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Le recours à la force armée par l'Union africaine : Contribution à l'interprétation de l'article 4 (h) de l'Acte constitutif de l'Union africaine

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Thesis

Reference

Le recours à la force armée par l'Union africaine : Contribution à l'interprétation de l'article 4 (h) de l'Acte constitutif de l'Union africaine

DIALLO, Alimata

Abstract

La présente thèse apporte une contribution à l'interprétation de l'article 4 (h) de l'Acte de l'Union africaine. Elle explore dans un premier temps les raisons de l'institutionnalisation d'un droit d'intervention par l'Union africaine. Elle s'intéresse, ce faisant, à la préhistoire -correspondant aux prémices des velléités autonomistes des organisations régionales africaines- et à l'histoire de l'adoption de l'article 4 (h). L'étude démontre dans un second temps que l'interprétation de l'article 4 (h) qui semble le plus conforme aux intentions des rédacteurs de l'Acte constitutif, est celle d'une mise en œuvre du droit d'intervention sans une autorisation préalable du Conseil de sécurité, impliquant ainsi une tentative d'émancipation de l'organisation régionale - et de certaines autres organisations régionales africaines - du cadre strict de subordination prévu par l'article 53 de la Charte des Nations Unies. Finalement, la thèse s'interroge sur la légalité de l'article 4 (h) en droit international et relève sur ce point l'absence de conflits normatifs avec le droit de la Charte et le droit [...]

DIALLO, Alimata. Le recours à la force armée par l'Union africaine : Contribution à l'interprétation de l'article 4 (h) de l'Acte constitutif de l'Union africaine. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2019, no. D. 993

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:149899 URN : urn:nbn:ch:unige-1498993

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:149899

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LE RECOURS A LA FORCE ARMEE PAR L’UNION AFRICAINE : CONTRIBUTION À L’INTERPRETATION DE L’ARTICLE 4 (H) DE L’ACTE CONSTITUTIF DE

L’UNION AFRICAINE

Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur en droit par

Alimata Diallo

Sous la co-direction des professeurs Nicolas Michel et Makane Moïse Mbengue

Sous la présidence de M. Alexandre FLüCKIGER, Vice-doyen et professeur à la Faculté de Droit, Université de Genève,

le jury est composé de :

Mme Gloria GAGGIOLI, professeure à la Faculté de droit, Université de Genève Mme Namira NEGM, Ambassadrice, Conseillère juridique de l’Union africaine M. Nicolas Michel, professeur honoraire à la Faculté de droit, Université de Genève (co-

directeur de thèse)

M. Makane Moïse MBENGUE, professeur à la Faculté de droit, Université de Genève (co- directeur de thèse)

Faculté de droit de l’Université de Genève 2019

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A ma défunte mère, Qui m’a appris à voir l’éclat des étoiles dans la nuit noire, A mes frères et sœurs qui m’ont laissé choisir ma voie, A mon ami Sâ Benjamin Traoré qui m’a fait grâce d’une amitié inestimable.

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REMERCIEMENTS

J’exprime une profonde reconnaissance à toutes les personnes dont le soutien et l’amabilité ont rendu possible l’aboutissement de ce travail. Je ne saurais les nommer, de peur d’en oublier ou

de ne pas trouver les mots justes.

Il est des gratitudes qui s’expriment mieux dans le silence du cœur.

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a

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

Ann.C.D.I : Annuaire de la Commission du droit international Ann.I.D.I : Annuaire de l’Institut de droit international

AMISEC : Mission de l’Union africaine pour le soutien aux élections aux Comores AMISOM : Mission de l’Union africaine en Somalie (African Mission in Somalia) CADEG : Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance CARIC : Capacité africaine de réponse immédiate aux crises

CDI : Commission du droit international CDR : Capacité de déploiement rapide CEA : Communauté économique africaine

CEEAC : Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale CEDEAO : Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest CEDH : Convention européenne des droits de l’homme

CEMAC : Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale CER : Communautés économiques régionales

CIJ : Cour internationale de justice

COPAX : Conseil de paix et de la sécurité de l’Afrique centrale CPJI : Cour permanente de justice internationale

CPS : Conseil de paix et de sécurité FAA : Force Africaine en Attente

IGAD : Autorité intergouvernementale pour le développement LRA : L’Armée de résistance du seigneur

MIAB : Mission de l’Union africaine au Burundi MUAS : Mission de l’Union africaine au Soudan MISMA : Mission internationale de soutien au Mali

MINUSMA : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies

MISCA : Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite Africaine MINUSCA : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation

en Centrafrique

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b OEA : Organisation des Etats américains

OMC : Organisation Mondiale du Commerce ONU : Organisation des Nations Unies

ONUB : Opération des Nations Unies au Burundi OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique Nord OUA : Organisation de l’Unité africaine

UA : Union africaine UE : Union européenne UN : United Nations

U. N. Doc. : United Nations Document

RASD : République arabe sahraouie démocratique SADC : Southern African Development Community

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c

SOMMAIRE

Sigles et abréviationS ... a Sommaire ... c Introduction générale ... 1 Chapitre Préliminaire : L’architecture africaine de paix et de sécurité ... 26 Section I : Les organes de mise en œuvre de la sécurité collective de l’Union africaine ... 27 Section II : Les Communautés économiques régionales, acteurs clés du maintien de la paix en Afrique ... 58 Chapitre I : La préhistoire de l’article 4 (h) : les velléités sous-régionales de recours à la force armée sans autorisation préalable du Conseil de sécurité ... 94

Section I : La tendance à l’affirmation d’un droit d’intervention par la CEDEAO ... 94 Section II : Les tendances autonomistes des autres Organisations sous-régionales africaines ... 132 Chapitre II : L’histoire de l’adoption de l’article 4 (h) à la lumière des travaux préparatoires ... 161 Section I: Le processus d’adoption de l’article 4 (h) à la lumière des travaux préparatoires de l’Acte constitutif de l’Union africaine ... 163 Section II: les circonstances de l’institutionnalisation d’un droit d’intervention ... 196 Chapitre III : Accord ultérieur sur l’interprétation de l’article 4 (h) et pratique subséquente 238 Section I: le Consensus d’Ezulwini, un accord ultérieur interprétatif de l’article 4(h) ? .... 240 Section II: la pratique subséquente de l’Union africaine dans l’application de l’article 4 (h) ... 268 CHAPITRE IV:LA LEGALITE EN DROIT INTERNATIONAL DE LARTICLE 4(H) ... 306 Section I: Les arguments doctrinaux sur la relation entre l’article 4 (h) et le droit de la Charte ... 308 Section II: La compatibilité avec le droit de la Charte des Nations Unies ... 333

(9)

d

Chapitre V : L’hypothèse de la formation d’une norme coutumière régionale ... 362

Section I: les premières manifestations de la supposée norme coutumière ... 366

Section II: L’hypothèse d’une codification ou d’une cristallisation par la pratique conventionnelle ... 397

Conclusion générale ... 414

Table des matières... i

Bibliographie... vi

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

A son cinquième sommet extraordinaire tenu à Syrte (Libye), le 2 mars 20011, l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), représentant cinquante-trois (53) Etats membres2, déclarait solennellement et fièrement, la création de l’Union africaine. L’Acte constitutif qui avait été adopté le 11 juillet 20003 entrait officiellement en vigueur le 26 mai 2001, à la suite de la ratification par les deux tiers des Etats membres de l’OUA, conformément aux prescriptions de son article 28.4

La substitution de l’Union africaine à l’Organisation de l’Unité africaine est considérée comme un tournant décisif dans l’histoire politique moderne de l’Afrique.5 En effet, comme il a été relevé par la majorité des auteurs ayant procédé à l’analyse de la nouvelle Organisation, l’Union africaine est investie d’une mission beaucoup plus ambitieuse que sa devancière.6 La mutation de l’OUA en

1 OUA, Report of Secretary-General, Council of Ministers, 74th Ordinary Session, 9th Ordinary Session of the African Economic Community (AEC), 2-7 July 2001, CM/2210 (LXXIV).

2 L’Organisation de l’Unité africaine créé le 23 mai 1963 par les pays africains nouvellement indépendants à Addis- Abeba (Éthiopie) est la devancière de l’Union africaine qui comptait au moment de la mutation 53 États membres, le Maroc s’étant retiré de l’Organisation régionale le 12 novembre 1984 en raison de l’admission de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et le Soudan du Sud n’avait pas encore fait sécession. L’Union africaine compte de nos jours au total cinquante-cinq (55) États membres, le Soudan du Sud ayant acquis son indépendance de la République du Soudan le 9 juillet 2011 et le Maroc a réintégré de nouveau l’Union le 30 janvier 2017.

3 L’Acte constitutif de l’Union africaine a été adopté à la trente sixième session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement du 10-12 juillet 2000 tenue à Lomé au Togo.

4 L’article 28 de l’Acte constitutif de l’Union africaine dispose que : « Le présent Acte entre en vigueur trente jours après le dépôt des instruments de ratification par les deux tiers des États membres de l’OUA ». A noter également que dès son entrée en vigueur, l’Acte constitutif était censé abroger et remplacer la Charte de l’OUA, en application de l’article 33 (1). Mais la Charte de l’OUA est restée opérante pendant une période transitoire d’un an, en application d’une décision adoptée à cet égard par la trente septième session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement tenue à Lusaka (Zambie), le 10 juillet 2001, Conférence de l’UA, 37e Session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’OUA, Doc. AHG/Doc. 160.

5 Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act of The African Union », African Yearbook of International Law, vol. 9, 2001, p. 4; Tiyanjana MALUWA, « The Constitutive Act of the African Union and Postcolonial Institution- building in Africa », Leiden Journal of International Law, vol.

16, no1, 2003, p. 158; Tiyanjana MALUWA, « Fast-Tracking African Unity or Making Haste Slowly? A note on the amendments to the Constitutive Act of the African Union », Netherlands International Law Review, vol. 51, no2, 2004, p. 196.

6 Voir de façon selective, Stéphane DOUMBÉ-BILLÉ, « L’Union africaine : Objectifs et Principes », dans F.

OUGERGOUZ, A. A. YUSUF, L’Union africaine : Cadre juridique et institutionnel : Manuel sur l’Organisation panafricaine, Editions A. Pedone, 2013, pp. 57-76; Mesmer L. GUEUYOU, « Le rôle de l’Union africaine dans la

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2 une Union africaine consacre clairement une rupture avec l’ordre politique, juridique et institutionnel de l’OUA et la mise en place d’un nouvel ordre avec l’adoption de l’Acte constitutif.7 Ainsi, bien que la nouvelle Organisation reprenne à son compte certains grands principes de l’OUA8, elle s’en distingue par l’affirmation d’objectifs et principes innovants. L’Acte constitutif de l’Union africaine renferme plusieurs nouveaux principes reflétant les nouvelles aspirations de l’Organisation régionale africaine.9 Nous nous intéresserons cependant dans le cadre de cette étude à l’un de ces principes considérés comme le plus audacieux, voire révolutionnaire.10 Il s’agit de l’article 4, alinéa h) qui prévoit : « le droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre sur décision de la conférence, dans certaines circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le

prevention et la resolution des conflits », dans Fatsah OUGERGOUZ, Abdulqawi A. YUSUF, L’Union africaine : Cadre juridique et institutionnel : Manuel sur l’Organisation panafricaine, Editions A. Pedone, 2013, pp. 269-292;

Tiyanjana MALUWA, « Reimagining African Unity: Some Preliminary Reflections on The Constitutive Act of The African Union », op. cit., pp. 3-38; Tiyanjana MALUWA, « The Constitutive Act of the African Union and Postcolonial Institution- building in Africa », op. cit., pp. 157-170; Konstantinos D. MAGLIVERAS and Gino J.

NALDI, « The African Union-A New Dawn for Africa? » International and Comparative Law Quarterly, vol. 51, 2002, pp. 415-425; Abass ADEMOLA and Mashood A. BADERIN, «Towards Effective Collective Security and Human Right Protection in Africa: An Assessment of the Constitutive Act of the African Union », Netherlands International Law Review, vol. 49, no1, 2002, pp. 1-38; Corinne A. PACKER and Donald RUKARE, « Current Developments: The New African Union and its Constitutive Act », American Journal of International Law, vol. 96, no. 2, 2002, pp. 365-379.

7 Tiyanjana MALUWA, « La transition : De l’Organisation de l’Unité Africaine à L’Union africaine », dans Fatsah OUGERGOUZ, Abdulqawi A. YUSUF, L’Union africaine : Cadre juridique et institutionnel : Manuel sur l’Organisation panafricaine, Editions A. Pedone, 2013, p. 36.

8 Il s’agit notamment des principes de l’égalité souveraine des États repris par l’article 4 (a) de l’Acte constitutif, du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État consacré à l’article 4 (g), du principe du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tout État que l’on retrouve à l’article 4 (b), ainsi que du principe du règlement pacifique des différends qui est postulé à l’article 4 (e).Voir pour une analyse détaillée des objectifs et des principes de l’Union africaine, Stéphane DOUMBÉ-BILLÉ, « L’Union africaine : Objectifs et Principes », op. cit., pp. 57-76.

9 Voir par exemple le principe de la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes (article 4, l), le respect des principes démocratiques, des droits de l’homme, de l’état de droit et de la bonne gouvernance (article 4, m) ou la condamnation et rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement (article 4, p).

10 Voir par exemple Ben KIOKO, « the Right of Intervention under the African Union’s Constitutive Act: From Non- Interference to Non-Intervention “, International Review of the Red Cross, vol.85, 2003, pp. 812-814; BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, t. 237, 2010, p. 289.

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3 génocide et les crimes contre l’humanité ».11 Cette disposition suscite de l’intérêt à plusieurs égards.

Premièrement, l’article 4 (h) constitue sans l’ombre d’un doute une innovation institutionnelle sans précédent. C’est en effet une première en droit international qu’une Organisation régionale institutionnalise un droit d’intervention sur le territoire de ses Etats membres en cas de commission de certains crimes graves tels que les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre l’humanité.12 Considérée comme une disposition sans égal dans d’autres régions du monde, elle a, à juste titre, suscité divers commentaires sur son caractère novateur. Par exemple, dans son Rapport portant sur la mise en œuvre de la responsabilité de protéger, du 12 janvier 2009, le Secrétaire général des Nations Unies faisait remarquer à propos de l’institutionnalisation d’un droit d’intervention en Afrique :

« […] L’évolution de la pensée et de la pratique en Afrique a été à cet égard particulièrement remarquable.

Tandis que l’Organisation de l’unité africaine insistait sur la non-intervention, l’Union africaine qui lui a succédé a mis l’accent sur la non-indifférence. En 2000, cinq ans avant la reconnaissance par le Sommet mondial de 2005 de la responsabilité de protéger, l’Acte constitutif de l’Union africaine prévoyait, à l’alinéa

11 La disposition a été amendé deux ans après l’adoption de l’Acte constitutif pour étendre les motifs d’intervention à la « menace grave de l’ordre légitime afin de restaurer la paix et la stabilité dans l’État membre de l’Union sur recommandation du Conseil de paix et de sécurité », voir l’article 4 (h) tel que amendé par le Protocole portant amendement de l’Acte Constitutif de l’Union Africaine adopté par la première session extraordinaire de l’Assemblée de l’Union Africaine à Addis-Abeba, le 03 février 2003. Ce protocole devra entrer en principe en vigueur après la ratification par les deux tiers des cinq États membres de l’Union, à la date du 15 juin 2017, il a été ratifié par seulement 28 pays membres, voir sur le statut de ratification https://au.int/sites/default/files/treaties/7785-sl- protocol_on_the_amendments_to_the_constitutive_act_of_the_african_union_.pdf.

12 Abdulqawi A. YUSUF, « The Right of Intervention by the African Union: A New Paradigm in Regional Enforcement Action? », African Yearbook of International Law, vol.11, 2003, p. 3. Cette affirmation est cependant à nuancer. En effet, bien avant l’adoption de l’Acte constitutif de l’Union africaine, deux organisations sous régionales, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (en abrégé CEDEAO) et la Communauté économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) ont adoptés des protocoles qui instituent des droits d’intervention dans les affaires intérieures de leurs États membres. Voir pour plus de détails sur ces innovations institutionnelles, infra, chapitre I. Celles-ci étant cependant des organisations sous régionales, l’Union africaine reste la première organisation régionale regroupant tous les États du continent africain à institutionnaliser un droit d’intervention.

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4

h) de son article 4, le « droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre sur décision de la Conférence, dans certaines circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité ».13

Deuxièmement, cette institutionnalisation est très surprenante dans la mesure où la disposition semble remettre en cause certains principes classiques du droit international, notamment le principe de souveraineté, de non-intervention et de l’interdiction du recours à la force auxquels sont fermement attachés les Etats, particulièrement les Etats africains.14 L’insertion d’un droit d’intervention dans l’Acte constitutif de l’Union africaine est d’autant plus étonnante que les Etats africains ont toujours manifesté une hostilité à toute notion d’intervention, quels qu’en soit les motifs.15 Ils étaient ainsi particulièrement opposés à l’idée de consécration d’un droit général d’intervention humanitaire au plan international. En d’autres termes, il semble résider un paradoxe entre le discours des dirigeants africains sur le droit d’intervention humanitaire et l’adoption de l’article 4 (h). A titre illustratif, quelques mois seulement avant l’adoption de l’Acte constitutif, les Etats africains signaient des déclarations adoptées par le « Groupe des 77 »16 et par le Mouvement des Non-alignés qui rejetaient toutes clairement la notion d’intervention humanitaire.17 Ces Etats

13 La mise en œuvre de la responsabilité de protéger, Rapport du Secrétaire général, 12 janvier 2009, par. 8, UN Doc.

A/63/677.

14 Les États africains étaient très attachés à ces principes depuis leur accession aux indépendances. Cet attachement était justifié selon Martin Kunschak par leur fragilité et leur vulnérabilité, Martin KUNSCHAK, « The African Union and the Right to Intervention: Is there a Need for UN Security Council Authorisation? », South African Yearbook International Law, vol.31, 2006, p.195.

15 Ils soupçonnaient les États puissants de défendre des intérêts impérialistes sous le couvert de l’argument d’intervention pour des motifs humanitaires. Martin KUNSCHAK, « The African Union and the Right to Intervention:

Is there a Need for UN Security Council Authorisation? », op. cit., pp.195-196; Abdulqawi A. YUSUF, « The Right of Intervention by the African Union: A New Paradigm in Regional Enforcement Action? », op. cit. pp.16-17; Edward KWAKWA, « Internal Conflicts in Africa: Is There a Right of Humanitarian Action? », African Yearbook of International Law, vol. 2, 1994, p. 30.

16 Le « Groupe des 77 » est un organisme qui regroupe 132 États membres de l’ONU.

17 La première déclaration adoptée le 24 septembre 1999 rejetait de façon vigoureuse le droit d’intervention humanitaire : « [T]he Ministers stressed the need to maintain clear distinctions between humanitarian assistance and other activities of the United Nations. They rejected the so-called right of humanitarian intervention, which has no basis in the UN Charter or in international law », Declaration given on the 35th anniversary of the creation of the « Group of 77», par. 69 et 70.

Une seconde déclaration est adoptée quelques mois plus tard par le même groupe réaffirmant le rejet du « prétendu droit d’intervention humanitaire, qui ne se fonde sur aucune base légale dans la Charte des Nations Unies ni dans les principes généraux du droit international », Déclaration du Sommet du Sud, adoptée par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres du Groupe des 77 réunis à La Havane, 14 avril 2000, annexée à la Lettre datée du

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5 ont également, de façon individuelle, condamné le droit d’intervention humanitaire au nom, entre autres, du respect de la souveraineté des Etats et du système de la Charte des Nations Unies.18 Troisièmement, l’article 4 (h) inspire de nouveau la curiosité lorsqu’on prend en considération le contexte de sa codification. L’Acte constitutif a été adopté à une période où le débat sur l’existence d’un « droit d’intervention humanitaire » avait connu un renouveau.19 Mais, la doctrine a fait l’objet de tellement de controverses et de réticences que tout espoir de sa consécration formelle au niveau international semblait perdu d’avance.20 Il semble par conséquent difficile de voir en l’article 4 (h), la duplication d’une doctrine qui a émergé au plan international, vu qu’elle a massivement fait l’objet de rejet.21

Enfin, l’article 4 (h) soulève davantage de questionnements sur sa compatibilité avec le droit de la Charte qui régit le recours à la force. L’absence de précision sur l’exigence de l’autorisation préalable du Conseil de sécurité avant la mise en œuvre de la disposition suggère a priori une remise en question du droit de la Charte, notamment l’article 53 qui soumet toute action coercitive des Organisations régionales en matière de maintien de la paix et de la sécurité à une autorisation préalable du Conseil de sécurité. Une telle position, si elle est assumée, entraine de sérieuses complications en droit international étant donné qu’elle implique une atteinte au monopole du

5 mai 2000, adressée au président de l’Assemblée générale par le Représentant permanent du Nigéria auprès de l’ONU, A/55/74, 12 mai 2000, par. 54. Voir également, le Communiqué final publié à l’issue de la Réunion des ministres des affaires étrangères et des chefs de délégation du Mouvement des pays non alignés tenue à New York le 23 septembre 1999, annexée à la Lettre datée du 15 octobre 1999, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de l’Afrique du Sud auprès de l’Organisation des Nations Unies, 18 octobre 1999, A/54/469 S/1999/1063, par. 8.

18 Voir dans ce sens entre autres les positions de l’Égypte (A/54/PV.29, 7 octobre 1999, p. 8) ; de l’Éthiopie (A/C.4/54/SR.13, 27 octobre 1999, p. 2, par. 5); du Sénégal (A/54/PV.56, 20 octobre 1999, p. 11); de la Lybie (A/54/PV.19, 30 septembre 1999, p.18); de la Namibie (A/55/PV.24, 20 septembre 2000, p. 12); de la Tunisie (A/55/PV.6, 7 septembre 2000, p. 13).

19 Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, 2ème éd., Paris, Pedone, 2014, pp. 795-796.

20 Ibid.

21 Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 801-836; Christine GRAY, International Law and the Use of Force, 3rd ed. Oxford, Oxford University Press, 2008, pp. 51-55.

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6 Conseil de sécurité en matière de recours à la force ainsi qu’un risque de nullité de la disposition pour violation de l’article 2 (4) largement considérée comme une norme de droit impératif.22 On comprend alors aisément que cette nouveauté institutionnelle totalement inattendue et suffisamment audacieuse qui annonce un changement de paradigme en matière de recours à la force armée par l’Union africaine donne lieu à des débats dès les lendemains de son adoption.

Bien que près de deux décennies après l’adoption de l’Acte constitutif, l’article 4 (h) n’ait pratiquement pas fait l’objet d’une application surtout dans le cadre d’une action coercitive armée, la survenance de plusieurs crises humanitaires de grande ampleur sur le continent, notamment celles au Darfour et en Somalie a de nouveau attiré l’attention des chercheurs sur la disposition.23 La récente intervention militaire de la CEDEAO en Gambie sans une autorisation préalable du Conseil de sécurité a également contribué à relancer le débat sur le nouveau développement

22 Voir l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités qui dispose qu’: « est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général », Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. L’article 26 du projet d’articles sur la responsabilité des États, prévoit également qu’aucune circonstance excluant l’illicéité ne peut être admise pour « tout fait de l’État qui n’est pas conforme à une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général », Rapport de la CDI pour sa cinquante- troisième session, doc. A/56/10, 1er octobre 2001, p. 221. L’article 25 du projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales prévoit un principe identique, voir Rapport de la CDI pour sa soixante et unième session, doc. A/64/10, 25 septembre 2009, p. 108. D’autre part, un autre point de vue a été développé par certains auteurs consistant à considérer l’article 53 de la Charte en tant que disposition précisant les contours du recours à la force – dont le caractère impératif est reconnu- comme exprimant à son tour une règle de jus cogens dont la violation entrainerait une nullité de la disposition en cause, voir sur ce point, Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op.

cit., p. 565 ; Chrisitne GRAY, International Law and the Use of Force, op. cit., p. 53; Ademola ABASS and Mashood A. BADERIN, « Towards effective collective security and human rights protection in Africa: An assessment of the Constitutive Act of the new African Union », op. cit., p. 18.

23 Ces crises ont remis à l’ordre du jour les questionnements sur la mise en œuvre de l’article, certains auteurs y ayant vu l’occasion d’une application de l’article 4 (h). Voir par exemple sur la question Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 466-472 ; Abass ADEMOLA, « The United Nations, the African Union and the Darfur Crisis: Of Apology and Utopia », Netherlands International Law Review, vol. LIV, 2007, p. 415-440;

Paul D. WILLIAMS and David R. BLACK, « Introduction: International Society and the Crisis in Darfur », in Paul D. WILLIAMS and David R. BLACK, (eds.), The International Politics of Mass Atrocities: The Case of Darfur, Routledge, Abingdon, forthcoming 2009, pp. 1-25; Alex J. BELLAMY, Global Politics and the Responsibility to Protect – From words to deeds, Routledge, 2010, p. 14; Alex J. BELLAMY, « The Responsibility to Protect – Five Years On », Ethics & International Affairs, vol. 24, no2, 2010, pp. 143-169; International Crisis Group, « The AU ‘s Mission in Darfur: Bridging the Gaps » , Africa Briefing No. 28, International Crisis Group, Nairobi/Brussels, 6 July 2005, disponible sur https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/sudan/aus-mission-darfur-bridging-gaps, consulté le 04 mai 2018.

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7 normatif en matière de recours à la force par les Organisations régionales africaines.24La présente étude tentera d’apporter des éléments de clarification sur le sens et la portée d’une disposition juridique suffisamment imprécise sur le plan normatif et qui légifère dans des domaines déjà bien controversés à l’origine, les relations entre l’ONU et les Organisations régionales en matière de recours à la force. Cette clarification est suffisamment importante dans la mesure où le recours à la force dans la société internationale « n’[est -] pas une chose à prendre à la légère », pour emprunter des termes de la Cour internationale de la justice dans un autre contexte.25

Partant de cette mise en contexte, notre propos introductif s’attèlera dans un premier temps à faire quelques précisions utiles de clarification conceptuelle et de délimitation du sujet de l’étude (I). Il sera question dans un second temps de la problématique et de l’hypothèse de l’étude (II). Notre interêt portera en dernier lieu sur la méthodologie et le plan de l’étude (III).

I- Considérations générales sur la notion d’intervention en droit international Une réflexion juridique sur l’interprétation de l’article 4 (h) impose au préalable de déterminer le plus clairement possible ce que recouvre la notion de « droit d’intervention » à laquelle renvoie la disposition. Cette tâche de clarification s’avère toutefois ardue au regard des incertitudes qui entourent la définition même du concept d’« intervention » en droit international. On s’attachera alors dans un premier temps à préciser la notion d’intervention en général (A), avant d’explorer le sens visé par l’article 4 (h) (B).

A- La notion d’intervention en général

Malgré d’abondantes publications en science politique et en droit portant sur l’intervention, des confusions persistent sur le sens et la véritable portée de la notion en droit international. Un tour d’horizon permet de constater que l’intervention demeure à ce jour une notion suffisamment obscure au point où l’on ne puisse en donner une signification précise, ni même en définir le

24 Cette intervention sera abordée plus en détails dans les développements qui suivront.

25 La Cour utilisait cette formule dans l’affaire Nottebhom parlant de la naturalisation, voir CIJ, Nottebhom, 1955, p.

24.

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8 contenu exact.26Le flou conceptuel qui entoure la notion s’explique en partie par la diversité des situations qu’elle est censée couvrir.27 Plus récemment, l’apparition de certains concepts impliquant la notion d’intervention tels que l’ « ingérence humanitaire » ou l’ « intervention humanitaire », qui eux-mêmes sont peu définis, a favorisé le foisonnement d’autres notions voisines à l’origine de nouvelles confusions conceptuelles.

Il peut néanmoins être retenu dans le cadre d’une tentative d’appréhension de la notion que sa définition a connu une évolution historique progressive. A l’origine, l’intervention était utilisée en droit international classique pour désigner des pressions spécifiques et ponctuelles dans le cadre de relations pacifiques. A partir du 19e siècle, le terme renvoyait dans le vocabulaire juridique au fait de « s’ingérer », de « s’immiscer » ou « d’interférer » dans les affaires internes d’un Etat. Au 20e siècle, l’« intervention » désigne une action d’un Etat pour protéger ses propres citoyens. C’est à partir de l’entre-deux-guerres que le concept d’intervention acquiert le sens qui lui est attribué de nos jours, c’est-à-dire la violation du domaine réservé de l’Etat.28 Un consensus s’est ainsi dégagé dans la doctrine contemporaine depuis l’adoption de la Charte pour reconnaître que l’intervention consiste en l’immixtion d’un Etat, d’un groupe d’Etats ou d’une Organisation intergouvernementale dans les affaires internes ou externes d’un Etat souverain indépendant sans le consentement de celui-ci, et ce dans le but de lui imposer sa volonté.29 Le dictionnaire de droit

26 Percy H. WINFIELD, « The History of Intervention in International Law », British Yearbook of International Law, vol. 3, 1922-3, p. 130; Pitman B. POTTET, « L’intervention en droit international moderne », Recueil des cours de l’Académie de Droit International de la Haye, 1930–II, vol.32, p. 612; Antoine -Didier K-M. MINDUA, Organisations internationales, interventions armées et droits de l’Homme, Genève: I.U.H.E.I., thèse n°708, 1995, p.

33.

27 Lori F. DAMROSCH, « Changing Conceptions of Intervention in International Law », in Reed Laura W. et Kaysen, Carl (ed.), Emerging Norms of Justified Intervention. A collection of Essays from a Project of the American Academy of Arts and Sciences, Cambridge Massachusetts: C.I.S.S., 1993, p. 91 cité par Thierry TARDY, « L’intervention dans les années quatre-vingt-dix: réflexion autour d’un concept évolutif », Annuaire Français des Relations Internationales, vol.2, 2001, pp.771-772.

28 James E.S. FAWCETT, « Intervention in International Law », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, t. 103. vol. II, 1961, p. 347; Natalino RONZITTI, Rescuing Nationals abroad through Military Coercion and Intervention on Grounds of Humanity, Dordrecht, Boston, Lancaster: Martinus Nijhoff Publishers, 1985, p. 21.

29 Dès la période de l’entre-deux guerres déjà des auteurs considéraient comme éléments essentiels de définition de l’intervention une immixtion d’un quelconque degré ou de quelque nature que ce soit d’un ou de plusieurs États dans les affaires internes ou externes d’un ou de plusieurs États, voir Percy H. WINFIELD, « The history of Intervention

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9 international public de Jean Salmon définit ainsi l’intervention comme des « mesures de contrainte d’ordre politique, économique ou militaire, prises par un ou plusieurs Etats, constituant une ingérence dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre Etat et empiétant sur sa souveraineté et la liberté ».30 L’intervention est également définie par le manuel de droit international public Q. D. NGUYEN comme « le fait d’un Etat qui cherche à pénétrer dans la sphère de compétence exclusivement réservée à un autre Etat, soit pour l’aider à régler ses affaires propres, soit pour les régler à sa place ou l’obliger à les régler conformément à ses vœux ».31 De ces définitions, il peut être retenu que l’intervention se caractérise par deux éléments constitutifs essentiels que sont la contrainte physique ou morale, et le domaine réservé de l’Etat.32 Il reste que de profonds désaccords subsistent sur la définition du contenu et de la portée du domaine réservé de l’Etat, ainsi que sur la nature de la contrainte exercée dans le cadre d’une intervention. La détermination du contenu exact du domaine réservé de l’Etat pose problème. Certains l’assimilent à la « compétence nationale exclusive », notion qui reste tout autant imprécise que le domaine

in International Law », op. cit., pp.131- 139 ; Pitman B. POTTET., « L’intervention en droit international moderne », op.cit., p.614.

30 », Jean SALMON (dir.), dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 609.

31 Voir Patrick DAILLIER, Alain PELLET, Mathias FORTEAU, Nguyen QUOC DINH, Droit international public, 8e édition, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2009, p. 1046.

32 Même si certains auteurs réfutent le fait que la contrainte soit constitutive de l’intervention. Pour ces auteurs, une atteinte aux droits souverains de l’État semble suffisante. C’est le cas de E. DAVID, « portée et limite du principe de non-intervention », Revue Belge de Droit International, 1990/2, §7 ; ainsi que de VERHOEVEN J., « Non- intervention : ‘affaires intérieures’ ou ‘vie privée’ ? », in Le droit international au service de la paix, de la justice et du développement : Mélanges Michel Virally, Paris, Pédone, 1991, p.494. Pourtant la contrainte en tant que composante de l’intervention a été confirmée par la résolution 2131 (XX) de l’Assemblée Générale de l’ONU du 21 décembre qui interdit l’usage de mesures en vue de « contraindre un autre État », ainsi que celle 2625 (XXV) qui dispose en ces termes « aucun État ne peut appliquer ni encourager l’usage de mesures économiques, politiques ou de tout autre nature pour contraindre un autre État ». La Cour Internationale de Justice a également confirmé cette vision dans son arrêt relatif à l’Affaire des activités militaires et paramilitaires, voir CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 1986, § 205, p.108, où la Cour observe que « l’intervention est illicite lorsqu’à propos de ces choix, qui doivent demeurer libres, elle utilise des moyens de contrainte ». Le terme contrainte n’est en réalité pas non plus défini en droit international, d’où la difficulté à en délimiter les contours, Voir Olivier CORTEN & Pierre KLEIN, Droit d’ingérence ou obligation de réaction ? Les possibilités d’action visant à assurer le respect des droits de la personne face au principe de non-intervention, Bruxelles, E. Bruylant, 1992, p.17. Il apparait évident qu’une intervention armée implique nécessairement une contrainte, mais celle –ci ne se résume pas exclusivement à l’emploi de la force militaire, elle implique également selon ces auteurs d’autres mesures aussi bien économiques, diplomatiques que politiques.

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10 réservé de l’Etat33, d’autres au contraire lui renient une existence juridique autonome.34 Si l’on s’en tient cependant à l’avis de la Cour Internationale de Justice (C.I.J.), le domaine réservé de l’Etat se rapporte aux orientations politiques internes d’un Etat, ainsi qu’au choix du niveau d’armement.35

Des divergences doctrinales ont également porté sur le fait de savoir si l'intervention impliquait des mesures coercitives non armées ou renvoyait exclusivement à des actions armées, ou encore sur la forme de pression ou d’action permettant de conclure à une intervention armée.

En ce qui concerne la première question portant sur la nature des actions coercitives constitutives d’intervention, les avis sont très partagés. Pour certains auteurs, la notion d’intervention couvre toute « ingérence », qu’elle soit consentie, sollicitée ou imposée à travers une action de caractère militaire. Les tenants de cette vision estiment que les pressions économiques et politiques ne peuvent être qualifiées d’intervention que dans la mesure où elles pourraient être assimilées à des usages de la force.36 D’autres identifient la contrainte comme renvoyant exclusivement à la menace

33 Le ‘domaine réservé’ de l’État est considéré par le dictionnaire de droit international public et par une majorité doctrinale comme le « domaine d’activités dans lequel l’État, n’étant pas lié par le droit international, jouit d’une compétence totalement discrétionnaire et, en conséquence, ne doit subir aucune immixtion de la part des autres États ou des organisations internationales », Jean SALMON (dir.), dictionnaire de droit international public, op.cit., p. 356.

Voir également Robert KOLB, « Du domaine réservé : réflexions sur la théorie de la compétence nationale », Revue générale de droit international public, 2006, no3, p. 602 ; Gilbert GUILLAUME, « Article 2, paragraphe 7», dans Jean-Pierre COT, Alain PELLET, et Mathias FORTEAU (dir. publ.), La Charte des Nations Unies : commentaire article par article, Paris, Economica, 2005, pp. 485-507.

34 Voir entre autres Robert KOLB, « Du domaine réservé : réflexions sur la théorie de la compétence nationale », op.

cit., pp. 597 – 646; Georges SCELLE, « Critique du soi-disant domaine de ‘compétence exclusive’ », Revue de droit international et de législation comparée, vol. 14, 1933, pp. 365 et ss.

35 CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, op.cit., par. 258, pp.130-131 et par. 270, p.135.

36 Voir Patrick DAILLIER, Alain PELLET, Mathias FORTEAU, Nguyen QUOC DINH, Droit international public, op. cit., p.1047. Mario BETTATI fait cependant une distinction entre l’intervention (ou ingérence puisqu’il assimile les deux termes) matérielle et celle immatérielle. Pour lui, l’intervention matérielle implique une incursion physique sur le territoire d’un Etat, cette forme d’intervention peut donner lieu à une qualification d’agression. L’intervention immatérielle consiste elle, à simplement s’immiscer dans les affaires intérieures d’un Etat étranger en prenant position sur son régime politique, économique ou social afin de la faire changer par la rupture diplomatique ou toute autre moyen de pression. Elle n’implique pas d’action physique ni de présence sur le territoire de l’Etat victime de l’intervention, Mario BETTATI, « un droit d’ingérence ? » Revue générale de droit international public, vol. XCV, no3, pp. 641-642.

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11 ou à l'emploi de la force armée.37 Les deux résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU se référant à l’intervention, semblent indiquer que la notion comprend d’autres types de mesures que l’action militaire. La résolution 2131(XX) du 21 décembre 1965 donne à la notion une définition suffisamment large, impliquant toutes autres mesures que l’emploi de la force, bien que tout usage de la force ne se rapporte pas forcement à une action armée.38 La résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 considère comme intervention : « … non seulement l’intervention armée mais aussi toute autre forme d’ingérence ou toute menace… ».39 Le principe de non-intervention postulé par cette résolution traduit une conception extensive de la contrainte soutenue par certains auteurs ainsi que par les Etats du tiers monde. Cette conception extensive considère que la contrainte peut être aussi bien morale que physique et se traduire par des pressions diplomatiques, politiques ou économiques.40

Enfin, sur la seconde branche des divergences doctrinales portant sur la forme de contrainte constitutive d’intervention armée, il faut relever qu’en droit international public, l’intervention

37 Mark AMSTUTZ par exemple définit l’intervention comme « l’usage de la force armée destinée à imposer la volonté de celui qui intervient contre un adversaire refusant de s’y soumettre », Mark R. AMSTUTZ, International Conflict and Cooperation. An Introduction to World Politics, Brown and Benchmark, Chicago, 1995, p. 242; Selon Charles- Philippe DAVID, l’intervention a remplacé la guerre. Il la définit comme « un comportement coercitif qui engage le déploiement d’une force militaire et vise des opérations armées qui comportent un risque de violence », Charles- Philippe. DAVID, La Guerre et la paix. Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, p. 257 ; voir aussi Mohammed BENOUNNA, le consentement à l’ingérence militaire dans les conflits internes, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence,1976, p.12 ; James E.S. FAWCETT,

« Intervention in International Law », op. cit., p. 347.

38 Le texte de la résolution 2131 (XX) dispose en effet que :

« 1. Aucun État n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État. En conséquence, non seulement l’intervention armée mais aussi toute autre forme d’ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d’un État ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels sont condamnés.

2. Aucun État ne peut appliquer, ni encourager l’usage de mesures économiques, politiques ou de tout autre nature pour contraindre un autre État à subordonner l’exercice de ses droits souverains pour obtenir de lui des avantages de quelque ordre que ce soit… », Nos italiques.

39 Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, A. G. Rés. 2526 (XXV), 24 octobre 1970.

40 W. THOMAS And A. J. THOMAS, Non-intervention. The law and its Import in the Americas, Dallas: Southern Methodist University Press, 1956, p.69.

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12 armée semble être considérée comme ayant une existence juridique propre. Elle désigne un recours spécifique à l’emploi de la force. Elle fait généralement référence à une action armée illégale sur le territoire et la juridiction d’un Etat.41 La Cour Internationale de Justice et la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale ont également fourni des précisions permettant de définir l’intervention armée. En effet, dans son arrêt du 27 juin 1986, la Cour définit la forme de la contrainte donnant lieu à une intervention armée. D’après elle, : « cet élément de contrainte, constitutif de l’intervention prohibée et formant son essence même, est particulièrement évident dans le cas d’une intervention utilisant la force, soit sous la forme directe d’une action militaire, soit sous celle, indirecte, du soutien à des activités armées subversives ou terroristes à l’intérieur d’un autre Etat ».42 La résolution 2625 (XXV) quant à elle dispose que : « tous les Etats doivent aussi s’abstenir d’organiser, d’aider, de fomenter, de financer, d’encourager ou de tolérer des activités armées subversives ou terroristes destinées à changer par la violence le régime d’un autre Etat, ainsi que d’intervenir dans les luttes intestines d’un autre Etat ».43 Il ressort de ces textes que l’intervention armée consiste pour un Etat à utiliser ses propres troupes pour mener une action militaire sur le territoire d’un autre Etat, - dans ce cas on parle d’intervention armée directe - ou à soutenir des insurgés dans une guerre civile ou des activités subversives ou terroristes à l’intérieur d’un autre Etat.44

Les rédacteurs de l’Acte constitutif semblent avoir fait l’option de la conception extensive de la contrainte constitutive d’intervention, l’article 4 (h) ayant été expressément mis en œuvre pour la

41 Stephen M. SCHWEBEL, « Aggression, Intervention and Self-defense in Modern International Law », Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye, t. 136, vol. II, 1972, p.455.

42 CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, op.cit., par. 205, pp.107-108.

43 A. G. Rés. 2526 (XXV), 24 octobre 1970, op. cit., par. 2.

44 Voir sur l’intervention armée indirecte la Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des États, A.G. Res. 36/103, 9 décembre 1981, par. 2.

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13 première fois dans le cadre d’une action coercitive non armée. L’Union africaine a en effet invoqué l’article 4 (h) pour soutenir son action dans le procès Hissène Habré.45

L’« intervention » au sens de l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’Union africaine renvoie par conséquent à la fois à des actions coercitives armées et non armées. Notre analyse se focalisera cependant essentiellement sur les mesures coercitives armées. Ce choix se justifie par le fait qu’il est admis de nos jours que l’intervention non armée n’est pas considérée comme une violation de l’article 53 de la Charte.46 La pratique du Conseil de sécurité et des Organisations régionales a évolué vers une reconnaissance de l’interprétation restrictive des mesures coercitives selon laquelle seules les mesures militaires requièrent l’autorisation du Conseil de sécurité en vertu de l’article 53.47 Les Organisations régionales jouissent ainsi d’une autonomie dans l’adoption de mesures non armées à l’encontre de leurs Etats membres. Ces dernières ne requièrent pas une autorisation du Conseil de sécurité.

Le second impératif de clarification a trait à la nature du droit d’intervention institué par l’article 4 (h).

B- Nature et caractéristiques de l’intervention visée à l’article 4 (h)

L’Acte constitutif de l’Union africaine n’apporte pas de précisions sur les contours du droit d’intervention consacré par l’article 4 (h). Il est simplement mentionné un « droit d’intervention » en cas de survenance de circonstances graves comme les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité. La disposition a ainsi été assimilé par la plupart des auteurs à un « droit d’intervention humanitaire », voire à « la responsabilité de protéger », les notions les plus usitées

45 Conférence de l’U.A, 7e session ordinaire, Banjul, 2 juillet 2006, « Décision sur le procès d’Hissène Habré et

l’Union africaine », Doc. Assembly/AU/3 (VII), disponible sur

http://archive.au.int/collect/auassemb/import/French/Assembly%20AU%20Dec%20127%20(VII)%20_F.PDF.

46 Ana P. LLOPIS, Force, ONU et organisations régionales : répartition des responsabilités en matière coercitive, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 77 – 87.

47 Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », op.cit., pp. 265 - 267.

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14 pour designer l’usage de la force armée à des fins humanitaires ou de protection des droits de l’Homme. 48

Cependant, s’il existe des proximités conceptuelles entre ces notions, le droit d’intervention institué par l’article 4 (h) ne saurait être parfaitement identifié à celles-ci. Les similitudes et dissemblances entre ces notions feront l’objet d’une analyse approfondie dans le corps du travail.

On retiendra dans le cadre de cette étude que le « droit d’intervention » au sens de l’article 4 (h) renvoie aux éléments de définition suivants :

- En premier lieu, une intervention dans les affaires intérieures des Etats membres. Le terme intervention impliquant aussi bien des mesures coercitives armées et non armées.

- En second lieu, le consentement de l’Etat membre concerné n’est pas requis. D’abord, parce que la décision d’intervention est prise par une majorité de deux tiers de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement. Ensuite, comme le note Olivier Corten, l’expression « droit » implique par hypothèse une base juridique autonome ne nécessitant par conséquent pas un consentement préalable de l’Etat hôte.49

- En troisième lieu, la question de l’autorisation préalable du Conseil de sécurité des Nations Unies reste posée, ce qui justifie que nous écartions l’assimilation de la disposition au droit d’intervention humanitaire qui par hypothèse renvoie à une action militaire unilatérale.

- En dernier lieu, l’intervention dans le cadre de l’article 4 (h) ne poursuit pas que des buts humanitaires. Elle vise également des situations qui ne relèvent pas nécessairement des

48 Voir de façon sélective, par exemple, Robert KOLB qui parle d’ « une institutionnalisation du droit d’intervention humanitaire, auquel la pointe acérée de l’unilatéralisme est enlevée par une prise de décision collective », Robert KOLB, « article 53 », dans Jean-Pierre COT, Alain PELLET, et Mathias FORTEAU (dir. publ.), La Charte des Nations Unies : commentaire article par article, Paris, Economica, 2005, p. 1421 ; Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », op. cit., p. 290 ; Abdulqawi A. YUSUF, « The Right of Intervention by the African Union: A New Paradigm in Regional Enforcement Action? », op. cit., pp.16-20 ; Guillaume ETIENNE , « L’article 2, paragraphe 7, de la Charte des Nations Unies : Une lecture à la lumière de la pratique récente de l’Assemblée générale et du Conseil de Sécurité des Nations Unies », African Yearbook of International Law, vol. 11, 2003, pp. 256-261 ; Dan KUWALI , « Protect Responsibly : the African Union’s implementation of article 4 (h) intervention », Yearbook of International Humanitarian Law, vol.11, 2008, p. 52.

49 Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 796.

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15 plus graves violations des droits de l’homme, notamment la menace grave de l’ordre légitime d’un Etat membre ou encore la restauration de la paix et de la sécurité sur la recommandation du Conseil de paix et de sécurité.

Ces précisions faites, il convient dès lors d’examiner la problématique et l’hypothèse de travail retenues.

II- Problématique et hypothèse de l’étude

On commencera par aborder la problématique qui soutiendra la réflexion (A), avant d’en venir à l’hypothèse de travail formulée (B).

A- Problématique de l’étude

Un auteur bien connu publiait en 2012 dans l’European Society of International Law (ESIL), un article intitulé « L’Union africaine, une Organisation régionale susceptible de s’émanciper de l’autorité du Conseil de sécurité, Opinio juris et pratique récente des Etats ».50 L’intitulé de cette étude révèle en partie toute la problématique qui entoure l’interprétation de l’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’Union africaine.

Il est, en effet, généralement admis qu’en matière de recours à la force armée, l’action des Organisations régionales est subordonnée à une autorisation préalable du Conseil de sécurité.51 Il s’en suit que « l’action coercitive des Organisations régionales repose sur une délégation de pouvoirs du Conseil de sécurité ».52 Une Organisation régionale ne peut par conséquent exercer

50 Olivier CORTEN, « L’Union africaine, une organisation régionale susceptible de s’émanciper de l’autorité du Conseil de sécurité ? Opinio juris et pratique récente des Etats », Select Proceedings of European Society of International Law : http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2193756; paru également dans Mariano J Aznar, Mary E Footer (Eds.), Select Proceedings of the European Society of International Law, vol. 4, 2012 (2016), pp. 203-219.

51 Article 53 par. 1 de la Charte des Nations Unies qui dispose : « Le Conseil de sécurité utilise, s’il y’a lieu, les accords ou organismes régionaux pour l’application des mesures coercitives prises sous son autorité. Toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d’accords régionaux sans l’autorisation du Conseil de sécurité ».

52 Robert KOLB, Ius contra bellum, le droit international relatif au maintien de la paix, Précis, Helbing &

Lichtenhahn, Bâle / Genève/ Munich, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 109.

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16 un droit propre d’action coercitive armée sans une autorisation préalable du Conseil de sécurité.53 Il est également reconnu que la prohibition du recours à la force armée ne connait que deux limites en droit international, la légitime défense prescrit par l’article 51 de la Charte et les actions autorisées par le Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII.54 Or, bien qu’impliquant de véritables interventions militaires, l’article 4 (h) ne fait aucune mention de l’obligation d’obtenir l’autorisation préalable du Conseil de sécurité. Il est même expressément prévu que ces interventions soient autorisées par des organes spécifiques des Organisations régionales. La décision d’intervention est prévue pour être prise par la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union55, sur recommandation du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS)56 ou à la demande d’Etats membres de l’Union.57 L’opération militaire étant censée être conduite par la

53 Voir Erika DE WET, « The Evolving Role of ECOWAS and the SADC in Peace Operations: A Challenge to the Primacy of the United Nations Security Council in Matters of Peace and Security », Leiden Journal of International Law, vol.27, 2014, p. 355 et s.; Robert KOLB, Ius contra bellum, le droit international relatif au maintien de la paix, op. cit., p. 144 et s.; Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., p. 555.

54 En plus de ces limitations, il est admis en droit international que le consentement donné à un recours à la force est de nature à justifier celui-ci, voir Louise DOLWALD-BECK, « The Legal Validity of Military Intervention by Invitation of the Government », British Yearbook of International Law, 1986, p. 189 et s.; Robert KOLB, Ius contra bellum, op.cit., p. 324 et s.; Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op.cit., p. 407 et s.; Christine GRAY, International Law and The Use of Force, 3rd ed., Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 67 et s; Théodore CHRISTAKIS et Karine BANNELIER, « Volenti non fit injuria? Les effets du consentement à l’intervention militaire », Annuaire français de droit international, 2004, p. 102 et s.

55 L’article 4 du règlement intérieur de la Conférence qui définit ses pouvoirs et attributions dispose : « 1. La conférence : e) décide de l'intervention dans un Etat membre dans des circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité ; f) décide de l'intervention dans tout Etat membre, à sa demande, pour rétablir la paix et la sécurité ; », UA, Règlements intérieurs de la Conférence de l’Union et du Conseil exécutif, Statuts de la Commission et règlements intérieurs du Comité des représentants permanents, adoptés par la première session ordinaire de la Conférence tenue en juillet 2002 à Durban (Afrique du Sud), et amendés par la huitième session ordinaire de la Conférence tenue en janvier 2007, à Addis-Abeba (Ethiopie).

56 L’article 7 du Protocole relatif à la création du Conseil de paix dispose sur les pouvoirs du Conseil de paix et de sécurité ce qui suit : « 1. Conjointement avec le Président de la Commission, le Conseil de paix et de sécurité : (…) (e). recommande à la Conférence, conformément à l’article 4 ( h) de l’Acte Constitutif l'intervention au nom de l’Union dans un Etat membre dans certaines circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité, tels que définis dans les conventions et instruments internationaux pertinents », ; (f). approuve les modalités d’intervention de l’Union dans un Etat membre, suite à une décision de la Conférence conformément à l'article 4(j) de l'Acte constitutif ; (….) », UA, Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité, adoptée par la première session ordinaire de la Conférence de l’Union africaine, Durban (Afrique du Sud), 9 juillet 2002.

57 UA, Acte constitutif, article 4 (j) qui dispose d’un droit des États membres de solliciter l’intervention de l’Union pour restaurer la paix et la sécurité.

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17 Force africaine prépositionnée.58 Dès lors se pose un problème de compatibilité de l’article 4 (h) avec le droit de la Charte des Nations Unies.

Quel sens attribuer alors à cette omission de l’obligation de requérir l’autorisation préalable du Conseil de sécurité tel que prescrit par l’article 53 de la Charte?

Les opinions sont très partagées sur la question. Une grande majorité doctrinale réfute toute supposition selon laquelle l’article 4 (h) viserait à ériger un système autonome africain de recours à la force et défend l’idée d’une interprétation conforme avec le droit de la Charte. Les tenants de ce courant estiment par conséquent que même en l’absence d’une disposition expresse, le droit d’intervention institué par l’article 4 (h) serait subordonné au droit de la Charte.59 Certains autres auteurs considèrent la disposition comme l’expression d’une remise en cause par les Etats africains du cadre légal actuel de réglementation du recours à la force, défini par la Charte des Nations Unies.60 Contrairement à la tendance dominante, l’hypothèse qui soutient la présente réflexion s’inscrit dans une toute autre vision.

B- Hypothèse de travail

Au regard de la problématique ci-dessus exposée, cette étude soutient l’hypothèse selon laquelle, l’Afrique (l’Union africaine et les Organisations sous-régionales – principalement la CEDEAO -) semble défendre une lecture particulière de l’article 53 et de leur rôle en matière de recours à la

58 UA, Protocole relatif à la création du CPS, article 13.

59 Voir principalement Robert KOLB, « article 53 », op. cit., pp.1421-1423 ; Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre. L’interdiction du recours à la force en droit international contemporain, Paris, Pedone, 2008, pp.524-530 ; Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », op. cit., pp. 289-296.

60 Jean ALLAIN, « The True Challenge to the United Nations System of the Use of Force: The Failures of Kosovo

and Iraq and the Emergence of the African Union », Max Planck Yearbook of United Nations, vol.8, 2004, pp. 287- 288. L’auteur note qu’en adoptant une telle disposition, les États africains n’ont pas seulement voulu remettre en cause la responsabilité primaire du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité mais ils se sont également attribués un droit de recours à la force propre, en dehors du cadre normatif définit par la Charte; Abdulqawi Yusuf quant à lui évoque un changement de paradigme en ce qui concerne le recours à la force par les organisations régionales dans le cadre du droit de la Charte. Voir Abdulqawi A. YUSUF, « The Right of Intervention by the African Union: A New Paradigm in Regional Enforcement Action? », op. cit., pp. 20-21.

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