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La posture professionnelle : entre corps propre et corps sociaux

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Academic year: 2022

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32(3) | 2016

Numéro spécial - automne 2016

La posture professionnelle : entre corps propre et corps sociaux

Sylvain Starck

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/ripes/1124 DOI : 10.4000/ripes.1124

ISSN : 2076-8427 Éditeur

Association internationale de pédagogie universitaire Référence électronique

Sylvain Starck, « La posture professionnelle : entre corps propre et corps sociaux », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur [En ligne], 32(3) | 2016, mis en ligne le 20 décembre 2016, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ripes/1124 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ripes.1124

Ce document a été généré automatiquement le 10 décembre 2020.

Article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle.

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La posture professionnelle : entre corps propre et corps sociaux

Sylvain Starck

1. Introduction

1 Lorsque Mauss propose en 1936 d’explorer ce qu’il dénommera les techniques du corps (TC), c’est avec l’idée de mettre au jour ce qui constitue le plus souvent un point aveugle de nos cultures et de notre éducation. Il attire ainsi l’attention sur différentes performances physiques qui sont le lieu d’apprentissages minutieux, systématiques et le plus souvent informels de techniques du corps : nage, obstétrique, portage de l’enfant, techniques du repos, du sommeil ou de la reproduction. C’est en relevant les variations dans l’espace et dans le temps de ces techniques du corps que le sociologue met en évidence les dimensions inextricablement physiologiques, psychologiques et sociales de ces dernières. Mais comment comprendre le rôle du corps et de ses techniques dans l’espace professionnel lorsque les gestes, les performances physiques proprement dites ne semblent pas jouer un rôle fondamental dans l’exercice d’un métier, l’action principale étant avant tout d’ordre symbolique. Le secteur tertiaire regroupe un ensemble vaste d’activités professionnelles où le rôle du corps se trouve a priori minoré, notamment dans les fonctions administratives. C’est également le cas dans le développement de l’enseignement à distance, où les techniques du numérique semblent réduire celles du corps. Comment comprendre la place des techniques du corps dans de tels espaces socio-professionnels ?

2 Le sens commun semble prendre en charge cette question par le recours au concept de posture, en en faisant un attribut incontournable du professionnalisme en général. En effet, dans l’exercice d’un métier, ne pas savoir adopter une posture professionnelle relève d’une disqualification majeure. Le concept de posture est-il alors de nature à repenser la place du corps dans les situations professionnelles ? C’est cette potentialité du terme que nous mettons ici à l’épreuve en visant à formaliser ce « concept proche de l’expérience »1.

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3 Il s’agit donc, dans un premier temps, de mettre en évidence ce que recouvre ordinairement le terme de posture. Partant de l’idée que la posture implique un engagement spécifique du corps dans l’exercice professionnel, nous faisons l’hypothèse que celle-ci est le lieu d’une rencontre intime entre des sujets animés par le souci de bien faire leur travail, des attentes spécifiées par un ensemble de normes professionnelles et sociales antécédentes et des contraintes portées par la situation.

Pour comprendre les processus en jeu dans cette rencontre, et après une analyse critique des usages communs de l’idée de posture dans l’espace professionnel, nous proposons dans un premier temps une conceptualisation de la posture en sollicitant plusieurs champs théoriques empruntant à la philosophie, à la sociologie et aux courants d’analyse de l’activité. Ces premiers éléments théoriques seront alors resitués dans une perspective clinique de l’activité et du concept de métier. Dans un deuxième temps, nous mobilisons des données issues de recherches que nous avons menées antérieurement dans des contextes variés (premier et second degré d’enseignement, enseignement supérieur) dans le but d’esquisser une économie de la posture dans l’espace professionnel. Nous partons en effet du principe que toute posture est surdéterminée par son inscription dans un espace de jugement estimant la valeur de celle-ci, valeur rapportée à des dimensions physiologiques, psychologiques et sociales.

En cela, nous reprenons les catégorisations proposées par Mauss quant aux techniques du corps (1936). Il s’agit ainsi de rendre visible, à partir de mises en mots de l’activité réalisées par des professionnels, des étudiants rattachées aux universités du Nord-Pas de Calais, des élèves du second degré ou d’observations réalisées dans un espace scolaire, en quoi la posture participe d’un rapport aux situations, aux autres et à soi.

Dans une dernière partie, en interrogeant la capacité du scientifique de parler avec exactitude de la posture à partir de sa propre posture, nous proposons une analyse de la pratique scientifique dans son projet de construction de connaissances.

2. Les énigmes de la posture

4 Adopter une posture adéquate dans l’exercice professionnel pourrait être considéré comme un indicateur essentiel de la compétence professionnelle ou l’un de ses ingrédients fondamentaux. On trouve la trace de ces représentations dans de multiples espaces sociaux : une revue professionnelle en ligne dédiée aux cadres insiste sur l’adoption d’une posture du manager « basée sur des fondations solides, celles des valeurs » afin que celle-ci soit « une force pour tout le monde2 » ; l’accompagnement comme forme neuve d’exercice professionnel dans le domaine de la formation demande d’adopter une posture spécifique (Paul, 2004) ; dans le référentiel de compétences d’un professeur des écoles, « agir en fonctionnaire de l’Etat demande de respecter dans sa pratique quotidienne les règles de déontologie liées à l’exercice du métier de professeur dans le cadre du service public d’éducation nationale : ponctualité, assiduité, posture ». 

Les préceptes du new public management desquels s’inspirent la nouvelle gestion publique en France (Bezes, 2009) ne visent-ils pas par ailleurs la constitution de nouvelles postures professionnelles plus responsables déplaçant les acteurs d’une logique de moyen vers une logique de résultats ? Adopter une posture

« professionnelle » dans l’exercice de ses activités serait finalement faire preuve de professionnalisme, toile de fond d’un agir compétent. L’usage fréquent du terme dans les espaces professionnels contraste toutefois avec les connaissances relativement réduites qui y sont associées. Peu théorisées en sciences de l’homme (Lameul, 2008), on

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en trouve cependant une conceptualisation propre au champ littéraire (Viala, 1993 ; Meizoz, 2007). Est-ce à dire que l’usage ordinaire de ce concept proche de l’expérience est suffisamment clair pour ne pas inviter à sa formalisation ?

5 Loin d’être totalement transparent, cet usage suscite quelques énigmes. Pour un même exercice professionnel, doit-on de préférence parler de posture au singulier ou au pluriel ? La posture se définit-elle par rapport à un métier, auquel cas elle peut se définir selon les caractéristiques génériques de celui-ci, ou selon des situations d’exercice, auquel cas il s’agit de comprendre de quelle façon il est possible de limiter la pluralité des postures en regard de la singularité des situations ? Nous l’avons vu précédemment, il semble exister une unanimité quant à la pertinence de parler de posture dans le cadre d’un exercice professionnel. Si la posture apparaît comme une dimension pertinente pour le déploiement de l’action dans des situations professionnelles, rien ne nous permet de dire si elle l’est dans toute situation professionnelle ? Y a-t-il des limites à l’adoption d’une posture dans l’espace professionnel ? Est-il envisageable de travailler sans adopter une posture professionnelle ? Dans l’affirmative, quelle est alors l’alternative à la notion de posture ? L’adoption d’une posture professionnelle peut-elle apparaître aux acteurs engagés dans l’activité comme une « imposture », ce que l’usage courant du terme dans un sens péjoratif autorise (Viala, 1993) ? Cette « imposture » serait-elle d’ailleurs visible pour tous les acteurs ? Dernier point problématique que nous aimerions soulever, dans le prolongement des travaux de Lameul (2008) : on perçoit intuitivement la proximité entre les termes de postures, attitude, disposition, hexis, habitus. Quelle spécificité recouvre la notion de posture qui nécessiterait de recourir à cette dernière, indiquant sont rapport aux concepts proches ? Ces différentes questions demandent donc de clarifier la notion de posture si l’on veut pouvoir en maîtriser l’usage dans les espaces professionnels ou de formation. Dans cet article, il ne s’agira pas de répondre à l’ensemble des questions posées qui demanderaient des développements trop nombreux et pour lesquelles nous sommes probablement encore insuffisamment armés. Nous pensons toutefois que les réflexions engagées ici seront de nature à participer à leur prise en charge ultérieure.

3. Vers une conceptualisation de la posture

6 En préalable à notre travail de conceptualisation, nous discutons la proposition suivante de Lameul (2008) : « une posture est la manifestation (physique ou symbolique) d’un état mental. Façonnée par nos croyances et orientée par nos intentions, elle exerce une influence directrice et dynamique sur nos actions, leur donnant sens et justification » (p. 89). Une telle définition a le mérite de préciser ce qu’est une posture – une manifestation – et de l’articuler à deux focales : ce qui sous- tend la posture - à savoir un état mental lié aux croyances et intentions des individus – s’agence avec sa fonctionnalité – diriger et soutenir en partie nos activités. Pour prolonger ces réflexions, nous privilégions une analyse de la posture comme manifestation : que manifeste exactement la posture ? Qu’est-ce qui se manifeste avec elle ? En la rapprochant des techniques du corps, comment concevoir les dimensions proprement corporelles de cette manifestation ? Quelle compréhension du corps peut soutenir notre conceptualisation de la posture ? Deux moments soutiennent notre

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réflexion : comprendre la posture comme forme et technique d’expression, préciser le concept de corps associé à l’idée de posture.

7 Lorsque Foucault (1975) analyse le « moment de la discipline », c’est en abordant la question de la posture qu’il entame son propos : « Seconde moitié du XVIIIe siècle : le soldat est devenu quelque chose qui se fabrique ; d'une pâte informe, d'un corps inapte, on a fait la machine dont on a besoin ; on a redressé peu à peu les postures ; lentement une contrainte calculée parcourt chaque partie du corps, s'en rend maître, plie l'ensemble, le rend perpétuellement disponible, et se prolonge, en silence, dans l'automatisme des habitudes ; bref, on a “chassé le paysan” et on lui a donné l’“air du soldat” » (p. 137). Le travail sur la posture est ici un travail socialisé du corps, qui dans un même mouvement façonne l’activité de celui-ci et donne à voir une nouvelle image non seulement d’un individu, mais d’un ensemble d’individus.

8 Du point de vue des individus, comme l’indique Foucault (1975), « [l]e moment historique des disciplines, c'est le moment où naît un art du corps humain, qui ne vise pas seulement la croissance de ses habiletés, ni non plus l'alourdissement de sa sujétion, mais la formation d'un rapport qui dans le même mécanisme le rend d'autant plus obéissant qu'il est plus utile, et inversement » (p. 139). Le travail sur la posture répond d’une économie du pouvoir : elle développe certaines aptitudes, capacités dans les corps en minimisant d’autres puissances qui pourraient en résulter, dans ce que Foucault qualifie d’un « rapport de sujétion stricte » (Foucault, 1975, p. 140). Les théories de l’activité qui mettent en évidence la capacité des sujets d’invariablement reconfigurer les tâches professionnelles même les plus finement prescrites (Clot, 1999) peuvent ici tempérer cette qualification du moment de la discipline dont on pourrait dire qu’il vise un rapport de sujétion stricte, un donné à voir conforme aux attentes institutionnelles du moment.

9 Du point de vue d’un ensemble d’individus, la question de la posture rejoint celle des tableaux. « La première des grandes opérations de la discipline, c'est donc la constitution de ‘tableaux vivants’ qui transforment les multitudes confuses, inutiles ou dangereuses, en multiplicités ordonnées » (Foucault, 1975, p. 150). Prendre ou non une posture, c’est donc s’inscrire visiblement dans un ordonnancement, c’est se donner à voir et être vu en regard de cet ordonnancement. En cela, la posture est de l’ordre d’une expression d’un individu dans un champ social, répondant « d’une mise en scène de soi » au sens où peut l’entendre Goffman (1959/1973) à condition de rapporter cette mise en scène de soi à ses conditions de possibilité tracées par le champ social dans lequel elle s’inscrit. Une alternative à la posture transiterait alors par une prise de distance avec le rôle professionnel.

10 La question de la posture ne peut ainsi se penser que dans le cadre d’un espace socialisé, c’est-à-dire normalisé, et d’un attachement à un groupe ou corps professionnel. L’attachement à un corps social, à un collectif institutionnalisé, autorise à tout corps singulier de bénéficier des effets de la multitude ainsi organisée, de sa puissance tout en donnant consistance au collectif. Exprimer une posture, c’est indistinctement engager une institution, être engagé dans une institution, modifier l’expérience du corps singulier dans/par celle du corps social vis-à-vis duquel on marque son affiliation. Toutefois, dans le même temps, cet attachement dessine un rapport de sujétion. La question de la posture professionnelle constitue ainsi un lieu de tension irréductible entre agir singulier et agir institutionnalisé.

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11 Du point de vue de l’activité, la posture professionnelle peut s’entendre comme située au croisement des quatre dimensions du métier telles qu’énoncées par Clot (2007) : « un métier est une discordance créatrice – ou destructrice – entre les quatre instances en conflit d’une architecture foncièrement sociale. Le métier au sens où nous l’entendons est finalement à la fois irréductiblement personnel, interpersonnel [comme action adressée à soi et aux autres], transpersonnel [porteur d’une histoire collective ayant façonné le métier] et impersonnel [inscrit dans des prescriptions qui anticipent l’action professionnelle au-delà des singularités des individus et des situations] » (p. 86). La manière dont les acteurs investissent une posture professionnelle témoigne ainsi de leur rapport au métier et de la façon dont ils parviennent ou non à entretenir « la passion de s’emparer de l’objectivité du réel pour faire reculer les limites du métier lui- même » (Clot, 2007, p. 85).

12 Cette tension entre les quatre dimensions du métier est d’autant plus vive qu’elle se déploie au plus près de l’individu, dans et par son corps même. Il s’agit en effet, pour chaque individu, de disposer son corps, en regard d’attendus institutionnalisés.

Comment comprendre le corps ainsi engagé dans une dynamique de la posture ? Nous proposons de l’entendre, dans une perspective phénoménologique, comme « une perspective unitaire du sujet avec lui-même, du corps avec le je, avec les corps perçus des choses du monde. Il est le point de relation permanent auxquels tous les espaces apparaissent » (André, Bénavides & Canchy Giromini, 2004, reprenant les travaux de Husserl & Merleau-Ponty). Il faut alors parler de corps-propre. Être sentant, se sentant sentir – « le corps propre c’est ce que l’on sent du dedans » (Ibid., p. 31) - qui opère le passage du perceptif au cognitif. A l’instar du corps-propre, la posture est une manière de se projeter et d’exister dans un monde, expression plus ou moins visible d’un rapport à soi, aux autres et aux situations. Se situant au croisement de manières de percevoir et d’agir, elle engage l’individu dans son rapport le plus intime au vivre.

13 Arrivés à ce point de notre réflexion, il est maintenant possible de préciser nos deux questions initiales : que manifeste la posture ? Qu’est-ce qui se manifeste avec elle ? A l’image du corps propre qui permet, en tant que perspective unitaire, d’« enraciner l’espace dans l’existence » (Merleau-Ponty, 1945, p. 173), la posture vise à fonder une perspective unitaire intégrant les multiples dimensions de l’activité qu’elle tente, en pratique, de rendre cohérents. Les effets d’un tel travail d’intégration constituent aussi un point d’appui pour déployer l’agir professionnel. La mise en cohérence recherchée peut ainsi être comprise comme participant à la construction d’une assise professionnelle.

14 Trois dimensions gouvernent ainsi une dynamique de la posture :

elle est expression d’un sujet dans un espace de normes, d’attentes sociales et professionnelles ;

elle opère l’intégration des multiples dimensions de l’agir professionnel et lui confère une certaine cohérence ;

dans ses effets, elle participe d’une assise professionnelle.

15 Ces réflexions, si elles précisent la nature de la posture, laisse dans l’ombre une question centrale : si la posture est l’expression d’un travail d’intégration, rien n’indique par quelle forme de travail ou de pensée cette intégration est réalisée. Nous reviendrons sur ce point dans la dernière partie lorsque nous questionnons la posture scientifique.

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4. Des terrains pluriels de recherche

16 Les analyses qui suivent mettent cette conceptualisation de la posture à l’épreuve de données de terrain issues de recherches réalisées dans différents contextes éducatifs et formatifs. Signalons que les corpus de données mobilisés ici qui n’ont pas été constitués dans cette optique, mais se trouvent réinterrogés à partir de notre problématisation et conceptualisation de la posture. Cette nouvelle exploration des trois corpus, visant à restituer une économie de la posture, est rendue possible du fait qu’ils privilégient une mise en mot de l’activité professionnelle donnant en partie accès à ses dimensions concrètes, symboliques et affectives (voir ci-dessous). Il s’agit de tirer profit des spécificités de chacun de ces contextes professionnels pour comprendre les dynamiques de la posture – et donc leur économie - au cours de l’exercice professionnel.

17 Le premier corpus qui sera le plus sollicité concerne une enquête menée auprès d’une douzaine d’enseignants et autant d’inspecteurs, aux anciennetés diverses dans le métier, exerçant dans le premier degré. Il est constitué d’entretiens semi-directifs menés auprès de ces deux publics enrichis par une trentaine de textes rédigés par cinq inspecteurs sur leur l’activité professionnelle3. Cette recherche explore un contexte professionnel largement institutionnalisé.

18 Le deuxième corpus concerne des enseignants et des élèves du second degré qui sont engagés dans la construction d’une mini-entreprise. Il s’agit d’un dispositif relativement neuf dans l’espace scolaire qui vise le développement de l’esprit d’entreprendre des élèves. Les données sont constituées d’entretiens menés auprès d’une douzaine d’enseignants et de quatre groupes allant de trois à six élèves tous engagés dans une mini-entreprise, mais aussi d’observations réalisées durant une année dans une mini-entreprise située au sein d’un collège. L’originalité de ce dispositif réside dans les perturbations qu’il opère de la forme scolaire en interrogeant des postures en partie contrariées dans les activités mises en œuvre.

19 Le troisième corpus mobilisé ici concerne des Hubhouses, structures rattachées aux universités du Nord-Pas de Calais assurant notamment le pré-accompagnement d’étudiants porteurs de projet. A une série d’entretiens menés auprès de 6 chefs de projets et de 6 étudiants engagés dans la construction de leur entreprise ou activité s’ajoute la rédaction de textes sur l’activité réalisés, en présentiel cette fois, dans des ateliers d’écriture réunissant quatre chargés de projet. La question de la posture professionnelle se trouve ici interrogée dans un contexte encore peu institutionnalisé ou que l’on peut considérer comme en voie d’institutionnalisation.

20 Les entretiens sont à chaque fois de type semi-directif et visent notamment à mettre en évidence le parcours des personnes sollicitées, des situations professionnelles récentes ou ayant été le théâtre d’épreuves ainsi que des réflexions plus en surplomb sur leur activité en général. Les dispositifs d’écriture sur l’activité professionnelle, à distance ou en présentiel, se réalise au sein d’un groupe de personnes partageant ici la même activité et vise la mise en mots de cette dernière en s’appuyant sur les ressources d’une médiation scripturale (Champy-Remoussenard & Starck, 2011 ; Champy-Remoussenard

& Lemius, 2006). Le passage à l’écriture est facilité par l’usage de déclencheurs du type :

« normalement j’aurais dû… » ou « Tout se passait bien jusqu’au moment où… » avec obligation d’associer ce déclencheur à une ou des situations vécues, afin d’assurer l’ancrage du propos.

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5. Une économie de la posture

21 Les différents corpus à notre disposition sont exploités selon deux stratégies successives.

22 Nous isolons dans un premier temps les segments exposant une activité perturbée et où la posture des acteurs se trouve mise à l’épreuve des situations professionnelles. Les épreuves sont retenues dans nos analyses si elles engagent un questionnement le plus souvent implicite de la posture. A titre d’exemple, les questions liées à certains des segments retenus peuvent s’énoncer comme suit : quelle prise de position faut-il adopter dans cette situation ? Quelle posture adopter de manière générale dans l’exercice du métier ? Que faire lorsque je me sens en écart de la posture que j’adopte pourtant ou qu’il me faudrait adopter ? Comment ne plus recourir à une posture ancienne qui ne correspond plus à mon activité actuelle ? Puis-je abandonner une posture traditionnelle qui semble avoir fait ses preuves ? Excepté les observations réalisées lors de la recherche sur les mini-entreprises, les éléments de corpus correspondent à des mises en mots de l’activité. Il s’agit donc le plus souvent d’analyser une mise à l’épreuve de la posture du seul point de vue des acteurs eux-mêmes. Dans le cas des mini-entreprises, les mises en mots sont croisées aux données issues des observations réalisées dans une démarche ethnographique.

23 Il s’agit dans un second temps, à partir de ce corpus réduit, de suivre les acteurs dans leur engagement professionnel en étant attentif à la manière dont ils se rapportent aux situations, aux autres et à eux-mêmes. Ce sont ces trois dimensions qui font l’objet des analyses qui suivent. Elles tentent de rendre raison des trois dimensions des TC – physiologique, psychologique et sociale – identifiées par Marcel Mauss. Pour les besoins du propos, chaque analyse met l’accent sur l’une de ces dimensions. Rappelons que dans les faits, elles se trouvent toujours étroitement liées, la posture opérant dans l’activité une intégration permanente de ces trois dimensions. En cela, l’approche analytique propre au travail scientifique qui procède par catégorisation rencontre une limite difficilement surmontable pour rendre compte des réalités sociales. C’est dans ces limites qu’il faut resituer le modèle d’intelligibilité (Crahay, 2002) proposé ici.

24 Précisons auparavant le choix de situer la question de la posture dans une économie.

Comme l’indique Mauss (1936), les TC doivent répondre d’un « acte traditionnel efficace » relativement aux trois dimensions identifiées précédemment. Ainsi, les TC sont-elles évaluées concrètement (dimension physique où la valeur des TC sont jugées à l’aune de leur performance matérielle), symboliquement (dimension sociologique et culturelle où les TC sont vectrices de significations dans un marché symbolique constitué par la « tradition ») et affectivement (dimension psychologique où le sujet estime en propre la valeur des techniques mises en œuvre par ce corps singulier qui le constitue tout en autorisant sa mise à distance relative). Aussi, les dynamiques de la posture peuvent se concevoir à partir de ce qu’elles valent conjointement pour la réalisation de l’action, pour les autres et pour soi.

5.1. Etre en situation

25 Restituer le rapport qu’entretiennent les professionnels avec les situations demande d’en considérer les dimensions proprement corporelles. Travailler constitue un

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véritable corps à corps d’un sujet engagé dans une transformation du monde. Quels liens s’opèrent entre posture et situation ? Pour y répondre, nous privilégions les moments professionnels où la situation professionnelle se trouve perturbée.

26 L’un des textes rédigés par Hannibal4 (Inspecteur de l’éducation nationale [IEN] faisant fonction) permet de mettre en évidence le processus conjoint de construction de soi et de la situation qui se trouve au cœur de l’adoption d’une posture. Courant janvier, il est alerté sur le cas d’une école occupée par des parents d’élèves inquiets du comportement d’un élève : les termes utilisés au début du texte (« envahissement »,

« grand trouble », « perturbateur », « exactions ») traduisent une situation confuse et conflictuelle qui s’impose à ce jeune IEN non titulaire. La précipitation qui suit (« je décidai de me rendre immédiatement sur place », « Au mépris de toutes les règles du code de la route », il « appelle aussitôt » son « tuteur virtuel », un IEN ancien dans la fonction) traduit une confusion qui l’affecte intérieurement qui le fait s’interroger sur sa capacité d’action. La suite du texte révèle une fine intrication entre reconstruction de la situation et adoption d’une posture professionnelle.

27 « Ses conseils, teintés de bon sens mais toujours cadrés par les contraintes institutionnelles, me permirent d’ordonner les réponses (…). A mieux y réfléchir, (…), les pistes proposées n’allaient pas au-delà de ce que la réglementation nous autorise ; mais la rapidité et la clarté de son propos m’avaient “rassuré” et conforté dans mes attitudes pour affronter l’hostilité “institutionnelle » de mes interlocuteurs.

Mettre en préalable le retour à la normale de l’accueil des élèves (plus d’occupation des locaux)

Convier à une réunion les représentants des parents et les responsables municipaux

Rappeler les obligations en termes de respect des personnes et de la scolarisation de tout élève

Organiser le parcours adapté de l’élève

Effectuer les signalements nécessaires pour traiter la situation dans la durée.

28 L’aide apportée par ce collègue se situait donc plus dans la confortation et la légitimation de mon positionnement que dans la solution “miracle”. Il me permettait cependant d’entr’apercevoir un incontournable de la fonction : “Représenter l’institution avec prise de la distance nécessaire et mise en évidence de l’intérêt général dans le respect des grands principes de la République”. »

29 Comme l’indique Hannibal, l’efficacité de son action réside dans l’adoption d’une posture experte déjà éprouvée par son tuteur. Elle procède d’une reconstruction de la situation qu’Hannibal va imposer aux acteurs, reconstruction qui forge dans le même temps son propre positionnement. Cette reconfiguration s’opère par un système de dispositions (associés aux termes « réglementation », « obligations » et « respect ») et de dispositifs (réunion, signalement, parcours) qui sont autant d’espaces traditionnel de projection pour l’ensemble des acteurs, dont Hannibal lui-même. Dans cet épisode professionnel, il s’agit de « re-disposer » les acteurs selon des rôles et un système de valeurs convenus. Cette activité s’accompagne conjointement d’un refroidissement des affects - qui se trouvent implicitement dévalorisés : à l’effervescence de la première situation succède la rationalité institutionnelle des dispositifs. Incarner aux yeux de tous l’institution, c’est donc pour cet IEN se disposer soi-même (passer ici de la précipitation confuse à une sensation d’ordre impersonnel) mais aussi disposer les autres acteurs dans un asservissement de la situation (« le retour à la normale »,

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l’engagement de multiples dispositifs) et des affects. En cela le travail de la posture traduit ici une mise en cohérence de la situation et des différents protagonistes qui y sont impliqués selon un système de valeurs ordinaire.

30 Toutefois, cet asservissement de la situation et des affects par l’adoption de postures réciproques se trouve parfois empêché.

31 C’est le cas pour les enseignants et les élèves engagés dans une mini-entreprise que nous avons pu observer au cours de leurs activités. Dans le cadre de ce dispositif, ceux- ci sont confrontés à des situations qui perturbent les rôles habituellement assignés. En effet, comme le précisent les enseignants, reprenant en cela les attendus pédagogiques de la mini-entreprise, un tel dispositif a pour vocation d’encourager la prise d’initiative et l’esprit d’entreprendre des élèves. Or, nos observations et les entretiens réalisés avec les différents acteurs montrent la difficulté de rendre effectifs ces espaces de prises d’initiative pour les élèves. Cela se traduit notamment par la place des corps dans l’espace de la salle de classe qui héberge la mini-entreprise. Au début de la séance, élèves et enseignants5 occupent les places habituelles : les uns assis à leur table, les autres installés à leur bureau ou face à la classe. Au début de chaque séance, les enseignants rappellent les étapes précédentes et les objectifs du jour à réaliser. Lorsque des propositions sont émises par les élèves, les enseignants vérifient leur conformité avec le cadre scolaire. Les mini-entrepreneurs restent quant à eux très sensibles aux jugements de leurs enseignants qu’ils critiquent parfois, mais de manière mesurée.

L’écart qui existe entre les objectifs et l’ambition du projet auquel chacun adhère explicitement et le « pli » scolaire qui bien souvent s’impose dans les faits traduit, selon nous, la difficulté à se mettre à distance d’une forme scolaire à laquelle les différents protagonistes sont largement acculturés. S’inscrire quotidiennement dans cette forme scolaire engage un travail de corporéisation qu’il faut entendre comme « l’unification que l’on ressent lorsque l’on transforme la perception en mode d’action » (André et al., 2004). C’est ce qu’illustrent les propos de l’un des enseignants lorsqu’il repense à sa première expérience de ME : « Tant qu’on était dans l’enceinte de l’établissement, [les élèves] sont restés dans ce monde : “le professeur dit, je fais”. » Perception et mode d’action obéissent à un « pli » qui résiste à la prise de conscience à laquelle invite en partie la structuration du dispositif. La posture, intégration quotidienne d’un apprentissage par corps des rôles dans l’espace scolaire, assure ainsi une certaine inertie face aux changements visés et opérés par cette nouvelle situation éducative.

Enseignants et élèves doivent envisager l’adoption d’une nouvelle posture qui reste cependant problématique. La modification du schéma corporel, entendue comme mémoire posturale qui intègre le résultat des multiples interactions du sujet avec l’environnement socio-culturel (Andrieu, 2007), ne peut ainsi s’envisager que sur le temps long nécessaire à la réalisation de multiples expériences. Chacune d’entre elles est l’occasion de mettre à l’épreuve des manières neuves de se rapporter aux nouvelles situations et de retenir dans le corps singulier – et, à terme, dans le corps professionnel - des configurations posturales plus pertinentes. Ces premières analyses demandent de distinguer deux conceptions de la posture :

une première conception de la posture rend compte d’une réalité plus stable qui fait suite aux nombreuses expériences menées dans une pluralité de situations. L’exercice partagé du métier dans un collectif professionnel permet de retenir les postures pertinentes pour faire face aux nouvelles situations et de s’inscrire dans une culture professionnelle. La tradition, portée par les corps réels et symboliques, montre toute son efficacité. C’est le cas de la

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posture évoquée par Hannibal dans l’extrait précédent. Nous proposons de parler alors de

« posture de métier ».

une seconde conception, éminemment plastique, qui s’inscrit dans un processus d’essais/

erreurs où chaque acteur teste de nouvelles manières de se rapporter aux situations, en interrogeant la « tradition ». Chaque séance de travail de la mini-entreprise a ainsi été l’occasion d’expérimenter des postures nouvelles sans pour autant arriver à se démarquer durablement du pli scolaire. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’évitement de tout enseignement formalisé ou de la place réduite réservée à l’écrit. Cette instabilité des postures expérimentées se retrouve dans les résultats issus d’un questionnaire renseigné par la moitié des enseignants engagés dans une mini-entreprise en 2013-2014 dans la région Nord-Pas de Calais. Pour 68 % des répondants au questionnaire, la mini-entreprise est un dispositif pour enseigner autrement. Pour près d’un quart des enseignants, celle-ci ne doit plus être considérée comme un enseignement à proprement parler. Ils perçoivent leur travail comme très différent de leur action professionnelle ordinaire (Champy- Remoussenard, Starck, Zaid, Deville & Ait M’Bark, 2014). Il n’existe pas d’accord entre les enseignants pour qualifier leur positionnement dans le dispositif. Les postures adoptées restent disséminées tant qu’elles ne sont pas diffuées, affinées, socialisées, partagées au sein d’un collectif. Dans ce cas, nous proposons de parler de « posture de situation ». Celle-ci témoigne de la volonté d’instaurer et d’inscrire les activités professionnelles dans un nouveau système de valeur. Postures de métier et posture de situation entretiennent ainsi des rapports dialectiques qui constituent la vie de la posture.

32 Pour finir, il faut souligner le rôle que tient l’environnement matériel relativement à l’adoption d’une posture. Plus qu’un simple décor, il favorise ou limite le développement de certaines d’entre elles. Dans le cadre de la mini-entreprise, lorsque les séances ont lieu dans un contexte similaire à un espace scolaire, les objets, les places, la temporalité, l’esthétique rappellent de manière permanente un certain maintien de soi et des autres lié à la forme scolaire. Hors de ce cadre scolaire, les postures sont moins fortement inféodées aux rôles convenus : les enseignants semblent chercher leurs marques, les élèves s’expriment dans une spontanéité qui contraste avec leur attitude scolaire plus mesurée. Comprendre l’usage de la posture demande ainsi, comme l’indique déjà Lameul (2008), de considérer l’environnement sociotechnique dans lequel elle prend forme.

5.2. Posture et reconnaissance

33 Si la posture nécessite un réglage par rapport à la situation, elle demande d’identifier et d’incorporer une manière de se rapporter aux différents acteurs présents dans l’exercice professionnel. Béatrice, jeune IEN qui vient d’être titularisée se souvient de ses premières rencontres professionnelles avec des élus ou des enseignants. Elle constate l’écart qui existe dans les faits entre sa position statutaire précédente de faisant fonction et celle de titulaire : « j’ai l’impression que j’ai changé très lentement dans ce que je suis, mais par contre j’ai été impressionnée par le changement de regard de l’autre. Et je pense que c’est cela qui nous fait effectivement changer (rires) de posture (…) je devenais madame l’inspectrice, le regard des politiques, la carte scolaire, complètement changé. Plus le représentant de, mais je devenais quelqu’un d’institutionnellement installé, avec ses pouvoirs. ». Dans cet extrait, Béatrice prend conscience du rôle que jouent les acteurs qu’elle côtoie et qui, dans leur propre posture faite de respect et d’écoute, de paroles retenues et d’attitude plus réservées, portent les

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dimensions instituées du statut de l’inspecteur titulaire et qu’ils vont littéralement lui imposer. C’est alors comme si son corps physique se réglait sur celui de ses partenaires professionnels. Deux points remarquables se dégagent de cet épisode professionnel : une extension de soi (Béatrice se découvre un nouveau corps professionnel au double sens du terme) et une extension de son pouvoir d’agir qui puise ses ressources dans les dispositions institutionnelles des partenaires et des situations professionnels. L’écart que relève Béatrice entre la perception intime qu’elle a d’elle-même et cette figure sociale qu’on lui renvoie marque le lieu d’un apprentissage « par corps » (Bourdieu, 1997) qui n’est pas « relation d’extériorité d’une conscience connaissante » (Bourdieu, 1997/2003, p. 206) mais « interactions avec l’environnement [qui] sont incorporées au point de modifier le schéma corporel en l’orientant selon les exigences socio- culturelles » (Andrieu, 2007). Ainsi, cet apprentissage est indistinctement celui du corps physique que celui du corps symbolique que figure le corps professionnel. Béatrice devient ainsi l’inspectrice attendue, à l’image d’Alain (IEN) qui fait le deuil d’une relation de proximité avec les enseignants suite aux remarques ou refus exprimés par ses supérieurs et les enseignants eux-mêmes. Les postures sont donc ici estimées à l’aune de leur valeur pour les autres et pour soi.

34 Nous retrouvons ces processus de reconnaissance chez les étudiants porteurs de projet au cours de leur accompagnement dans des incubateurs ou pré-incubateurs et qui affinent le rôle joué par l’environnement matériel.

35 Les objets matériels ne sont pas de simples médiateurs, mais opèrent comme des actants non humains (Latour, 2006) sur les porteurs de projet : lorsque Simon (jeune entrepreneur de 26 ans) avec son associé s’installent dans leur bureau (hébergé par un Hubhouse), ils ont le sentiment que leur projet dispose d’une « identité » ; c’est un lieu

« où [ils] pouvaient travailler autant qu’[ils] le voulai[en]t », au contact de « plusieurs entreprises ». Le lexique utilisé spontanément au cours de l’entretien rend compte de la reconnaissance apportée par cet environnement matériel, opérant comme un ensemble d’actants humains et non humains (Latour, 2006). En investissant ce bureau, ils sont identifiés et peuvent s’identifier comme des professionnels de l’entreprise. Pour Audrey (entrepreneure de 25 ans), le risque de travailler sur son projet entrepreneurial à son domicile réside dans le regard porté par les autres : « En fait, au mois de septembre j’ai commencé à travailler à domicile, chose qui est un peu impossible… enfin je n’arrive pas à travailler à domicile parce que… enfin tout le monde sait que je suis chez moi, (…) Enfin c’était logique, ils savaient que j’étais chez moi, les gens passent… enfin pour les gens quand on est chez soi, on ne travaille pas forcément en fait ». Audrey perçoit explicitement le poids de ces regards et des objets sur sa propre posture qu’un autre environnement matériel va contrecarrer : « Et travailler chez soi, on devient vite femme au foyer en fait. Enfin “femme au foyer”, si je peux dire, en faisant les lessives, le ménage, en repassant derrière tout le monde parce que tout le monde sait qu’on est à la maison, donc du coup… C’était une posture qui ne me plaisait pas du tout en fait. Et je pense que sans locaux [dans un Hubhouse], je n’aurais pas créé mon entreprise ». Cet environnement socio-technique qui constitue aussi « ces autres » auquel les individus se rapportent indique à chacun sa place, en l’y disposant.

36 Lorsque Simon et son associé quittent leur bureau pour rejoindre un open space dans une ruche d’entreprises à l’architecture résolument moderne et soignée, là encore les conditions matérielles vont directement peser sur les processus de reconnaissance. Le lieu multiplie les interactions avec les autres acteurs : il s’agit d’un espace qui oblige à

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échanger en permanence, invite à affiner son « pitch », à parler ouvertement avec assurance. Précisons que le « pitch » est un court discours associant présentation de soi et présentation de son projet que les partenaires de l’échange se doivent d’évaluer. L’

open space est ainsi un lieu pour se mettre plus systématiquement à l’épreuve du regard des autres, non seulement dans la présentation de soi et de son projet mais aussi dans l’exercice de son activité au quotidien. Ce lieu ouvert fonctionne comme un espace de contrôle et de reconnaissance réciproques façonnant les postures des entrepreneurs par un travail permanent de socialisation entre pairs. Mais ce lieu dans ce qu’il donne à voir, à sentir transforme le rapport du corps à son environnement, lui assurant un plus grand prestige.

37 Incorporer un métier opère une transformation profonde du sujet selon des orientations socio-culturelles, affectant les manières de se tenir face aux autres mais aussi les manières de se sentir soi-même et de se reconnaître. La partie suivante met l’accent sur les rapports qui s’établissent entre posture et reconnaissance de soi par soi.

5.3. La posture : une affaire intime

38 Nous l’avons vu précédemment, l’adoption d’une posture de métier autorise une extension du corps propre : elle est un « sortir de soi » (Clot, 2010) au plus près de soi.

L’incorporation d’une posture de métier figure un double apprentissage qui nécessite le temps de multiples expériences, au gré des situations rencontrées : incorporation d’un schéma corporel neuf et dans le même temps renoncement à d’autres postures potentielles. Béatrice (IEN) le souligne dans son entretien : « on est investi de ce rôle institutionnel fort (…) avec ce que je peux dire, ce que je ne peux pas dire, avec ce que je dis… ce n’est pas moi, personnellement, mais c’est moi l’IEN (…) Alors ça, ça s’apprend progressivement comme ça ». Le travail intime de la posture professionnelle exige, ici, de distinguer dimensions personnelles et transpersonnelles portées par le métier et le cadre institutionnel et organisationnel. Les propos de Béatrice sont la trace, selon nous, du travail d’appropriation de son nouveau statut et des attendus de l’exercice professionnel dans la fonction publique. Les statuts de cette dernière mettent explicitement en avant une obligation de désintéressement, une obligation d’exclusivité du (temps de) travail, une obligation de moralité qui contraint le fonctionnaire à adopter des attitudes et des comportements discrets, sobres et mesurés et à exposer une tenue et une prestance qui fait la démonstration de la solennité de leur fonction (Koubi, 1995). Loin de prôner une distinction entre la personne (dimension privée) et l’agent (dimension publique), les statuts de la fonction publique tendent au contraire à façonner les identités en influençant les « conduites et attitudes personnelles dans le service comme dans la vie privée » (Ibid., p. 235). Il revient au fonctionnaire de représenter l’intérêt général dans une incarnation toujours singulière de sa personne. Il est donc attendu de lui qu’il taise ses « impressions et émois en vertu du principe de neutralité en vigueur dans le mode de fonctionnement des services administratifs » (Ibid., p. 240).

39 Cette mise en suspens de ce que Béatrice dénomme les dimensions personnelles reste cependant problématique : ainsi lorsqu’elle doit faire appliquer les nouvelles directives ministérielles sur la lecture6 elle se range à l’avis général du conseil d’IEN même s’il contrevient à ses convictions. Or, en tant qu’activité empêchée, ce renoncement continuera de peser sur l’activité et sur la posture publiquement adoptée. La posture

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adoptée s’apparente à l’appropriation d’un « corps étranger ». Dans un de ses textes, Béatrice interroge cette dimension du métier et l’implication des renoncements qui semblent inévitables bien qu’emprunts de violence : « Doit-on renier ce que l’on est pour revêtir le costume de l’IEN, au risque de sombrer dans la schizophrénie ? Serait-ce un métier nécessitant un travail sur soi, en profondeur, avant de l’investir ? ». Solange (IEN) confrontée à la nécessité d’animer des conférences pédagogiques soutenant cette directive où elle ne se reconnaît pas trouve un stratagème : elle recourt au CD-Rom fourni par le ministère pour « laisser les enseignants débattre entre eux ». Solange évite ainsi, par l’adoption d’une posture en retrait, de mettre ces discours dans sa bouche et préserve son intimité.

40 Dans d’autres cas, travailler sa posture revient à accepter/assister à une transformation intime qui s’opère dans le temps long. Les propos des personnes interviewées opèrent en effet un constat après-coup d’un processus diffus de transformation dont il est difficile d’identifier l’origine, le déroulement ou la fin. Ils semblent ainsi en partie spectateur d’un processus qui les travaille à cœur. En cela, ils ont le sentiment de devenir en partie un autre. Ainsi, Simon (entrepreneur) dit avoir appris dans son parcours entrepreneurial à « mentir » ou à « faire de la langue de bois », attitude qu’il fait partager aux stagiaires qu’il accueille dans son entreprise et qu’il a l’impression de

« corrompre ». Mathieu, l’un des mini-entrepreneurs que nous avons rencontrés lors de nos observations, se voit bien diriger, après cette expérience de la mini-entreprise, une petite entreprise regroupant quelques salariés, ce qu’il n’avait jamais envisagé jusqu’alors. De manière générale, les étudiants porteurs de projet rencontrés lors de notre enquête avancent tous l’idée que l’accompagnement dont ils ont bénéficié leur a permis de se voir en créateur d’entreprise. Les épreuves traversées (moments de doutes, de mise en concurrence, de challenge, d’étapes à franchir dans le parcours de la création d’entreprise) ont été l’occasion de formes de reconnaissances extérieures qui engendrent un sentiment de légitimité et de confiance en soi. La reconnaissance devient alors intérieure et affecte la manière de percevoir sa propre valeur en situation marquant parfois une transformation ou un maintien de soi.

41 Les liens entre confiance en soi et posture dans l’activité apparaissent très clairement dans les propos de Simon (entrepreneur) : « on le voit pour les nouveaux qui arrivent dans l’incubateur : “tu fais quoi ?ˮ ; “ouais, moi je fais un petit projetˮ. Déjà, t’enlèves

“un petitˮ !, “Tu prépares un projetˮ, “moi j’ai une start-up et le but c’est çaˮ. “Ouais, nous, bah voilà, on fait ça, ce n’est pas l’idée du siècleˮ ; “Si ! c’est l’idée du siècle !ˮ. On est toujours en train de dénigrer son projet parce qu’on n’a pas assez de confiance ».

Adopter une posture demande ici d’avoir la conviction d’y adhérer au risque de ne pas apparaître véritablement à sa place.

42 Par leur posture, les individus établissent un rapport complexe à eux-mêmes. Ce rapport simultané aux situations, aux autres et à soi traduit une inévitable tension qu’il s’agit de rendre cohérent en pratique. Les enjeux de la fonction intégratrice de la posture se révèlent ici avec acuité : travail de la posture comme possibilité de s’expérimenter comme autre soi-même, mais au risque de ne plus parvenir à s’y reconnaître.

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6. La posture scientifique

43 Pour finir, il nous paraît important de mieux tracer les limites de cette entreprise de clarification de la posture en exerçant une « vigilance épistémologique », selon les termes de Bourdieu (2001, p. 174). Cette vigilance est rendue nécessaire par deux interrogations : en quoi la démarche scientifique procédant d’une pensée rationnelle est-elle à même de saisir des formes d’action qui semblent ne pas pouvoir s’y réduire ? La démarche scientifique en tant qu’elle se manifeste par un travail et a priori l’adoption d’une posture peut-elle mettre en évidence ce par quoi elle se réalise en partie ? C’est finalement la valeur du travail scientifique engagé ici et donc de son processus de construction de connaissances qui se trouve interrogée. Cette dernière partie s’inscrit ainsi dans une démarche de socioanalyse relevant un double défi : développer « une critique réflexive capable de lui assurer un degré supérieur de liberté à l’égard des contraintes et des nécessités sociales qui pèsent sur elle » (Bourdieu, 2001, p. 176) ainsi qu’une « critique (au sens de Kant) des conditions sociales de possibilité et des limites des formes de pensée » (Ibid., p. 176) qui organisent la production de savoirs.

44 Finalement, la posture scientifique mise en œuvre dans ce travail permet-elle de rendre compte de la manière dont les individus font l’expérience de la posture ? Concrètement, nous proposons d’ouvrir la discussion à partir de trois remarques qui figurent avant tout comme des propositions épistémologiques ouvertes au débat au vu de la complexité des questions qu’elles soulèvent.

45 Une première remarque s’impose : les deux réalités – compte-rendu d’une expérience de la posture et l’expérience dont il est rendu compte - ne sont pas exactement de même nature. A moins de considérer qu’une vision sémiologique du monde peut rendre entièrement raison de son épaisseur et sombrer dans « le biais du textisme qui constitue la réalité sociale comme texte » (Ibid., p. 59), il nous faut convenir que quelque chose du monde échappe par nature à l’univers du texte. Et pourtant, si nous retournons à notre réflexion sur la posture, nous constatons que le tissu textuel regarde vers autre chose que lui. Loin d’être selon nous une formalisation qui fait système dans un univers langagier clos, la mise en mots réalisée dans le travail scientifique ci-dessus, à l’image de bien d’autres en sciences humaines, fait implicitement appel chez le lecteur à sa propre expérience de la posture, et plus généralement à sa propre expérience du monde, tout comme les mises en mots des personnes rencontrées au cours de l’enquête ont interpellé au cours de la rencontre mais aussi lors de l’analyse des matériaux l’expérience propre du chercheur. La pratique scientifique parce qu’elle est une pratique est constituée des mêmes matériaux infra ou supra langagiers que les pratiques et expériences sociales dont le chercheur tente de rendre compte. C’est ce qui permet, selon nous, de comprendre ce propos de Bourdieu (Ibid.), « [i]l faut éviter de réduire les pratiques à l’idée qu’on en a lorsqu’on en a d’expériences que logique » (p. 81). Ainsi, comprendre scientifiquement les réalités sociales et en rendre compte demande d’associer pour le chercheur connaissances théoriques et bagage expérientiel.

Une telle conception du travail scientifique et donc de la production académique oblige alors à considérer la mise en jeu dans ceux-ci d’une dimension par nature non formalisable, accessible toutefois de manière oblique et implicite. L’écriture scientifique constitue une mise en mots qui ne rend pas exclusivement compte de manière formelle mais invite le scripteur et ses lecteurs à sentir l’objet pour en restituer toute son épaisseur. C’est ainsi par exemple que nous comprenons la forme et la force

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de l’écriture ethnographique. Théoriser demande alors, pour un chercheur, de savoir concilier un haut degré de formalisation et une capacité à maîtriser les implicites de tout discours référé au réel. Et donc finalement d’inclure dans son expérience du et dans le champ scientifique l’ensemble des expériences qui émaillent la globalité de son parcours. En plus d’être l’objet d’une déconstruction dans un processus de socioanalyse, le parcours du chercheur constitue, sous cet angle, une ressource pour accéder scientifiquement au réel.

46 Deuxième remarque : en quoi cette posture singulière sur la posture peut-elle prétendre être heuristique ? Nous l’avons vu, les acteurs sociaux n’ont pas attendu le chercheur pour produire des concepts proches des expériences au milieu desquelles ils se trouvent ordinairement plongés. En fonction des réflexions qui précèdent, la production scientifique des concepts n’est pas à entendre comme procédant d’une rupture radicale entre sens commun et mise en sens scientifique. Comme le souligne Clifford Geertz (1986/2012), concepts de sens commun et concepts scientifiques procèdent d’une différence de degré et non de nature. Toutefois, bien que la pensée scientifique ne puisse être, selon une telle perspective, réductible à un projet de formalisation, elle n’en est pas moins la forme sociale de pensée la mieux formalisée et, en cela, constitue un espace précieux de compréhension du monde.

47 Troisième remarque : accéder à une dynamique de la posture demande de pouvoir (se) représenter avec exactitude les mécanismes de pensée qui traversent la construction et la mise en œuvre d’une posture par le sujet. C’est d’ailleurs l’intention de ce texte. Nous l’avons vu précédemment, cette pensée procède par intégration. Or, la démarche scientifique – et ce texte n’y échappe pas - procède quant à elle de manière avant tout analytique. N’y a-t-il pas là, pour la posture scientifique, une limite ou en tout cas un obstacle épistémologique important ? Ce point de vue analytique de la pratique scientifique sur la pensée ordinaire n’est-il pas en effet toujours exposé au risque de maltraiter, de par cette différence dans les modes de pensée, voire disqualifier, de par les effets sociaux du champ scientifique, le sens commun (voir par exemple Bensaude- Vincent, 1999 ; Grignon & Passeron, 1989) ? A notre avis, réussir à s’expliquer avec cette difficulté demande de construire une posture scientifique répondant d’une triple vigilance :

méthodologique, en « suivant les acteurs » selon les recommandations de Latour (2006). Le chercheur est toujours exposé au risque de faire rentrer le terrain dans un cadre théorique qui semble a priori pertinent. S’en prémunir demande de procéder au préalable à une description précise des réalités enquêtées selon différents points de vue afin de restituer l’épaisseur de ces dernières et comprendre quel(s) cadre(s) théorique(s) s’accorde(nt) au terrain.

éthique, en considérant à sa juste valeur une pensée ordinaire dont la plasticité autorise le déploiement de la pensée humaine dans une pluralité tout à fait impressionnante de situations tout en réussissant le plus souvent à répondre de manière satisfaisante aux urgences pratiques qui se succèdent.

épistémologique, en considérant la puissance et les limites de la pratique et pensée scientifiques, toujours dépendantes de ses conditions sociales de réalisation. Ce que Bourdieu a largement mis en lumière dans nombre de ses travaux.

48 La construction du « métier de savant » (Bourdieu, 2002) et l’adoption d’une telle posture s’inscrit toutefois, parce qu’il s’agit d’une pratique, dans le temps long des

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apprentissages par corps qui seuls permettent l’intégration de ces trois vigilances dans le corps professionnel, à entendre ici dans son acception physique et sociale.

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NOTES

1. Nous empruntons la locution à Geertz (1986/2012) qui précise les liens entre concepts situés dans leur usage commun ou scientifique : « concept proche de l’expérience » et « concept éloigné de l’expérience » ne présentent pas de différences de nature mais plutôt de degré : ils visent à rendre intelligibles les mêmes réalités, mais selon des degrés de formalisation divers.

2. http://www.lettreducadre.fr/8801/trouvez-votre-posture-manageriale/#

3. Les textes ont été produits dans le cadre d’ateliers d’écriture réalisés à distance. Pour plus de précisions, voir Champy-Remoussenard et Starck (2011).

4. Les pseudonymes choisis par les inspecteurs lors de l’atelier d’écriture ont été conservés.

5. Ils sont trois à encadrer la mini-entreprise mais ne sont pas systématiquement présents à chaque séance.

6. Directive de 2006 sur la lecture portée par le ministre Gilles de Robien. Circulaire N° 2006-003 du 3-1-2006, NOR : MENB0600023C

RÉSUMÉS

Savoir adopter une posture professionnelle semble correspondre, dans les espaces de travail, à une attente sociale commune. Le sens commun associe en effet la posture dite professionnelle à l’idée d’un agir compétent. Or, interroger la posture dans l’espace professionnel pose de nombreuses énigmes. Ce texte propose de poursuivre une conceptualisation de celle-ci à partir de trois cadres théoriques : la clinique de l’activité, perspective phénoménologique et sociologie des champs. Nous proposons de la comprendre comme une manifestation du corps propre, située au croisement de manières de percevoir et d’agir socialement orientées, qui engage l’individu

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dans son rapport le plus intime au vivre. Par la suite, nous sollicitons des terrains de recherche pluriels afin d’analyser une économie de la posture. Il s’agit de comprendre selon quelles dynamiques cette dernière est mobilisée dans l’espace professionnel. Dans une dernière partie, et en guise d’ouverture, nous questionnons la posture scientifique, qui est ici posture sur la posture.

Adopt a professional posture at work seems to be a common social expectation today. So, it is common to think that working competently needs a professional posture. But, when we try to explore its nature or its construction, many questions appear. These reflexions aim to pursue the theorizing of the posture at work from three theoretical frameworks: phenomenology, clinic of activity and theory of social fields. We suggest to understand the posture as a manifestation of the own-body, at the junction of ways of perceiving and behaving socially oriented, which involves intimately the person. Next, we refer to three field researches to analyse the economy of the posture. Finally, we examine the scientific posture which is here a posture on the posture.

INDEX

Mots-clés : économie de la posture, posture de situation, posture de métier, technique du corps, posture scientifique

AUTEUR

SYLVAIN STARCK

Proféor-CIREL, université Lille sylvain.starck@univ-lille3.fr

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