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Quelques-unes de mes premières impressions à l'Exposition nationale des Beaux-Arts à Bâle

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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A l b e r t . S i i . v e s t r e . — L ’hiver à Saviè^e.

fois le monde de cette « Em otion ». Et ceci est à ren ­ contre de tant de peintures de nus, dans lesquelles l'or­ ganism e hum ain n’ est pas ram ené au m onde de la couleur et de la lign e, mais au contraire où la ligne et la couleur, à supposer qu ’elles existent, tendent exclusivem ent à rede­ venir chair.

A u risque de m anquer de galanterie, j’ insistais sur ce point, quoiqu’ une représentante du beau sexe cherchât à me con vain cre, par des acclam ations aiguës, que ces figures de H odler étaient le com ble de la laideur et que l’ art devait représenter la beauté fém inine telle que la nature nous l’offre. Si cette dam e désire m ettre à la place du tableau de H odler la fem m e telle qu’ elle existe dans la nature, q u ’ elle s’ exhibe elle-m êm e en ces lieu x, telle E ve. L ’art ne veut pas être la n atu re; les œ uvres im m ortelles sont celles où il transpose la nature à ses fins. Il ram ène tout, dans la peinture, au m onde propre de l’œ il. La peinture est pure­ ment dans la couleur et dans la ligne, qui appellent à elles l’hom m e tout entier. 11 s ’agit, bien entendu, de l'honnne qui peut se donner sans restriction au monde de la couleur et de la ligne. P our celui qui ne le peut, la peinture n’existe pas.

C e n’est ici q u ’ une de mes objections à ma gracieuse adversaire. J ’ ajoute encore ceci : le laid ne diffère pas du Q U E L Q U E S -U N E S D E M E S P R E M IE R E S ^

IM P R E S S IO N S A L ’ E X P O S IT IO N N A T IO N A L E D E S B E A U X - A R T S D E B A L E

« Puisque j’ ai l’ occasion de vous rencontrer ici, mon cher M onsieur, perm ettez-m oi de vou s dem ander en quoi vrai­ m ent Y Emotion de H odler est belle. Je désire ardem m ent être renseigné sur une chose dont je n’ ai pu ju squ ’ ici appré­ cier l’ intérêt. Je voudrais jou ir des avantages d’ une culture q u i, à l’heure qu’ il est, paraît décidém ent faire défaut à tous ceux qui ne com prennent pas Hodler. »

C h er am i, si vous ne sentez pas la grandeur de Hodler par vos propres y eu x , ce ne sont pas des mots qui vous la révéleron t. Essayez donc de contem pler son œ u vre, rede­ venez enfant com m e si vous n’aviez jam ais vu un tableau, et livrez-vous aux seules im pressions de votre œ il. V o s sens ne répondront-ils pas alors au rythm e de cette ligne, née du corps hum ain ? V oilà ce que pour moi H odler signifie. A contem pler son œ u vre, je m ’ absorbe dans la contem plation de la form e hum aine devenue uniquem ent couleur et ligne. Et parce que la couleur et la ligne se réalisent ici en un m onde nouveau, je sens s’ éveiller en moi pour la prem ière

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A l e x a n d r e P e r r i r r . — S o ir d ’été dans la m ontagne.

beau, il est plutôt l'une des m ultiples facettes du beau. Le laid, c ’est le rouge, si le vert est le beau ; ou c’est le jaune, si le beau est le violet — le rouge et le jaune qui naissent de l’opposition du vert et du violet qui leur correspondent, ou autrem ent le vert et le violet dont la sensation naît du rouge et du jaune. A u point de vue de l’artiste qui crée, ce n’est pas le laid qui esc anti-artistique, mais c’ est le répugnant, dont le rapport avec le laid est le m êm e que celui de la volupté avec le beau.

Dans le même ordre d’ idées, je voudrais m ’arrêter devant le tableau de Giacom etti : Le Pain ; ici le laid devient un facteur du beau et nous nous trouvons en effet devant l’ une des œ uvres les plus fortes et les plus caractéristiques de l’artiste. D ans les Disciples d’Emaiïs égalem ent, la per­ sonnalité de Giacom etti s’ im pose. Et si ces deux tableaux reflètent des recherches très différentes, nous y rencontrons cette même richesse de couleurs m erveilleuse.

C ’est la couleur encore qui m ’enchante infinim ent dans le tableau d’ A m iet : Enfant après le Bain. Et pourtant, quand après ma prem ière visite à l’exposition, je rassem ­ blai mes souven irs, je ne retrouvai plus l’im pression p ro ­ fonde du prem ier m om ent. M ais une seconde visite me révéla plus clairem ent la ligne de ce tableau. Com m ent celte harm onie si sim ple, cette alliance m erveilleuse de m ouvem ents si variés, avaient-elles pu m ’ échapper? Et en outre la position des deux figures, si souple, si naturelle.

En rentrant chez m oi, tout en conversant avec cette Sym­ phonie en jaune de deux fillettes nues, le tableau d’ A m iet qui est au-dessus de notre piano, nous conclûm es tous les deux : certes, jamais A m iet n’a encore vu d’ une façon aussi directe que dans cet Enfant après le Bain.

A utrefois, lorsque A uberjonois exposa à Lausanne son tableau La Toilette, je fus transporté, sans rien savoir de l’ œ u vre ni de l’artiste, dans un mondé de rouge et de vert qui m’était auparavant inconnu. T o u t mon œ il, toute mon âme vivaient dans le rouge et le v e r t; rien n’ existait autou r. Soudain je me dis : M ais c’est La Toilette d’ Auber- jonois que la presse a rendue si célèbre ! En pensée, je serrai la main de l’artiste et je courus au secrétariat pour dem ander le prix. Et aujourd’ hui, quel progrès im m ense de cette Toilette à la n ature-m orte'et au petit nu q u ’ A ub er­ jonois a exposés à Bâle !

Un autre peintre de nu m ’offre encore une âme n e u v e : A lexandre Blanchet. Chez cet artiste aussi, tout ce que le corps hum ain peut donner en ligne et en couleur se pré­ sente à moi d ’une façon nouvelle.

Edouard Boss égalem ent a dans la couleur des qualités bien personnelles. Son Repas de casseurs de pierres offre beaucoup à celui qui s’ y abandonne sans idée préconçue. « Peinture p late ! » entends-je crier derrière m oi. Je re­ m arque que cela s’ adresse au paysage de Trachsel et je me retourne pour riposter. A ce m om ent je me rappelai ce

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qui arriva à Lichtcnberg quand il s’avisa de dresser un veau et son expérience nie retint, sans que par là je veuille nie com parer à l’cniincnt satyriste. Sans conteste T raclisel est décoratif au plus haut degré, dans le sens pictural de ce m o i. Mais ceci n’a rien à faire avec la peinture plate, cela signifie uniquem ent qui:

T r a c h s e l c r é e des valeurs artistiques et q u ’ il sait placer la ligne et la couleur d ’ une fa ç o n q u i é v e i l l e et fixe l’œ il. Si ses paysages visent la gran deur, ses fleurs soin dans une note d’ intim ité et de tendresse, sans être pour cela m oins vraies. Les fleurs exposées à Bâle en tém oi­ gnent.

L ’effet décoratif dans le m eilleur sens, est visible aussi dans lu Tonnelle de V allet, un tableau que je ne peux voir sans envie et sans re­ grets. Je me sens apparenté aussi au monde des couleurs et des lignes d ’A lb ert M uret. Je suis envahi ici par un sentim ent que je n’éprouve

nulle part ailleurs.

Parm i les talents si variés que r é v è l e l’ exposition de Bâle, je voudrais encore citer M a u r i c e B a u d . A vec son Orage, il est entré dans un dom aine où certes il a qu el­ que chose à dire et où il dira des choses im portantes. A vrai

dire, j’entends déjà cette objection faite à tant de ses collè­ g u e s: « Pourquoi cette décom position des couleurs suivant l’ analyse spectrale ? Pourquoi aligner une série de couleurs là où la nature n’en offre qu’ une seule ? » M ais cette sépa­

ration des couleurs ollre cependant un m oyen à l’œ il du peintre qui s’anim e dans la lum ière, telle une goutte d’eau au soleil, créant l’arc-en-ciel. P.t si l’œ il possède de telles capacités, il doit en tirer parti.

F.t la sculpture ? Et l’art d écoratif? Ils tém oignent à Bâle de ressources infinies et, si mon silence à ce sujet me parait une trahison, il me manque le tem ps de ni'adon­ ner à toutes ces im pressions et il ne me reste q u ’à m ’e x ­ cuser auprès de tous ceux que mon parti pris m’au to ­ rise à laisser de côté.

Il en est un , et c’est Hans F rei, dont les objets d’art, broches, ép in gles, pendentifs, etc., me tente­ raient absolum ent. J ’aim erais tout sim plem ent prendre tout ce q u ’il a créé, l’em baller et l’ em porter. Je résiste à ce désir dangereux, mais je sou ­ haite à cet hom m e q u ’il soit enfin estim é à sa juste valeur et appuyé par le monde des am ateurs.

A vec effo rt, je m ’arrache au charm e de cette exposi­ tion. Je voulais confirm er des im pressions connues, et voilà que j’y rencontre des m on­ des nouveaux. J ’ en suis heu­ reux et reconnaissant à l’ art suisse, qui toujours plus ri­ chem ent prodigue ses bien­ faits, en valeurs vraies et personnelles, à ses enfants.

Bâle-Biberist, 9 et 10 A oût 1908.

Os c a r Mi i.i.k r. j.w-^ij î & j :ai

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Extr. de: L’Art Suisse

Lieu d’éd.: Genève

Date: 08.1908

Page: 8-10

Auteur: Miller, Oscar

Titre: Quelques-unes de mes premières impressions

l’Exposition nationale des Beaux-Arts de Bâle

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