitué de concurrents. (Delmont, 2015)

La seconde raison de désaccord entre les artisans-semenciers et le GNIS réside dans le fait que les producteurs et utilisateurs de semences paysannes n'ont pas les même exigences sanitaires concernant les semences, du fait des propriétés des semences paysannes et de leur mode de conduite en AB. Comme expliqué précédemment, les semences utilisées dans le contexte de l'agriculture biologique et paysanne présentent une grande variabilité génétique. Elles sont également sélectionnées en l'absence d'intrant chimique, dans des conditions favorisant l'expression maximale des interactions [génotype*environnement]. La combinaison de ces deux caractéristiques se traduit au niveau des cultures par plus de résistance et de résilience aux aléas climatiques, et par la capacité à s'adapter rapidement à un nouvel environnement ou de nouvelles conditions (Altieri, 2015). Les arguments développés par les chercheurs et les agriculteurs pour défendre leur droit et leur légitimité à produire leur propre semence de haricot s'appuient en partie

1 En France, la certification des semences est assurée par le Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS), et plus précisément au sein du GNIS, par le Service Officiel de Contrôle et de Certification (SOC). C'est le SOC qui garantit entre autres la qualité sanitaire des semences.

(21)

20 sur les principes énoncés ci-dessus. Tout d'abord, en raison des interactions qui existent entre l'agent pathogène présent sur les semences et les micro-organismes du sol qui lui sont antagonistes, une graine contaminée ne produira pas systématiquement une plante atteinte de la graisse du haricot (Vayssier-Taussat, 2015). D'autre part, des paysans témoignent que lorsqu'une population est cultivée pour la première année dans un nouvel environnement, des symptômes liés à certaines maladies peuvent être très forts, mais que dans certains cas, après quelques années de culture seulement, les plantes deviennent saines. Ce constat a été mis en évidence dans le cas notamment de la carie du blé et du charbon du maïs. Les producteurs attribuent cela aux mécanismes d'adaptation, que des chercheurs expliquent par d’autres hypothèses que la résistance génétique, comme le contrôle épigénétique de l’adaptation au stress (Beaulcombe et Dean, 2014) ou l’influence des microorganismes (Berg, 2009).

De manière générale, il s'avère que les producteurs et utilisateurs de semences paysannes n'ont pas la même définition de la santé des plantes que leurs homologues pratiquant l'agriculture conventionnelle et étant à l'origine de la réglementation semencière (Klaedtke, 2014). En effet, une plante en bonne santé est pour les uns une plante exempte de symptômes, les ravageurs et pathogènes sont donc systématiquement éliminés pour ne pas nuire au rendement et à la qualité industrielle des cultures. Les seconds définissent la santé des plantes comme un état d'équilibre, où la plante est capable de produire par elle-même et en interaction avec son environnement. Les interactions [plante*environnement], les capacités d'adaptation des variétés et les pratiques des agriculteurs doivent permettre de contrôler les ravageurs et les maladies. Cette vision de la santé des plantes est définie par le concept de salutogenèse, développé par Döring et al., 2012. Il devient donc absurde de vouloir systématiquement en éradiquer les organismes potentiellement nuisibles.

Cet argument vaut bien évidemment pour le contrôle de la graisse du haricot, où l'élimination du pathogène apparait comme un non-sens dans des systèmes qui semblent capables de contrôler la propagation de la maladie. Il s'avère d'ailleurs que, selon leurs témoignages, les producteurs utilisant des semences paysannes n'ont que peu de problèmes de graisse de haricot en culture (Catinaud, 2014).

Références

Documents relatifs

riles provenant d’un autre système génétique où la sté- rilité mâle est commandée par un gène récessif, aucune plante stérile ou semi-stérile n’a été

désagréable pour les lignées à grains noirs, ils n’étaient que légèrement plus opaques que ceux des lignées à grain blanc dans le cas de celles à.

Tableau 23 : Analyse de variance pour Biomasse fraiche des feuilles des plantes stade 1 série solution nutritive somme des carrés de type III...  Biomasse sèche des racines

- deux mois et demi à trois mois après le semis pour la récolte en grains secs.

Dans les dix-sept pays membres de l‘Alliance panafricaine pour la recherche sur le haricot (Pabra), de nombreuses organisations différentes (Og, Ong, Ocb) sont prêtes à soutenir

« La motivation d’un élève qui se surestime risque de s’écrouler à la première embûche pour laisser place à un sentiment faussé de profonde incompétence » (Viau,

In this Letter, we study gravity-capillary wave turbu- lence subjected to horizontal random vibrations of the whole container. The frequency power-laws of the wave spectrum are

In this dense regime, barchans have a small, well-selected size and form flocks: the dune field self-organizes in narrow corridors of dunes, as it is observed in real dense