ÉTUDE DU DÉVELOPPEMENT LARVAIRE DE VARROA JACOBSONI OUD.
Jean-Claude LAURENT Loukas SANTAS
Collège Universitaire des Sciences de l’Agriculture
Laboratoire de Sériculture et d’Apiculture, 11855 Athènes, Grèce
RÉSUMÉ
Les étapes du développement larvaire de Varroa jacobsoni Oud. sont précisées selon l’âge de l’abeille, par observation directe du contenu des cellules d’ouvrières infestées. L’étude tente d’apporter
une explication à la présence du parasite sur le couvain mâle de l’abcille.
INTRODUCTION
Cette étude a pour but
d’apporter
desprécisions
sur lesétapes
dudéveloppement
larvaire de Varroajacobsoni
Oud.Des travaux sur Varroa effectués en U.R.S.S.
indiquent
undéveloppement complet
duparasite
de 8 à 9jours
pour la femelle et de 6 à 7jours
pour le mâle(S MIRNOV , 1979b).
L’étude de Varroa dans le nord de la Grèce montre un
développement complet
duparasite
en7,1
à8,3 jours
pour la femelle et4,9
à6,0 jours
pour le mâle. Deplus
laponte
ne débutequ’environ
60 heuresaprès l’opercula- tion ; 76,6
% des femellesayant pondu comptait
3 à 6 descendants et un mâle apparu en second(I FANTIDIS , 1983).
L’étude
présentée
ci-dessous tente derépondre
aux mêmesquestions
dansles conditions d’environnement du sud de la Grèce
(début
de laponte,
durée dedéveloppement complet
duparasite).
De
plus
nous avons tenté de trouver uneexplication
cohérente à la«
préférence » qu’ont
les Varroa femelles pour le couvain mâle de l’abeille.MATÉRIEL ET MÉTHODES
Les observations ont été faites sur deux ruches pendant l’automne 1984, durant la période de l’année
où l’infestation du couvain est la plus importante, ceci afin d’observer un nombre important de Varroa à tous leurs stades de développement dans la cellule, et concernent :
1) le nombre de cellules operculées observées et le nombre de cellules operculées infestées ; 2) le stade de développement de l’ouvrière à l’intérieur de la cellule. Nous avons distingué 4 stades
aisément observables à l’oeil nu :
- un stade dit « prénymphe » qui correspond à la période fin operculation de la cellule jusqu’à la perte de la 5’ mue, dont la durée est d’environ 5 jours,
- un stade dit « pupe à oeil blanc », durant 3 jours. La nymphe est parfaitement constituée, et blanche. Les 3 parties du corps sont individualisées,
- un stade dit « pupe à oeil brun », durant 3 jours. La tête et le thorax ont une couleur brunâtre.
L’abdomen est blanc. Les pattes et les antennes sont formées. Les ailes sont encore peu développées,
- un stade dit « pupe à aeil noir », durant 2 jours. La tête et le thorax sont brun foncé. Les
appendices sont formés.
La durée de développement de l’ouvrière à l’intérieur de la cellule operculée, en conditions normales, est d’envi-on 13 jours. Celle du mâle est par contre plus longue, et dure 16 à 17 jours environ (SNO
D GR A
SS, 1956 ; LouvEAOx, 1980).
3) Le développement de Varroa jacobsoni dans les cellules infestées : 4 stades, communément
distingués dans la bibliographie, ont été observés, et confirmés par observation à la loupe binoculaire
lorsqu’il y avait doute (PELEKASSIS et üt., 1979 ; SMIRNOV, 1979a ; RuuTER, KAAS, I9ô3 ; EMMANOUEL el al., 1983) :
- le stade oeuf,
- le stade protonymphc,
- le stade deutéronymphe,
- le stade Varroa adulte : Varroa femelle ; Varroa mâle.
RÉSULTATS
1)
Stadeprénymphe
de l’abeilleL’absence totale de toute descendance montre que le Varroa femelle adulte n’est pas
apte
àpondre
à cettepériode (voir fig. 3).
Des observations similaires ont été faites en toute saison. Al’inverse,
nous avonstoujours
observé les
parasites
se nourrissant.Les
plaques
ventrale etmétapodale
sontlargement
soulevées et laissentvoir le contenu blanchâtre de l’abdomen. De nombreux déchets sont aban- donnés sous forme de tortillons au niveau des VIe et VII&dquo; anneaux de l’abdomen de la future abeille.
2)
Stade « pupe à oeil blanc » de l’abeilleLe passage du stade
prénymphal
au stadenymphal s’accompagne
d’unebaisse
importante
de l’infestation ducouvain,
due à la mortalité des larvestrop
gravement attaquées
ou peu résistantes. On constate que l’infestation resterelativement stable une fois le stade
prénymphal dépassé, quelle
que soit l’infestation initiale(Fig. 1).
On observe à ce stade
l’apparition
d’une descendance chez les Varroa femelles adultesaptes
àpondre : oeufs, protonymphes,
et cequi
est remarqua-ble, deutéronymphes
et mâles adultes.La
ponte
ne débute doncqu’au
cours de laphase prépupe
de l’abeille(transformation
de laprénymphe
enpupe),
soit environ 50 à 60 heuresaprès
la fin de
l’operculation.
Cette observation confirmequ’une période
de nourris- sement intense est nécessaire avant lapremière ponte (I FAN TI DIS , 1983).
Il est
cependant
curieux de constater que laponte
ne débutequ’après
laperte
de la 5! mue. Onpeut
penser que laponte
est déclenchéeaprès
que le Varroa femelle se fût bien nourri.Or,
on observe le mêmephénomène lorsque
le
parasite
se nourrit sur les larves demâle,
bienplus
massivescependant.
Ilse
pourrait
donc que laponte
soit déclenchée par un facteurchimique
apparu lors de la transformation de la larve d’abeille ennymphe.
Au cours de cette
période,
on remarque laprésence épisodique
de Varroamâles,
que confirme l’observation à laloupe
binoculaire. Le taux très faible(3
mâles pour 59 cellules
infestées,
soit un taux de 5%) peut indiquer
que laponte
d’oeufs mâles estépisodique
ou que seulsquelques
oeufs mâlesparvien-
nent à se
développer.
On constate en effet lors des deux stades suivants uneprogression
très faible du taux de mâles adultes(Fig. 3).
Le fait
remarquable
estcependant
l’extrêmerapidité
dedéveloppement
des individus
mâles, qui
est de l’ordre de 3 à 4jours.
S’il semble normal de trouver des oeufs et des
protonymphes,
laprésence
de
deutéronymphes,
aisémentidentifiables, suggère
undéveloppement rapide
des femelles : l’observation montre,
qu’à
cestade,
17 % des cellules infestées contiennent une ouplusieurs deutéronymphes.
Si l’on considère a
priori qu’il
est trèsimprobable
de trouver à ce stade dedéveloppement
de l’abeille des Varroa femelles adultes issues deponte,
cequi signifierait
undéveloppement
encoreplus rapide,
onpeut
admettre que 3 à 4jours
sont nécessaires pour que l’oeuf femelleparvienne
au stade deutéro-nymphe.
Nous avons
suggéré
que ledéveloppement ceuf-deutéronymphe rapide pouvait
être lié à des conditions d’environnementthermique
favorable(climat,
ambiance à l’intérieur de la
ruche)
et à ceteffet,
nous avons fait lacomparai-
son des taux de
deutéronymphe
parrapport
aux Varroa observées lors du stade « pupe à oeil blanc » selon que les ruches sont enpériode
chaude ou enpériode
froide. Lapériode
froide a été considérée àpartir
dupremier
arrêt decouvain d’abeille
(mi-novembre 1984) jusqu’au
dernier arrêt deponte
inclus(fin
mars1985).
Il est apparu
(Fig. 2)
que laprolificité
des Varroa femelles initialementprésents
dans lescellules,
le taux dedeutéronymphes
parrapport
aux Varroa femellesinitiales,
ainsi que le taux dedeutéronymphes
parrapport
au total de la descendance sontplus importants
enpériode
chaudequ’en période
froide.3)
Stades « pupe à oeil brun » et « pupe à oeil noir » de l’abeilleIl est apparu
qu’environ
13 % des Varroa femelles initiales n’ont pas de descendance : ilpeut s’agir
de Varroaimmatures,
nonfécondées,
ou insuffi-samment nourries
pendant
le stadeprénymphe
de l’abeille.Il est par contre
surprenant
de ne pas constater dans les cellules infestéesune
augmentation significative
du taux de Varroa femelles adultes(Tabl. 1) :
La cellule étant close
jusqu’à
la libération de lajeune ouvrière,
celasignifie
que les descendants femelles du
parasite atteignent
seulement le stade deutéro-nymphe.
Les conditions d’environnementclimatique,
despossibilités
de nutri-tion des
jeunes parasites
moins favorables en cettesaison, ajoutées
à larelative brièveté du
cycle
denymphose
de l’abeille ouvrièrepeuvent
en êtrecause.
Seuls les Varroa mâles dont le
cycle complet
dedéveloppement
est trèscourt, ainsi que nous l’avons
montré,
sontprésents
àchaque
stade en propor- tion croissante(Fig. 3) :
CONCLUSIONS - DISCUSSION
Le
parasite femelle,
une foisl’operculation terminée,
se nourrit exclusive-ment
jusqu’à
laperte
de la 5’ mue de l’abeille et estincapable
depondre.
Ace
stade,
les larves d’abeilles sont très sensibles à laprésence
duparasite.
Dès que l’abeille a atteint le stade
nymphal,
laponte
commence etpeut
se
poursuivre jusqu’à
la libération de l’abeille naissante. Toutefois l’essentiel de laponte
a lieu dès le début de lapériode nymphale.
Lesparasites qui
n’ontpas
pondu
dès cettepériode
nepondent
pas par la suite : ils’agit
vraisembla- blement deparasites
femelles immatures ou infécondés.Il semble de
plus
que ledéveloppement
desjeunes parasites, dépende
desconditions de
température.
Ceci est à mettre en relation avecl’origine géogra- phique subtropicale
de Varroajacobsoni :
w Les Varroa mâles
atteignent l’âge
adulte en 3 à 4jours
àpartir
de laponte.
On constate ainsi une réduction de la durée dedéveloppement
si l’onse réfère aux observations de SMIRNOV en U.R.S.S.
(6
à 7jours)
et à cellesd’I p ANf
iDis dans le nord de la Grèce
(4,9
à6,0 jours) ;
réductionqui
sembleliée donc à des conditions
climatiques plus
clémentes.Ainsi,
larégion
d’Athènes bénéficie d’un climat
typiquement méditerranéen,
alors que le nord de la Grèce est soumis au climatcontinental, plus
froid. La différence des moyennes detempérature
annuelle est de l’ordre de 3 °C.Il est d’autre
part
vraisemblable que l’état adulte ne dure que 6 à 7jours
ou
moins,
les Varroa mâlesdisparaissant
à la naissance de l’abeille.On
peut
supposerqu’ils
sontaptes
à reféconder dès le début de leur stade adulte des Varroa femellesdéjà
fécondées(une
observation au stade « pupe à oeil blanc » en a été faite sur un Varroa femelledéjà
enponte).
On remarque de
plus
que les Varroa mâles adultes sonttoujours
ennombre très faible.
. Les Varroa femelles
atteignent
le stadedeutéronymphe
sur unepériode
de
temps plus variable,
dont le minimum àpartir
de laponte
de l’oeuf semble être de 3jours.
D’autrepart,
ce stade est atteint d’autantplus rapidement
que les conditionsclimatiques
sontplus
favorables. IFANTIDIS(1983) observe,
dansle nord de la
Grèce,
que le stadedeutéronymphe
est atteintaprès 4,1 jours
àla date de la
ponte.
Il
n’y
a pas, àl’inverse,
de transformation desdeutéronymphes
enfemelles adultes : il est vraisemblable que la brève durée de
nymphose
del’abeille
ouvrière,
en liaison avec une alimentation larvaire limitée par les faibles ressources mellifères locales en automne, en soitresponsable.
En
définitive,
ilapparaît
que l’infestation du couvainpeut
êtrelargement
favorisée par un climat chaud dans la mesure où la
première phase
dudéveloppement
larvaire duparasite
est raccourcie. Si le passage à l’état adulte desdeutéronymphes dépend
de la durée et de laqualité
de leuralimentation,
la
présence fréquente,
en zoneméditerranéenne,
de couvain mâle en automne et lapoursuite
de laponte
enhiver,
aggrave l’infestation et contribue à lapropagation
de laparasitose.
Nous avons
ainsi, peut-être,
uneexplication
raisonnable à la «préfé-
rence » que manifestent les Varroa femelles envers le couvain mâle d’abeille :
- les larves sont
plus
massives etpermettent
une meilleure alimentation duparasite
femelle avantqu’il
neponde.
De même la descendance a à sadisposition
unegrande
réservealimentaire ;
- de
plus,
letemps
denymphose
du mâle d’abeille estsupérieur
d’environ3
jours
à celui de l’ouvrière etpermet
ainsi auxdeutéronymphes
depouvoir
atteindre
plus
sûrement le stade adulte.Reçu pour publication en avril 1986.
Accepté pour publication en septembre 1986.
ZUSAMMENFASSUNG
UNTERSUCHUNG DER LARVENENTWICKLUNG VON VARROA JACOBSONl
Zur Untersuchung der Entwicklungsstadien von Varroa jacobsoni wurden der Inhalt verdeckelter Brutzellen direkt untersucht und alle angetroffenen Varroa-Formen systematisch ausgezählt.
Um einen Zusammenhang zwischen der Entwicklung des Parasiten und der Biene festzustellen, haben wir bei letzterer vier Stadien mit bekannter Entwicklungszeit unterschieden.
Wir haben gefolgert und bestätigt, daß der weibliche begattete Parasit nur nach einer Periode intensiver Ernährung in der Lage war, Eier abzulegen. Die Eiablage konnte sich dann während der gesamten Verdeckelungsdauer fortsetzen, aber sie war zu Beginn des Nymphenstadiums der Biene am
höchsten.
Ferner konnten wir festgestellen, daß die immer nur in sehr geringer Zahl vorhandenen Männchen einen sehr kurzen Entwicklungszyklus von nur etwa drei Tagen hatten.
Die Larvenentwicklung der weiblichen Varroa erschien bis zum Stadium der Deutonymphe sehr rasch, aber es zeigte sich, daß zur Beobachtungszeit (Herbst) im allgemeinen keine Weiterentwicklung
zum Stadium der erwachsenen Milbe erfolgte. Die Ursache dazu könnte in der kurzen Dauer der
Nymphose der Biene und der damit verbundenen unzureichenden Ernährung der Deutonymphen liegen.
Damit wäre auch der bevorzugte Befall der Drohnenbrut durch den Parasiten erklärt.
Das mediterrane Klima mit seinen erhöhten Mittelwerten der Jahrestemperatur scheint die rapide Ausbreitung der Varroatose zu begünstigen.
SUMMARY
STUDY OF THE LARVAL DEVELOPMENT OF VARROA JACOBSONl
The study of the larval development of Varroa jacobsoni has been done by observing directly the
contents of sealed brood cells of bees and by systematicaly counting all the observed types.
In order to show the link between the development of the parasite and the honeybee, we have
considered the latter four stages for which the duration could be known.
We deducted or confirmed, the gravid female mite could only lay an egg after being intensely
nourished. Then oviposition could continue throughout the time of bee metamorphosis, but it is much
more important at the onset of bee pupation.
We observed that the males of Varroa, always very few in number, have a very short developmental period, about 3 days.
On the other hand, if the development of the female Varroa was rapid up to the dcuteronymph period, then it appeared that changing into the adult state did not occur during the observation period (autumn).
The reason for that might be the short metamorphosis of the worker bee and thcrcfore the more
united feeding abilities of deuteronymphs. This might explain why the mite would rather infest the drone brood.
The mediterranean climate, which has high averages of annual temperature, seems to favour a swift extension of the disease.
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