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Chéloïdes sur peau noire

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Academic year: 2022

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206 Images en Dermatologie Vol. IX - n° 6 novembre-décembre 2016

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Figure 1. Chéloïde étendue, évoluant depuis plus de 30 ans. On note la bordure périphérique active et le centre fibreux séquellaire, résultat d’une évolution centrifuge. Les chéloïdes de la région préthoracique ont généralement un développement principalement en surface et non en relief. La chéloïde post-thyroïdectomie a été rejointe par l’extension de la nappe principale.

Mots-clés : Chéloïdes • Maladie chéloïdienne • Peau noire • Ethnicité.

Keywords: Keloids • Keloid disease • Black skin • Ethnicity.

L

es chéloïdes sont des lésions fibroprolifératives du derme le plus souvent déclenchées par un traumatisme cutané, même minime, ou une folliculite. Elles évoluent sur un mode chronique, avec une extension plus ou moins marquée en surface et en relief, avant de se stabiliser spontanément et parfois de régresser dans des délais de plusieurs années ou décennies. La gêne qu’elles occasionnent est variée, définissant des objectifs thérapeutiques distincts : préjudice esthétique, prurit parfois intolérable, douleur spontanée et sensibilité jusqu’à l’allodynie, suppurations intra -chéloïdiennes, parfois gêne fonctionnelle pour des chéloïdes très volumineuses ou très mal situées (péri-orificielles). Bien que parfaitement bénignes, les chéloïdes récidivent presque constamment après exérèse chirurgicale simple ou destruction physique. La multi- plicité fréquente des lésions chez un même sujet ainsi que leur évolution chronique justifient l’usage du terme de “maladie chéloïdienne”. Le terme de “cicatrice”, qui sous-entend une lésion séquellaire fixe, paraît en revanche peu approprié à l’évolution chronique de la chéloïde (1).

Histoire

Une prédisposition particulière aux chéloïdes est notée dès la seconde moitié du XIXe siècle chez les sujets d’ascendance africaine (2). Au début du XXe siècle, une grande étude com- parative menée aux États-Unis montre que les chéloïdes sont un motif de consultation en dermatologie 10 fois plus fréquent chez les Noirs que chez les Blancs (3). Les variations de pré- valence constatées dans différentes régions du monde vont dans le sens d’une fréquence plus élevée des chéloïdes chez les personnes d’ascendance africaine, bien qu’on ne dispose pas d’une évaluation chiffrée précise de cette “préférence ethnique”. Une enquête récemment menée dans un district du Kenya a relevé une prévalence de 8,3 % dans une popula- tion de 954 sujets porteurs de cicatrices (parmi une popula- tion générale de 1 416 personnes de 28 ans d’âge moyen) [4].

Chéloïdes sur peau noire

Keloids on black skin

A. Petit (Service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris)

Les  chéloïdes sont réputées particulièrement fréquentes aussi dans les populations à peau fortement pigmentée originaires d’Asie du Sud-Est (Chine, Japon) ou d’autres régions du monde ; une incidence annuelle de 150 cas pour 100 000 habitants a ainsi été mesurée à Taïwan (5).

Formes cliniques

Corrélativement à leur plus grande fréquence, l’expérience courante suggère aussi que les chéloïdes les plus étendues (figures 1, 2), les plus nombreuses (figure 3), les plus volu- mineuses (figures 4, 5) et les plus récalcitrantes surviennent plus souvent chez des sujets noirs. Les localisations rares, comme la plante des pieds (figure 6, p. 208), semblent elles aussi plus fréquentes dans cette population (6). Bien entendu, cela n’exclut pas la possibilité de chéloïdes très étendues et sévères sur peau claire (figure 7, p. 208).

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Images en Dermatologie Vol. IX - n° 6 novembre-décembre 2016 207

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Figure 4. Chéloïde volumineuse. Les chéloïdes de la région pubienne peuvent se développer en surface mais aussi en relief, engendrant parfois une gêne fonctionnelle.

Figure 5. Chéloïde volumineuse. Les chéloïdes de l’oreille et celles de la région cervicale et de la barbe se développent volontiers en relief, pouvant atteindre des volumes considérables.

Figure 2. Chéloïdes étendues. Une image non exceptionnelle de chéloïde spontanée centrifuge des deux seins et de chéloïde centri- fuge post-vaccinale de la face externe du bras.

Figure 3. Chéloïdes nombreuses. Lorsque la surface atteinte est trop importante, que ce soit en raison du nombre de chéloïdes ou de leur étendue, la chirurgie n’est pas envisageable. Il n’existe malheureuse- ment pas de traitement systémique connu pour stopper l’évolution de telles lésions.

Physiopathologie

Cette particularité épidémiologique de la maladie chéloïdienne a suscité au début du XXe siècle des hypothèses physiopatho- logiques plus ou moins marquées par l’idéologie raciste alors dominante : trait constitutionnel lié à une “perversion de l’équilibre général de la croissance” propre à la “race afri- caine” (7), la fréquence des chéloïdes a été envisagée aussi comme corollaire d’une capacité exceptionnelle de cicatrisa- tion (conçue comme un mécanisme d’adaptation à un excès de traumatismes liés au mode de vie) [8], voire comme un effet direct d’une fréquence accrue de traumatismes, abcès, etc. (9).

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Figure 7. Chéloïde sévère sur peau claire. Le tableau clinique réalisé était tout à fait similaire à celui de la figure 2.

Figure 6. Chéloïde plantaire. Cette localisation est rare, et les obser- vations publiées concernent des sujets noirs. Une gêne à la marche est fréquente.

La permanence de cette tendance chéloïdienne marquée chez les Africains-Américains ou les Antillais, quel que soit le lieu et le mode de vie, suggère clairement aujourd’hui qu’elle est liée à des facteurs génétiques et non environnementaux.

Le caractère souvent familial de la maladie chéloïdienne plaide lui aussi pour l’existence de facteurs génétiques de prédispo- sition. La nature de ces derniers est encore inconnue, mais on peut espérer une accélération prochaine de la recherche sur cette maladie trop souvent négligée. Les pistes de réflexion offertes par l’observation clinique et épidémiologique sont limitées. La notion d’une absence de chéloïdes chez les Afri- cains albinos, ajoutée à celle d’une fréquence plus élevée dans diverses populations à peau richement pigmentée, aurait pu suggérer une interaction mélanocyte-fibroblaste. Toutefois, ces données sont incertaines, et une étude récente montre une fréquence comparable des chéloïdes chez des Kenyans albinos ou non albinos (4). Plus récemment, la mise en évidence d’un lien entre chéloïde et léiomyomes utérins à Taïwan (5) nous rappelle que ces tumeurs bénignes sont aussi plus fréquentes chez les femmes d’ascendance africaine (10).

Prise en charge

En pratique, il est légitime de se demander si le surcroît de risque lié à la couleur de peau ou à l’ascendance africaine doit être considéré dans la prise en charge de la maladie chéloï- dienne au même titre que d’autres facteurs de risque. En pré- vention secondaire, la question est d’estimer la proba bilité d’une récidive d’une chéloïde donnée après un traitement comportant destruction ou exérèse chirurgicale associée à des procédures d’injections intra-lésionnelles et/ou de compression et/ou de radiothérapie. À cet égard, la valeur relative de divers indica- teurs comme l’ascendance ethnique, l’âge, la topographie et les antécédents personnels ou familiaux de chéloïdes n’est pas bien évaluée. De plus, il est possible que des caractères intrin- sèques à la maladie chéloïdienne, comme son degré d’acti vité inflammatoire et sa vitesse d’évolution, interviennent aussi. Une seconde question est d’évaluer le risque chéloïdien d’un trau- matisme en peau saine : là encore, on ignore la valeur relative des divers facteurs de risque. Néanmoins, leur cumul incite intuitivement à la prudence vis-à-vis des procédures esthétiques ou ornementales, notamment la chirurgie et les piercings. Ainsi, une adolescente noire déjà porteuse de chéloïdes pourra être mise en garde contre le risque d’un nouveau piercing de l’oreille.

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Coordonnateur

Pr Vincent Descamps (Paris) Rédacteurs

Pr Frédéric Cambazard (Saint-Étienne) Dr Bruno Halioua (Paris)

DERMATOSES DES MAINS

Conclusion

La prédisposition des personnes d’ascendance africaine à développer des chéloïdes est une réalité indiscutable qui pour- rait justifier des études plus approfondies, à la fois dans une perspective pratique, en tant que facteur de risque à prendre en compte dans les stratégies thérapeutiques et de prévention, et dans une perspective de recherche, afin d’aider à démêler le déterminisme génétique des chéloïdes. II A. Petit déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

Références bibliographiques

1. Petit A. Chéloïdes : de l’offre de soins au vocabulaire. Ann Dermatol Vene- reol 2014;141(8-9):489-90.

2. Petit A. Histoire de la chéloïde. Ann Dermatol Venereol 2016;143(1):81-95.

3. Fox H. Observations on skin diseases in the Negro. J Cutan Dis 1908;

26:67-79.

4. Kiprono SK, Chaula BM, Masenga JE, Muchunu JW, Mavura DR, Moehrle M.

Epidemiology of keloids in normally pigmented Africans and African people with albinism: population-based cross-sectional survey. Br J Dermatol 2015;173(3):852-4.

5. Sun LM, Wang KH, Lee YC. Keloid incidence in Asian people and its comor- bidity with other fibrosis-related diseases: a nationwide population-based study. Arch Dermatol Res 2014;306(9):803-8.

6. Vanhaecke C Jr, Hickman G, Cavelier-Balloy B et al. Plantar keloids:

diagnostic and therapeutic issues in six patients. J Eur Acad Dermatol Vene- reol 2015;29(7):1421-6.

7. Brenizer AG. Keloid formation in the negro. Ann Surg 1915;61(1):83-7.

8. Jeanselme E. Cours de pathologie exotique. Paris: Masson et Cie; 1904.

p. 375-6.

9. Fox GH. Iconographie photographique des maladies de la peau. Paris:

Baillière et fils; 1882. p. 61 [Traduction par le docteur Holman J.B.].

10. Wise LA, Ruiz-Narvaez EA, Palmer JR et al. African ancestry and genetic risk for uterine leiomyomata. Am J Epidemiol 2012;176(12):1159-68.

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Références

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