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Le Conseil départemental soutient la culture en Val d Oise. Histoires. d Argenteuillais

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Academic year: 2022

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Le Conseil départemental soutient la culture en Val d’Oise

Histoires d ’ A rg e n t e u i l l a i s

(2)

C

ollectant la mémoire des femmes et des hommes qui ont participé à l’histoire récente du Val d’Oise, l’Atelier de restitution du patrimoine et de l’ethnologie du Département a mené un atelier de parole avec des seniors. L’objectif : leur faire prendre conscience des savoirs qu’ils détiennent et valoriser leur rôle de « passeur de mémoire ». De son côté, la municipalité d’Argenteuil, signataire de la Charte du Bien Vieillir en Val d’Oise, souhaitait renforcer ses actions en faveur de la participation des seniors à la vie sociale. C’est ainsi qu’est né l’atelier Mémoire et Partage à la Maison des seniors d’Orgemont, conçu par le Département du Val d’Oise et la Ville d’Argenteuil, avec le soutien de la Conférence départementale des financeurs. Mise en place en 2016, celle-ci a pour mission de définir un programme coordonné de financement d’actions de prévention de la perte d’autonomie pour les personnes âgées.

Entre 2019 et 2020, malgré une longue interruption due à la pandémie, l’atelier a rassemblé un petit cercle de seniors qui ont échangé leurs souvenirs sur des sujets fédérateurs : l’école, le travail, les repas… Dans un groupe où les femmes sont majoritaires, bien des récits donnent un aperçu de leur condition à l’époque.

Illustrée par des photographies de familles et quelques cartes postales, cette sélection d’anecdotes et de témoignages fait aujourd’hui l’objet d’une exposition et d’une brochure. Histoires d’Argenteuillais a pour toile de fond un bourg maraîcher en plein essor industriel. Trois de nos interlocutrices y sont nées, les autres viennent de la région parisienne, de Dunkerque et de Kabylie.

Ce kaléidoscope d’images, d’impressions, d’évocations parfois nostalgiques, raconte une génération qui a vécu de grands changements. Nés entre 1929 et 1954, ces hommes et ces femmes ont partagé un quotidien sans confort avant de découvrir la modernité.

En se remémorant l’arrivée de la télé et de la « P’tite Calor », ils sont conscients du caractère presque exotique de leurs propos : pour les jeunes de maintenant ça doit paraître fou, des choses comme ça !

Je vous souhaite beaucoup de plaisir à la lecture de ces tranches de vie !

ÉDITO

Marie-Christine Cavecchi

Présidente du Conseil départemental du Val d’Oise Par les participants de l’atelier Mémoire et Partage : Andrée Lhérault, Bernadette et Brigitte Mousseron,

Françoise Bienaimé, Hubert Nouri, Mauricette Griessmann, Murielle Maisongrande, Nicole Houdin, Serge Verdier ainsi que Béatrice Cabedoce, chargée de recherche à l’Atelier de Restitution du Patrimoine & de l’Ethnologie au Conseil départemental du Val d’Oise, et Anne-Constance Lombardet, coordinatrice Maison des Seniors.

Avec la collaboration :

Pour le Département du Val d’Oise :

Isabelle Lhomel responsable, Catherine Brossais photographe, Atelier de Restitution du Patrimoine et de l’Ethnologie, Armelle Bonis, mission Etudes et Publications, Direction de l’Action Culturelle,

Service Appui et Projets Bien Vieillir, Direction des Personnes âgées, La Direction de la Communication et Le Pôle Impression et Reprographie.

Pour la Ville d’Argenteuil :

Myriam Allouche, chef du Service Générations, Centre communal d’Action sociale (CCAS), Isabelle Lefeuvre, chef du Service des Archives et du Patrimoine,

La Maison de quartier d’Orgemont.

Merci à la Conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie du Val d’Oise pour son soutien financier au projet.

« Ceux qui sont de souche, vraiment d’origine

d’Argenteuil, ce sont des Argentoliens et des Argentoliennes ; et les gens qui y demeurent ou qui y vivent, ce sont des Argenteuillais et Argenteuillaises.

»

Atelier à la Maison de quartier d’Orgemont et visite du Service des Archives d’Argenteuil.

Photos A.C.Lombardet, ville d’Argenteuil, 2020

Histoires

d ’ A rg e n t e u i l l a i s

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Les témoignages des participants ont été enregistrés, retranscrits, puis les extraits sélectionnés légèrement réécrits afin d’en faciliter la lecture. Nous avons volontairement conservé certaines expressions qui renvoient à l’oralité des propos recueillis. Chaque paragraphe correspond à un témoignage spécifique.

Sauf mentions contraires, les photos et objets reproduits proviennent des collections des membres de l’atelier.

Photos C.Brossais, B.Cabedoce, ARPE -

Conseil départemental du Val d’Oise ; A.C.Lombardet, ville d’Argenteuil, 2020.

Andrée : d’une très ancienne famille d’Argenteuil, elle a œuvré comme bénévole au musée du Vieil Argenteuil et connait tout - ou presque – en matière d’histoire locale.

Bernadette : née à Dunkerque, elle est arrivée à Argenteuil en 1952. En 59 elle a pu avoir un grand appartement pour sa nombreuse famille dans la cité Joliot-Curie, dont elle est devenue une fidèle.

Brigitte : née en Bourgogne, elle a suivi sa famille à Argenteuil et y est restée jusqu’à sa majorité.

Elle a navigué puis y est revenue pour quelques années.

Françoise : d’une famille maternelle implantée à Argenteuil depuis 1895, elle est née dans la cité d’Orgemont et ne l’a jamais quittée, naviguant d’une rue à l’autre.

Hubert : né en Algérie - Kabylie -, il est arrivé en France à 18 mois et a passé sa jeunesse à Saint-Ouen (93).

Après avoir habité à Villejuif, il est venu à Argenteuil en 1972.

Mauricette : née à Paris, d’une famille venue du Nord et de Normandie, elle s’est installée à Argenteuil en 1993 où elle avait la possibilité de conserver son emploi et de rejoindre amis et collègues déjà implantés sur la commune.

Murielle : née à Argenteuil, d’une famille qui y est ancrée depuis longtemps (son arrière-grand-père charretier a fait payer l’octroi au pont), elle a habité dès 1958 la cité Joliot-Curie.

Nicole : née dans l’Yonne à Villeneuve-sur-Yonne, elle est venue très jeune en petite couronne parisienne.

Elle a emménagé en 1974 au Val d’Argent.

Serge : né à Neuilly-sur-Seine, il a vécu à Bois-Colombes puis il a bourlingué avant de revenir en région parisienne puis à Argenteuil en 1977.

auteurs les

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Pendant les vacances on allait acheter son tablier et on pouvait choisir ce qu’on voulait, c’était la fête. Blouses, tabliers, c’est la même chose sauf que la blouse se ferme devant et le tablier derrière. Y’avait de tout, on pouvait ne pas être bien habillé en dessous.

À Saint-Ouen, à l’école primaire, on était en blouse grise. C’était obligatoire.

Avant j’avais des tabliers noirs mais y’en avait aussi des roses. Ma première blouse, on attachait la ceinture derrière et les deux plis du haut continuaient en bas. Avec 2 boutons à l’épaule.

Nous on changeait chaque semaine de couleur ; alors fallait savoir quelle semaine on était parce que si on arrivait en bleu alors que c’était blanc, on était collé le samedi d’après !

À Saint-Ouen, j’ai des souvenirs désagréables. On avait une maîtresse méchante qui donnait des fessées.

C’était une école de garçons et quand elle jugeait que l’un s’était mal comporté, elle lui baissait sa culotte sur l’estrade et elle lui donnait la fessée devant tout le monde. Moi, je l’ai eue une fois vers 7-8 ans.

Mon mari, à l’école Jules Ferry, quand il y avait un chahut dans les rangs, le maitre les punissait : ils devaient présenter leurs mains et c’étaient les coups de règle sur les doigts ; ça l’a marqué.

ALLER à L’éCOLE

et en vacances

Andrée parmi ses camarades, 1942.

À gauche :

Françoise, école primaire d’Orgemont, début des années 60.

Billet d’honneur, 1934.

Relevé de notes de Françoise, 1965-66.

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En 41, nous avions des petites pastilles roses vitaminées avec un goût sucré. Et les biscuits vitaminés, ça faisait comme des « Petit Beurre » mais c’était pas formidable.

À Paris, le « petit quart de lait de Mendès- France », j’y ai eu droit, vers 1954.

C’étaient des petites bouteilles en verre, comme les pots de yaourt. C’était vers 16 heures parce qu’avant la sortie, on allait reporter les verres vides à l’intendance.

Moi je l’ai eu en CP et en CE1. C’était le matin à dix heures avant de partir en récréation, du lait ou du lait chocolaté.

Dans les années 60, on n’avait plus droit au lait. Mais en fin d’année, on avait des gâteaux avec une petite brique au jus d’ananas ; j’adorais ! C’était pas grand-chose mais on était heureux de n’importe quoi.

À Noël, toutes les écoles étaient réunies, on avait un jouet, un paquet de gâteaux et une orange qu’on mangeait en plusieurs jours.

Les mandarines, on les coupait en deux et on faisait des lampions ! Je ne me rappelle que des bons souvenirs.

J’ai été à l’école d’Orgemont et après à Jeanne-d’Arc. On faisait des fêtes de fin d’année. On allait à pied dans l’île sur les bords de Seine.

Le boulevard Héloïse était un ancien bras de Seine. Donc le morceau qui était entre le boulevard et la Seine, ça s’appelait l’Île. Ma grand-mère et mon grand-père l’ont connu en île. Moi pas, mais le nom est resté.

Toutes les écoles faisaient les mêmes mouvements de gymnastique. Mais y’a eu des dimanches d’orage. Les gosses étaient en blanc avec du papier crépon orange, c’était tout déteint.

Je me rappelle, on dansait sur l’estrade devant je ne sais combien de personnes.

J’adorais ça mais c’était impressionnant.

On s’habillait dans l’ancienne mairie, l’actuelle Maison de la Musique.

Les premières vacances en 1937 : j’avais 8 ans ; ma grand-mère venait de décéder et pour se consoler, nous sommes partis à Dieppe, 8 jours. On a pris le train à la gare Saint-Lazare. Nous sommes arrivés sans avoir réservé parce qu’on ne savait pas. Et à Neuville-lès-Dieppe, nous avons demandé à un monsieur qui revenait de son jardin s’il connaissait quelqu’un qui pourrait nous louer une chambre et une cuisine. Il est rentré dans une maison et puis il est ressorti en nous disant « la dame veut bien ». C’était sa femme ! Le jour même, on a fait à manger dans la cuisine et le lendemain, on mangeait tous ensemble.

Les Pères Blancs nous faisaient partir tous les étés dans des fermes. Je me rappelle d’une ferme près de Brest où j’étais avec mon frère. La mer, on y est allés en tracteur ! Le fermier conduisait.

Y’ avait deux sièges sur les grosses roues parce qu’y avait pas de cabine : sa femme et le bébé sur un siège, mon frère et moi sur l’autre ! J’avais 9 ans, donc c’était en 59. On a pique-niqué, on s’est baignés avec le gros slip en coton.

On jouait au cerceau, aux osselets, à la poupée, à la marchande, au docteur, à l’école, au ballon prisonnier, la corde à sauter, la marelle. Même les filles jouaient aux billes mais c’étaient plus souvent les garçons. En fin d’année, on avait le droit d’emmener des jeux. Garçons et filles ne se mélangeaient pas, les écoles étaient séparées à mon époque. Même les cours de récréation. L’école Abbé Fleury, les garçons étaient dans la même rue mais de l’autre côté.

Avant la guerre de 40, à Dunkerque, on buvait du lait à 10 heures. Ma classe donnait sur la maison de la directrice et ce lait se sauvait sûrement, ça sentait le lait brûlé et j’aimais pas ça.

« À l’école Jules-Ferry pour les prix, nous allions au casino rue d’Orgemont - un cinéma- théâtre - et on nous remettait des livres avec des couver- tures rouges, la tranche était

dorée. »

Les sœurs de Françoise, costumées pour un spectacle, années 60.

Andrée et sa maman à Dieppe, été 1937.

Andrée en meunière pour un spectacle à l’école maternelle Jules Ferry.

Défilé des écoliers pour une fête dans l’île.

Archives municipales d’Argenteuil.

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Travailler

à l’atelier ou en usine

Le grand-père de mon mari a travaillé chez Pierre Joly : les usines sont arrivées ici en 1824 et se sont agrandies. Ça allait de la rue de Pontoise – actuelle rue Antonin-Georges Belin – à la rue Pierre Joly.

Ils faisaient la métallurgie, les ponts métalliques, le pont de chemin de fer d’Argenteuil, les Halles de Paris, des marchés, la gare Saint-Lazare. Après les enfants ont repris, c’était Bayard-Joly. Puis ils sont partis au Blanc-Mesnil. Il ne reste aucune trace de l’usine qui se trouvait presque en face de la mairie actuelle.

Maman a quitté l’école avec son certificat d’études. À 12 ans, elle allait dénoyauter des fruits pour l’usine de confitures boulevard Vercingétorix.

La voilà à la Loraine-Dietrich, en 1917, où elle était soudeuse. Pour souder comme ça à 18 ans, c’est qu’elle avait commencé de bonne heure. Vous auriez vu toutes les pièces que l’on mettait devant la blouse pour se protéger des étincelles ! Après, elle a travaillé chez Lioré et Olivier – constructeurs d’avions et d’hydravions – sur les quais de Seine. Elle a été chez Louvet, chez Malherbe, une usine de mécanique rue du Moulin Sarrazin. Papa, lui, a travaillé chez Palladium, les caoutchoucs, près de la gare, puis chez Albert Collet. Il faisait des lorries, des roues pour les wagons de marchandises. Il était tourneur, main-d’œuvre spécialisée et travaillait de 7h à 12 h et de 13h à 19 h !

Raymonde Lemaire, la maman d’Andrée, soudeuse autogène, 1917.

La Lorraine-Dietrich, construction automobile, 1917.

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Y’a du monde qui venait de province pour travailler dans l’industrie. Mais les voisins de l’usine Pierre-Joly se plaignaient du bruit ! Le Secteur à Gennevilliers avec ses cheminées, si le vent était vers chez nous, on n’étendait pas le linge dehors, y’avait plein de poussière dessus. Mon mari a vécu jeune dans une maison le long du pont Noir, le premier pont. Quand les trains passaient, les verres tremblaient dans le buffet !

En 1952, y’avait 2 petits ateliers dans la rue Ferdinand- Berthoud, avec juste un patron et un ouvrier. Y’en a un qui faisait des roulements à billes pour les moyeux de voitures. Le monsieur m’avait réparé ma poussette.

Mon mari emmenait sa gamelle. C’étaient desgamellesovales. Ça fermait bien, il y avait un joint en caoutchouc.

C’était de l’émail granité, gris, bleu, rouge. Avec un bac au-dessus pour la viande ou la sauce. Les gens mangeaient dans une pièce confortable alors qu’avant ils mangeaient à leur poste de travail.

On faisait réchauffer dans des gamelles d’eau, comme une bassine à vaisselle. À 11 heures ½, il y en a un qui allumait le gaz et quand l’eau était chaude, ils mettaient leur gamelle.

Quand j’avais 12 ans, pendant les vacances, j’allais avec maman monter les rayons sur les roues de vélos et de remorques. M. Louvet lui disait :

« vous pouvez venir avec votre fille ».

Évidemment, je travaillais à l’œil ! À 15 ans, j’ai vendu dans une épicerie. Puis j’ai travaillé à la MAP, la « Manufacture d’Armes de Paris », rue de la Voie des Bans. Après la guerre, ils faisaient des pièces détachées pour les tracteurs.

Le tracteur MAP.

« Les bleus de travail on les achetait dans la voie piétonne actuelle, la Grande Rue. Il y avait un marchand qui faisait les bleus de travail, les tabliers, les blouses. C’était accroché dehors.

»

Photos Catherine Brossais, ARPE-Conseil départemental du Val d’Oise, 2020.

L’usine Joly.

Balade dans l’Ile, 1947.

La Centrale électrique thermique de Gennevilliers, dite Le Secteur, construite en 1919, a été durant un temps, la plus importante au niveau mondial. Elle a fermé en 1985.

Fallait faire attention et marquer pour pas se tromper de gamelle.

On s’arrangeait pour faire un plat la veille qui puisse se faire réchauffer, du bœuf mode, du ragoût, de la blanquette….

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Vendre

et s’approvisionner

C’étaient les commerçants qui nous deman- daient ! Moi j’ai vendu du beurre et du fromage chez Mme Fouin. Les commerçants, ils le voient bien qu’à la fin du mois on attend la paie pour se payer un peu de meilleur !

La famille Lamulle, c’était une entreprise, avenue de Verdun - où y’ a les impôts maintenant - qui livrait de la moutarde, du vinaigre, avec des chevaux et une grande fourgonnette en bois.

Quand je travaillais à l’épicerie Caretto rue d’Epinay, j’allais chercher le ravitaillement avec une remorque, à la main. Pour le sucre, le café et l’huile, j’allais chez Thomas rue du Port. Y’avait 500 clients à la boutique, donc fallait que je colle les tickets sur les cartes d’alimentation.

Dans les années 70, l’avenue Gabriel Péri, c’étaient les Champs-Élysées ! Il y avait des beaux magasins : marchands de jouets, appareils photos, vêtements de luxe, Les Ciseaux d’Argent.

Quand je suis arrivée au Val d’Argent en 1974, la nouvelle gare était faite et sur la dalle il y avait Mammouth. Rue Paul-Vaillant-Couturier, il y avait Viniprix ; le vin s’achetait à la tireuse, on emmenait les bouteilles. On allait à Monoprix avenue Gabriel Péri. À la place de Babou, y’avait Parunis et en face il y avait Prisunic. On avait le Familistère en bas de la rue de la Croix Duny.

Ma mère et ma tante vendaient au marché de la Colonie, pour un maraîcher. Moi à 17 ans j’ai vendu des gâteaux au marché Héloïse. Ensuite j’ai vendu 21 ans à Joliot, chez M. Denis, le tripier, à partir de 1959. J’ai fait le marché rue Yves-Farges puis le marché couvert. Et le dimanche, je vendais au petit marché couvert d’Orgemont. Les marchés, ça mettait du beurre dans les épinards et les commerçants, ça les dépannait. Pour commencer, on vient une fois, deux fois, puis on fait l’affaire.

J’avais ma paie, pas grand-chose, en liquide et j’avais toujours une langue de bœuf, de veau. Quand ils me donnaient une pièce entière de gras double, j’avais gagné ma journée ; ça faisait un plat pour plusieurs jours !

Andrée au marché Héloïse, 1947.

Ci-contre :

La maman d’Andrée et sa tante au marché de la Colonie, 1947.

La grande rue et ses commerces, 1900 et 1970. D.R.

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Consommer local

Jacques Defresne, le dernier vigneron d’Argenteuil a arrêté en 2000. C’était un vin au nom italien, le picolo. Les vignerons vendaient le vin aux portes de Paris pour ne pas payer l’octroi. Les cafés s’installaient là.

Vous savez comment les ouvriers payaient leur boisson dans les cafés ? À l’heure. Ils buvaient, ils s’endormaient fatigués d’avoir travaillé puis s’ils restaient dormir 1, 2 ou 3 heures, ils payaient 3h de boisson !

Il y avait des cerisiers greffés : les branches partaient très bas, comme ça ils n’avaient pas besoin d’échelle pour cueillir. Au coin de la rue de Furnes et dans la rue de Passemay, le dernier terrain avant qu’il soit construit, ce n’étaient que des cerisiers de cette hauteur-là, des Cœurs de Pigeon ou des Bigarreau. Vers 1964-65, les enfants grimpaient dans les arbres. Mais ça n’a pas été remplacé, c’est perdu.

« Il y en avait aussi au coin de la rue

de la République et de la rue Pasteur.

»

Le parrain de mon fils avait une grande propriété avec des arbres fruitiers, c’était sa culture personnelle. Il travaillait et quand il rentrait le soir c’était le jardin.

Mais quand ils ont construit la nouvelle gare d’Argenteuil, ça a été la fin, tout a été abattu. Il n’a rien pu faire.

À gauche, et en haut :

Vendanges à Argenteuil, vers 1980 et 1900.

Collection P. Rivet. / D.R.

Ci-contre :

Archives municipales d’Argenteuil.

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Lesmaraîchers, souvent, se mariaient entre eux et réunissaient leurs terres. Les familles Eudes, Defresne, Colas, Lainé, Guédon vendaient leurs légumes et des fruits au marché. Quand leurs terrains ont été pris pour la ZUP, beaucoup de maraîchers expropriés sont allés vers Cergy. Il ne reste plus que Jean-Marc Defresne qui fait le marché des Coteaux. Il a des serres et des terrains sur la route de Cormeilles, à droite après la ZUP. Il fait des tomates, des salades, des carottes, c’est tout frais.

Les asperges, dès que ça pointe, ils les ramassent au couteau parce que si elles sortent trop, elles deviennent vertes.

Il faut qu’elles soient cueillies le matin avant le lever du soleil.

Les griffes - les racines - venaient de Hollande puis ils ont fait des démultiplications. Il y a une rue Lhérault à Argenteuil, en souvenir de Louis Lhérault qui allait faire la publicité des asperges dans tous les pays. Il a inventé des espèces, il a eu des médailles et fait des expositions en Algérie, au Maroc, en Angleterre.

Moi avant de venir, je connaissais Argenteuil aux asperges, parce que mon grand-père avait un bout de jardin dans le Nord et comme il adorait les asperges, il en avait fait venir d’Argenteuil.

« Ils les emmenaient aux Halles à Paris où ils les vendaient plus cher. »

Le dernier champ d’asperges entre la route de Cormeilles et le parc des Cerisiers, au moment de la cueillette, mon mari allait voir le cultivateur M. Colas et nous achetions des asperges toutes fraîches ! La maladie de la mouche a fait des dégâts alors ils ont arrêté à la fin des années 1980. Aujourd’hui quelques particuliers en ont dans leur jardin mais il n’y a plus de champ.

Adrienne, la grand-mère de Françoise, vendant sur l’ancien marché de la rue Daguenet, années 50.

En bas :

Culture des asperges entre les échalas destinés à soutenir les pieds de vigne. Collection P. Rivet.

Ancienne boutique, 8 rue Paul Vaillant-Couturier.

Photo Pierre Gaudin, ARPE - Conseil départemental du Val d’Oise, 1997.

Affiche, fin du XIXème siècle.

Enseigne en carreaux de céramique polychrome, boulevard Jeanne d’Arc. ARPE - Conseil départemental du Val d’Oise.

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distraire se

Le quartier de la Colonie et en bord de Seine, y’ avait les propriétés des nobles et des bourgeois de Paris qui venaient passerleweek-end àArgenteuil. Ils allaient au moulin d’Orgemont. Rue Pasteur, il y avait le fameux restaurant avec ce qu’on appelait la grotte ou le Trou à sable, et des balançoires, c’était réputé !

Ma grand-mère vendait des cartes postales dans la grotte en dessous le moulin.

Dans la Grande Rue, les cafés se touchaient ; il y en avait dans toutes les petites rues. Ils ont disparu ! Y’avait pas la télé, alors les hommes allaient boire un coup, discuter, jouer à la belote. La femme était à la maison avec les enfants. J’ai connu le « Lapin Sauté » et le « Chien qui Fume » au bout de l’avenue Jean-Jaurès. C’est pas le chien qui fumait, c’est un client qui était avec son chien et qui fumait tout le temps !

« Les joutes à la lance dans l’Île, les fêtes foraines à Pâques et aux vendanges, la fête aux Champioux, au Bois de l’Union, c’était formidable !

»

Affiche, 1924. Archives municipales d’Argenteuil

Collection P. Rivet .

Café Le Coq hardi, boulevard Thiers et Maison Daout, Sannois, le Dancing. Collection P. Sueur.

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Les cinémas, il y en avait une dizaine : le Casino, rue d’Orgemont avec un intérieur en velours rouge ; le cinéma des Coteaux Rue Maréchal-Joffre ; l’Éden en haut de la route de Sannois – l’actuel boulevard Jean-Allemane. Le plus ancien, c’était le cinéma de la Lande, rue du Port, l’actuelle rue Jean-Borderel ; mes parents y allaient dans les années 1920. Y’avait aussi Le Moderne vers la place du 11 Novembre, La Gaieté sur l’avenue Jean-Jaurès, Le Majestic à la place de la poste, rue Paul Vaillant Couturier, avec deux étages et un balcon. Après ça a été le Gamma.

Le cinéma l’Olympia, rue de la Marjolaine, j’y suis allée en 45 et j’ai vu Georges Guétary à l’entracte. Nous allions tous les vendredis au Lutétia avec mes parents et ma grand-mère, au rez-de-chaussée ou en haut, après les balcons qui étaient plus chers ! Il était beau, ce Lutétia ; c’est devenu Le Galilée. Y’avait aussi un cinéma dans le tournant de la rue du Dr Leray et de la gare ; quand je travaillais à Paris en 1945 je mettais mon vélo dans leur garage.

Y’avait le documentaire, les actualités, des animations, le film. Et le rideau avec des réclames.

À l’entracte, des artistes venaient chanter, j’ai vu Edith Piaf, les Compagnons de la Chanson, Charles Aznavour à ses débuts,

« la Reine d’un jour » avec Jean Nohain et bien d’autres animations.

De haut en bas : Le cinéma Le Casino. Archives municipales d’Argenteuil.

Collection P. Sueur.

En haut :

La piscine de Vaucelle. Archives municipales d’Argenteuil.

À droite :

La pataugeoire d’Orgemont. Archives municipales d’Argenteuil.

Rue de Vaucelle, y’avait une piscine payante avec deux bassins. Un jour, nous avions envoyé nos enfants. Nous les regardions de l’extérieur. Mon fils a voulu aller dans le grand bassin parce qu’il y avait le toboggan mais il ne savait pas nager, il commençait à se noyer. Mon mari a sauté par-dessus la barrière et il a plongé tout habillé pour sauver le gosse. Le maître-nageur n’avait rien vu ! Alors je m’en rappelle de la piscine de Vaucelle ! Après ils l’ont fermée et ils ont construit celle en haut de la rue des Châtaigniers.

« Argenteuil, c’était convivial ! On se promenait devant la basilique.

C’était plus la campagne qu’à Paris où j’ai passé mon enfance. »

« Rue des Bourguignons, derrière le stade de la cité d’Orgemont, il y avait une pataugeoire !

»

(13)

se Nourrir

et se régaler

Ma mère n’a jamais eu de cahier pour écrire ses recettes. Elle faisait tout de tête. C’est dommage parce qu’avec mes sœurs on ne sait pas les reproduire. Avec ma grand-mère, elles avaient chacune leurs spécialités. J’ai souvent vu Maman faire son gâteau de riz avec le blanc monté en neige pour le rendre plus léger. Et elle en prenait du temps ! On cuisinait beaucoup avant. Ça se perd.

Quand je travaillais, je préparais le soir ce qui était long à cuire parce qu’il n’y avait pas la télé. Ça mijotait et c’était prêt pour le lendemain. Mon papa et ma grand-mère cuisinaient beaucoup ; c’étaient des gens de la guerre qui avaient appris à tout utiliser.

Il n’y a plus de tripier au marché.

La tripière, qu’est-ce que j’ai pu lui acheter ! C’était réputé, je faisais la langue de bœuf à la sauce piquante.

J’avais une famille nombreuse ; quand ils venaient du nord, on se trouvait à 20. Alors j’achetais 2 langues. Ça et le gras double à la lyonnaise, j’en ai fait ! Les tripes qu’on fait soi-même, ça n’a pas le même goût que celles que vous achetez ! Je les faisais avec un pied de veau. Mon père disait : « n’oublie pas le blanc de poireau. » ça donne un parfum. Et l’oignon aussi.

Nous avions des lapins à la maison.

Quand on en tuait un, maman faisait soit du lapin à la sauce chasseur ou à la sauce au vin blanc avec des champignons, soit des terrines, des pâtés. Moi j’ai continué à faire les repas comme ma mère faisait, question d’habitude.

Collection ARPE-Conseil départemental du Val d’Oise.

Restants de pot-au-feu

Il y a un tas de façons. Avec un plat, on peut en faire 36 après, c'est ça qui est bien : froids coupés en petits dés à la vinaigrette avec des échalotes et du persil. En hachis parmentier, en boulette, pour farcir des tomates ou revenus à la poêle avec de l'ail ou de la sauce tomate et des cornichons.

Navets au sucre

Il faut des navets longs, blancs, qu'on fait

sauter au sucre, comme les pommes acides.

Oignons mironton, en légumes

Les faire blondir. Il ne

faut surtout pas que

ça brûle. Puis faire un

roux pour avoir une

sauce épaisse.

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La soupe vite fait

C'est une panade de lait

avec du sucre. Il y en a beaucoup qui mangeaient ça le soir.

Ça nourrissait !

Le pudding au pain dur

Je remplis deux saladiers de pain sec cassé en petits morceaux, avec 2 litres de lait. Je tourne pour que ça s'imbibe.

Le lendemain, je passe au moulin à légumes. J'ajoute des œufs, un peu de farine pour que ça se tienne, des raisins de Corinthe, du sucre vanillé et je mets ça à cuire au four.

Ma maman le faisait avec du Banania et du chocolat pâtissier qu' elle faisait fondre. C’est de la gourmandise, c' est du pain rassis mais c' est hyper bon !

Les bonbons miniatures en bocaux : petits pois, lardons, carottes, oignons, toute la jardinière !

Le zan avec la boule au milieu qui changeait de couleur.

Les roudoudous : je les faisais moi-même dans des cuillères à café. J’ai eu 7 enfants, donc j’en faisais au moins 14.

Petite fille, j’allais chez l’épicier, rue Floréal, chercher des miettes de gaufrettes ; ça faisait comme un paquet de tabac gris avec la bande de régie du tabac.

Comme boisson, mon père nous faisait de l’Antésite.

Pour tous les jours, nous faisions du Lithiné.

C’étaient des sachets qu’on achetait chez le pharmacien et qu’on mettait dans une bouteille ; c’était pétillant et salé.

On faisait les cerises à l’eau-de-vie, le sirop de cassis parce que ma tante et ma grand- mère avaient des cassissiers dans le jardin d’Orgemont, mais pas une ne faisait la même recette.

Conserves de fruits

(mûres, cerises, quetsches)

Vous les lavez, vous les essuyez, vous les dénoyautez et vous les rangez dans les bocaux. Dans le fond du bocal, vous mettez le sucre, vous fermez et vous stérilisez. En fonction des fruits, le temps de stérilisation n'est pas le même. Après, vous récupérez des fruits pratiquement frais. Chez mes parents, on utilisait la lessiveuse avec de la paille autour ; ça doit bouillir à tant de degrés donc il y a un thermomètre sur ces fameuses lessiveuses.

Au début, on n’avait pas de frigidaire. J’allais chercher des pains de glace aux glacières d’Argenteuil sur le boulevard, en face de la mairie. J’allais avec une vieille glacière, ma poussette et un lange de bébé en laine. Ça ne fondait pas, même en plein été ! Le principal marchand de glace, c’était bd Gallieni où y’a Picard maintenant. En 1944 ils livraient avec deux chevaux et une remorque dans les cafés et dans l’épicerie où je travaillais. Ils coupaient les grandes barres de glace avec un pic.

Mon père avait un terrain rue de Champmontois, qui a été pris pour faire la ZUP. Il y avait des cerisiers, on faisait des haricots verts. Je stérilisais tout ça et on en mangeait toute l’année.

Haricots en conserve

Mon père les faisait au sel dans la grosse terrine en grès. On pouvait les conserver d'une année à l'autre. C'était la corvée : il fallait enlever les fils, les ranger crus par couche en alternant avec une couche de sel, puis mettre une planche avec un gros pavé dessus pour tasser. Quand on les sortait, on les mettait à dessaler dans l'eau toute la nuit et le lendemain, ils étaient comme frais et ils reprenaient leur couleur.

Conservation des œufs

Ma grand-mère les mettait dans le sel ou dans l'eau de chaux ; elle les conservait 7-8 mois. Mais il ne fallait pas les sortir puis les remettre dedans. On sortait ce qu'on avait besoin. On notait au crayon la date sur chacun.

Déjeuner devant le pavillon familial, Argenteuil, 1936.

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soigner se

Piqures d'abeille ou de guêpe

Prendre une pomme de terre, la couper, frotter – ou prendre du plantain, bien écraser la feuille et frotter – ou mettre du vinaigre.

Quand on était malade

Ventouses, cataplasmes d’huile de lin ou d’huile de ricin. L’huile de lin se délaye, on met ça dans un linge et ça reste chaud. La farine de moutarde et la farine de ricin se mettent sur un linge humide et entortillé dans une serviette, ça pique. Les plaques de rigollots se vendaient en pharmacie.

Pour éviter les congestions

On piquait sur une tige un coton passé dans l’alcool, on enflammait le coton et on le passait dans la ventouse pour enlever l’air. On appliquait aussitôt la ventouse dans le dos, à la hauteur des omoplates. La peau gonfle.

Mon père m’en mettait trois ou quatre, c’était le maximum pour un enfant. (Les ventouses : genre de pots de yaourt, en verre, mais plus trapus, plus arrondis).

Contre la toux

Juste après la guerre il n’y avait pas de médicaments, ma grand-mère faisait un sirop de radis noir et comme c’étaient des apiculteurs, c’était macéré avec le miel d’acacia. Les badigeonnages au bleu de méthylène, c’est quand il y avait une angine.

Pour soigner les cors au pied

On met une lamelle d’ail et un pansement la nuit avec une chaussette, c’est guéri en 2-3 jours.

Pour soigner les entorses

On ramollit une feuille de chou vert à l’eau bouillante et on met ça chaud la nuit. J’ai emmailloté mon mari qui était tombé sur un diable quand il travaillait ; il avait les fesses toutes noires. Le lendemain, c’était redevenu normal.

Épines, brûlures

Faire macérer des fleurs ou des feuilles de lys dans de l’eau ou dans la goutte.

On appelle ça de la liqueur de lys ; puis faire une compresse avec. Le lendemain, l’épine sort toute seule.

Contre les rhumatismes

Ma grand-mère disait : « mets des marrons dans ta poche ! »

Contre les crampes la nuit

On met un bloc de savon de Marseille dans le lit.

Pour fortifier

Maman me faisait du vin rouge chaud avec du sucre, ou de l’eau de vie de pommes sur un demi-sucre.

Ça redonnait un coup de fouet.

Après, on a eu la Quintonine et l’huile de foie de morue.

Nous l’hiver, à Dunkerque, tous les jours on avait droit au petit verre d’huile de foie de morue brute que les marins faisaient sur les bateaux, pas raffinée. Ici j’en ai acheté pour mon fils malingre. Mon père m’avait dit :

« il faut de l’huile de foie de morue, il va fortifier ».

Cette horreur ! Un jour, je suis allée chez ma grand- mère, mon père a oublié la bouteille d’huile de foie de morue, j’étais tranquille. Quinze jours après, il est revenu et « j’ai pas oublié l’huile de foie de morue ! ».

Andrée et ses enfants, Argenteuil, 1953

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vivre sans confort

ou presque

J’habitais à Saint-Ouen quand j’étais petit. On avait l’eau et les WC sur le palier. Mes parents allaient aux bains-douches et nous les enfants, on avait la grande bassine dans le séjour. L’été c’était bien, sinon il faisait froid. Après on a eu une salle de bains avec une baignoire-sabot.

Au coin de la rue des Ouches et de la rue de Calais, il y a toujours marqué « bains-douches ». Le bâti- ment existe encore mais c’est une association. Il y avait aussi des bains-douches près de la gare, rue du Dr Leray.

Mes beaux-parents demeuraient rue de Saint- Germain -rue Henri-Barbusse actuelle. Ils avaient l’eau sur le palier. Pour les toilettes, c’était dans la cour. En 34, ils ont eu un logement plus grand.

Mon mari couchait dans un lit-cage dans la salle à manger et y’avait pas de toilettes, pas de salle de bains. Mais on se lavait même si on n’allait pas aux bains-douches. On faisait chauffer de l’eau et on montait dans la bassine.

Avant d’aller à Joliot, on habitait avec mes parents rue Pasteur, dans un garage qui avait été aménagé avec une cuisine et une petite chambre. Y’avait pas de sanitaires, pas de chauffage, il y faisait un froid de canard. Quand j’ai eu la rougeole en 1956, le médecin a dit : « il faut beaucoup de chaleur », et il faisait moins 2° !

Quand il faisait froid, l’hiver, pour sortir, on nous mettait un journal, graissé avec du saindoux, sur la poitrine.

Même après la guerre, l’hiver 1954, j’ai eu droit aux feuilles de papier journal sous le manteau, bien serrées. Mon père allait travailler en mobylette et c’est pareil, il en mettait sous la canadienne, ça protégeait bien.

On avait des chaussures à lacets, la marque Richelieu, parce que ça allait aux garçons et aux filles et ça repassait de l’un à l’autre. Mon père les ressemelait lui- même. Il avait un pied de biche dans son atelier.

Il y avait la pèlerine pour sortir et les pèlerines d’intérieur. C’était comme un gilet de laine. On mettait ça sur le dos, on nouait et on avait les bras libres pour faire ce qu’on avait à faire. C’était plus facile que d’enfiler un gilet.

On avait des bouillottes en caoutchouc qu’on trouvait en pharmacie et si l’eau dedans n’était pas trop froide le lendemain matin, ça servait pour se débarbouiller.

On avait des lits de plumes avec des édredons. À Pâques, on faisait le grand nettoyage. On enlevait le matelas en plumes ; on passait le lit de plumes en dessous et on mettait le matelas par- dessus. On avait des lits hauts. Il fallait presque une chaise pour monter dessus.

Rue des Auvergnats, c’était un immeuble.

On avait une cheminée dans une chambre et un poêle. Tant que mes parents ont vécu là, jusqu’aux années 1980, ça a été : chercher du charbon à la cave pour mettre dans le poêle.

Les bains-douches d’Orgemont. Photo Catherine Brossais, ARPE-Conseil départemental du Val d’Oise, 2020.

Ci-contre :

Le centre-ville ancien, années 60. Archives municipales d’Argenteuil.

L’immeuble peu avant sa destruction, milieu des années 80.

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découvrir le confort

moderne

Mon père a voulu unetélévisionquand il y a eu un grand match de foot qu’il voulait absolument voir, dans les années 1960. Ça a été tout un événement. Mais c’était pas la télé actuelle : on n’avait qu’une chaîne en noir et blanc, des informations le midi et le soir et rien dans la journée. Quand il pleuvait, j’aimais bien parce que mon père mettait un film ; mais quand il voulait pas qu’on la regarde, il retirait une ampoule ou il fermait le courant. On avait « La Séquence du spectateur » le jeudi, Thierry la Fronde, Bonanza, et les extraits de films qui allaient sortir au cinéma, les grandes cérémonies avec Léon Zitrone qui commentait. A l’école, il y avait une télévision début 1960. Notre professeur nous emmenait regarder une émission sur la nature ; on était contentes.

La télé en couleur je l’ai eue à la naissance de mon premier fils, en 1975.

Moi j’avais un mari anti-télé. J’étais privée parce que j’entendais les voisins rigoler quand il y avait des films de Louis de Funès, et mes enfants disaient « ils ont de la chance, ils ont la télé ! ».

Mes grands-parents ont été dans les premiers à avoir la télé en 1948 ou 1949. Moi, je l’ai eue en 1959-1960. Y’avait qu’une chaîne - c’était l’ORTF - et il y avait souvent des diffusions de pièces de théâtre. J’ai dû avoir la télé couleur dans les années 1975-1976 pour mettre dans le séjour et la télé « noir » est passée dans la chambre.

Quand on est arrivés à Joliot, il n’y avait plus besoin d’aller à la cave chercher le charbon, allumer le feu, vider les cendres. Mais les premiers habitants pouvaient venir avec leur poêle et se faire livrer du charbon. Après ils ont supprimé les cheminées.

Dans mon immeuble, j’avais la première machine à laver, en 1956. Ça a fait des jalousies, « vous avez de la chance ! ». J’étais enceinte de mon troisième et on avait été au grand marché d’Argenteuil. Le dimanche, il venait des marchands de machines à laver. Avant, c’était le bac à laver en zinc, ça me servait pour frotter mon linge et puis de baignoire pour les enfants.

Moi j’ai fait la lessive à la main longtemps, parce que les machines à laver, quand elles sont arrivées, c’était un luxe. La prime de naissance de mon fils a servi pour acheter ma première machine à laver en 1970.

Nous, dans la cité d’Orgemont, on avait un grand bac carré dans la cuisine, à côté de l’évier en mâchefer. Maman avait sa planche et frottait. Y’avait la lessiveuse pour faire bouillir le linge. Moi quand mon fils est né en 1975, je lavais les couches en tissu. Après, j’ai connu la p’tite Calor bleue.

Joliot, j’ai inauguré les logements en 1958, à Emile Kahn. Après avoir habité un garage, c’était le luxe : y’avait des toilettes, du chauffage, une baignoire ; c’était extraordinaire.

En haut : Années 60. D.R.

Ci-contre :

Publicité, années 60. Collection part. D.R.

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Vivre à la cité-jardins

d’Orgemont

Regroupant des chefs d’entreprises soucieux de proposer à leur person- nel des logements confortables, la Société anonyme d’HBM des Cités- jardins de la Région Parisienne édifie, à partir de 1930, en limite d’Epinay et d’Argenteuil, 19 petits immeubles, soit 418 logements, et 318 pavillons doubles. Aména- gement végétal, équipements col- lectifs et commerces renvoient au concept des cités-jardins.

Ma grand-mère dans le jardin de son pavillon, rue des Nomands, vers 1939.

Le pavillon de mes grands-parents, là où on a vécu le meilleur de notre enfance, fêtes, Noëls, anniversaires. 1955.

Pépé dans son jardin, vers 1939.

Ma grand-mère et ses filles, rue des Normands, vers 1939.

Papa, vers 1932.

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Les enfants de la cité allaient tous à cette école… ma mère, mes tantes, mes sœurs, moi et mes enfants.

Photo Catherine Brossais, ARPE- Conseil départemental du Val d’Oise, 2020.

Mon père, René, est allé d’abord près du presbytère, rue des Provençaux, parce qu’ils n’avaient pas fini de construire les écoles.

Maintenant, c’est démoli.

Vers 1932.

Les enfants du catéchisme devant l’Église Saint- Ferdinand, vers 1955.

On ne rentrait pas dans l’église si on n’avait pas un foulard ! J’y ai fait mon baptême, ma communion, mon mariage. L’abbé m’a dit qu’elle avait été construite comme les Lego. Elle est des années 30, comme la cité et porte le nom de la donatrice Mme Ferdinand Daulnoy.

Square du Commandant Doué, il y avait Grillot l’épicerie, Batard une supérette, le boucher Kieve, la boulangerie, le charcutier, le coiffeur. Et à Joliot-Curie, on avait Familistère, Goulet- Turpin, Viniprix, Maggi.

Chez Tout’Elec, on achetait tout pour les télévisions, les postes de radio. Maintenant il n’y a plus rien.

Comme il n’y avait pas de Poste, un camion venait toutes les semaines.

© Société des Cités-jardins de la région parisienne, 1984.

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Vivre à Joliot-Curie

Opération de grande ampleur, la cité s’étend sur 12 hectares en lisière d’Epinay-sur-Seine et Saint-Gratien.

Spacieux et confortables, les 1041 logements sont achevés en une année grâce au procédé industriel

« Camus », d’assemblage d’éléments préfabriqués. L’ensemble est inauguré en 1958 par Victor Dupouy, maire d’Argenteuil.

Quand je suis arrivée, c’étaient des champs avec des pruniers, des cerisiers, beaucoup d’abricots dans les jardins. On a été cueillir des choux de Bruxelles, des pommes de terre. J’habitais « La Chenille ». Nous, les femmes, on descendait avec notre corde et on allait étendre notre linge entre les arbres.

On s’asseyait dans l’herbe avec les voisines, à tricoter et garder les gosses pendant que le linge séchait. Les gosses faisaient des trous, jouaient à la guerre. Pas loin, il y avait des petites maisons. Elles ont été démolies ; c’est Saint-Gratien maintenant.

On allait chercher des orvets, des couleuvres sur la butte d’Orgemont, des têtards et des grenouilles pour les sciences ;

ça nous faisait une excuse.

pour y aller.

Le marché. Carte postale, années 70. D.R.

Il y a eu des commerçants assez vite, toute la galerie marchande et le marché…

Pour la crémerie et l’épicerie, il y avait la Coop.

Le baptême d’Isabelle, mai 1963.

La vue depuis l’appartement, avril 1961. Dos de couverture :

Carte postale, années 70. D.R La communion privée de Michel et Brigitte, mai 1961.

(21)

13 Conseil départemental du Val d’Oise 2, avenue du Parc

CS20201 CERGY

95032 CERGY-PONTOISE cedex

tél : 01 34 25 30 30 fax : 01 34 25 33 00 communication@valdoise.fr www.valdoise.fr

Conception graphique

Élodie Godefroot, Il était une image.

© Conseil départemental du Val d’Oise, 2020 ISBN : 978-2-36196-044-5 - Diffusion gratuite

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