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Droit Littérature. Du Droit à la Littérature

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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N

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5 202 1 Droit Littéra ture Re vue

N 0 5 2021

Droit Littérature

Revue

Du Droit à la Littérature

· Le thème : Proust, hors la loi ?

un entretien avec antoine Compagnon

et des articles de Marie Cornu, David Deroussin, Stéphane Durand-Souffland…

· Le portrait de Pierre Bayard

· L’adresse littéraire par Patrice Jean

· Deux entretiens : erri de Luca et François Sureau

ISBN 978-2-275-09367-3 www.lgdj-editions.fr

25 e ActuAlités · Le Mot du Droit par Hervé Causse

·Entretien International d’Erri de Luca , par Judith sarfati-Lanter et Yves-Edouard Le Bos

·L’Adresse littéraire par Patrice Jean

· Le Portrait : Petites pierres à un hypothétique portrait de Pierre Bayard, par Caroline JuLLiot

·Le Questionnaire de Proust de Marie-Anne frison-roChe

le thème Proust, hors la loi ?

· Proust et le droit, entretien avec Antoine Compagnon, propos recueillis par Jean-Baptiste amadieu

· Les Lois de Marcel Proust, par Pierre nouaL et David Lovato

·Proust et le jugement, par Olivier WiCkers

· Deleuze lecteur de Proust : l’homosexualité ou la résistance à la norme, par Alexandre martin

· Représentations proustiennes de l’homosexualité et réalités juridiques, par Hélène duffuLer-viaLLe

· Quelques éléments d’analyse juridique d’À la recherche du temps perdu de Proust en droit des personnes, par Annick Batteur et Laurence mauger-vieLpeau

· L’Affaire Dreyfus dans Jean Santeuil et À la recherche du temps perdu, ou le moment de vérité, par David deroussin

· Proust, sa manie des duels, par Nicolas dissaux

· La mort des cathédrales, Marcel Proust et la séparation des Églises et de l’État, par Marie Cornu

· Les publicateurs : des personnages inédits, par Arnaud LatiL

· Quand Marcel Proust jouait au chroniqueur judiciaire, par Stéphane durand-souffLand

VAriétés · La femme auteur au xixe siècle, par Florence Cherigny

· Le procès en séparation de George Sand au tribunal de première instance, par Aurore Boyard

·Casanova, juriste, par Jean-Baptiste seuBe

·Ka-Tzetnik 135633 : le porte-parole des morts, par Alexandre martin

· Hommage au Professeur Paul Amselek, « L’égarement en droit. Pour une philosophie de l’égarement », par Elie tasseL

· K. La quête de justice, jusqu’à l’absurde. Lecture Michael Kohlhaas (Kleist), par Franck LaffaiLLe

· Article 353 du Code pénal, de Tanguy Viel : un vrai-faux roman de procédure ?, par Marion mas

· « Si una tabula sit… » Du meurtre de nécessité en mer entre doctrine, jurisprudence et littérature, par Louis de CarBonnières de saint-BriCe

un texte À propos de L’Homme surnuméraire, de Patrice Jean, par Pierre ÉgÉa

l’entretien « La liberté, elle disparaît lorsqu’on en discourt… », entretien avec François sureau, propos recueillis par Luc gonin

chroniques création littéraire et droit ·Champs croisés, par Michel vivant

·Les œuvres littéraires, par Jean-Marie Bruguière

·Proust, le théâtre et le droit, par Emmanuelle sauLnier Cassia

recensions

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Nicolas Dissaux

Rédacteur en chef de la revue Droit et Littérature Professeur à l’Université de Lille

Yves-Édouard Le Bos

Secrétaire général de la revue Droit et Littérature Maître de conférences à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Emmanuelle Saulnier-Cassia

Chargée des relations extérieures de la revue Droit et Littérature Professeur de droit public à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Céline Slobodansky

Directrice éditoriale de la revue Droit et Littérature

COMITÉ SCIENTIFIQUE

Peter Brooks Princeton University Christophe Jamin

Directeur de l’École de droit de Sciences Po François Ost

Professeur à l’Université de Saint-Louis, Bruxelles Michel Rosenfeld

Professeur de droit constitutionnel à la Cardozo School of Law (New York) Paolo Tortonese

Professeur de littérature à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 Anna Arzoumanov

Maîtresse de conférences en langue et littérature françaises de l’Université Paris- Sorbonne Arnaud Latil

Maître de conférences, Sorbonne Université, chercheur au CERDI, Université Paris-Saclay Judith Sarfati Lanter

Maître de conférences en littérature comparée Faculté des Lettres, Sorbonne Université

Centre de recherche en littérature comparée (CRLC), Labex OBVIL Vos propositions d’articles peuvent être adressées à la rédaction de la revue : celine.slobodansky@lextenso.fr

Les références à un article de la revue peuvent être citées de la façon suivante : RDL année, n°3, p. 1.

Administration L.G.D.J. – Lextenso

La Grande Arche, 1 Parvis de La Défense, 92044 Paris – La Défense Tél. : 01 40 93 40 40

abonnements@lextenso.fr

Directeur de la publication : Emmanuelle Filiberti

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Droit & Littérature - Numéro 5 3

L’essentiel, rien d’autre

« La vie est trop courte. Proust est trop long ». Sans doute Anatole France était-il âgé lors- qu’il a prononcé cette fameuse sottise (Propos rapportés d’Anatole France, vers 1923, cité par M. Le Goff, Anatole France à La Béchellerie, Paris, Albin Michel, 1947, p. 243). À quatre-vingts ans, l’homme était porté à se ramasser sur l’essentiel. Mais justement, c’est quoi l’essentiel ?

Proust avait son idée sur une question ayant pour le moins secoué l’année 2020. La seule vie valant quelque chose est dans les livres, pensait-il. Seulement notre gouvernement avait-il le temps de lire Proust ? Hélas… Pendant tout le premier confinement du mois de mars, il a ainsi réduit l’essentiel au strict nécessaire. Il faut manger pour vivre, se disait-il, oubliant la suite…

Conception purement gloutonne, matérialiste disons.

Les librairies fermées, il restait possible de trouver quelques maigres nourritures spirituelles au supermarché. La plupart des lecteurs devaient toutefois se consoler sur une plateforme amé- ricaine. Mais il y eût bientôt pire. Parce que les grandes surfaces de distribution alimentaire pouvaient écouler des « produits culturels », on leur a ordonné de barrer l’accès à ces rayons dangereux. Une saine et loyale concurrence l’exigeait, à la grande satisfaction de la même plate- forme américaine.

L’absurdité de la situation aidant, certains se sont avisé que l’essentiel pouvait désigner autre chose. Les mots de Théophile Gautier dans sa célèbre préface à Mademoiselle de Maupin repre- naient de leur couleur, n’était la référence à la viande, légèrement dépassée :

« L’utilité de notre existence admise a priori, quelles sont les choses réellement utiles pour la soutenir ? De la soupe et un morceau de viande deux fois par jour, c’est tout ce qu’il faut pour se remplir le ventre, dans la stricte acception du mot L’homme, à qui un cercueil de deux pieds de large sur six de long suffit et au-delà après sa mort, n’a pas besoin dans sa vie de beaucoup plus de place. Un cube creux de sept à huit pieds dans tous les sens, avec un trou pour respirer, une seule alvéole de la ruche, il n’en faut pas plus pour le loger et empêcher qu’il ne lui pleuve sur le dos. Une couverture, roulée convenablement autour du corps, le défendra aussi bien et mieux contre le froid que le frac de Staub le plus élégant et le mieux coupé.

Avec cela, il pourra subsister à la lettre. On dit bien qu’on peut vivre avec 25 sous par jour ; mais s’empêcher de mourir, ce n’est pas vivre ; et je ne vois pas en quoi une ville organisée utilitairement serait plus agréable à habiter que le Père-la-Chaise.

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éditorial

Droit & Littérature - Numéro 5 4

Rien de ce qui est beau n’est indispensable à la vie. – On supprimerait les fleurs, le monde n’en souffrirait pas matériellement ; qui voudrait cependant qu’il n’y eût plus de fleurs ? Je renoncerais plutôt aux pommes de terre qu’aux roses, et je crois qu’il n’y a qu’un utilitaire au monde capable d’arracher une plate-bande de tulipes pour y planter des choux ».

Et qui voudrait d’un monde sans littérature ? Le superflu aussi peut être nécessaire. L’évidence doit être rappelée : l’essentiel est tiré de l’essence. Or, l’essence de l’homme tient dans son esprit, que les livres permettent de cultiver, d’enrichir.

Heureusement, nos gouvernants ont fini par le comprendre. Ce numéro de la Revue Droit

& Littérature paraît ainsi quelques semaines après qu’un fameux décret du 25 février 2021 l’a reconnu : « le commerce de détail de livres » est essentiel, au même titre que « le commerce d’ali- mentation générale », « le commerce de détail de pain, pâtisserie et confiserie », le « commerce de détails d’ordinateurs », les poissonneries, garagistes ou les opticiens (Décret n° 2021-217 du 25 fé- vrier 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire).

Qu’un tel numéro consacre un dossier à Proust, cela ne pouvait donc pas mieux tomber. Le 10 juillet prochain, nous fêterons les 150 ans de sa naissance, un véritable jubilé littéraire ! Cela méritait-il ce dossier spécial sur Proust, hors la loi ? Beaucoup pouvaient en douter, tant les rap- ports de cet écrivain avec la matière juridique paraissent a priori inexistants. Et pourtant… De nombreux contributeurs ont fouillé et reconsidéré la question, balayant quelques préjugés au passage. Le fruit de ces travaux est parfois étonnant. La Revue ne pouvait en tout cas rêver mieux pour sa cinquième livraison.

Autre anniversaire en effet : voilà maintenant plus d’un lustre que les éditions Lextenso offrent un support éditorial à tous ceux que les liaisons entre le droit et la littérature intéressent. En ces temps difficiles, l’effort est réconfortant. Cinq ans, ce n’est peut-être pas encore l’âge de raison, mais tout de même. De fait, la Revue ne cesse de s’ouvrir. Les propositions d’articles affluent, les écrivains participent, les idées fourmillent.

N’est-ce pas l’essentiel ?

Nicolas Dissaux

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Droit & Littérature - Numéro 5 5 ACTUALITÉS 9

11 Agendas 15 Le Mot du Droit

Hervé Causse

23 Entretien International d’Erri de Luca 27 L’Adresse littéraire

Patrice Jean

33 Le Portrait

Petites pierres à un hypothétique portrait de Pierre Bayard Caroline Julliot

37 Le Questionnaire de Proust Marie-Anne Frison-Roche

LE THÈME 39 Proust, hors la loi ? 41 Proust et le droit

Entretien avec Antoine Compagnon

Propos recueillis par Jean-Baptiste Amadieu

53 Les Lois de Marcel Proust Pierre Noual et David Lovato

69 Proust et le jugement Olivier Wickers

79 Deleuze lecteur de Proust : l’homosexualité ou la résistance à la norme Alexandre Martin

93 Représentations proustiennes de l’homosexualité et réalités juridiques Hélène Duffuler-Vialle

109 Quelques éléments d’analyse juridique d’À la recherche du temps perdu de Proust en droit des personnes

Annick Batteur et Laurence Mauger-Vielpeau

SOMMAIRE SOMMAIRE

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sommaire

Droit & Littérature - Numéro 5 6

149 L’Affaire Dreyfus dans Jean Santeuil et À la recherche du temps perdu, ou le moment de vérité

David Deroussin

165 Proust, sa manie des duels Nicolas Dissaux

177 La mort des cathédrales, Marcel Proust et la séparation des Églises et de l’État

Marie Cornu

195 Les publicateurs : des personnages inédits Arnaud Latil

205 Quand Marcel Proust jouait au chroniqueur judiciaire Stéphane Durand-Souffland

VARIÉTÉS 211 La femme auteur au xixe siècle Florence Cherigny

219 Le procès en séparation de George Sand au tribunal de première instance Aurore Boyard

229 Casanova, juriste Jean-Baptiste Seube

241 Ka-Tzetnik 135633 : le porte-parole des morts Alexandre Martin

255 Hommage au Professeur Paul Amselek,

« L’égarement en droit.

Pour une philosophie de l’égarement » Elie Tassel

273 K.

La quête de justice, jusqu’à l’absurde.

Lecture Michael Kohlhaas (Kleist) Franck Laffaille

285 Article 353 du Code pénal, de Tanguy Viel : un vrai-faux roman de procédure ?

Marion Mas

293 « Si una tabula sit… » Du meurtre de nécessité en mer entre doctrine, jurisprudence et littérature

Louis de Carbonnièresde Saint-Brice

UN TEXTE 323 À propos de L’Homme surnuméraire, de Patrice Jean Pierre Égéa

L’ENTRETIEN 333 « La liberté, elle disparaît lorsqu’on en discourt… » Entretien avec François Sureau

Propos recueillis par Luc Gonin

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sommaire

Droit & Littérature - Numéro 5 7 CHRONIQUES 341 Créations littéraires et droit

Champs croisés Michel Vivant

347 Les œuvres littéraires Jean-Marie Bruguière

355 Proust, le théâtre et le droit Emmanuelle Saulnier-Cassia

RECENSIONS 365

367 Rémy Cabrillac

369 Judith Sarfati-Lanter

372 Nicolas Bareït

378 Yves-Édouard Le Bos

385 Emmanuelle Saulnier-Cassia

387 Mathilde Barraband

RDL n° 6, 2022

Le prochain dossier invite à battre la campagne.

Au sens figuré d’abord, les rapports entre droit et littérature n’ayant de cesse que d’interroger les méthodes respectives de ces deux champs disciplinaires que notre revue invite sans cesse à traverser, à rapprocher, à unir, un remembrement ?

Le sens propre ensuite méritera d’être envisagé. Littérature générale et littérature rurale pourront être étudiées ! La dimension pastorale des chefs d’œuvre de la littérature pourra inspirer des réflexions prometteuses. Trop souvent reléguée à une littérature de genre, le rustique, la littérature rurale constitue une richesse que notre époque est portée à retrouver. Elle a pu constituer une source et représente toujours une ressource du droit rural. Qu’il suffise d’évoquer la figure d’Émile Guillaumin, dont les combats pour le syndicalisme agricole sont connus. Bien d’autres figures mériteraient d’être reconsidérées : Leroy, Cladel, etc. On a longtemps déploré la fin des paysans, la disparition d’un monde et de ses activités. Tout cela commence pourtant à susciter un nouvel intérêt, porté par les préoccupations environnementales, sanitaires et sociales, et tout pourrait donc changer dans le Monde d’Après. D’aucuns évoquent même un exode urbain et la littérature se fait l’écho d’un monde rural qui se libère peu à peu des clichés. Quels liens entretiennent la littérature rurale et le droit ? La question vaut donc d’être posée. Les propositions de contributions peuvent être envoyées au secrétariat général de la revue avant le 15 octobre 2021.

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ACTUALITÉS

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Droit & Littérature - Numéro 5 11

Agendas

La pandémie dans l’histoire. Regards croisés entre droit et littérature.

Le 23 mars 2021, le Centre Jean Bodin de l’Université d’Angers a organisé un colloque pas- sionnant, en plein dans l’actualité : La pandémie dans l’histoire – Regards croisés entre droit et littérature.

Les communications de spécialistes de l’histoire du droit et de littérature ont été suivies de tables rondes qui ont offert « un regard croisé sur le traitement des pandémies au cours de l’his- toire ». Ces épidémies, nous disent les organisateurs du colloque, « ont, à leur façon, changé le monde ». Le colloque a donc cherché à « mettre en lumière les transformations issues de ces crises (institutionnelles, comportementales…) ». De manière intéressante, les épidémies ont été envisagées à partir des différents angles que propose le mot histoire : la littérature et notamment le roman épidémique mais également l’étude des événements passés et leur traitement juridique.

On retiendra parmi les différentes contributions passionnantes, dans une perspective historique, celle de Pascal Gourgues, « La réglementation des autorités publiques face aux épidémies à la fin du Moyen-Âge », celle de Cyrille Dounot, qui s’est intéressé au « droit canonique en temps d’épidémie » ; dans une perspective littéraire, celle de Denis Labouret intitulée « Le choléra selon Jean Giono : Le Hussard sur le toit, précis de décomposition », et les analyses de deux collègues turinois, Claudia Tresso, dont le travail était intitulé « Moi, Muhammad Ibn Battuta, témoin de la Peste Noire » et Luca Badini Confalonieri, qui a concentré son analyse, entre histoire et roman, sur la peste dans deux œuvres de Manzoni : I promessi sposi et la Storia della colonna infame.

Une publication des actes du colloque est annoncée ! La Revue Droit et Littérature en rendra compte dans son prochain numéro.

Proust : en avant la musique !

Les lecteurs de la revue se souviendront qu’elle avait accueilli dans les colonnes de son troi- sième numéro l’excellente contribution de Cécile Leblanc intitulée, « Monsieur Vinteuil dans À la recherche du temps perdu : rebelle à la rébellion et à la médiatisation ». Nous ne saurions trop vous recommander de lire le présent numéro et son dossier consacré à Proust en écoutant l’excellent disque Proust, le concert retrouvé, enregistré par Théotime Langlois de Swarte et Tanguy de Williencourt ( Harmonia Mundi, mars 2021). Dans le livret du CD, Cécile Leblanc nous raconte l’histoire de ce concert. « Le 1er juillet 1907, Proust décide d’offrir, dans un salon privé du Ritz, un dîner en l’honneur de Gaston Calmette, patron du Figaro ». Proust entend ainsi le remercier pour sa gentillesse qui l’amène à prendre ses longs articles peu aux goûts du public. Le dîner est suivi d’un concert. Proust espérait que Gabriel Fauré jouerait son programme. « Directeur du

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ACTUALITÉS

Droit & Littérature - Numéro 5 12

Conservatoire, familier des concerts privés de l’aristocratie, compositeur de référence pour qui veut, comme Proust, observer le basculement dans la modernité de la musique française, Fauré, nous rappelle Cécile Leblanc, est pour le futur auteur de la Recherche une table d’orientation à partir de laquelle il scrute l’histoire musicale en amont et en aval ». L’annulation de la venue du compositeur au dernier moment bouleversera le programme finalement interprété par Édouard Risler.

Au violon, M. Langlois de Swarte, au piano, M. de Williencourt, nous livrent de formidables interprétations des œuvres jouées ce soir de 1907. On y retrouve notamment Reynaldo Hahn (À Chloris (arrangement)), Robert Schumann (Des Abends (Au soir) – Extrait des Fantasiestücke, op. 12) Frédéric Chopin (Prélude, op. 28, n° 15) ; Gabriel Fauré (Sonate pour violon et piano n° 1 en La majeur, op. 13 I. Allegro molto II. Andante III. Scherzo. Allegro Vivo IV. Finale. Allegro quasi presto ; Berceuse pour violon et piano, op. 16), et François Couperin (Les Barricades mysté- rieuses – Second livre de pièces de clavecin (Ordre VI, n° 5).

Œdipe : réouverture d’enquête !

InterCriPol est au monde de la fiction ce qu’Interpol est à la réalité. Portée par des scientifiques reconnus pour leur expertise en la matière, il s’agit d’une organisation qui vise à fédérer, dans le monde entier, les différentes instances d’investigation et à permettre une traque plus efficace des personnages criminels qui croyaient, jusque-là, avoir échappé aux foudres divines de la Jus- tice. InterCripol est un réseau d’enquêteurs et d’enquêtrices qui œuvre sous l’égide inflexible et bienveillante de son Président d’honneur, Pierre Bayard (voir le portrait dans ce numéro de la Revue Droit & Littérature). Toutes les enquêtes proposées par InterCripol répondent à des cri- tères logiques et éthiques rigoureux, comme en atteste la charte déontologique de ce groupement pour le moins imaginatif. En accord avec les normes scientifiques en vigueur, chaque article est soumis en amont à une double expertise, le comité scientifique évaluant les propositions étant composé, au minimum, d’un membre du comité directeur d’Intercripol et d’un membre spécialisé dans le domaine culturel concerné.

Le but des recherches du réseau InterCriPol est d’explorer, grâce à une méthodologie rigou- reuse, la richesse des fictions et tous leurs possibles narratifs. Une devise les guide : accipit ut det :

« il reçoit pour donner ». L’idée est en effet de s’emparer des œuvres pour leur offrir en échange un autre sens, une nouvelle vie. Le sens d’une œuvre n’étant jamais fixé une fois pour toutes, chaque histoire tient un peu de la poupée russe : elle en cache une multitude d’autres. Sans doute chaque texte présente-t-il une certaine force de résistance, il impose des contraintes. Mais celles-ci ne brident jamais totalement le pouvoir créateur de l’interprète. Les juristes reconnaîtront dans ce postulat l’une de leurs grandes préoccupations, révélées par les tenants de la théorie réaliste de l’interprétation. Un nouveau pont entre droit et littérature donc.

Les curieux iront donc consulter la plateforme collaborative d’InterCriPol : intercripol.org. Ils liront également avec profit la revue éditée par cette organisation : InterCriPol, Revue de critique policière. Et peut-être seront-ils tentés de participer à la prochaine enquête lancée pour l’année 2021 : Œdipe est-il vraiment coupable du meurtre de Laïos ? Les débats méritent d’être repris tant l’enquête qui structure la fameuse tragédie de Sophocle s’avère, à l’analyse, lacunaire…

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Droit & Littérature - Numéro 5 13

ACTUALITÉS

Dystopies et Droit : avis de colloque

Les 8 et 9 décembre 2021 se tiendra à l’Hôtel de Massa, Paris, un colloque consacré aux Dystopies et au Droit. Fruit d’une recherche collective entre jeunes chercheurs de trois labo- ratoires, l’Institut François Gény à Nancy, l’Institut de Recherche en Droit Privé et Droit et Changement Social à Nantes, et soutenu par le pôle DSEG de Nancy, ce projet dirigé par Émilie Gicquiaud, propose de mettre en perspective les problématiques juridiques soulevées dans les œuvres littéraires dystopiques.

Inscription à l’adresse suivante : maelle.meziani@univ-lorraine.fr

Constitution d’une Académie Internationale Droit & Littérature

La création d’une Académie Internationale Droit & Littérature (AIDL) est en marche.

Elle aspire à rassembler ceux que le mouvement droit et littérature intéressent, et notamment ceux qui souhaitent prolonger leur lecture de la Revue Droit et Littérature par des échanges or- ganisés sous différentes formes.

Organisée en association, l’AIDL a ainsi pour objet :

– de favoriser les échanges entre les spécialistes et les amateurs de droit et de littérature ; – d’étudier les rapports entre Droit & Littérature, qu’il s’agisse du droit de la littérature, du droit dans la littérature ou encore du droit comme littérature ;

– d’informer, échanger et faciliter la connaissance des questions juridiques qui ont trait à la création et/ou à la protection des œuvres littéraires ;

– de promouvoir, par tous moyens, les études liées au mouvement Droit & Littérature ; – d’encourager et de promouvoir toutes recherches et tous travaux universitaires portant sur les rapports entre le droit et la littérature ;

– d’être un cercle de réflexion, d’échanges d’expériences et de rencontres entre juristes, litté- raires, écrivains et plus généralement toutes personnes travaillant ou réfléchissant au droit et à la littérature ;

– d’accueillir de personnalités extérieures concernées par son champ de réflexion et d’étude ; – de favoriser et promouvoir les relations entre ses membres ;

– d’organiser périodiquement un colloque sur son champ de réflexion et d’étude, d’organiser des séminaires ou des cours à destination des étudiants, de réaliser toutes publications utiles à la diffusion de ses travaux, par tous moyens légaux appropriés et notamment par la Revue Droit

& Littérature ;

– d’entreprendre toutes démarches utiles à son objet afin d’étendre son activité et ses études aux pays étrangers.

Les personnes intéressées peuvent contacter les deux membres fondateurs, Nicolas Dissaux et Yves-Edouard Le Bos, à l’adresse suivante : academie.droitetlitterature@gmail.com.

La séance inaugurale se tiendra en janvier 2022.

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Droit & Littérature - Numéro 5 15

Le Mot du droit

Numérique

« Si vous ne pouvez pas me donner la poésie, ne pouvez-vous pas me donner la science poétique ? »

Ada Lovelace Byron

Ô soleil numérique ! Ô vieillesse électronique ! Ô prouesses technologiques.

N’ai-je donc tant vécu que pour cette informatique ? Numérique. L’avez-vous dit ? Si vous avez dit le mot, alors aujourd’hui vous avez tout dit, ou presque. Tout dit du moment. Tout dit du mouvement. Tout dit du monde.

Si vous ne l’avez pas dit, vous êtes en retard de le dire. Réveillez-vous car, si vous ne dites pas « numérique », vous risquez de mourir. Le dire d’un ton léger – permis pour ne pas trop inquiéter – n’enlève pas un soupçon de la profonde gravité de cette vérité qui, sait-on, viendra vous faucher. La sanction sera peut-être votre « mort numérique » – je la sais exister en ignorant exactement ce qu’elle est.

Bon, soyons optimistes, parlons de votre vie, bien sûr de votre « vie numérique » – que divers opuscules vous proposent de protéger !

L’enthousiasme aveugle l’amateur, et lui interdit de s’arrêter sur le mot. Ce qui est plus singu- lier, c’est qu’il aveugle également le professionnel – d’ici ou de là.

Ce mot. Si général. Ancien. Mathématique. Scientifique. Spécial1. Ce mot est devenu général. Actuel. Économique. Sociétal. Général.

Ce mot général dans sa spécialité est devenu plus que général dans la société – civile, bien sûr – stimulée par la société médiatique. Il est général dans la communauté juridique désormais ouverte aux quatre vents terminologiques.

1. G. Ifrah, Histoire universelle des chiffres, Laffont, 1994, 2 t. ; y sont numériques notation et symboles qui servent la numération (nom féminin) impliquant un système (autre mot…) numérique.

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ACTUALITÉS

Droit & Littérature - Numéro 5 16

Numérique ! Un de ces mots qui, si vous ne l’utilisez pas est propre, par votre seul silence, à vous faire passer pour un imbécile – encore que ne pas l’utiliser ne garantisse rien. Car tout est devenu numérique. Le proche passé lui-même n’est plus rien. Autant en emporte le numérique.

Voyez la société de l’information.

Vous n’avez pas quarante ans ? Vous aviez presque vingt ans au tournant du siècle : l’an deux mille ! Vous baigniez officiellement dans la « société de l’information »2, résultat, entre autres, des autoroutes de l’information. Vous pensiez faire carrière en son sein. Raté. Mais pas dommage à suivre Michael Crichton : « Dans la société de l’information, personne ne pense. On croyait ban- nir le papier, on a banni la pensée ». Il y a toujours des grognons.

De fait, la société de l’information s’est éparpillée au premier vent électronique qui souffla au siècle naissant. Les juristes le savent avec la signature, la communication, le commerce et le contrat électroniques3. L’idée générale s’est dispersée sous ces réalités et actions techno logiques précises. Le « double-clic » consacrant discrètement le contrat formel – par un réseau4 – parlait mieux que l’idée vague de société de l’information.

Puis on sera les dents le temps que cesse la terreur financière de la finance internationale – nu- mérique depuis 50 ans… Un matin, la tempête financière a cessé. Le siècle avait plus de dix ans.

La brise de cet autre matin annonçait une journée tranquille… Le soleil s’est subitement levé, et il était numérique ! Éblouissant, comme un soleil bien sûr, en plein milieu du beau ciel bleu piscine du capitalisme.

Nous n’étions plus dans la société de l’information, mais dans la société numérique5.

Il fallait donc s’adapter, basculer et se transformer pour avoir seulement une chance de voir le jour nouveau qui se levait. Car dans la vie moderne ne pas voir, c’est ne pas vivre. Pour vivre il faut voir et aller voir ailleurs par des avions, bateaux, voitures, trains… aller voir la pâleur des mers de fin de globe, la blancheur du K2, la verdeur des forêts qui reculent, la rougeur de terres de plus en plus rares, la maigreur des enfants de contrées de pays pourtant inscrits à l’ONU. Donc, comme voir c’est vivre, tout le monde a été convaincu qu’il fallait voir le numérique. Cela exigeait d’affronter la journée numérique qui allait durer un siècle disaient les avertis (« Dont on sait bien qui ils sont ! », se serait écrié Raymond Devos). Ce qui donne notre comportement. L’adaptation numérique. La transformation numérique. La bascule numérique.

2. Rapport du Conseil d’analyse économique, 2005, dir. N. Curien et P.-A. Muet.

3. Pour le croisement avec la communication : J. Huet et E. Dreyer, Droit de la communication numérique, LGDJ, 2011 ; Le contrat électronique, au cœur du commerce électronique, préf. J.-C. Hallouin et H. Causse, coll. Ann. Faculté de droit de Poitiers, LGDJ, 2006.

4. … et non nécessairement à distance, la confusion persiste ; le double clic est une forme.

5. Toutefois, la proposition de règlement du 15 février 2020 sur les marchés contestables indique en définition de « secteur numé- rique » : « le secteur des produits et services fournis au moyen ou par l’intermédiaire de services de la société de l’information » ; le numérique s’y déploie de façon moderne en visant précisément un « service de plateforme essentiel » comme l’un des services sui- vants : services d’intermédiation en ligne, moteurs de recherche en ligne, services de réseaux sociaux en ligne, services de plateformes de partage de vidéos, services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation, systèmes d’exploitation, services d’informatique en nuage, services de publicité… fournis par un fournisseur de l’un quelconque des services de plateforme essentiels.

Tout cela est le numérique de marché, et seulement lui. Pour l’emploi : F.-X. Marquis, Société numérique, Patrimoine humain ou crime contre l’humanité, L’Harmattan, 2018.

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ACTUALITÉS

Droit & Littérature - Numéro 5 17 En somme, voir le numérique et mourir…

Vivre et heureux est la spécialité de Gaston. Je le vois aux quatre saisons car, à l’année longue, il pêche aux abords d’une célèbre écluse ; je lui ai demandé ce qu’il pensait du numérique et il m’a dit : « Encore des âneries ». Cela a stimulé ma pensée.

Tout est devenu numérique. Tout est devenu numérique car pendant trente ans, depuis les an- nées soixante-dix en vérité, on a pratiqué la dématérialisation informatique, donc numérique6. Et là, aujourd’hui, en contradiction avec l’idée de ce sage, mais après tout il n’est que pêcheur et point docteur, je la vois bien la réalité. Nous sommes dans une société numérique. Entendez-les, les doc- teurs, chacun dans leur « intradisciplinarité » (l’inverse de l’interdisciplinarité). Tout est numérique.

Démonstration.

Prenons le ton de Jean d’Ormesson sinon la plume, puisque c’était un crayon. Tout est nu- mérique. Tout morceau du Tout est numérique. Petit ou gros. Ou morceau moyen. Et d’abord signalons les gros morceaux.

La République. Hier, on comptait les républiques, c’était déjà du numérique, mais maintenant l’affaire est folle. La République a été mise au format de la « République numérique »7. Elle ra- gaillardit la vieille loi informatique… La France est touchée ! « France Num » vous guide dans votre conversion (https://www.francenum.gouv.fr/). Autre gros morceau. Le libéralisme, devient

« libéralisme numérique »8. Deviennent encore et aussi numériques, la démocratie, la révolution (oh oui surtout elle !), le monde, l’âge, la civilisation, l’ère ! L’air peut-être pas. L’aire sûrement (le prétendu espace numérique).

La science mute aussi au numérique, l’économie numérique9 et la sociologie « du » numérique en attestent10. Ce qui n’est pas seulement employer des outils informatiques de l’ère numérique.

Quid des plus petits et autres morceaux ? Numériques eux aussi ! Et nombreux !

Le fait du numérique, et encore heureux, est également scientifique. L’algorithmique ? Nu- mérique ! Le traitement, aussi ! Le calcul, la commande, la modélisation tous numériques à l’occasion. Et même l’électronique et l’informatique, de quoi pour un juriste en perdre son maigre savoir technologique. Chaque thème cité a au moins un livre !

Entre deux vagues scientifiques (l’une exacte, l’autre humaine), l’analyse peut aussi être numé- rique. Comme peut l’être le harcèlement, la cognition, l’identité (l’identité numérique, tout un sujet !),

6. Gilles Dowek, informaticien en vue, les tient pour synonyme, à défaut d’analyse de philosophie (informatique ?). Il note que, dans le monde, le terme informatique est stable, probablement immuable : Vivre, aimer, voter en ligne et autres chroniques numériques, Le Pommier, 2017. G. Berry, L’hyperpuissance de l’informatique, O. Jacob, 2017.

7. Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique qui a notamment complété et réformé la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 dite informatique et libertés.

8. É. Sadin, La silicolonisation du monde : l’irrésistible expansion du libéralisme numérique, Éditions l’Échappée, 2016.

9. Expression usuelle, même sur les couvertures de livres…

10. D. Boullier, Sociologie du numérique, 2019, A. Colin. Avec des considérations intéressantes sur l’écriture (pas littéraire) des codes valant « écriture informatique » du code qui se lit mais « l’algorithmique comme écriture et comme logique est sans doute la clé, bien plus que le code » (p. 135).

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l’espace, le journalisme, la lecture, le livre ! Ah le livre numérique, on en a beaucoup parlé pour beau- coup se tromper – papier ou numérique, les deux livres vivent fort bien. Plus prégnant est le document numérique ou l’entreprise, la télévision, la photographie numérique, ou l’art, la culture, le travail…

Il se dit que l’on serait dans le « tout numérique », vite dénoncé en « mirage numérique ». Un mot qui devient une religion suscite toujours quelques impies. L’incroyance ne suffisant pas à dénouer ce qui se joue dans la folie numérique, on se méfiera des slogans de quelques-uns, qui les mettent en colloques ou webinaires spécial Covid. On doutera aussi de ceux qui prétendent pro- céder à la dématérialisation en 2020 quand le train est passé trois fois – ô pauvres administrations et Justice11. Ou de ceux qui se focalisent sur une idée : la donnée, l’algorithme, le token… pour nous de simples « variants » numériques ? Car « virus numérique » il y a bien, et fort différent des

« virus informatiques ».

Deviennent encore et aussi numériques, et ce sera dit car l’heure est grave (et aussi numérique, on l’a compris) : l’humanisme, l’homme… Voyons en entreprise où le seul mot de « l’humain » est un slogan impératif (sourire). Quel dirigeant se refuserait d’employer l’argument du « À l’heure du numérique il convient de… ». Aucun. Ou bien. « À l’ère du numérique il nous faut… ». Aucun.

Qui, du reste, de bonne composition, refuserait de s’employer à la nouvelle foi ? Michel Henry nous a appris dans L’amour les yeux fermés (Gallimard, 1976) la force de la foi civile. Ainsi se fait le numérique puisque nous sommes convaincus que notre avenir est de le faire.

Eh bien si tout est numérique, c’est probablement que tout était numérique avant qu’on ne le ressasse. Oui, tout est peut-être bien numérique – ce qui dépend de comment on l’entend. Peut-on ignorer que divers grands esprits ont souvent vu l’univers en une simple structure mathématique ? Il fait bon être juriste et n’avoir à manier que les mots du Droit.

Le Droit est dans le « Tout », le Droit est donc numérique. Le Droit est devenu numérique.

Voyez, on peut officiellement créer au nom de la loi (le Code de l’éducation nationale) un Master Droit du numérique12. Euh… « du » ? Droit du numérique ou Droit numérique ? Toujours s’inter- roger sur le sujet ! Ses mots, l’article du mot. Toujours, surtout si personne ne le fait : les biais humains. Il faut des empêcheurs de tourner en rond numérique pour les corriger, quand, demain, il faudra des spécialistes du mot une fois des milliards de mots implémentés (numérisés) dans les programmes et systèmes numériques. Pour quoi ? Pour les relever de leurs défaillances !

Alors, Droit numérique ? Non. C’est bien l’usage du Droit du numérique qui court dans l’en- seignement supérieur et les colloques13. Signe. A priori, l’adjectif ne suffit pas.

Le Nouveau Larousse encyclopédique (2 t., 1994), d’une époque où la micro-informatique enseignait déjà à tous l’informatique, donne seulement l’adjectif « numérique » (« relatif aux nombres »,

11. Pour un travail pluridisciplinaire : J.-M. Rietsch, M.-A. Chabin, E. Caprioli, Dématérialisation et archivage électronique (mise en œuvre de l’ILM), Information Lifecycle Management, Dunod, 2007.

12. Arrêté du 4 février 2014 relatif aux mentions du diplôme national de master (J.O. du 11 février 2014). L’arrêté du 22 janvier 2014, non modifié, sur les mentions du diplôme national de licence ne consacre pas, en revanche, une licence des sciences du numérique ou sciences numériques. Un ratage politique ? L’expression fleurit désormais.

13. Droit du numérique, Larcier, 2018, par Benjamin Docquir.

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Droit & Littérature - Numéro 5 19 indique le dictionnaire). Et il signale déjà l’anglicisme digital à éviter. « Numériser », pour sa part, était alors et depuis un long temps un verbe classique désignant un fait relatif aux nombres, à la description par le nombre – qui n’échappe pas aux mots et à la philosophie14. Sans désempa- rer, « numériser » deviendra l’action informatique que seuls quelques amateurs appréciaient à l’époque – aujourd’hui, nous numérisons banalement papiers et photos en format, soit en in-for- mat-ique, JPEG ou en PDF. Le système informatique, via un périphérique, calcule en nombre pour donner de la chose sa version en objet numérique – informatique.

Ce processus a été initié au xviie siècle avec la pensée de Descartes, une révolution du calcul et de ses fonctions. Quand tout aura été numérisé (en 2010 ou 2100 ? !), alors poindra « le numé- rique », un nom, un substantif. Le dictionnaire suivra, il suit déjà. La langue préserve le langage qui ne ménage pas la langue (lexicographique) : il l’influence jusque dans la pierre – tendre – des dictionnaires.

La roue du temps a tourné, l’adjectif numérique, seul, n’a pas tenu le coup.

En droit, l’emploi est une évidence (…). Droit numérique rendrait trop pâle ou nouvelle l’idée fon- dant ce domaine juridique ? Qu’à cela ne tienne, délaissons l’adjectif : Droit du numérique convien- dra mieux ! L’expression gonfle les voiles du droit d’un espace, d’un monde, d’un univers. Celui du numérique. D’un simple caractère mathématique, numérique est devenu une substance sociale titanesque.

Le numérique est un Tout. Non le double Tout de Jean d’Ormesson15. Un Tout toutefois ! Un monde. Probablement pas celui du « cyberespace », ce mot savate du milieu autorisé qui, pour n’avoir été ni investi ni défini, ne dit rien, et pour cause – il est indéfini, infini. Et là les juristes calent, si tant est qu’ils sachent que le sujet est sous ladite pierre. Le numérique est infini (eh oui… ∞ que les amateurs retrouveront chez un romancier mathématicien avec nombre de mots mathématiques16).

Les choses numériques se décomptent pourtant depuis longtemps. Le spécialiste du compte ne parle pas là des comptes, des chiffres et nombres qui traduisaient sur tablettes, en Mésopotamie, les opérations comptables et juridiques par qui advinrent les premiers mots ! Je parle de juste d’hier, de sociologues qui, pour la sortie du siècle, disaient que le « réseau numérique » donne- rait la troisième grande séquence de Sapiens17. La première serait celle de la seule oralité (elle mériterait probablement des découpages, mais que se passait-il il y a 100 000 ans et au-delà ?).

La deuxième advint avec l’écriture (7/8 millénaires au compteur, pas un dixième de la période orale où nous croisèrent Néandertal). La troisième s’ouvrirait maintenant et on revient à l’ère du numérique. Pré-Histoire, Histoire et Post-Histoire. Belle thèse et synthèse : à défaut de savoir être contre, je suis peut-être pour18.

14. Pure création de l’esprit à laquelle rien de fixe ni d’établi ne correspond selon Berkeley, le nombre n’existe pas en dehors de l’es- prit. Le vocabulaire des philosophes, Ellipses, 2016, dir. J.-P. Zarader, t. 2, p. 421, par P. Hamou.

15. Presque rien sur presque tout, Gallimard, 1996, p. 259. Le premier Tout est l’univers en expansion, le second est au-delà (l’être ou disent certains Dieu).

16. G. Tenenbaum, Des mots et des maths, O. Jacob, 2019.

17. J.-P. Durand, La société de l’information, in, Sortie du siècle, La France en mutation, Vigot, 1991, dir. Durand et Merrien, p. 432.

18. Toute ma poésie cède devant cette vue que l’on peut dire prophétique (surtout si le xxie siècle devient effectivement numérique, c’est-à-dire, si le secteur informatique continue de progresser sinon aussi magistralement au moins notablement).

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Le numérique a moins marqué les juristes que les sociologues qui regardent palpiter la société dans ses moindres mouvements, et non dans l’image qu’en donne le droit. Or le droit de l’informatique est un peu resté le droit du logiciel – sans faire injure à quiconque19. Il n’imposait pas d’évidence une discipline majeure, jouant des coudes épistémologiques et l’effort d’en savoir les concepts, les lois et le domaine. Le logiciel a stimulé et bloqué la réflexion relative au

« numérique » (ça y est, je cède), laquelle appelle un paradigme, une science, ou une matière (soyons modestes, nous ne sommes que juristes). En plus clair, la correspondance usuelle entre un mot et une matière n’est pas survenue (Civil, droit civil ; commerce, droit commercial ; travail, droit du travail ; consommation…). Des innovateurs au grand mérité parlent ainsi du Droit des activités numériques20. Il semblerait que l’on vise le brouhaha incertain et certain, là-bas, des « activités » – du reste un droit de l’inactivité se conçoit-il ? Le mot capable de porter une matière juridique implique en général quelques ouvrages substantiels et de synthèse (beaucoup de mots mais pas trop). L’histoire avait déjà bégayé avec le Droit de l’informatique21. Le Droit numérique (là, je résiste) attendra encore un peu. L’époustouflant Traité de droit civil du numé- rique, de Philippe Gaudrat et Frédéric Sardain, nous laisse avoir raison avec le canton du doit civil (Larcier, 2015).

Le juriste mobilisé se mobilisera et sera (de plus en plus) mobilisé par le cours des choses. L’am- pleur du phénomène mérite mieux que de refuser les mots ou que de s’esclaffer à les répéter sans jamais les pénétrer avec attention et quelque effort de culture. L’emploi du mot « numérique » n’est plus un usage, mais une loi de l’esprit. Au presque sommet de sa gloire, le mot est snobé par quelques-uns qui entendent se distinguer de la masse moutonnière du numérique. Son emploi devenu banal devient insuffisant. Ils veulent un autre mot ! Leur volonté est faible, formelle, non conceptuelle. Ils se noient dans l’emploi du mot anglais.

Survient alors la fanfaronnade sémantique du « digital ».

S’adonner à rénover la langue française tout en servant une sauce anglaise22 : le Digital. Mot anguille qui sous l’impulsion anglaise est adjectif, substantif et quasi-verbe. Personne ne peut en vouloir à un mot. Les managers peuvent envisager de digitaliser… Là où personne ne voudrait numériser – triste verbe qui, lui, fait entendre la machine silencieuse transformer une chose en séries d’informations, en code. Affreux ! Tandis que digitaliser assure la transformation en lais- sant la chose transformée à l’œil et au doigt ! Ne niez pas : digital veut dire doigt ! C’est le mot primaire désignant le fait numérique primaire de compter par ses doigts23. On est loin de la pre- mière conception informatique (dit-on) de Ada Lovelace ou du calcul numérique qu’imagine Alan Turing.

19. Parmi divers beaux ouvrages : A. Hollande et X. Linant de Bellefonds, Pratique du droit de l’informatique, Delmas, 2008.

20. L. Grynbaum, C. Le Goffic et L. Morlet-Haïdara, Droit des activités numériques, Dalloz, 2014. Lamy Droit du numérique, 2019, par M. Vivant, B. Warusfel, N. Mallet-Poujol et L. Costes.

21. Un rescapé de l’histoire : Y. Bismuth, Droit de l’informatique, L’Harmattan, 2018, réédition d’un des premiers ouvrages sur le sujet. A. Bensoussan, Informatique – Télécoms – Internet, 6e éd., Francis Lefebvre, 2017. Adde : J. Huet et H. Maisl, Droit de l’infor- matique et des télécommunications, Litec, 1989 (intéressante vue sur la formation de la pensée juridique informatique).

22. Pour une vue de la propension locale à se laisser coloniser : R. Debray, Civilisation. Comment nous sommes devenus américains, Gallimard, 2017.

23. Un doigt = 1, deux doigts = deux… La main fut la première machine à compter : G. Ifrah, préc., t. 1, p. 121.

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