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Une bâtardise fictive : le personnage de Ferrand dans Baudouin de Flandre

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Une bâtardise fictive : le personnage de Ferrand dans Baudouin de Flandre

Roman historique en prose probablement composé entre 1443 et 1452, Baudouin de Flandre est une œuvre hétéroclite, qui reprend et adapte des sources multiples : une version originelle du début du XIVe siècle en dialecte picard, dont il ne subsiste que deux courts fragments en alexandrins, et une première mise en prose, la Chronique abrégée de France, de Flandre et d’outremer, composée elle en milieu parisien, entre 1334 et 1336. Autant dire que les idéologies qui sous-tendent le roman sont variées, voire antagonistes. La même hétérogénéité se retrouve dans l’esthétique du genre romanesque, oscillant sans cesse entre style de la chronique, prétention historique et goût du merveilleux. L’incipit du manuscrit G annonce

« aulcunez croniquez de France 1», c’est-à-dire une chronique de France, débutant en 1180, sous le règne de Philippe, nommé le conquérant en raison de sa grande valeur. L’œuvre se clôt brutalement, sans conclusion véritable, avec une accession au trône de Philippe le Bel abusivement datée de 1292 (au lieu de 1285). C’est dire que si le cadre spatio-temporel du roman se fonde sur l’histoire réelle du lignage capétien et de ses relations complexes avec la Flandre, il ne faut guère accorder de crédit au prologue du manuscrit I affirmant que pour rien au monde les historiographes n’acceptent de sortir des lices de la vérité2. Au fil des récritures, les dates errent, les noms propres se brouillent et les idéologies s’infléchissent. Une des libertés majeures que prend Baudouin de Flandre avec l’histoire réside dans une paternité tout à fait imaginaire prêtée au roi Philippe Auguste, qui devient, dans le roman, le père de Ferrand de Portugal. Il s’agira ici d’étudier cette bâtardise fictive du personnage de Ferrand, à travers le contexte de son éclosion, les scènes majeures du roman, pour tenter de répondre à la question des motivations du romancier.

Inventer à un roi célèbre un fils bâtard n’est pas anodin, même dans un roman. D’autant plus que le lien imaginaire relie ici les deux figures principales de la célèbre bataille de Bouvines du dimanche 27 juillet 1214, qui est au cœur du roman. Consolidant la monarchie française, Philippe Auguste y est victorieux et ramène à Paris en captivité le comte flamand, épisode illustre, enluminé dans les Grandes chroniques de France. Ferrand de Portugal, l’un des principaux meneurs de la coalition formée contre le roi de France, devient le propre fils de l’artisan de sa défaite ; Philippe devient le père du captif du Louvre. Prêter une parenté biologique à deux nobles que tout opposa historiquement suppose a minima un contexte favorable. C’est assurément le cas avec Philippe Auguste, dont la vie privée influa directement sur le sort de son royaume. Selon Payen Gastinel, chanoine de Saint-Martin de Tours, « beau, de belle stature, bon vivant, le roi était porté vers les femmes »3. Il eut pour maîtresse une demoiselle d’Arras, qui lui donna en 1208 Pierre Charlot, fils bâtard appelé à devenir évêque de Noyon. Mais ce sont surtout les péripéties de sa vie conjugale qui rendirent célèbre la vie privée du roi de France. En 1193, Philippe épouse la sœur du roi de Danemark, Ingeburge. Il n’aura de cesse par la suite de faire annuler un mariage qu’il prétend non consommé, avec l’aide d’évêques zélés qui inventeront une consanguinité entre Ingeburge et

1 Le manuscrit G correspond au ms. BnF, n.acq.fr. 6213, manuscrit de base de l’édition citée infra.

2 Le manuscrit I correspond au manuscrit n° 594 de la Bibliothèque Municipale de Rennes.

3 Voir M.G.H., Scriptores, tome XXVI, p. 455-575 in Chronicon Sancti Martini.

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la première épouse de Philippe, Isabelle. Ingeburge écrit au pape en 1196 que le roi l’a épousée trois ans auparavant mais « qu’à l’instigation du diable et sous l’inspiration de quelques Grands pleins de malice, il vient d’épouser la fille du duc de Méranie tandis qu’il la fait incarcérer dans une prison où elle vit en proscrite 4». Philippe vient en effet d’épouser en troisièmes noces Agnès de Méranie, qui lui donnera deux enfants dont un autre bâtard célèbre, Philippe Hurepel, le premier prince capétien à briser l’écu aux fleurs de lys. Ardent défenseur du mariage monogamique, le Pape Innocent III défend l’épouse abusivement incarcérée et frappe d’interdit le royaume de France à partir du 14 janvier 1200 : à la grande émotion du peuple, les églises sont fermées, les messes et confessions ont lieu à l’extérieur et les corps des défunts ne peuvent plus être ensevelis au cimetière. Rigord, dans ses Gesta Philippi Augusti, critique l’obstination du roi, cause selon lui des malheurs du clergé et du peuple.

Désespérée par les va-et-vient de Philippe qui, pour des raisons politiques, reconnaît Ingeburge comme épouse légitime alors qu’elle-même est enceinte, Agnès de Méranie meurt en couches en juillet 1201. La violence presque rocambolesque avec laquelle les amours du roi se mêlent à la politique française laissera de profondes traces dans les mémoires. Le romancier du XVe siècle bénéficie donc d’un contexte historique favorable pour attribuer à Philippe Auguste un autre bâtard en la personne de Ferrand.

Ce dernier était le fils de Sanche Ier, roi du Portugal, et de Douce d’Aragon, sœur de Blanche de Castille. Dès les débuts, il fut une marionnette entre les mains de Philippe Auguste, qui arrangea lui-même son contrat de mariage avec Jeanne de Flandre, au grand dam des Gantois, qui estimèrent leur comtesse vendue à Ferrand par le roi de France. Ce dernier n’avait pas hésité à maintenir prisonnier le jeune couple à Péronne, le temps que son fils aîné, Louis, s’empare des villes d’Aire et Saint-Omer. Dans Baudouin de Flandre, Ferrand devient le fils adultérin né des amours de Philippe avec la reine du Portugal, Beatrix, en l’absence de l’époux de cette dernière. Ferrand ignore tout de sa parenté réelle et se présente à la cour du roi Philippe à Paris comme l’un des fils du défunt roi de Portugal : « Sire, je suis ung des filz au roy de Portingal, qui est finé de ce monde […] Et ma mere la royne m’envoye par devers vous et vous prye doulcement qu’il vous plaise a moy faire chevalier et a moy tenir de vostre court. Et je vous serviray bien et loyalment et pour ensengnes, elle vous envoye cest annel. 5».

Cette scène fait du jeune prince la victime ignorante d’un amour interdit que le lecteur, tout comme le roi Philippe, devine aussitôt. A peine Philippe voit-il l’anneau qu’il se souvient l’avoir donné à Béatrix en signe de son amour et c’est en souvenir de cet amour passé qu’il décide d’accepter Ferrand à sa cour et de se montrer fort généreux à son égard. L’amour adultère entre Philippe et la reine mariée du Portugal, symbolisé par le don de l’anneau, est donc, dans le roman, l’unique origine de Bouvines et du conflit franco-flamand. Beatrix envoie son fils à Paris après le décès de son père officiel pour que son père biologique, Philippe, lui octroie un statut digne de son rang. Le secret de la faute se prolonge dans le secret du roi de France, qui, en reconnaissant l’anneau, garde le silence. Mais à la faute du silence s’ajoute une autre faute de Philippe, cause directe de Bouvines dans le roman.

Philippe, qui sait bien que le défunt roi du Portugal, Clément, n’était pas le père véritable de

4 Voir M. J.-.J. BRIAL : Rerum Gallicarum et Francicarum Scriptores, tome 19, p. 320-322, Imprimerie Impériale, 1828.

5 Toutes les citations de l’œuvre seront empruntées à : Baudouin de Flandre, édition d’Elisabeth Pinto-Mathieu, coll. Lettres Gothiques, Le Livre de Poche, Paris, 2011. Ici, p. 92.

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Ferrand, croit bon d’ajouter que ce dernier était son serf, tout comme Thierry, frère aîné de Ferrand. Toute la famille de Portugal, dont Ferrand lui-même, est ainsi asservie à la monarchie française. Cette révélation, faite à haute voix devant la cour, est un affront public que Ferrand ne supporte que parce que le roi vient de lui faire le grand honneur de le nommer connétable de France. « Je n’en ai jamais été informé, répond Ferrand, et si c’était un autre que vous qui m’en avait parlé, j’en aurais éprouvé de la colère. S’il vous plaît, sire, abstenez- vous d’en reparler 6». S’énonce clairement ici un tabou, dont la seule transgression déclenchera plus tard la guerre entre France et Flandre. Devant les vassaux flamands de Ferrand, Philippe, irréfléchi, évoquera en effet plus tard ce servage infamant, causant une guerre mue par le souci de laver l’honneur du comte. C’est l’amour adultère de son père qui cause la venue à Paris de Ferrand, c’est l’injure publique d’un servage par ailleurs immérité – puisque Ferrand est le fils de Philippe et non celui de Clément- qui déclenche un interminable conflit. Les amours illégitimes du roi de France sont donc, dans le roman, l’unique cause de la guerre entre les deux puissances. Il est intéressant de remarquer que, de son vivant déjà, on prêtait à Ferrand une filiation incertaine, non du côté paternel, mais maternel. Dans sa Chronique, Philippe Mousket7 évoque en effet l’arrivée de Ferrand, qu’il attribue à la « vieille reine », Mathilde de Portugal, la veuve de Philippe d’Alsace. C’est elle qui, à Lille, parle la première à ses vassaux de son neveu, récemment arrivé du Portugal :

« A Lille estoit en sa maisson Si mist ses homes a raisson D’un cousin qu’ele avoit, Ferrant, Qui venus estoit, tout esrant Deviers Portugal, son païs.

Biaus estoit de cors et de vis, v. 20787-799 Brun ot le cief et s’ot grant nés ;

De sa maniere ert moult senés.

Fius ert le roi de Portingal Mais li plusiour, par devinal, Disoient k’il iert voirement Fius la roïne outreement,

Mais ele dissoit que c’iert s’ante. »

La vieille reine veuve est soupçonnée par ses vassaux de faire passer pour un neveu celui qui serait en fait son fils, Ferrand. La filiation du personnage historique fut ainsi elle-même objet de suspicions, de son vivant même, suffisamment importantes pour que Philippe Mousket en

6 Edition citée supra, p. 95.

7 Voir Philippe Mousket : Chronique rimée, tome II, éd. baron de Reiffenberg, Collection des Chroniques belges inédites, Bruxelles, 2 tomes, 1836-1838.

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fasse état dans sa chronique. Le romancier du XVe siècle a eu l’idée géniale, en termes de potentiel romanesque, de rendre père et fils un roi Philippe trop porté sur les femmes et un Ferrand de Portugal aux origines douteuses.

Si Baudouin de Flandre prête à Philippe Auguste un fils bâtard qu’il n’eut jamais, l’œuvre prend également des libertés avec la filiation légitime du roi. Celui-ci n’eut en réalité qu’un seul fils légitime, Louis, futur Louis VIII, né de sa première épouse, Isabelle de Hainaut, la propre sœur du Baudouin IX de Flandre qui donne son nom à notre roman. -Il n’est pas inintéressant de garder en mémoire que tout le lignage de Philippe Auguste sera, jusqu’à Philippe le Bel, roi qui clôt l’œuvre, issu de cette double ascendance franco-flamande-. Or, dans notre roman en prose, Philippe Auguste se voit doter de quatre fils : Louis, futur roi, Charles, Philippe et Alphonse, comte de Poitiers. Derrière Charles et Philippe peuvent se deviner Charlot et Philippe Hurepel, les deux bâtards légitimés du roi ; quant à Alphonse de Poitiers, il n’est pas le fils mais le petit-fils de Philippe Auguste. Il serait tentant de n’y voir qu’une des nombreuses approximations historiques qui jalonnent le récit. Notons toutefois la parfaite légitimité dont jouissent dans le roman les deux enfants bâtards du roi, Charlot et Philippe, certes tous deux légitimés, par le pape Innocent III en personne en ce qui concerne le second. A aucun moment le roman n’évoque une quelconque infériorité de ces deux frères du futur Louis VIII ; le contraste avec Ferrand, bâtard issu d’un adultère jamais reconnu, est saisissant. L’invention d’un quatrième fils sert en fait une cause symbolique qui apparaît au milieu du roman, quand Ferrand soulève une coalition qui menace la monarchie française de tous côtés. Alors que Philippe s’apprête à combattre à Bouvines, la Champagne est menacée et le roi envoie son aîné la défendre, Louis. Arrive alors un second messager qui annonce le ravage de toute la Provence et Philippe Auguste y envoie Charles, accompagné de trente mille hommes. Puis un troisième qui apprend au roi le péril d’une Normandie qui a déjà dû céder Dieppe aux Anglais ; c’est Philippe qui sera envoyé en Normandie. Le quatrième messager pour sa part interpelle le roi sur le danger que court la Gascogne, en proie aux flammes portugaises. La parfaite simultanéité de ce quadruple péril relève de l’invention littéraire ; pour autant, elle se déroule aux quatre points cardinaux du royaume de France et donne une intensité toute dramatique au péril qu’encourt la monarchie française, menacée dans son existence même. Dans le roman, ce sont les quatre fils « légitimes » de Philippe Auguste qui défendent le royaume quand Ferrand, le bâtard, envoie au contraire de toutes parts ses alliés le menacer. La filiation légitime assure une mission protectrice, voire expansive, en étendant le royaume quand la filiation illégitime menace de l’extérieur le centre du pouvoir, le noyau même de la monarchie capétienne. Cette menace de la bâtardise peut être une réminiscence des frondes que mena Philippe Hurepel, le bâtard historique et non légendaire, contre la couronne et en particulier la régence de Blanche de Castille. A l’été 1230, il avait précisément, avec ses alliés, ravagé la Champagne et avait été contraint à la paix, non par Louis VIII comme dans le roman, mais par Louis IX.

Dans Baudouin de Flandre, la bâtardise n’est plus un cas isolé, un péril occasionnel, elle menace, via le pouvoir de Ferrand sur la Flandre, l’existence même de la France et de sa monarchie à travers un spectaculaire combat du fils contre le père. Juste avant Bouvines en effet, Beatrix, la mère de Ferrand, envoie un messager révéler à son fils qu’il est le bâtard de Philippe Auguste et que, dans ces conditions, la guerre constituerait un grave péché : « Sire,

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vostre mere vous mande salut et vous prye que envers le roy de France vous ne prenés nul maltalent. Car vous le devez amer naturellement et qu’il est vostre père […] Et illec vous engendra et le prent sur son ame et pour ce, elle vous prye que vous mettés la guerre a neant.

Car, se vous grevez l’un l’aultre, vous pecherés moult laidement 8». Beatrix sollicite l’annulation de la bataille de Bouvines au nom de l’amour « naturel » que Ferrand doit porter à son père biologique ; la poursuite de la guerre constituerait non seulement un possible crime de parricide ou infanticide mais aussi un crime contre la « nature ». Le même concept de nature réapparaît plus tard dans le roman, lors de la capture de Ferrand, conduit à Paris. A son père, qui, avant de l’incarcérer, lui demande comment il aurait agi s’il avait été le vainqueur de Bouvines, Ferrand répond, en jurant sur le Saint-Sacrement, qu’il l’aurait fait pendre ou décapiter sans hésitation. Philippe Auguste demeure alors longuement pensif, se demandant comment son « filz de droit engendrement 9» peut le guerroyer et le haïr à ce point, ce qui lui semble contraire à la nature. Puis il se ravise et se dit : « Nature ne se desment point quant a luy, car il est tel que estre doit ». L’expression « de droit engendrement » est d’autant plus remarquable que « droit » signifie autant vrai, réel, que juste. Or, et c’est là la conclusion du roi après réflexion, Ferrand ne relève pas d’un « engendrement » juste puisque le roi de France l’a conçu clandestinement, avec l’épouse légitime de son serf, le roi de Portugal.

Ferrand, fruit caché de la faute royale, est à ce titre conforme à la nature qui doit être la sienne, une nature viciée par le péché. Le Moyen Age en effet, conformément à la théologie augustinienne, tend à absorber la nature dans la surnature. L’inachèvement constitutif de la nature créée la rend instable : à ce titre, ou bien elle s’élève vers le surnaturel et s’y accomplit, ou bien elle s’éloigne du Bien et chute irrémédiablement. L’histoire de Ferrand, depuis son accueil grandiose à la cour de Paris jusqu’à sa fin pitoyable, est l’histoire d’une chute causée par sa nature illégitime. Pour mieux souligner le contraste avec les quatre fils légitimes, le roman se plaît à souligner de manière récurrente l’amour que Philippe Auguste leur voue : à Bouvines, voyant arriver une litière, il imagine aussitôt qu’elle transporte l’un de ses fils blessés, la bataille terminée, il quitte précipitamment les lieux pour avoir des nouvelles de ses fils et, les voyant rentrer à Paris victorieux tous les quatre, il exulte de joie et, après une messe, les incite tous à « louer le Pere omnipotent 10». Le lignage monarchique légitime, sanctifié par la victoire, se voit renforcé, sublimé, quand Ferrand lui, s’enfonce dans la haine.

Après sa défaite à Bouvines, son itinéraire est jalonné de chances perdues, dont celle de recouvrer la liberté. Philippe le Long, filleul du roi et cousin de Ferrand, intercède pour le captif et sollicite le don de sa liberté. Le roi de France l’accorde, à l’unique condition que Ferrand quitte définitivement la Flandre pour retourner au Portugal. Lorsque le prisonnier en est informé, il jure par « Dieu qui en croix fut penez » de ne pas passer plus d’un an au Portugal sans revenir tuer le roi de France « et tous ses enfans ». La haine s’est propagée à tout le lignage de Philippe : Ferrand ne veut plus seulement tuer son père mais tous ses demi- frères et éteindre définitivement la descendance monarchique légitime.

C’est là que se situe la scène la plus symbolique du procès de la bâtardise. Dans l’histoire réelle, Philippe Auguste fit bien incarcérer le vaincu de Bouvines. Ferrand fut enchaîné et

8 Edition citée supra, p. 180.

9 Ibidem, p. 222.

10 Ibidem, p. 206.

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transporté en cage jusqu’à Paris, pour y être enfermé dans les cachots du Louvre, dont il ne sortit qu’en janvier 1227, plus de douze ans après la bataille. Mais ce qui deviendra, presque au mot près, la peinture de l’incarcération de Ferrand dans Baudouin de Flandre, concerne, dans la Philippide de Guillaume le Breton, un autre adversaire du roi de France, Renaud de Dammartin, comte de Boulogne. Reprenons la traduction que fit Andrée Duby de cette épopée latine, composée par le confesseur et panégyriste du roi Philippe : « Après que le roi eut ainsi parlé au comte Renaud, il le fit mener à Péronne et mettre en très forte prison et en fortes chaînes de fer qui étaient jointes et enlacées ensemble par merveilleuse subtilité. La chaîne qui fermait l’une à l’autre était si courte qu’il ne pouvait passer pleinement un demi pas et parmi le milieu de cette petite chaîne, était fermée une grande de dix pieds de long, de laquelle l’autre chaîne était reliée à un gros tronc, que deux hommes pouvaient à peine mouvoir toutes les fois qu’il voulait aller à nécessité de nature11 ». Outré par la trahison de Renaud, son ami d’enfance, Philippe Auguste lui avait réservé cette captivité spectaculaire avec ces mots : « toutefois ne t’enlèverai-je pas la vie, puisque je te l’ai donnée, mais je te mettrai en telle prison que tu n’échapperas jamais 12». Notre roman du XVe siècle superpose les deux figures de Renaud et Ferrand, unis dans le combat contre Philippe, jusqu’à situer dans la tour du Louvre, prison de Ferrand, la cage de fer qui emprisonna Renaud à Péronne.

Peut-être est-ce l’expression « t’avoir donné la vie », à prendre évidemment au sens figuré, qui incita l’auteur à l’appliquer à la prison de son bâtard royal, Ferrand. Dans Baudouin de Flandre, la cage est nommée « chape de plomb », ce qui convient merveilleusement au secret d’une bâtardise que l’on veut étouffer. La description détaillée qu’en fait le romancier rappelle dans les moindres détails – la mesure de dix pieds de long, l’évocation des besoins naturels du captif- l’enchaînement de Renaud de Dammartin : « et fist tantost le roy faire une chappe de plom de dix piez de lonc et autant de large, et estoit toute ronde et fust par dedens moult fort planchee de boys et couverte de platinez de fer et par-dessus estoit de plom espez et estoit grant hideur a la regarder. Et fut Ferrand bouté dedens et ne peussent .IIc. hommes mouvoyr celle chappe. Et fut ycelle chappe fermee de clefz faictez diversement, que le roy gardoyt. Et bailla le roy Ferrand a garder a quatre hommez, et luy fut baillié lit et linge moult richement, table et treteaulx et tout ce qui appartient et sy eust dedens la chappe de plom une chambre aisee pour chier subtillement 13». Le ressentiment éprouvé par Philippe Auguste contre son ami Renaud éclatait dans le châtiment pervers et haineux que peint la Philippide. Le romancier du XVe siècle déplace cette haine née de la déception d’une amitié outragée à la haine issue des rapports complexes entre un père et son bâtard non légitimé.

Philippe Auguste, en enfermant Ferrand dans la chape, exprime la terrible déception de s’être vu menacer dans sa vie même par le fruit de ses amours avec la reine du Portugal. Or tout dans cette chape la rapproche de la chape de plomb symbolique que le monarque veut étendre sur sa faute adultérine : l’épaisseur des planches de bois et des plaques de fer, l’épaisseur du plomb symbolisent l’épaisseur du secret. La parfaite rotondité de la chape peut aller jusqu’à évoquer la rotondité du ventre de la mère adultère ; Ferrand y sera caché aux yeux des hommes tout comme ses parents biologiques dissimulèrent sa conception à la monarchie portugaise. Les deux hommes qui ne parvenaient pas à mouvoir la cage de Renaud deviennent

11 Voir Georges Duby : Le dimanche de Bouvines, Folio Histoire, Gallimard, Paris, 1985, p. 90-91.

12 Ibidem.

13 Baudouin de Flandre, édition citée supra, p. 222, 224.

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deux cents, comme pour signifier la multitude à laquelle le secret doit être caché. Détail éminemment symbolique, seul Philippe Auguste possède les clefs qui peuvent ouvrir la chape de plomb ; il est le seul détenteur du secret. Quant à la dualité du personnage de Ferrand, preux combattant de sang royal mais aveuglé de haine et de ressentiment, elle apparaît dans les détails de l’ameublement qu’invente le romancier : la chape est certes hideuse d’extérieur, comme le secret qu’elle dissimule, mais, curieusement, renferme un lit et des draps, des tables et tréteaux de grand prix. La richesse de l’ameublement intérieur est à l’image de la noblesse de l’ascendance paternelle de ce Ferrand de roman. L’auteur anonyme du milieu du XVe siècle a emprunté la description des chaînes de Renaud chez Guillaume le Breton pour en faire l’objet symbolique le plus emblématique d’une bâtardise subie et combattue, d’une filiation niée et cachée entre France et Flandre.

Si la bâtardise, dans Baudouin de Flandre, explique Bouvines et les rébellions flamandes, elle fournit aussi une clé de lecture à la psychologie des personnages : un Philippe Auguste faible et velléitaire, politiquement aveugle14, fort proche de la peinture qu’en faisaient les milieux proches de Richard Cœur de Lion, pour autant capable de cruauté, particulièrement en Flandre et un Ferrand au caractère emporté et excessif. Tout le personnage de Ferrand pourrait se résumer par ce que les Grecs antiques nommaient l’hybris, l’excès. Issu du « droit engendrement » d’un roi de France, le comte fait montre d’une remarquable vaillance militaire. A peine devenu connétable de France, il part en Gascogne avec deux mille chevaliers et dix mille hommes d’armes, et y combat les Anglais. Victorieux, il a auparavant tué le comte de Gloucester et fait prisonnier le plus grand ennemi des Français, le roi Jean d’Angleterre. A ce stade du roman, Ferrand est à l’image de ses quatre demi-frères, envoyés combattre les ennemis du royaume. Il leur est même supérieur puisqu’il défait, non un grand noble, mais le propre roi d’Angleterre. Si Ferrand n’avait pas été dénaturé par la bâtardise, s’il avait été le « droit fils » de Philippe, jamais la France n’aurait eu à subir les guerres flamandes et Bouvines, jamais non plus le péril anglais. Or que fait Ferrand victorieux en Gascogne ? Il capture le roi Jean et le conduit à Paris, mais pour aussitôt lui donner sa parole de le faire libérer. Cet affranchissement de Jean sans Terre, que Philippe Auguste accepte à contre-cœur pour son fils bâtard, permettra plus tard la coalition anglo-germano-flamande de Bouvines. Sa décision surprenante fait de Ferrand le noble combattant fils du Conquérant mais en même temps, le représentant du « parti de l’étranger », lui le Portugais appelé à s’allier avec le roi d’Angleterre et l’empereur Otton IV. Lié à moitié seulement à la monarchie capétienne, Ferrand usera de sa parenté pour menacer, de l’intérieur, le pouvoir de son père biologique quand ses quatre demi-frères légitimes eux risquent leur vie à l’extérieur pour défendre le royaume de France. On connaît la suite de l’histoire, jusqu’à l’enfermement dans la chape de plomb. La fin de vie de Ferrand n’en est pas moins intéressante. Dans l’histoire réelle, une fois libéré du Louvre par Blanche de Castille -sa tante !- après douze ans de captivité et le versement de la moitié d’une rançon de cinquante mille livres, Ferrand respecta son serment de fidélité aux Capétiens. Lors de la révolte de Pierre Mauclerc et des grands barons contre Blanche de Castille, occasion rêvée de revanche pour lui, il combattit pour la régente. Il ne s’occupa plus dès lors que de son comté, y instituant de nouveaux échevinages, renforçant les

14 Voir Elisabeth Pinto-Mathieu : Philippe-Auguste, un héros épique ? In Le Souffle épique, s.d. Sylvie Bazin, Damien de Carné, Muriel Ott. Editions universitaires de Dijon, 2011, p. 425-433.

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communes, jusqu’à sa mort à Noyon. Cette mort, de la maladie de la gravelle, fut parfaitement naturelle. Baudouin de Flandre ne pouvait pas clore sur une issue si platement banale le combat presque épique entre Philippe Auguste et son fougueux bâtard. La sortie de la chape, puis la mort de Ferrand, sortent largement des « lices de la vérité ». Le lien illégitime y joue un rôle majeur, avec l’entrée en scène d’un personnage jusqu’ici seulement évoqué, la reine Beatrix de Portugal, ancienne maîtresse de Philippe et mère de son bâtard. En apprenant la terrible captivité de son fils, cette dernière se rend à Paris et se jette à genoux aux pieds de Philippe Auguste pour invoquer à nouveau le droit de « nature ». En termes suffisamment allusifs pour être comprise du roi sans l’être de sa cour elle lui dit : « Et, pour Dieu, sire, vous en mesprenés grandement et semble que vostre nature vous desmente, car vous sçavez bien de certain qui est mon filz Ferrand et qui sont ses parens.15 » puis elle propose de se livrer en captivité en échange de Ferrand, lui promet une somme importante et l’incite à bien traiter Ferrand, qui en retour serait un vassal fidèle, concluant par ces termes : « Vous savez comment : nature le vous doit naturellement apprendre ». Beatrix, au nom de leur amour passé, vient solliciter une clémence qui lui semble, d’un père pour son fils « naturelle ».

Philippe, qui s’était interrogé lors de Bouvines sur ce dévoiement de la nature chez son bâtard, est certes ému mais reste inflexible, invoquant le serment qu’il a fait de ne jamais ouvrir la chape de plomb. Serment solennel, sur les saintes reliques, devant l’évêque de Paris, serment fait à Dieu même, « sur le saint baptesme et sur le saint sacrement 16». Cette scène fait se confronter un amour naturel, une loi naturelle à plus éminente qu’elle, la loi religieuse, la loi du serment fait à Dieu. Il est tentant d’y voir le face à face entre un amour « naturel », celui des rois pour leurs maîtresses ou bâtards, et un amour légitime, sacré, juré devant l’évêque et Dieu, celui du mariage monogamique chrétien.

Peu après, en apprenant que Ferrand lui a sauvé la vie en avertissant le prince Louis d’une embuscade, Philippe éprouvera quelque regret et reconnaîtra que Ferrand « estoit de son engendrement 17». Dans un soupir, il avoue à Louis regretter son serment solennel. Ferrand en vérité, n’avait ainsi agi que dans l’espoir de sortir de sa chape, espérant la gratitude de Louis, le prince légitime. Ce dernier, après un artifice compliqué lui permettant de monter temporairement sur le trône pour permettre à son père de ne pas se parjurer, dit à celui dont il ignore qu’il est son demi-frère : « je voy bien que vous estez de voz meffais repentans et que vous avez assez enduré de paine et de tourmens. Et, pour ce que vous avés monseigneur mon pere respité de mort, je vous delivre de prison et sy vous en rens vos terrez 18». Louis, futur Louis VIII, dauphin légitime, apparaît comme naturellement clément – il a été ému par la détresse de Beatrix- et naturellement affectueux : il est reconnaissant à Ferrand d’avoir fait échapper Philippe à un complot mortel, compatissant avec son père qui regrette la sévérité du serment fait devant la chape. Figure là encore romancée pour un prince qui, dans les faits, fut souvent en rivalité avec Philippe mais figure qui souligne le contraste avec son demi-frère bâtard. Enfin délivré, Ferrand gagne Noyon, le lieu historique de sa mort, en compagnie de sa mère et de son parent Philippe le Long. A peine sa libération fêtée, il annonce à Philippe n’avoir rien abandonné de ses projets de complète reconquête territoriale et lui dit : « et feray

15 Baudouin de Flandre, p. 240

16 Ibidem, p. 224

17 Ibidem, p. 242

18 Ibidem, p. 247.

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telle guerre que je feray mourir le roy vilainement 19». Révolté, Philippe le Long fait venir le prévôt de Noyon pour capturer cet ennemi de la Couronne et l’enfermer dans la grosse tour de la ville. Mais Ferrand se défend si vaillamment qu’il tue quatre hommes du prévôt avant d’être emprisonné, gravement blessé, et de mourir peu après. Lorsque Philippe le Long déplore que ce valeureux noble n’ait pas mieux servi le roi de France, qui l’aurait comblé d’honneurs, Beatrix lui révèle que ce roi de France n’était autre que son père. Jusqu’à sa mort, Ferrand aura donc ressemblé à ce valeureux père, le « Conquérant », sans jamais accepter sa domination. C’est la négation de sa filiation royale qui le lance dans une funeste hybris et fait de lui dans le roman un éternel révolté, une menace inextinguible contre les Capétiens.

Dans le troisième volet de sa composition en triptyque, Baudouin de Flandre exaltera à travers saint Louis le parfait contre-modèle de Ferrand. Saint Louis, petit-fils de Philippe, fils du magnanime Louis VIII, est selon le romancier un roi vertueux sans égal, saint au Paradis.

Et ce qu’exalte avant tout l’auteur, c’est sa fidélité conjugale, qualité qui manqua tant à Philippe Auguste : « il n’atoucha oncquez aultre femme charnellement, car luy et sa femme s’entramoyent forment 20». L’auteur prête au couple une stérilité –fictive- de dix ans pour mieux souligner l’origine divine de leur future descendance. Une triple vision nocturne somme Louis IX de lever une croisade pour reconquérir le Saint Sépulcre, allant jusqu’à lui dire qu’il n’aura jamais d’enfant s’il ne se croise pas. Le monarque rallie à sa cause la Papauté et prend la mer à Marseille. C’est sur le bateau que son épouse stérile se retrouve enceinte.

Cette reprise du célèbre miracle du seigneur marseillais dans la légende de sainte Marie- Madeleine21 a pour but de montrer la parfaite alliance, à partir du vertueux saint Louis, des pouvoirs politiques et spirituels. Tout comme Marie-Madeleine a donné une descendance au seigneur stérile de Marseille en échange de sa conversion au christianisme, la voix surnaturelle protègera, à partir de saint Louis, le lignage capétien.

La bâtardise fictive que prête Baudouin de Flandre à Philippe Auguste se pare dès lors d’enjeux bien supérieurs au simple piment d’un détail romanesque. Elle ne se contente pas d’accroître la dramaturgie de Bouvines d’un possible risque de parricide. La bâtardise devient une des clés de lecture majeures de ce roman si foisonnant, divers et hétéroclite. En tirer des conclusions idéologiques ou politiques se révèle complexe voire impossible, tant le roman agrège des sources multiples et éloignées les unes des autres dans le temps, sources par ailleurs partiellement perdues. Si certaines des conclusions ci-dessus laissent percer une idéologie pro-française, il n’en reste pas moins que le personnage de Philippe Auguste, issu de sources flamandes hostiles, demeure un personnage profondément ambigu. C’est en Bourgogne et en Champagne que s’écrivent par ailleurs les manuscrits de Baudouin de Flandre, au milieu du XVe siècle, sous un Philippe le Bon père de nombreux bâtards, installé en Flandre et peu suspect de sympathies pro-françaises…Le fil directeur du roman réside dans la permanence, au-delà des dynasties, du conflit franco-flamand. Il se clôt sur un combat avorté, celui qui devait opposer deux champions, l’un combattant pour Robert de Béthune,

19 Ibidem, p. 248.

20 Ibidem, p. 270.

21 On peut en consulter les versions originales dans : Vies médiévales de Marie-Madeleine, éd. Olivier Collet et Sylviane Messerli, Brepols, 2008. Pour l’analyse, voir Elisabeth Pinto-Mathieu : Marie-Madeleine dans la littérature du Moyen Age, Beauchesne, Paris 1997, p. 124 & sq.

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l’autre pour le duc de Bourgogne. C’est la reine de France, l’épouse de Philippe III le Hardi, qui met fin au conflit en suppliant les protagonistes de se pardonner au nom de leurs petits- enfants, mi-flamands, mi-bourguignons. La monarchie française n’est plus l’ennemie d’une Flandre rebelle, elle est celle qui réconcilie et fédère provinces et principautés. C’est là une lecture qui parle à un auditoire du XVe siècle et annonce la future centralisation du pays. La Flandre, tout comme Ferrand, y est présentée comme une région fière et rebelle, noble et vaillante, à la fois parente et ennemie de la cour parisienne. Toutes ces provinces, rattachées à la Couronne depuis Philippe – précisément surnommé Auguste pour cette raison-, sont à la fois bâtardes car différentes et parentes. Ces conflits de parenté, qui connaîtront leur acmé avec la Guerre de Cent ans, proche de sa fin quand s’écrit Baudouin de Flandre, sont appelés à se taire précisément pour que la parenté l’emporte sur la dispersion des lignages. Au-delà de cette possible lecture politique, Baudouin de Flandre apparaît comme l’un des premiers romans historiques modernes, assumant la fiction malgré ses revendications de vérité. Il souligne l’importance des comportements, voire des psychologies, individuels sur le cours de l’Histoire. Les fautes personnelles rejaillissent sur la vie collective d’une nation : la scission flamande s’explique par l’adultère du roi Philippe et son manque de diplomatie face à un bâtard jamais reconnu et publiquement traité de serf. Ainsi l’auteur peut-il sembler appeler les monarques à veiller sur la légitimité de leur descendance, descendance de droit divin sublimée en fin de roman par la figure pacificatrice et rédemptrice de saint Louis, le roi qui n’eut jamais de bâtards…

Elisabeth PINTO-MATHIEU Université d’Angers

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