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Pictogrammes « Grossesse » sur les conditionnements de médicaments : une intention louable, des conséquences incertaines – Académie nationale de médecine

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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COMMUNIQUÉ

Un communiqué exprime une prise de position officielle de l’Académie.

L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 6 février 2018, a adopté le texte de ce communiqué avec 68 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

Pictogrammes « Grossesse » sur les conditionne- ments de médicaments : une intention louable, des conséquences incertaines.

Élisabeth ELEFANT *, Laurent MANDELBROT *, avec la collaboration de Gilles BOUVENOT **

Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêts avec le sujet abordé.

Un décret complété par deux arrêtés impose aux titulaires d’autorisations de mise sur le marché (AMM) d’apposer un pictogramme spécifique sur le conditionnement extérieur des médicaments tératogènes ou fœtotoxiques.

Deux modèles sont prévus : un modèle « Médicament + Grossesse = Dan- ger ». À ne pas utiliser sauf en l’absence d’alternative thérapeutique » et un modèle « Médicament + Grossesse = Interdit » pour les médicaments « for- mellement contre-indiqués en cas de grossesse, même s’il n’existe pas d’alternative thérapeutique ».

L’Académie nationale de médecine considère que la mise en œuvre de cette mesure qui résulte de la juste nécessité de mieux alerter prescripteurs et patientes sur les médicaments dangereux en cours de grossesse, nécessite plus ample réflexion.

En effet, alors qu’une quinzaine seulement de substances sont connues comme tératogènes chez l’humain (en dehors des antimitotiques) et une quarantaine comme fœtotoxiques, 60 à 70 % des spécialités pharmaceutiques pourraient, dans les faits, se voir apposer un pictogramme « Interdit » ou

« Danger ». Une telle discordance pose problème.

* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine

** Membre de l’Académie de l’Académie nationale de médecine, Président de la Commission II Bull. Acad. Natle Méd., 2018, 202, nos1-2, 11-13, séance du 6 février 2018

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L’absence de précision, dans ces textes, sur un certain nombre de points cruciaux introduit une difficulté d’interprétation et une confusion qui inciteront les firmes à élargir le champ de l’apposition des pictogrammes dans une optique de protection médico-légale :

— en premier lieu, il n’est pas spécifié si la notion de tératogénicité ou de fœtotoxicité doit être fondée sur des données humaines ou seulement de toxicité chez l’animal, distinction pourtant cruciale en matière de réalité des risques pour l’humain.

— ensuite, aucune indication n’est fournie sur une ligne de partage entre les médicaments dont la toxicité est avérée et ceux où ces effets sont seulement évoqués sans être confirmés, ni sur la gravité de ces risques.

— enfin, si le texte incite à fonder le choix des pictogrammes sur la présence ou non d’alternatives thérapeutiques, aucune recommandation n’accompa- gne cette disposition : en d’autres termes, la décision du pictogramme à apposer est laissée à l’appréciation des firmes, que des stratégies théra- peutiques aient déjà été produites ou non par les professionnels de santé.

L’Académie nationale de médecine considère donc qu’en l’état ces dispositions sont susceptibles d’avoir des effets préjudiciables et contreproductifs :

— une vague d’inquiétude infondée, puisque ce sont 60 à 70 % des spécialités qui pourraient être concernées au lieu de 10 % ;

— un bruit de fond qui ne permettra pas de claire distinction entre les niveaux de risque des substances et diluera l’objectif initial ;

— une perte de chances pour les patientes qui pourraient préférer s’abstenir de tout traitement, même indispensable ;

— une situation difficile à gérer pour les professionnels de santé, dans l’obligation d’expliquer aux patientes les motifs des pictogrammes, sans concertation préalable avec les sociétés savantes et professionnelles et sans communication sur le fond ;

— une source inutile de répercussions médico-légales ;

— la libre décision laissée aux firmes pharmaceutiques d’apposer le picto- gramme de leur choix, quelle que soit la nature des éléments présents dans le RCP, leur gravité, leur extrapolabilité à l’humain et les alternatives disponibles ;

— in fine, un report de la responsabilité du choix thérapeutique sur les patientes à partir des pictogrammes apposés.

À la lumière de ces éléments, il semble justifié de redéfinir le périmètre du décret afin d’en conserver l’intention initiale :

1) seules les substances ayant fait la preuve de leur effet délétère pour la grossesse humaine devraient être visées par une action de communication de cette nature, avec apposition d’un pictogramme « Interdit » ;

Bull. Acad. Natle Méd., 2018, 202, nos1-2, 11-13, séance du 6 février 2018

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2) pour les autres substances, aucun pictogramme ne devrait être apposé : des échanges entre prescripteurs, pharmaciens et patientes sur la base des informations médicales disponibles et de la notice des conditionnements devraient suffire, évitant de surcroît des effets d’alerte inutiles et contre- productifs.

RÉFÉRENCES

Décret no2017-550 du 14 avril 2017 relatif à l’apposition d’un pictogramme sur le condition- nement extérieur de certains médicaments ou produits.

Arrêtés du 5 mai 2017 relatif à l’apposition d’un pictogramme sur le conditionnement extérieur de certains médicaments ou produits.

Arrêté du 9 août 2017 modifiant l’arrêté du 5 mai 2017 relatif à l’apposition d’un pictogramme sur le conditionnement extérieur de certains médicaments ou produits.

Bull. Acad. Natle Méd., 2018, 202, nos1-2, 11-13, séance du 6 février 2018

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