Au Port du Légué,
A l’ancre, à l’encre j’écris.
Le port du Légué, enfant de la mer et des Terre-neuvas, d’un lègue prospère l’héritage. A l’ancre, à l’encre j’écris.
Un amer immaculé dans les gris non loin se perd. Sous mes yeux : grèves, galets, vase, ulves sur fond de baie anthracite et rivages vert-de-gris.
A l’ancre, à l’encre j’écris.
Sternes, aigrettes, cormorans et goélands, mouettes et poules d’eau ; colverts et cygnes, petits d’homme et miettes de pain, cacophonie.
A l’ancre, à l’encre j’écris.
En deçà de l’écluse, en amont, entre ponts et pontons quais et grues : haussières à l’agonie, mousses, rouille, flaques moirées ici, là moteurs grippés, bateaux las en léthargie, haubans et drisses qui claquent.
A l’ancre, à l’encre j’écris.
A une encâblure, un voilier flambant neuf brûle de larguer ses amarres ; à un jet de bière de là, une épave en devenir, rêve naufragé qui s’émousse, bordées qui se délitent, beauté flétrie, amère et salée.
A l’ancre, à l’encre j’écris.
Au bistrot, un canon en ligne de mire, un capitaine crochet conte à rebours des périples au long cours, des voyages sans retour ; Peter Pan, lui, a mis les bouts, hissé les voiles, les cales pleines à craquer d’illusions et de chimères.
A l’ancre, à l’encre j’écris.
Sur l’épave en devenir, à la proue une fleur affleure. Son calice offre en corolle un safran éclatant : peut-être un bouton d’or, ou bien un colza, fils du vent et d’une graine ; ou alors un éclat de soleil, qui sait ? vestige d’une aube prometteuse pleine d’aventures.
A l’ancre, à l’encre j’écris…